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'Alim ud-dîn et Amîr ul-jamâ'ah sont les deux autorités humaines existant au sein de la Umma (en sus de celle que le Messager de Dieu exerçait de son vivant, et que, par voie d'incidence, la Sunna continue à exercer mais en tant qu'"ensemble de données") :
Dieu dit : "يَا أَيُّهَا الَّذِينَ آمَنُواْ أَطِيعُواْ اللّهَ وَأَطِيعُواْ الرَّسُولَ وَأُوْلِي الأَمْرِ مِنكُمْ؛ فَإِن تَنَازَعْتُمْ فِي شَيْءٍ فَرُدُّوهُ إِلَى اللّهِ وَالرَّسُولِ إِن كُنتُمْ تُؤْمِنُونَ بِاللّهِ وَالْيَوْمِ الآخِرِ؛ ذَلِكَ خَيْرٌ وَأَحْسَنُ تَأْوِيلاً" : "O les croyants, obéissez à Dieu, obéissez à Son Messager, ainsi qu'aux détenteurs de l'autorité parmi vous. Si alors vous divergez au sujet de quelque chose, renvoyez-la à Dieu et à Son Messager, si vous êtes croyants en Dieu et au Jour Dernier. Ceci est mieux et de meilleur devenir" (Coran 4/59).
Qui sont désignés par la formule "أُوْلِي الأَمْرِ مِنكُمْ", "les détenteurs de l'autorité parmi vous", ici évoqués ?
Il y a justement ces deux commentaires :
--- ce sont les ulémas ;
--- ce sont les umarâ'.
"اختلفوا في {وأولي الأمر}، قال ابن عباس وجابر رضي الله عنهم: هم الفقهاء والعلماء الذين يعلمون الناس معالم دينهم، وهو قول الحسن والضحاك ومجاهد (...). وقال أبو هريرة: هم الأمراء والولاة" (Tafsîr ul-Baghawî).
"والظاهر - والله أعلم - أن الآية في جميع أولي الأمر من الأمراء والعلماء، كما تقدم. وقد قال تعالى: {لولا ينهاهم الربانيون والأحبار عن قولهم الإثم وأكلهم السحت} وقال تعالى: {فاسألوا أهل الذكر إن كنتم لا تعلمون} وفي الحديث الصحيح المتفق عليه، عن أبي هريرة، عن رسول الله صلى الله عليه وسلم أنه قال: "من أطاعني فقد أطاع الله، ومن عصاني فقد عصا الله، ومن أطاع أميري فقد أطاعني، ومن عصا أميري فقد عصاني". فهذه أوامر بطاعة العلماء والأمراء (...). وقوله: {فإن تنازعتم في شيء فردوه إلى الله والرسول} قال مجاهد وغير واحد من السلف: أي: إلى كتاب الله وسنة رسوله. وهذا أمر من الله، عز وجل، بأن كل شيء تنازع الناس فيه من أصول الدين وفروعه أن يرد التنازع في ذلك إلى الكتاب والسنة" (Tafsîr Ibn Kathîr).
Ces deux commentaires sont corrects, mais chacun selon une perspective différente du concept d'autorité :
--- les ulémas constituent une autorité dans le sens où ce sont des référents : on se réfère à leurs avis avec l'intention de suivre ainsi le Dîn ullâh : ce sont eux que les musulmans consultent pour l'apprentissage correct des textes du Coran et de la Sunna (qu'ils transmettent), pour la compréhension de ces textes (qu'ils commentent et interprètent) et pour le lien avec le contexte (par les déductions et prise en considération du réel qu'ils opèrent) ;
--- les dirigeants constituent une autorité dans le sens où ce sont les décideurs : ils prennent des décisions et exécutent les lois ; ceux sur qui un dirigeant donné a autorité doivent obéissance à celui-ci en ce qu'il lui ordonne : c'est le dirigeant qui veille à la bonne marche du groupe sur lequel il a autorité, en les entraînant dans telle orientation - qu'il a apprise du Coran et de la Sunna selon les dires des ulémas -, et en appliquant sur eux les règles et principes appris du Coran et de la Sunna.
L'obéissance au Messager ne se fait qu'avec l'intention d'obéir à Dieu, et pourtant le verbe "obéissez à" a été répété devant "le Messager" mais pas devant "ulû-l-amr". Pourquoi ?
Parce que d'une part il est certain que le Prophète n'ordonne rien de munkar, alors même que, d'autre part, la Sunna constitue une seconde source de loi, en sus de celle du Coran (même si on ne sait pas de quel verset le Prophète a déduit ce qu'il a dit).
