Quand on étudie le Coran dans son texte originel arabe, il faut d'abord comprendre le sens que ce terme possède en langue arabe.
Or certains mots présents dans le texte du Coran sont dits : "غريب", pour : "rare d'utilisation". C'est ce qu'on appelle : "غريب القرآن" : "les mots rares d'utilisation, présents dans le texte du Coran".
Il faut alors chercher à découvrir leur sens.
Pour nous qui ne sommes pas des gens qui sont extrêmement versés dans la langue arabe, cela est très avéré.
Même pour certains Arabes de l'époque, cela était vrai, cependant à un degré bien moindre que le nôtre.
Ainsi, le terme "أبّ", présent dans ce passage : "فَلْيَنظُرِ الْإِنسَانُ إِلَى طَعَامِهِ أَنَّا صَبَبْنَا الْمَاء صَبًّا ثُمَّ شَقَقْنَا الْأَرْضَ شَقًّا فَأَنبَتْنَا فِيهَا حَبًّا وَعِنَبًا وَقَضْبًا وَزَيْتُونًا وَنَخْلًا وَحَدَائِقَ غُلْبًا وَفَاكِهَةً وَأَبًّا مَّتَاعًا لَّكُمْ وَلِأَنْعَامِكُمْ" (Coran 80/24-32), Omar ibn ul-Khattâb (que Dieu l'agrée) lui-même s'était demandé quel en était le sens [avant de dire qu'il ne devait pas exagérer, et qu'il se suffisait donc de son sens global] (Fat'h ul-bârî 13/332). En fait chacun peut comprendre qu'il s'agit d'un végétal, mais quel en était le sens véritable et détaillé, c'est ce que Omar s'était demandé (Tafsîr Ibn Kathîr). Il est possible que ce soit un mot d'origine non-arabe, et c'est pourquoi son sens n'était pas évident pour lui (Fat'h ul-bârî 13/333).
Voilà pour la détermination du Ma'nâ : le Sens que le terme a en langue arabe.
Au-delà de ce sens littéral du terme, il faut également chercher à déterminer ce que Dieu a voulu signifier, Murâd, par ce terme dans ce verset...
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I) Un exemple très simple avec le verset : "إِنَّا أَنزَلْنَاهُ فِي لَيْلَةِ الْقَدْرِ" : "Nous l'avons fait descendre pendant la nuit d'al-Qadr" (Coran 97/1) :
--- le sens littéral (al-Ma'nâ al-lughawî) du pronom "ه" est évident : c'est "le" ;
--- mais qu'est-ce que Dieu a désigné ici par ce "le" ? En d'autres termes : qu'est-ce qui est signifié ici par ce "le" ? quel est son Murâd ? Réponse : il s'agit du Coran : c'est le Coran dont Dieu dit ici qu'Il l'a fait descendre pendant la nuit d'al-Qadr.
Ensuite, que désigne "la nuit d'al-Qadr" : quel est le sens littéral de "qadr" ? Et quelle est la nuit désignée ici par ce nom ? Pourquoi a-t-elle été nommée ainsi ? Nous y reviendrons plus bas...
Voilà la différence entre :
--- connaître le sens (Ma'nâ) que les termes d'un verset donné ont en langue arabe ;
--- rechercher ce qui est désigné (Murâd) par ces termes dans ce verset précis.
Cette distinction entre ces deux étapes rejoint (du moins d'après l'une de ses interprétations) la distinction opérée par certains ulémas entre "faire le tafsîr" et "faire la ta'wîl" du texte du Coran : selon eux :
--- le "Tafsîr" consiste à exposer le sens littéral du terme qui est présent dans le texte coranique,
--- et la "Ta'wîl" revient à exposer ce que ce terme désigne dans cette phrase du texte coranique :
"وقال أبو طالب التغلبي: التفسير بيان وضع اللفظ، إما حقيقة، أو مجازا؛ كتفسير الصراط بالطريق، والصيب بالمطر. والتأويل تفسير باطن اللفظ، مأخوذ من الأول وهو الرجوع لعاقبة الأمر. فالتأويل إخبار عن حقيقة المراد، والتفسير إخبار عن دليل المراد، لأن اللفظ يكشف عن المراد، والكاشف دليل. مثاله قوله تعالى: {إن ربك لبالمرصاد}: تفسيره أنه من الرصد، يقال رصدته رقبته، والمرصاد مفعال منه؛ وتأويله التحذير من التهاون بأمر الله والغفلة عن الأهبة والاستعداد للعرض عليه؛، وقواطع الأدلة تقتضي بيان المراد منه على خلاف وضع اللفظ في اللغة" (Al-Itqân, p. 1190). (Précisons juste, quant à ce verset, que al-Baghawî en a pour sa part fait le "tafsîr" et la "ta'wîl" qui suivent : "إن ربك لبالمرصاد}، قال ابن عباس: يعني بحيث يرى ويسمع ويبصر ما تقول وتفعل وتهجس به العباد. قال الكلبي: عليه طريق العباد لا يفوته أحد. قال مقاتل: ممر الناس عليه؛ والمرصاد والمرصد: الطريق. وقيل: مرجع الخلق إلى حكمه وأمره وإليه مصيرهم. وقال الحسن وعكرمة: يرصد أعمال بني آدم. والمعنى: أنه لا يفوته شيء من أعمال العباد كما لا يفوت من هو بالمرصاد. وقال السدي: أرصد الله النار على طريقهم حتى يهلكهم" : Tafsîr ul-Baghawî.)
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II) D'autres fois on a affaire à une particularisation par rapport au sens du terme : le Murâd de ce terme dans ce verset est plus particulier que le Ma'nâ que ce terme a en arabe :
Ainsi, dans la langue arabe, le terme "laghw" a pour sens littéral (Ma'nâ) : "futilité" : "اللغو من الكلام: ما لا يعتد به؛ وهو الذي يورد لا عن روية وفكر، فيجري مجرى اللغا، وهو صوت العصافير ونحوها من الطيور" (Muf'radât ur-Râghib) ; ensuite cela s'est mis à désigner aussi : "la parole mauvaise" : "وقد يسمى كل كلام قبيح لغوا" (Ibid.).
Mais dans ce verset (qui appartient à tout un passage, tout un "bloc" évoquant les qualités des Bons Serviteurs de Dieu), lorsque Dieu dit des Croyants : "وَإِذَا مَرُّوا بِاللَّغْوِ مَرُّوا كِرَامًا" : "Et lorsqu'ils passent près du laghw, ils passent en étant kirâm" (Coran 25/72), que désigne-t-Il par ce terme "laghw" : quel est Son Murâd par ce terme ?
Ibn ul-Jawzî a recensé les 5 commentaires suivants : "le Shirk" / "le dénigrement de l'islam fait par des ennemis de celui-ci" / "le péché" / "la parole fausse" / "la parole vulgaire" : "وفي المراد باللغو ها هنا خمسة أقوال: أحدها: المعاصي، قاله الحسن. والثاني: أذى المشركين إياهم، قاله مجاهد. والثالث: الباطل، قاله قتادة. والرابع: الشرك، قاله الضحاك. والخامس: إذا ذكروا النكاح كنوا عنه، قاله مجاهد؛ وقال محمد بن علي: إذا ذكروا الفروج كنوا عنها" (Zâd ul-massîr).
At-Tabarî a pour sa part relaté plusieurs commentaires de ce genre, puis a dit préférer garder le Murâd de ce terme : général, correspondant à son Ma'nâ Lughawî ("ce qui est déconsidéré") et englobant tout cela : "وأولى الأقوال في ذلك بالصواب عندي أن يقال: إن الله أخبر عن هؤلاء المؤمنين الذين مدحهم بأنهم {إذا مروا باللغو مروا كراما}، واللغو في كلام العرب هو كل كلام أو فعل باطل لا حقيقة له ولا أصل، أو ما يستقبح، وكل ما يدخل في معنى اللغو. فلا وجه، إذ كان كل ذلك يلزمه اسم اللغو، أن يقال عني به بعض ذلك دون بعض" (Tafsîr ut-Tabarî).
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Dans le même passage, il y a le terme "kirâm" "وَإِذَا مَرُّوا بِاللَّغْوِ مَرُّوا كِرَامًا" : "Et lorsqu'ils passent près du laghw, ils passent en étant kirâm" :
--- son Ma'nâ lughawî, son Sens en langue arabe est : "bons" / "nobles" ;
--- mais ici, qu'est-ce ce terme désigne-t-il, quel est son Murâd ?
Ibn ul-Jawzî a recensé 3 commentaires à ce sujet : "demeurant calmes" / "s'en détournant" / passant leur chemin" : "قوله تعالى: {مروا كراما} فيه ثلاثة أقوال: أحدها: "مروا حلماء"، قاله ابن السائب. والثاني: "مروا معرضين عنه"، قاله مقاتل. والثالث: أن المعنى: "إذا مروا باللغو جاوزوه"، قاله الفراء" (Zâd ul-massîr).
Vu que la première source de référence pour commenter le Coran est le Coran lui-même, on peut mettre en parallèle ce verset 25/72 avec le verset 23/3, lequel évoque lui aussi des Qualités des Croyants : "وَالَّذِينَ هُمْ عَنِ اللَّغْوِ مُعْرِضُونَ" : "Et ceux qui, par rapport au laghw, s'en détournent" (Coran 23/3) ; c'est la source du second avis recensé par Ibn ul-Jawzî : "s'en détournant".
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Un autre exemple de particularisation : Dieu a dit : "لاَ تَحْسَبَنَّ الَّذِينَ يَفْرَحُونَ بِمَا أَتَواْ وَّيُحِبُّونَ أَن يُحْمَدُواْ بِمَا لَمْ يَفْعَلُواْ فَلاَ تَحْسَبَنَّهُمْ بِمَفَازَةٍ مِّنَ الْعَذَابِ وَلَهُمْ عَذَابٌ أَلِيمٌ" : "Ne pense surtout pas ceux qui sont contents de ce qu'ils ont fait, et aiment qu'on fasse leurs éloges pour ce qu'ils n'ont pas fait, ne les pense donc surtout pas être à l'abri du châtiment. Et ils auront un châtiment douloureux" (Coran 3/188).
Ici, "être contents de ce qu'on a fait" et "aimer qu'on fasse nos éloges pour ce qu'on n'a pas fait", a le sens littéral (Ma'nâ-hu al-lughawî) que l'on voit bien.
A Marwân ibn ul-Hakam qui envoya Râfi' auprès de Ibn Abbâs, lui exprimer son étonnement quant à ce que ce verset dit selon ce sens littéral : "لئن كان كل امرئ فرح بما أوتي، وأحب أن يحمد بما لم يفعل معذبا، لنعذبن أجمعون" : "Si tout homme qui est content de ce qu'il a reçu et aime qu'on fasse ses éloges pour ce qu'il n'a pas fait va être châtié, nous serons tous châtiés !", Ibn Abbâs exposa la signification véritable de ce verset : tout s'expliquait en fait par rapport à la cause de révélation du verset, à l'époque du Prophète (sur lui soit la paix) : ce dernier avait demandé un renseignement à un groupe de Gens du Livre (de Médine). Ces personnes lui dissimulèrent la vérité et lui dirent autre chose. Et elles furent ensuite contentes de ce qu'elles avaient fait là.
Le Murâd de ce verset, ce que cela désigne, est ainsi plus particulier que son sens littéral, pour sa part général et absolu : le Murâd est le fait d'être contents d'avoir dissimulé la vérité, et le fait, en plus, d'aimer qu'on reçoive des éloges pour ce qui revient à ne pas avoir répondu correctement à la question posée ; voilà ce qui est visé par le fait de ne pas être à l'abri du châtiment ici évoqué.
Ibn Abbâs souligna ensuite que le verset qui précède parle explicitement de Gens du Livre, avec lesquels Dieu avait pris le pacte qu'ils diraient aux hommes le contenu de ce qui est écrit et ne le dissimuleraient pas. Ibn Abbâs voulait dire qu'il faut analyser le verset sans le couper du passage dans lequel il s'intègre.