A la différence du 'Âlim, dont, déjà, on ne peut suivre l'avis qu'il délivre que si cet avis ne contredit pas le Coran, la Sunna et l'Ijmâ'. De plus, l'ijtihad d'un grand 'âlim ne peut être répété et délivré par un autre 'âlim du même niveau que lui, que si ce dernier sait de quelle source du Coran, de la Sunna ou de l'Analogie le premier a déduit ce qu'il a dit ; sinon il ne peut pas le délivrer à son tour (conformément à ce que Abû Hanîfa a affirmé).
Pour le Amîr, déjà l'ordre de lui obéir ne vaut pas pour l'impératif précis qu'il formule mais qui induit quelque chose qui contredit le Coran, la Sunna et l'Ijmâ'. De plus, l'action de se conformer à l'objet des ordres du Amîr et de s'abstenir de l'objet de ses interdictions, est certes action de ta'abbud dans la mesure où Dieu et Son Messager l'ont ordonné ("أَطِيعُواْ اللّهَ وَأَطِيعُواْ الرَّسُولَ وَأُوْلِي الأَمْرِ مِنكُمْ", et "عن أبي هريرة، عن النبي صلى الله عليه وسلم قال: "من أطاعني فقد أطاع الله، ومن يعصني فقد عصى الله. ومن يطع الأمير فقد أطاعني، ومن يعص الأمير فقد عصاني" : al-Bukhârî, 2797, Muslim, 1835) ; cependant, l'objet des ordres du Amîr n'est pas en lui-même muta'abbad bihî : la preuve en est que, même si on est tenu d'obéir au Amîr en actes, on peut intérieurement avoir un avis contraire à celui que l'impératif du Amîr induit (et c'est ce qui fait la différence avec les impératifs émis par le Prophète en tant que ta'abbud : on doit conformer sa façon de penser à celle que la Sunna induit) (par contre, pour ce qui est des impératifs émis par le Prophète en tant que maslaha : --- si cela était dit par jazm, les Compagnons lui devaient obéissance autant dans la façon de penser que dans la mise en pratique ; --- par contre, si cela n'était pas par jazm, des Compagnons ont pu lui proposer autre chose, qu'il a parfois accepté, et parfois pas) (reste la question de savoir quelle différence reste-t-il réellement entre l'impératif du Prophète émis en tant que ta'abbud, et l'impératif émis par lui en tant que maslaha et par jazm).
"كما قال تعالى: {فإن تنازعتم في شيء فردوه إلى الله والرسول إن كنتم تؤمنون بالله واليوم الآخر ذلك خير وأحسن تأويلا}. وأولوا لأمر صنفان: الأمراء والعلماء. وهم الذين إذا صلحوا صلح الناس. فعلى كل منهما أن يتحرى بما يقوله ويفعله طاعة الله ورسوله واتباع كتاب الله" : "Les Ulu-l-amr sont deux types : les Umarâ' et les Ulamâ'. Et ce sont ceux qui, lorsqu'ils sont bons, les gens en (deviennent) bons. Chacun de ces deux groupes doit donc rechercher, dans ce qu'il dit et fait, l'obéissance à Dieu et à Son Messager, et le suivi du Livre de Dieu" (MF 28/387-388).
Le Prophète (sur lui soit la paix) a dit : "Je ne crains pour ma Umma que les dirigeants qui égarent" : "عن ثوبان قال: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "إنما أخاف على أمتي الأئمة المضلين." قال: وقال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "لا تزال طائفة من أمتي على الحق ظاهرين لا يضرهم من يخذلهم حتى يأتي أمر الله" (at-Tirmidhî, 2229). Ibn ul-Uthaymîn écrit que cela englobe :
--- les Ulémas qui égarent [de par leurs interprétations de Dhalâl] ;
--- et les Umarâ' qui égarent [de par leur gestion de la société qui tire celle-ci vers le Mal] : "والمراد بقوله: "الأئمة المضلين": الذين يقودون الناس باسم الشرع والذين يأخذون الناس بالقهر والسلطان، فيشمل الحكام الفاسدين، والعلماء المضلين الذين يَدَّعون أن ما هم عليه شرع الله وهم أشد الناس عداوة له. قال الإمام أحمد رحمه الله: "لو كان لي دعوة مستجابة; لصرفتها للسلطان؛ فإن بصلاحه صلاح الأمة" (Al-Qawl ul-mufîd, p. 477).