Voici donc tout ce passage : "وَإِذَ أَخَذَ اللّهُ مِيثَاقَ الَّذِينَ أُوتُواْ الْكِتَابَ لَتُبَيِّنُنَّهُ لِلنَّاسِ وَلاَ تَكْتُمُونَهُ فَنَبَذُوهُ وَرَاء ظُهُورِهِمْ وَاشْتَرَوْاْ بِهِ ثَمَناً قَلِيلاً فَبِئْسَ مَا يَشْتَرُونَ. لاَ تَحْسَبَنَّ الَّذِينَ يَفْرَحُونَ بِمَا أَتَواْ وَّيُحِبُّونَ أَن يُحْمَدُواْ بِمَا لَمْ يَفْعَلُواْ فَلاَ تَحْسَبَنَّهُمْ بِمَفَازَةٍ مِّنَ الْعَذَابِ وَلَهُمْ عَذَابٌ أَلِيمٌ" (Coran 3/187-188).
Et voici la relation de cet échange entre Marwân et Ibn Abbâs : "عن علقمة بن وقاص، أن مروان قال لبوابه: اذهب يا رافع إلى ابن عباس، فقل: "لئن كان كل امرئ فرح بما أوتي وأحب أن يحمد بما لم يفعل معذبا، لنعذبن أجمعون!" فقال ابن عباس: "وما لكم ولهذه! إنما دعا النبي صلى الله عليه وسلم يهود فسألهم عن شيء فكتموه إياه، وأخبروه بغيره ، فأروه أن قد استحمدوا إليه، بما أخبروه عنه فيما سألهم، وفرحوا بما أوتوا من كتمانهم". ثم قرأ ابن عباس: {وإذ أخذ الله ميثاق الذين أوتوا الكتاب} كذلك حتى قوله: {يفرحون بما أتوا ويحبون أن يحمدوا بما لم يفعلوا}" (al-Bukhârî, 4292).
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Un autre exemple encore : "يَا أَيُّهَا الَّذِينَ آمَنُواْ اتَّقُواْ اللّهَ حَقَّ تُقَاتِهِ وَلاَ تَمُوتُنَّ إِلاَّ وَأَنتُم مُّسْلِمُونَ وَاعْتَصِمُواْ بِحَبْلِ اللّهِ جَمِيعًا وَلاَ تَفَرَّقُواْ وَاذْكُرُواْ نِعْمَةَ اللّهِ عَلَيْكُمْ إِذْ كُنتُمْ أَعْدَاء فَأَلَّفَ بَيْنَ قُلُوبِكُمْ فَأَصْبَحْتُم بِنِعْمَتِهِ إِخْوَانًا وَكُنتُمْ عَلَىَ شَفَا حُفْرَةٍ مِّنَ النَّارِ فَأَنقَذَكُم مِّنْهَا كَذَلِكَ يُبَيِّنُ اللّهُ لَكُمْ آيَاتِهِ لَعَلَّكُمْ تَهْتَدُونَ وَلْتَكُن مِّنكُمْ أُمَّةٌ يَدْعُونَ إِلَى الْخَيْرِ وَيَأْمُرُونَ بِالْمَعْرُوفِ وَيَنْهَوْنَ عَنِ الْمُنكَرِ وَأُوْلَئِكَ هُمُ الْمُفْلِحُونَ وَلاَ تَكُونُواْ كَالَّذِينَ تَفَرَّقُواْ وَاخْتَلَفُواْ مِن بَعْدِ مَا جَاءهُمُ الْبَيِّنَاتُ وَأُوْلَئِكَ لَهُمْ عَذَابٌ عَظِيمٌ يَوْمَ تَبْيَضُّ وُجُوهٌ وَتَسْوَدُّ وُجُوهٌ فَأَمَّا الَّذِينَ اسْوَدَّتْ وُجُوهُهُمْ أَكْفَرْتُم بَعْدَ إِيمَانِكُمْ فَذُوقُواْ الْعَذَابَ بِمَا كُنْتُمْ تَكْفُرُونَ وَأَمَّا الَّذِينَ ابْيَضَّتْ وُجُوهُهُمْ فَفِي رَحْمَةِ اللّهِ هُمْ فِيهَا خَالِدُونَ" (Coran 3/102-107). Un des morceaux de ce passage se lit ainsi : "Et cramponnez-vous tous au câble de Dieu, et ne vous divisez pas ; et remémorez-vous le bienfait de Dieu (qui est) sur vous lorsque vous étiez ennemis, puis Il a relié vos coeurs, et vous êtes alors devenus par Son bienfait frères ; et vous étiez sur le bord d'un trou du Feu, puis Il vous en a sauvés" (Coran 3/103). Un autre : "Et ne soyez pas comme ceux qui se sont divisés et ont divergé après que les preuves claires leur soient venues ; à eux un châtiment énorme" (Coran 3/105).
"Ne pas diverger", dit ce passage. La littéralité de ces mots a poussé certaines personnes à les appréhender de façon zâhirî et de dire que ce passage interdit toute divergence ("par rapport à ce que nous, nous décidons", précisent-elles). Du coup, dans "se cramponner au câble de Dieu", "le câble de Dieu" en devient interprété par : "ce que notre groupement a dit".
Or ce n'est pas le Murâd de ce passage, lequel, de façon particulière, parle en fait de "diverger par rapport à Asl ul-îmân", ou "par rapport à l'orthodoxie".
Al-Qurtubî écrit ainsi : "قوله تعالى: {ولا تفرقوا} يعني في دينكم كما افترقت اليهود والنصارى في أديانهم، عن ابن مسعود وغيره. ويجوز أن يكون معناه: ولا تفرقوا متابعين للهوى والأغراض المختلفة، وكونوا في دين الله إخوانا، فيكون ذلك منعا لهم عن التقاطع والتدابر، ودل عليه ما بعده وهو قوله تعالى: {واذكروا نعمت الله عليكم إذ كنتم أعداء فألف بين قلوبكم فأصبحتم بنعمته إخوانا}. وليس فيه دليل على تحريم الاختلاف في الفروع، فإن ذلك ليس اختلافا، إذ الاختلاف ما يتعذر معه الائتلاف والجمع؛ وأما حكم مسائل الاجتهاد فإن الاختلاف فيها بسبب استخراج الفرائض ودقائق معاني الشرع؛ وما زالت الصحابة يختلفون في أحكام الحوادث، وهم مع ذلك متآلفون. (...) وإنما منع الله اختلافا هو سبب الفساد. روى الترمذي عن أبي هريرة رضي الله عنه أن رسول الله صلى الله عليه وسلم قال: "تفرقت اليهود على إحدى وسبعين فرقة أو اثنتين وسبعين فرقة والنصارى مثل ذلك وتفترق أمتي على ثلاث وسبعين فرقة" (Tafsîr ul-Qurtubî, commentaire de Coran 3/103) ; c'est pourquoi al-Qurtubî évoque, dans les pages suivantes, les Firaq Dhâlla.
Ensuite, en commentaire de Coran 3/105, "وَلاَ تَكُونُواْ كَالَّذِينَ تَفَرَّقُواْ وَاخْتَلَفُواْ مِن بَعْدِ مَا جَاءهُمُ الْبَيِّنَاتُ", al-Qurtubî cite le pendant des deux interprétations précédentes : "يعني: اليهود والنصارى، في قول جمهور المفسرين. وقال بعضهم: هم المبتدعة من هذه الأمة؛ وقال أبو أمامة: هم الحرورية، وتلا الآية" (Tafsîr ul-Qurtubî) ; on retrouve donc bien de nouveau : "diverger par rapport au Dîn ullâh, et en tomber dans le Kufr Akbar", et : "diverger par rapport à l'orthodoxie".
Quant au Murâd de "câble de Dieu", il correspond aux deux commentaires précédents : soit ce qui entraîne Asl ul-îmân ; soit les sources de l'Orthodoxie ; (il y a encore : la sincérité) : "فأما {الحبل}، ففيه ستة أقوال: أحدها: أنه كتاب الله، القرآن. رواه شقيق عن ابن مسعود، وبه قال قتادة والضحاك والسدي. والثاني: أنه الجماعة، رواه الشعبي عن ابن مسعود. والثالث: أنه دين الله، قاله ابن عباس وابن زيد ومقاتل وابن قتيبة؛ وقال ابن زيد: هو الإسلام. والرابع: عهد الله، قاله مجاهد وعطاء وقتادة في رواية وأبو عبيد. (...) والخامس: أنه الإخلاص، قاله أبو العالية. والسادس: أنه أمر الله وطاعته، قاله مقاتل بن حيان. قال الزجاج: وقوله: {جميعا} منصوب على الحال، أي: "كونوا مجتمعين على الاعتصام به" (Zâd ul-massîr).
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III) Vous avez également les allusions du texte coranique (Ta'rîdh) : au-delà du sens immédiat (Ma'nâ Lughawî) qu'ont les termes employés, à quoi et à qui cet ensemble de termes font-ils allusion ? qui est désigné (Murâd) ?
Ainsi, il y a ce célèbre verset : "إِنَّ الَّذِينَ جَاؤُوا بِالْإِفْكِ عُصْبَةٌ مِّنكُمْ لَا تَحْسَبُوهُ شَرًّا لَّكُم بَلْ هُوَ خَيْرٌ لَّكُمْ لِكُلِّ امْرِئٍ مِّنْهُم مَّا اكْتَسَبَ مِنَ الْإِثْمِ وَالَّذِي تَوَلَّى كِبْرَهُ مِنْهُمْ لَهُ عَذَابٌ عَظِيمٌ" : "Ceux qui ont apporté la calomnie sont un groupe parmi vous. Ne considérez pas (cela) comme un mal, c'est au contraire un bien pour vous. A chacun parmi eux reviendra ce qu'il aura acquis du péché. Et celui d'entre eux qui a pris la grande part de (cela), à lui un châtiment énorme" (Coran 24/11).
A quoi et à qui fait-il allusion ? Qu'est-ce qui est désigné (Murâd) par "la calomnie" ici ? Qui sont ce groupe ayant "apporté" cette calomnie ? Et qui est "celui qui en a pris la plus grande part" ?
Il s'agit d'une calomnie particulière : celle commise contre Aïcha (que Dieu l'agrée) en l'an 5 de l'hégire.
Et "celui qui en a pris la plus grande part" est Abdullâh ibn Ubayy Ibn Salûl.
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Vous avez encore le fait que, dans un verset précis, l'article défini "les" précédant un nom pluriel, est un article du type "'ahdiyya", et il s'agit donc d'un groupe particulier seulement de ceux que ce nom désigne, et pas de leur intégralité. Ainsi en est-il de ce verset : "الَّذِينَ قَالَ لَهُمُ النَّاسُ إِنَّ النَّاسَ قَدْ جَمَعُواْ لَكُمْ فَاخْشَوْهُمْ فَزَادَهُمْ إِيمَاناً وَقَالُواْ حَسْبُنَا اللّهُ وَنِعْمَ الْوَكِيلُ" : "Ceux à qui les hommes ont dit : "Les hommes se sont rassemblés pour vous [combattre], craignez-les donc." (Ceci) les a augmentés en foi, et ils ont dit : "Dieu nous suffit. Et quel bon Garant !"" (Coran 3/173).
Commentant ce verset 3/173, Ibn Taymiyya écrit : "La généralité est ici impossible. Car celui qui a dit [cela] fait (lui-même) partie des hommes. Ceux à qui cela a été dit font (eux aussi) partie des hommes. Et ceux au sujet de qui ce propos a été dit fait (lui aussi) partie des hommes. Il est donc impossible que tous les hommes aient dit à tous les hommes : "Tous les hommes se sont rassemblés contre vous"" (Al-Jawâb us-sahîh 2/48).