La parole suivante, que Aïcha a écrite à Mu'âwiya (que Dieu les agrée), et qui a pour auteur soit le Prophète (sur lui soit la paix), soit Aïcha (que Dieu l'agrée), concernent, pareillement, particulièrement les Ulémas et les Umarâ' : "Celui qui contente les gens par le moyen de ce qui mécontente Dieu, Dieu le confie aux gens. Et celui qui mécontente les gens par le fait [qu'il délivre comme avis, ou qu'il entreprend] ce qui contente Dieu, Dieu lui sera suffisant par rapport aux gens" : "عن عائشة قالت: "من أرضى الناس بسخط الله وكله الله إلى الناس؛ ومن أسخط الناس برضا الله كفاه الله الناس" (Musnadu Abi-l-Ja'd). "كتب معاوية إلى عائشة أم المؤمنين أن اكتبي إلي كتابا توصيني فيه، ولا تكثري علي. فكتبت عائشة إلى معاوية: "سلام عليك. أما بعد: فإني سمعت رسول الله صلى الله عليه وسلم يقول: "من التمس رضاء الله بسخط الناس كفاه الله مؤنة الناس. ومن التمس رضاء الناس بسخط الله وكله الله إلى الناس. والسلام عليك" (at-Tirmidhî, 2414). "Celui qui recherche les éloges des hommes par le biais de désobéissances à Dieu, celui (d'entre les hommes) qui faisait ses éloges se mettra à le blâmer" : "عن هشام بن عروة، عن أبيه، عن عائشة، قالت: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "من طلب محامد الناس بمعاصي الله، عاد حامده من الناس ذاما" (Musnadu Shihâb al-Qudhâ'î). Voir Silsilat ul-ahâdîth is-sahîha, n° 2311.
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Explications :
S'il existe bien en islam une distinction entre "spirituel" ('ibâdât) et temporel ('âdât), il n'existe en revanche pas de coupure entre "temporel" et "religieux", vu que le religieux fournit des normes qui viennent encadrer et orienter l'activité temporelle. Et il n'existe pas non plus une distinction entre hommes temporels et hommes spirituels, dans le sens où il y aurait d'un côté "des civils" et de l'autre "des hommes de Dieu", les premiers devant avoir recours aux seconds pour accéder au sacré et au béni par Dieu.
Chaque musulman est responsable de ses croyances, pensées et actes individuels devant Dieu : la responsabilité est individuelle dans le sens où ce sont ses actes mais aussi sa sincérité et la situation dans laquelle il se trouvait réellement qui seront jugés par Dieu le Jour Dernier.
Le musulman doit donc s'efforcer d'avoir les croyances correctes, de pratiquer individuellement les devoirs qui s'appliquent à lui d'après la situation dans laquelle il se trouve (asbâb, shara'ït, mawâni').
Les enseignements de la révélation concernent plusieurs niveaux :
– A) les enseignements s'appliquant au niveau de l'individu :
–--- A.a) soit privé (ce qui inclut sa relation avec Dieu, ses actions spirituelles, ses actions temporelles personnelles : son respect des interdits alimentaires, par exemple),
–--- A.b) soit en relation avec les gens de sa proche famille,
–--- A.c) soit en relation avec sa communauté de foi (par exemple se joindre à d'autres musulmans pour accomplir en congrégation les prières rituelles),
–--- A.d) soit en relation avec les autres humains,
–--- A.e) soit en relation avec les autres créatures (animales, végétales, minérales) ;
– B) les enseignements s'appliquant au niveau de la cellule familiale ;
– C) les enseignements s'appliquant au niveau d'un regroupement musulman ;
– D) les enseignements s'appliquant au niveau de la société musulmane, ceci recouvrant encore plusieurs niveaux détaillés.
Ces normes seront appliquées à chacun de ces niveaux par le musulman qui possède le statut voulu : le musulman dirigeant a la responsabilité de faire appliquer des règles qui ne s'appliquent qu'au groupe (C ; D).
Comment prendre connaissance de ce que Dieu agrée et de ce qu'Il n'agrée pas pour l'individu et pour chacun de ces niveaux ?
Le Coran et la Sunna sont là. Ils matérialisent la Shar'.
Cependant, chaque musulman, chaque musulmane, n'a pas les aptitudes pour découvrir tout ce que le Coran et la Sunna disent, ni qu'est-ce qui dépend de la situation, ni ce qui peut changer et ce qui ne peut pas changer.