Il faut donc traduire le verset ainsi : "Ceux à qui des hommes ont dit : "Des hommes se sont rassemblés pour vous [combattre], craignez-les donc." (Ceci) les a augmentés en foi, et ils ont dit : "Dieu nous suffit. Et quel bon Garant !"" (Coran 3/173).
Ensuite, à quoi et à qui ce verset fait-il allusion ? qui sont donc Murâd ici ?
Le passage parle des Compagnons du Prophète qui, après avoir subi la défaite à Uhud, se sont de nouveau mobilisés lorsqu'une personne est venue leur dire que les Quraysh s'étaient de nouveau préparés à les combattre (soit à Hamra' ul-assad, soit à Badr une seconde fois).
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Voici le texte d'une courte sourate très connue : "إِذَا جَاء نَصْرُ اللَّهِ وَالْفَتْحُ وَرَأَيْتَ النَّاسَ يَدْخُلُونَ فِي دِينِ اللَّهِ أَفْوَاجًا فَسَبِّحْ بِحَمْدِ رَبِّكَ وَاسْتَغْفِرْهُ إِنَّهُ كَانَ تَوَّابًا" : "Lorsque vient l'aide de Dieu et la victoire, et que tu vois les hommes entrer par groupes entiers dans le Dîn de Dieu, alors proclame la Pureté de ton Seigneur avec Sa Louange, et demande-Lui Pardon, il est Pardonnant" (Coran 110/1-3).
Le sens, Ma'nâ, de "l'aide de Dieu et la victoire" est connu, et il est général.
Mais en fait, cela désigne quelque chose de particulier, à quoi le passage fait allusion (Ta'rîdh) : il s'agit de la victoire contre les Quraysh en l'an 8 de l'hégire, avec la conquête de la cité de La Mecque, où se trouvait la Maison de Dieu ; cette conquête de la Ville Sacrée, avec cette victoire sur les Gardiens de la Kaaba (les Quraysh), eut, comme l'a relaté 'Amr ibn Salima, un retentissement chez tous les Arabes, lesquels embrassèrent alors l'islam par groupes entiers : "وكانت العرب تلوم بإسلامهم الفتح، فيقولون: "اتركوه وقومه، فإنه إن ظهر عليهم فهو نبي صادق". فلما كانت وقعة أهل الفتح، بادر كل قوم بإسلامهم، وبدر أبي قومي بإسلامهم. فلما قدم قال: "جئتكم والله من عند النبي صلى الله عليه وسلم حقا. فقال: "صلوا صلاة كذا في حين كذا، وصلوا صلاة كذا في حين كذا، فإذا حضرت الصلاة فليؤذن أحدكم، وليؤمكم أكثركم قرآنام" : "Les Arabes (n'ayant pas encore accepté l'islam) attendaient l'issue pour adhérer à l'islam. Ils disaient : "Laissez-les, lui [Muhammad] et sa tribu [les Quraysh, de la Mecque] : s'il remporte la victoire sur eux, c'est un prophète véridique." Alors, lorsque eut lieu l'événement de la victoire de La Mecque, chaque tribu s'empressa d'embrasser l'islam. Et mon père devança sa tribu dans leur conversion à l'islam. Lorsqu'il revint, il dit : "Par Dieu, je reviens d'auprès de celui qui est vraiment le Messager de Dieu…" (al-Bukhârî, 4051).
Certains Compagnons avaient compris le propos de la sourate 110 de façon générale, mais Ibn Abbâs exposa sa signification particulière, ce que Omar ibn ul-Khattâb (que Dieu les agrée tous) approuva : "عن ابن عباس رضي الله عنهما، قال: كان عمر يدخلني مع أشياخ بدر، فقال بعضهم: "لم تدخل هذا الفتى معنا ولنا أبناء مثله؟" فقال: "إنه ممن قد علمتم". قال: فدعاهم ذات يوم ودعاني معهم، قال: وما رئيته دعاني يومئذ إلا ليريهم مني، فقال: "ما تقولون في {إذا جاء نصر الله والفتح ورأيت الناس يدخلون في دين الله أفواجا} حتى ختم السورة؟ فقال بعضهم: "أمرنا أن نحمد الله ونستغفره إذا نصرنا وفتح علينا"، وقال بعضهم: "لا ندري"، أو لم يقل بعضهم شيئا. فقال لي: "يا ابن عباس، أكذاك تقول؟" قلت: "لا"، قال: "فما تقول؟" قلت: "هو أجل رسول الله صلى الله عليه وسلم أعلمه الله له: {إذا جاء نصر الله والفتح} فتح مكة، فذاك علامة أجلك، {فسبح بحمد ربك واستغفره إنه كان توابا}". قال عمر: "ما أعلم منها إلا ما تعلم" (al-Bukhârî, 4043).
La signification correcte de cette sourate 110 est donc : "Lorsque vient l'aide de Dieu et la victoire [sur la cité de La Mecque] et que [suite à cette conquête de la Cité Sacrée] tu vois les hommes entrer par groupes entiers dans le Dîn de Dieu, alors [sache que ta mission est accomplie et que ton retour est proche, aussi] proclame la Pureté de ton Seigneur avec Sa Louange, et demande-Lui Pardon, il est Pardonnant" (Coran 110/1-3)
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Dieu dit : "فَإِذَا انسَلَخَ الأَشْهُرُ الْحُرُمُ فَاقْتُلُواْ الْمُشْرِكِينَ حَيْثُ وَجَدتُّمُوهُمْ وَخُذُوهُمْ وَاحْصُرُوهُمْ وَاقْعُدُواْ لَهُمْ كُلَّ مَرْصَدٍ فَإِن تَابُواْ وَأَقَامُواْ الصَّلاَةَ وَآتَوُاْ الزَّكَاةَ فَخَلُّواْ سَبِيلَهُمْ إِنَّ اللّهَ غَفُورٌ رَّحِيمٌ" : "Puis, quand les mois du délai se seront écoulés, tuez les Polythéistes là où vous les trouverez ; capturez-les, assiégez-les et guettez-les dans toute embuscade" (Coran 9/5).
Le sens littéral de "les Polythéistes" est connu.
Cependant, ce qui est désigné ici par ce terme est : les Polythéistes de la Péninsule arabique (ou du Hedjaz).
Ce verset fait allusion à un moment de l'histoire : à partir du 10 rabi' ul-âkhir de l'an 10 de l'hégire, les Polythéistes ne furent plus acceptés sur la terre de la Péninsule arabique (ou, d'après un autre avis : sur la terre du Hedjaz). Cependant, il s'agissait non pas les convertir à l'islam par menace de mort, mais de les faire quitter la Péninsule arabique (ou le Hedjaz) pour s'installer ailleurs (même si cet ailleurs allait lui aussi devenir plus tard Dâr ul-islâm) : Ibn Abbâs relate que, le dernier jeudi de sa vie terrestre [donc : en rabi' ul-awwal de l'an 11], le Prophète (sur lui soit la paix) a dit : "أَخْرِجُوا المشركين من جزيرة العرب" : "Faites quitter les Polythéistes la Péninsule arabique" (al-Bukhârî, 2888, Muslim, 1637). D'ailleurs, souligne Faysal al-Mawlawî, une lecture attentive du verset 9/5 montre que celui-ci non plus ne disait pas qu'il faut absolument tuer les Polythéistes [de la Péninsule], puisqu'il évoque la possibilité qu'ils soient faits prisonniers : "capturez-les, assiégez-les et guettez-les dans toute embuscade" (Coran 9/5). Voyez, dit al-Mawlawî : il est bien dit qu'ils peuvent être faits prisonniers. Or, des prisonniers peuvent être relâchés [comme le dit le verset 47/4] (Al-Ussus ush-shar'iyya li-l-'alâqât bayn al-muslimîn wa ghayr il-muslimîn, pp. 48-50). Cependant, il fallait alors conduire ces prisonniers polythéistes hors de la Péninsule arabique (ou hors du Hedjaz) pour les relâcher là-bas.
Toutes les preuves de ce qui vient d'être dit figurent ici :
- Les versets demandant de tuer les polythéistes (sourate 9) : ne pas considérer ces versets hors de leur contexte ! (Commentaire de Coran 9/1-5) ;
- Le Prophète (sur lui soit la paix) a-t-il dit qu'il lui a été demandé de combattre les hommes jusqu'à ce qu'ils se convertissent à l'islam ? ;
- Pourquoi les shafi'ites ont-ils dit qu'il s'agissait de faire sortir les non-musulmans du Hedjaz seulement, et non pas du reste de la Péninsule arabique, alors que le terme présent dans la Sunna est clair et explicite : "Jazîrat ul-'arab" ?.
Par ailleurs, ce hukm n'a été institué (et n'est toujours applicable) que lors d'une situation précise dans le réel (de l'Arabie / du Hedjaz) :
- Réflexions sur différents moments de la mission du Prophète (مراحل السيرة) ;
- Comprendre les différences de situations dans lesquelles se trouvent différentes communautés musulmanes (النَسْء - فقه الأحوال التي تعيشها كل جالية مسلمة) ;
- Quand c'est par rapport à un contexte précis que la mafsada de l'action domine sa maslaha (النَسْء - فقه الأحوال التي تعيشها كل جالية مسلمة).
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IV) Vous avez encore des termes qui, en langue arabe, ont plusieurs sens littéraux, ou plutôt plusieurs intensités dans ce sens littéral, Ma'nâ. Or, laquelle de ces intensités est-elle Murâd dans tel verset du Coran ?
On le voit avec le "Zulm" (ou : "Dhulm"), qui signifie : "Injustice".
Dans ce verset : "الَّذِينَ آمَنُواْ وَلَمْ يَلْبِسُواْ إِيمَانَهُم بِظُلْمٍ أُوْلَئِكَ لَهُمُ الأَمْنُ وَهُم مُّهْتَدُونَ" : "Ceux qui ont apporté foi et n'ont mêlé leur foi à aucune injustice, eux auront la sécurité, et eux sont bien guidés" (Coran 6/81-82), le terme "injustice" désigne le Shirk : "عن عبد الله رضي الله عنه، قال: لما نزلت {الذين آمنوا ولم يلبسوا} إيمانهم بظلم، قلنا: يا رسول الله، أينا لا يظلم نفسه؟ قال: "ليس كما تقولون! {لم يلبسوا إيمانهم بظلم}: بشرك. أولم تسمعوا إلى قول لقمان لابنه: {يا بني لا تشرك بالله إن الشرك لظلم عظيم" (al-Bukhârî, 3181, etc.). Le verset veut dire que ceux qui n'ont mêlé aucun Shirk à leur croyance en Dieu, eux seront en sécurité auprès de Dieu.
Par contre, ce n'est pas le Murâd du même mot dans ce propos du prophète-roi David (sur lui soit la paix), rendant comme jugement que : "لَقَدْ ظَلَمَكَ بِسُؤَالِ نَعْجَتِكَ إِلَى نِعَاجِهِ" : "Il a été certes injuste envers toi en demandant de joindre ta brebis aux siennes", ce jugement étant valable pour ce que lui-même avait fait. Ibn ul-'Arabî écrit que "l'injustice" de ce prophète-roi a seulement été : "une action pas appréciée" ; le fait est que le terme arabe "zulm" ne désigne pas forcément une action interdite (muharram), mais a le sens, beaucoup plus vaste, d'"action déplacée" : --- soit que cette action est déplacée parce que strictement interdite ("muharram"), --- soit qu'elle est déconseillée [et constitue alors un petit péché] ("mak'rûh shar'an"), --- soit qu'elle est une action "pas élégante" dans l'usage ("mak'rûh 'âdatan") : "الظلم: وضع الشيء في غير موضعه. وقد يكون محرما؛ وقد يكون مكروها شرعا؛ وقد يكون مكروها عادة" (Ahkâm ul-qur'ân 4/50).
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Un autre exemple : le terme "fassâd" a pour sens : "mal".