C'est là qu'entrent en jeu les Ulémas. Eux font le Shar'h de la Shar'.
Les Ulémas constituent l'autorité de référence en terme d'orientation (الإرشاد), et ce par l'instruction qu'ils délivrent (التعليم) et l'éducation qu'ils prodiguent (التربية) : ils fournissent, sous forme de "produit fini", les données du Coran et de la Sunna en matière de croyances orthodoxes et de normes à suivre : ils font connaître les textes (التبليغ), ils interprètent ces textes (الشرح), ils font l'analogie pour les cas nouveaux, et ils relativisent certains de ces textes en les restreignant aux cas auxquels ils s'appliquent réellement.
Ils fournissent cela à l'ensemble de la Communauté musulmane, depuis la base jusqu'au Amîr suprême, chaque musulman étant concerné par les normes qui s'appliquent à la fonction qu'il occupe.
Les ulémas font aussi le rappel (التذكير), la prédication (الخطبة والقصص). Constatant des manquements chez les gens qui les entourent, ils parlent de cela (الأمر بالمعروف والنهي عن المنكر باللسان).
Par ailleurs, chaque communauté de foi des musulmans a besoin (comme tout regroupement) d'un chef, qui prend les décisions qui la concerne au niveau communautaire, et qui (dans le cas d'une Dâr ul-islâm au sens particulier) veille à l'application des règles sur elle.
C'est cette autorité qu'on appelle le Amîr.
Le Amîr constitue l'autorité décisionnelle (الأمر), celui qui prend les décisions qui concernent le groupe qu'il dirige (ما فيه أعظم المصلحة وأقل المفسدة).
En Dâr ul-islâm, le Amîr est aussi une autorité exécutive (التنفيذ), qui exerce la puissance publique (الأمر بالمعروف والنهي عن المنكر بالسلطان).
Dans tous les cas, le Amîr mène (القيادة) le groupe qu'il préside.
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I) Les 'Ulamâ' u dîn il-islâm sont les héritiers du prophète Muhammad (que Dieu l'élève et le salue) :
Le Prophète (que Dieu le bénisse et le salue) a dit : "إن العلماء ورثة الأنبياء، إن الأنبياء لم يورثوا دينارا ولا درهما إنما ورثوا العلم، فمن أخذ به أخذ بحظ وافر" : "Les ulémas sont héritiers des prophètes. Les prophètes n'ont pas fait hériter (leurs successeurs) de pièces d'or ni de pièces d'argent, ils n'ont fait hériter que de choses à savoir. Celui qui prend ce savoir, qu'il (en) prenne une part importante" (at-Tirmidhî, 2682). Ici le Prophète (que Dieu le bénisse et le salue) a voulu dire que les prophètes de Dieu laissent en héritage des choses à savoir : l'ensemble de ces choses constitue leur enseignement, et est constitué de ces vérités (des informations et des injonctions) que Dieu leur a chargé de transmettre aux hommes à qui ils s'adressent. Ce qui importe à leurs disciples c'est de prendre connaissance de ce qu'ils ont dit au sujet des différentes choses, pour ensuite agir en fonction, car l'objectif reste : l'adoption des Croyances correctes, le développement d'un Lien vivant du Cœur avec Dieu, et l'Agir concret.
Or Muhammad ibn Abdillâh (que Dieu l'élève et le salue) a exercé plusieurs fonctions : il avait les fonctions :
--- de récepteur de la révélation, dépêché aux hommes (nubuwwa wa irsâl),
--- de prédicateur (dans le sens de transmetteur) de l'essence du message (da'wa),
--- de retransmetteur du texte reçu de Dieu, tel quel (riwâya wa tab'lîgh),
--- d'interprète de ce texte reçu de Dieu (ijtihâd bayânî),
--- de décisionnaire par effort de réflexion pour les cas non spécifiés dans le texte et les principes appris de Dieu (ijtihâd inshâ'ï),
--- d'enseignant du détail du message (ta'lîm) (que ce détail ait été reçu par lui, tel quel, de Dieu ; ou qu'il soit le résultat de son ijtihad),
--- de prédicateur (dans le sens de qui effectue le rappel à qui en connaît déjà le contenu) (tadhkîr),
--- d'apporteur de réponse à une question précise qui relève du Dîn (iftâ'),
--- de juge (qâdhâ'),
--- d'exécutif (tanfîdh),
--- et de dirigeant (qiyâda wa imâra).