Et, dans de nombreux versets, il désigne effectivement le mal en général : "الَّذِينَ طَغَوْا فِي الْبِلَادِ فَأَكْثَرُوا فِيهَا الْفَسَادَ" (Coran 89/11-12) et ici : "وَاللّهُ لاَ يُحِبُّ الفَسَادَ" (Coran 2/205).
Alors que dans cet autre verset, il désigne un mal particulier seulement, vu que le passage parle de l'entreprise terroriste : "الَّذِينَ يُحَارِبُونَ اللّهَ وَرَسُولَهُ وَيَسْعَوْنَ فِي الأَرْضِ فَسَادًا" (Coran 5/33) (c'est d'après ash-Shâfi'î, de nombreux Hanbalites, un des deux avis relatés de Mâlik, al-Layth et al-Awzâ'ï, que ce verset s'applique à eux sans considération du lieu où cela se produit : le désert ou la cité).
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Un autre exemple encore : Le verset qui fait allusion aux dhimmîs dit d'eux qu'"... ils donnent la jizya de main ("'an yadin") alors qu'ils sont soumis ("wa hum sâghirûn")" : "حَتَّى يُعْطُواْ الْجِزْيَةَ عَن يَدٍ وَهُمْ صَاغِرُونَ" (Coran 9/29).
Ces deux groupes de mots que j'ai retranscrits ici entre parenthèses ont pour sens littéral, Ma'nâ : "de main", et : "alors qu'ils sont soumis" respectivement.
Mais que désignent-ils ici ? quel est leur Murâd ?
Ibn ul-Arabî cite pas moins de 15 commentaires. Il ajoute que, parmi ces commentaires, il en est certains qui se recoupent, tandis que d'autres s'opposent complètement l'un à l'autre : "المسألة التاسعة: قوله تعالى {حتى يعطوا الجزية عن يد}: فيه خمسة عشر قولا: الأول: أن يعطيها وهو قائم والآخذ جالس؛ قاله عكرمة. الثاني: يعطونها عن أنفسهم بأيديهم يمشون بها؛ قاله ابن عباس. الثالث: يعني من يده إلى يد آخذه، كما تقول: كلمته فما لفم، ولقيته كفة كفة، وأعطيته يدا عن يد. الرابع: عن قوة منهم. الخامس: عن ظهور. السادس: غير محمودين ولا مدعو لهم. السابع: توجأ عنقه. الثامن: عن ذل. التاسع: عن غنى. العاشر: عن عهد. الحادي عشر: نقدا غير نسيئة. الثاني عشر: اعترافا منهم أن يد المسلمين فوق أيديهم. الثالث عشر: عن قهر. الرابع عشر: عن إنعام بقبولها عليهم. الخامس عشر: مبتدئا غير مكافئ. قال الإمام: هذه الأقوال منها متداخلة، ومنها متنافرة. وترجع إلى معنيين: أحدهما: أن يكون المراد باليد الحقيقة، والآخر أن يكون المراد باليد المجاز؛ فإن كان المراد به الحقيقة فيرجع إلى من قال: "إنه يدفعها بنفسه غير مستنيب في دفعها أحدا"؛ وأما جهة المجاز فيحتمل أن يريد به التعجيل، ويحتمل أن يريد به القوة، ويحتمل أن يريد به المنة والإنعام. وأما قول من قال: "وهو قائم والآخذ جالس"، فليس من قوله {عن يد}، وإنما هو من قوله: {عن يد وهم صاغرون} وهي المسألة العاشرة. وكذلك قوله: "يمشون بها وهم كارهون": من الصغار. وكذلك قول أبي عبيدة: "ولا مقهورين" يعود إلى الصغار واليد. وحقيقة الصغار تقليل الكثير، من الأجسام أو من المعاني، في المراتب والدرجات" (Ahkâm ul-qur'ân).
Cependant, Ibn ul-Qayyim dit du commentaire "عن غنى" que si son contenu est avéré, cela n'est en revanche pas ce que ces mots ont pour Murâd des mots "'an yadin" : "وأبعد كل البعد ولم يصب مراد الله من قال: المعنى: "عن يد منهم"، أي "عن قدرة على أدائها، فلا تؤخذ من عاجز عنها"؛ وهذا الحكم صحيح، وحمل الآية عليه باطل، ولم يفسر به أحد من الصحابة ولا التابعين ولا سلف الأمة وإنما هو من حذاقة بعض المتأخرين" (Ahkâmu ahl idh-dhimma, 1/23).
Ibn ul-Qayyim relate donc pour sa part que les 4 commentaires suivants seulement sont avérés :
- "أي يعطوها أذلاء مقهورين" ;
- "من يد إلى يد نقدا غير نسيئة" ;
- "من يده إلى يد الآخذ لا باعثا بها ولا موكلا في دفعها" ;
- "عن إنعام منكم عليهم بإقراركم لهم وبالقبول منهم" (Ahkâmu ahl idh-dhimma, 1/23). Et il a retenu le premier de ces commentaires.
Ibn ul-Jawzî a pour sa part relaté les 6 commentaires suivants : "وفي قوله تعالى: {عن يد} ستة أقوال: أحدها: عن قهر، قاله قتادة، والسدي؛ وقال الزجاج: عن قهر وذل. والثاني: أنه النقد العاجل، قاله شريك، وعثمان بن مقسم. والثالث: أنه إعطاء المبتدئ بالعطاء، لا إعطاء المكافئ، قاله ابن قتيبة. والرابع: أن المعنى: عن اعتراف للمسلمين بأن أيديهم فوق أيديهم. والخامس: عن إنعام عليهم بذلك، لأن قبول الجزية منهم إنعام عليهم، حكاهما الزجاج. والسادس: يؤدونها بأيديهم، ولا ينفذونها مع رسلهم، ذكره الماوردي" (Zâd ul-massîr).
Quant à "saghâr", que signifie-t-il ?
"Saghâr", son sens littéral, Ma'nâ, est, d'après Ibn ul-Arabî : "وحقيقة الصغار تقليل الكثير من الأجسام أو من المعاني في المراتب والدرجات" (Ahkâm ul-qur'ân).
Quant à ce qui en est Murâd dans ce verset, Ibn ul-Jawzî cite les commentaires suivants : "قوله تعالى: {وهم صاغرون}: الصاغر: الذليل الحقير. وفي ما يكلفونه من الفعل الذي يوجب صغارهم خمسة أقوال: أحدها: أن يمشوا بها ملبيين، رواه أبو صالح عن ابن عباس. والثاني: أن لا يحمدوا على إعطائهم، قاله سلمان الفارسي. والثالث: أن يكونوا قياما والآخذ جالسا، قاله عكرمة. والرابع: أن دفع الجزية هو الصغار. والخامس: أن إجراء أحكام الإسلام عليهم هو الصغار" (Zâd ul-massîr).
Dès lors :
On trouve chez certains ulémas contemporains l'interprétation suivante, de "forte intensité" :
--- d'une part, le collecteur restera assis et le dhimmî debout lorsqu'il s'acquittera de la jizya (أن يكونوا قياما والآخذ جالسا) ;
--- d'autre part, 'an yadin signifie que, par le fait de pouvoir résider en Dâr ul-islâm, une faveur est faite au dhimmî ("عن إنعام منكم عليهم بإقراركم لهم وبالقبول منهم") ; la jizya est dès lors interprétée comme constituant la contrepartie financière dont le dhimmî doit s'acquitter pour le droit qu'on lui a donné de résider en Dâr ul-islâm.
Et on trouve chez certains autres ulémas contemporains une interprétation qu'on peut qualifier de "minimaliste", qui, sans outrepasser les limites du texte et des commentaires existant, n'induit pas la même chose que ce que la première interprétation induit :
--- la soumission du dhimmî dont parle le verset ("wa hum sâghirûn") n'est pas une action particulière qui sera faite au moment où il s'acquitte de la jizya, mais c'est le seul fait qu'il a accepté que celles des lois de l'islam qui s'appliquent à tous les résidents de la terre d'islam s'appliquent à lui aussi ("إن إجراء أحكام الإسلام عليهم هو الصغار") ;
--- quand à 'an yadin, cela désigne le fait qu'il s'en acquitte à l'échéance voulue ("إنه النقد العاجل"). Et c'est l'interprétation de la jizya selon laquelle elle est la contrepartie de la non-participation du dhimmî à la défense du territoire, qui est retenue.
Je suis les ulémas contemporains de la seconde tendance.
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V) Enfin, il arrive que certains mots présents dans le Coran possèdent plusieurs sens dans la langue arabe, (Ma'nâ), et que, cette fois, chacun de ces sens puisse être ce qui est désigné par ce mot dans ce verset (Murâd) :
Ainsi en est-il du terme "qadr" : il possède comme sens, en arabe : la détermination ; la grandeur ; la valeur ; l'étroitesse.
Et chacun de ces sens a été proposé par des commentateurs quant à ce qui est signifié par ce terme dans la Sourate al-Qadr : "إِنَّا أَنزَلْنَاهُ فِي لَيْلَةِ الْقَدْرِ" : "Nous l'avons fait descendre pendant la nuit d'al-Qadr" (Coran 97/1).
Voici par exemple la recension que al-Qurtubî en a faite : "قوله تعالى: {في ليلة القدر} قال مجاهد: في ليلة الحكم. {وما أدراك ما ليلة القدر} قال: ليلة الحكم؛ والمعنى ليلة التقدير، سميت بذلك لأن الله تعالى يقدر فيها ما يشاء من أمره، إلى مثلها من السنة القابلة، من أمر الموت والأجل والرزق وغيره. ويسلمه إلى مدبرات الأمور، وهم أربعة من الملائكة: إسرافيل، وميكائيل، وعزرائيل، وجبريل.عليهم السلام. وعن ابن عباس قال: يكتب من أم الكتاب ما يكون في السنة من رزق ومطر وحياة وموت، حتى الحاج. (...). وقيل: إنما سميت بذلك لعظمها وقدرها وشرفها، من قولهم: لفلان قدر، أي شرف ومنزلة؛ قاله الزهري وغيره. وقيل: سميت بذلك لأن للطاعات فيها قدرا عظيما، وثوابا جزيلا. وقال أبو بكر الوراق: سميت بذلك لأن من لم يكن له قدر ولا خطر يصير في هذه الليلة ذا قدر إذا أحياها. وقيل: سميت بذلك لأنه أنزل فيها كتابا ذا قدر، على رسول ذي قدر، على أمة ذات قدر. وقيل: لأنه ينزل فيها ملائكة ذوو قدر وخطر. وقيل: لأن الله تعالى ينزل فيها الخير والبركة والمغفرة. وقال سهل: سميت بذلك لأن الله تعالى قدر فيها الرحمة على المؤمنين. وقال الخليل: لأن الأرض تضيق فيها بالملائكة، كقوله تعالى: ومن قدر عليه رزقه أي ضيق" (Tafsîr ul-Qurtubî).
Ibn ul-Jawzî a écrit pour sa part ceci : "فأما ليلة القدر ففي تسميتها بذلك خمسة أقوال: أحدها: أن القدر: العظمة، من قولك: لفلان قدر، قاله الزهري. ويشهد له قوله عز وجل: وما قدروا الله حق قدره. والثاني: أنه من الضيق، أي: هي ليلة تضيق فيها الأرض عن الملائكة الذين ينزلون، قاله الخليل بن أحمد، ويشهد له قوله: ومن قدر عليه رزقه. والثالث: أن القدر: الحكم كأن الأشياء يقدر فيها، قاله ابن قتيبة. والرابع: لأن من لم يكن له قدر صار بمراعاتها ذا قدر، قاله أبو بكر الوراق. والخامس: لأنه نزل فيها كتاب ذو قدر، وتنزل فيها رحمة ذات قدر، وملائكة ذوو قدر، حكاه شيخنا علي بن عبيد الله" (Zâd ul-massîr).
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Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).
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