Al-Qarâfî écrit que la fonction de dirigeant est distincte de la stricte fonction de prophète et donc de retransmetteur (bien que le prophète Muhammad ait combiné en sa personne toutes les fonctions) : "وأما الرسالة فليس يدخل فيها إلا مجرد التبليغ عن الله تعالى، وهذا المعنى لا يستلزم أنه فوض إليه السياسة العامة، فكم من رسل لله تعالى على وجه الدهر قد بعثوا بالرسائل الربانية، ولم يطلب منهم غير التبليغ لإقامة الحجة على الخلق، من غير أن يؤمروا بالنظر في المصالح العامة" (Al-Ihkâm, pp. 99-106).
Al-Qarâfî écrit aussi que le iftâ' est distinct de la riwâya wa tab'lîgh : "جوابه أن الفرق بين الحالتين أنه في الفتيا يخبر عن مقتضى الدليل الراجح عنده، فهو كالمترجم عن الله تعالى فيما وجده في الأدلة" (Al-Ihkâm, p. 97). "وإذا أخبر الناس بالفتيا، أخبرهم عن حكم الله الذي فهمه عن الله عز وجل في أدلة الشريعة" (Al-Ihkâm, p. 97). "الجواب أن تصرف رسول الله - صلى الله عليه وسلم - بالفتيا هو إخباره عن الله تعالى بما يجده في الأدلة من حكم الله تبارك تعالى، كما قلناه في غيره - صلى الله عليه وسلم - من المفتين؛ وتصرفه - صلى الله عليه وسلم - بالتبليغ هو مقتضى الرسالة، والرسالة هي أمر الله تعالى له بذلك التبليغ؛ فهو - صلى الله عليه وسلم - ينقل عن الحق للخلق في مقام الرسالة ما وصل إليه عن الله تعالى. فهو في هذا المقام مبلغ وناقل عن الله تعالى. وورث عنه - صلى الله عليه وسلم - هذا المقام المحدثون رواة الأحاديث النبوية وحملة الكتاب العزيز لتعليمه للناس. كما ورث المفتي عنه - صلى الله عليه وسلم - الفتيا. وكما ظهر الفرق لنا بين المفتي والراوي، فكذلك يكون الفرق بين تبليغه - صلى الله عليه وسلم - عن ربه وبين فتياه في الدين. والفرق هو الفرق بعينه، فلا يلزم من الفتيا: الرواية، ولا من الرواية: الفتيا، من حيث هما رواية وفتيا" (Al-Ihkâm, pp. 99-100). Ceci car le ifta' consiste à apporter une réponse à une question que celui qui la pose trouve ardue ou problématique, pour lui-même, ou pour celui qu'il questionne : "والفتيا والفتوى: الجواب ما يشكل من الأحكام. ويقال: استفتيته فأفتاني بكذا. قال: {ويستفتونك في النساء قل الله يفتيكم فيهن} [النساء/ 12]، {فاستفتهم} [الصافات/11]، {أفتوني في أمري" (Muf'radât ur-Râghib).
Les ulémas sont, en tant que tels, héritiers de seulement les fonctions de riwâya, de da'wa, de ijtihâd et de iftâ' du Prophète :
- retransmettre les textes du Coran et de la Sunna ;
- prêcher et rappeler (tadhkîr) ;
- interpréter ces textes et faire les analogies voulues ;
- répondre aux questions liées au Dîn.
L'ensemble des Ulamâ' sont donc les transmetteurs du texte du Coran et des textes de la Sunna, leurs prédicateurs et leurs interprétateurs. (Il y a aussi le qadhâ', que nous évoquerons plus bas.)
Les ulémas constituent une autorité de référence.
"عن عبد الله بن عمرو بن العاص قال: سمعت رسول الله صلى الله عليه وسلم يقول: "إن الله لا يقبض العلم انتزاعا ينتزعه من العباد، ولكن يقبض العلم بقبض العلماء، حتى إذا لم يبق عالما اتخذ الناس رءوسا جهالا، فسئلوا فأفتوا بغير علم، فضلوا وأضلوا" : "Dieu ne retirera pas la Connaissance en la retirant [soudainement] des serviteurs, mais Il reprendra la Connaissance en reprenant les ulémas. Jusqu'à ce que lorsqu'Il n'aura laissé aucun 'Âlim, les gens [= les musulmans] prendront des référents ignorants ; questionnés, ils donneront des avis sans Connaissance ; ils seront alors égarés et égareront (les autres)" (al-Bukhârî, 100 etc., Muslim, 2673). Le terme "'Ilm", "Connaissance", désigne : "les choses sues qui sont correctes, car correspondant à ce que Dieu agrée".
Après s'être rendu en pèlerinage à la Mecque, Mu'âwiya, alors calife, se rendit à Médine ; ayant vu certains de ses habitants qui pensaient que jeûner le 10 muharram est déconseillé (ou qui pensaient au contraire qu'il est obligatoire), il fit un discours dans lequel il dit : "Gens de Médine, où sont vos ulémas ? J'ai entendu le Messager de Dieu, que Dieu le bénisse et le salue, dire : "Ceci est le jour de 'âshûra. Dieu n'a pas rendu obligatoire le fait de le jeûner. Je le jeûne. Celui qui le veut, qu'il jeûne ce jour, et celui qui le veut, qu'il ne jeûne pas"" : "عن حميد بن عبد الرحمن، أنه سمع معاوية بن أبي سفيان رضي الله عنهما، يوم عاشوراء عام حج على المنبر يقول: "يا أهل المدينة أين علماؤكم؟ سمعت رسول الله صلى الله عليه وسلم يقول: "هذا يوم عاشوراء ولم يكتب الله عليكم صيامه، وأنا صائم، فمن شاء، فليصم ومن شاء، فليفطر" (al-Bukhârî 1899, Muslim 1129, avec Fat'h ul-bârî). Pareillement, en l'an 51, après s'être rendu en pèlerinage à la Mecque, Mu'âwiya se rendit à Médine. Ayant alors découvert que des femmes se faisaient rajouter des cheveux (wasl), il fit un discours dans lequel il dit : "Gens de Médine, où sont vos ulémas ? J'ai entendu le Prophète, que Dieu le bénisse et le salue, interdire cela, et dire : (...)" : "عن حميد بن عبد الرحمن، أنه سمع معاوية بن أبي سفيان عام حج على المنبر، فتناول قصة من شعر، وكانت في يدي حرسي، فقال: "يا أهل المدينة، أين علماؤكم؟ سمعت النبي صلى الله عليه وسلم ينهى عن مثل هذه ويقول: "إنما هلكت بنو إسرائيل حين اتخذها نساؤهم" (al-Bukhârî 3281, Muslim 2127, avec Fat'h ul-bârî).
Les ulémas du Dîn ne constituent cependant pas une classe fermée, ni un groupe doté d'une hiérarchie avec un Pape à leur tête :
Muftî Taqî Uthmânî l'a rappelé ainsi : ""Ulémas" n'est pas le nom donné à une personne qui est le dirigeant d'une organisation. Toute personne qui est telle qu'elle a acquis le 'ilm ud-dîn de façon correcte, celle-là est "'âlim" et "héritier du Prophète (sur lui soit la paix)"" (Islam aur jiddat passandî, p. 62).
""Alim" est le qualificatif que, pour l'acquérir, il n'y a pas la condition d'une couleur ou ascendance particulières. Durant ces 14 siècles, il y a eu des Ulémas de toutes les couleurs de peau et de toutes les ascendances (…)" (Ibid., p. 62).
Le Prophète (sur lui soit la paix) a dit : "لا تزال طائفة من أمتى على الحق ظاهرين لا يضرهم من يخذلهم حتى يأتى أمر الله" : "Il ne cessera d'y avoir un groupe de ma Umma qui sera sur la vérité, se montrant ouvertement, ceux qui les délaisseront ne pouvant pas les nuire, jusqu'à ce que la décision de Dieu arrive" (at-Tirmidhî 2229, Abû Dâoûd 4252) ("ظاهرين" ayant été ici traduit d'après l'une des deux traductions relatées par Ibn Hajar : FB 13/360). An-Nawawî a écrit que ce hadîth parle non d'un groupe isolé mais de l'ensemble des croyants agissant pour la vérité (FB 13/361).
Le 'Âlim doit se référer au 'Ilm ud-Dîn pour être sur la droiture et inviter à celle-ci, et non pas s'égarer ni égarer les gens :
Hudhayfa (que Dieu l'agrée) a dit : "عن حذيفة، قال: "يا معشر القراء استقيموا، فقد سبقتم سبقا بعيدا. فإن أخذتم يمينا وشمالا، لقد ضللتم ضلالا بعيدا" : "Ulémas, soyez sur la droiture, et alors vous aurez devancé beaucoup. Car si vous prenez à droite ou à gauche, vous vous égarerez beaucoup" (al-Bukhârî, 6853).
Il est donc important pour le 'Âlim de faire attention quant aux interprétations du Dîn qu'il délivre aux gens.
Chaque musulman doté de 'Ilm doit apporter sa contribution à la Revivification (إحياء الدين) et au Renouveau (تجديد الدين) du Dîn ; ainsi qu'à la Réforme de ce que des musulmans ont corrompu de ce Dîn (إصلاح ما أفسد الناس من الدين) :
Lire notre article : Les Ulémas et la Revivification (إحياء الدين) et le Renouveau (تجديد الدين) du Dîn, ainsi que la Réforme de ce que des musulmans ont corrompu de ce Dîn (إصلاح ما أفسد الناس من الدين).
Chaque 'Âlim n'est pas toujours à la fois Râwî (qui retransmet les variantes de récitation du Coran, les Hadîths ou les interprétations de prédécesseurs) et Mujtahid (qui extrait et relativise par rapport à la littéralité) ; ce fut le cas par exemple de al-Bukhârî, mais tous ne sont pas ainsi. De même, tous ceux qui font un effort d'extraction (ijtihâd) n'ont pas tous le même degré de compréhension profonde (tafaqquh) :
Le Prophète (sur lui soit la paix) a dit :
"عن أبي موسى عن النبي صلى الله عليه وسلم قال: "مثل ما بعثني الله به من الهدى والعلم، كمثل الغيث الكثير أصاب أرضا، فكان منها نقية قبلت الماء فأنبتت الكلأ والعشب الكثير، وكانت منها أجادب أمسكت الماء فنفع الله بها الناس فشربوا وسقوا وزرعوا؛ وأصابت منها طائفة أخرى إنما هي قيعان لا تمسك ماء ولا تنبت كلأ. فذلك مثل من فقه في دين الله، ونفعه ما بعثني الله به فعلم وعلم، ومثل من لم يرفع بذلك رأسا، ولم يقبل هدى الله الذي أرسلت به" (al-Bukhârî, 79, Muslim, 2282) :
"L'exemple de l'orientation et de la connaissance avec laquelle Dieu m'a suscité est comme une pluie abondante, qui a atteint une terre. (...)"
Dans la suite du hadîth le Prophète dit que cette pluie "a atteint une terre qui n'a ni retenu l'eau, ni fait pousser l'herbe" : cela représente ceux qui ne se sont pas intéressés à ce que le Prophète (sur lui soit la paix) a laissé : eux n'ont fait ni un travail de conservation-retransmission (riwâya), ni d'extraction (istinbât).
La même pluie "a atteint une [autre] terre, [celle-là comportant] :
--- une partie qui a retenu l'eau pour les gens : cela représente les ruwât, qui ont fait le travail de conservation-retransmission des textes, épurant l'authentique de l'inauthentique ;
--- et une autre partie qui a absorbé l'eau et a fait pousser de l'herbe abondante pour les gens : les mujtahidûn, qui ont extrait des textes les réponses concrètes aux questions se posant.
Le Prophète (sur lui soit la paix) a dit : "نضر الله امرأ سمع منا حديثا فحفظه حتى يبلغه غيره، فرب حامل فقه إلى من هو أفقه منه، ورب حامل فقه ليس بفقيه" : "Que Dieu place dans le bien-être un serviteur qui a entendu de nous une parole et l'a mémorisée jusqu'à la retransmettre à autrui. Car il arrive que le porteur d'un propos à comprendre ("fiqh") va le retransmettre à qui est davantage doté de compréhension profonde que lui. Et il arrive que le porteur d'un propos à comprendre ("fiqh") n'est pas doté de compréhension profonde ("ghayru faqîh"). (...)" (at-Tirmidhî, 2656, authentifié par al-Albânî). Le même hadîth est relaté ainsi par Ibn Mas'ûd : "نضر الله عبدا سمع مقالتي فحفظها ورعاها فأداها كما سمعها؛ فرب حامل فقه غير فقيه؛ ورب حامل فقه أداه إلى من هو أفقه منه" (ash-Shâfi'î : Mishkât n° 228, authentifié par al-Albânî).
Il y a aussi cette version relatée par Ibn Mas'ûd : "نضر الله امرأ سمع منا شيئا فبلغه كما سمع، فرب مبلغ أوعى من سامع" : "Que Dieu place dans le bien-être un homme qui a entendu de nous quelque chose, puis l'a retransmis comme il l'avait entendu. Car il arrive qu'un (homme) à qui il aura été retransmis soit doté de plus de compréhension profonde vis-à-vis de lui qu'un (homme) qui l'aura entendu (directement)" (at-Tirmidhî, 2657, authentifié par al-Albânî).
Quelqu'un demanda à Alî ibn Abî Tâlib (que Dieu l'agrée) si le Prophète (sur lui la paix) lui avait communiqué une connaissance particulière, qu'il n'avait pas transmise à d'autres. Alî répondit par la négative, disant clairement qu'il n'avait rien reçu rien d'autre que le texte du Coran et les textes des Hadîths (dont il avait écrit quelques-uns sur un feuillet qu'il gardait). Voulant cependant expliquer pourquoi parfois il arrivait qu'il exposait certaines règles que d'autres ne connaissaient pas, il précisa : "ما عندنا إلا ما في القرآن - إلا فهما يعطى رجل في كتابه ـ، وما في الصحيفة" : "Sauf (qu'il y a) une compréhension ("fahm") qui est accordée à quelqu'un par rapport au Livre de (Dieu)" (al-Bukhârî, 111, 2882, 6507).
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Par ailleurs, le Amîr peut être un 'Alim (car il n'y a pas en islam de classes sacerdotales, avec pour chacune d'elles une fonction délimitée).
Comme il peut ne pas être un 'Alim (mais dans ce cas il doit se référer à des Ulémas compétents pour découvrir ce que le Dîn demande dans la situation qui se présente à lui).
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II) Le Amîr :
Le Amîr est parfois une autorité exécutive : cela quand son autorité est complète. Il est alors également appelé : le Sultân.
C'est ce genre de Amîr qui est concerné par ce hadîth : "عن نافع، قال: جاء عبد الله بن عمر إلى عبد الله بن مطيع حين كان من أمر الحرة ما كان، زمن يزيد بن معاوية؛ فقال: "اطرحوا لأبي عبد الرحمن وسادة!" فقال: "إني لم آتك لأجلس، أتيتك لأحدثك حديثا سمعت رسول الله صلى الله عليه وسلم يقوله: سمعت رسول الله صلى الله عليه وسلم يقول: "(...) ومن مات وليس في عنقه بيعة، مات ميتة جاهلية" : "Et celui qui meurt alors qu'il n'a pas (reconnu l'autorité), il meurt d'une mort jâhilî" (Muslim, 1851).
C'est également ce Amîr qui est concerné par ce célèbre propos : "إنَّ اللهَ لَيَزَعُ الناس بالسُّلطانِ مَا لا يَزَعُ بالقُرْآنِ", lequel est plus exactement relaté ainsi :
--- "لَمَا يَزَعُ اللهُ بالسُّلْطَانِ أَعْظَمُ مِمَّا يَزَعُ بِالْقُرْآنِ" (attribué à Omar ibn ul-Khattâb, que Dieu l'agrée) ;
--- "رُبَّمَا يَزَعُ السُلْطَانُ النَّاسَ أَشَدُّ مِمَّا يَزَعُهُمُ الْقُرْآنُ" (attribué à 'Uthmân, que Dieu l'agrée) (le propos est cependant mursal).
Ce propos signifie, comme l'a écrit Ibn Kathîr : "إن الله ليزع بالسلطان ما لا يزع بالقرآن"؛ أي لَيُمنعُ بالسلطان عن ارتكاب الفواحش والآثام ما لا يمتنع كثير من الناس بالقرآن وما فيه من الوعيد الأكيد والتهديد الشديد" (Tafsîr Ibn Kathîr).
Cependant, une autorité moindre est aussi un Amîr : c'est le cas d'un président d'association, ou le directeur d'une école. Les humains ne peuvent vivre qu'en groupe. Or tout groupe a besoin d'une autorité, l'anarchie n'étant pas possible. Même pour le temps d'un voyage de quelques jours ensemble, la Sunna a enseigné qu'un Amîr soit désigné [cela pour prendre les décisions communes, et veiller au déroulement du voyage dans les meilleurs conditions]. "عن نافع، عن أبي سلمة، عن أبي هريرة، أن رسول الله صلى الله عليه وسلم قال: "إذا كان ثلاثة في سفر فليؤمروا أحدهم." قال نافع: فقلنا لأبي سلمة: فأنت أميرنا" : Le Prophète (sur lui la paix) a dit : "Lorsque trois personnes partent ensemble en voyage, qu'elles désignent l'une d'elles comme chef" (Abû Dâoûd, n° 2609, voir aussi 2608). "ولا يحل لثلاثة نفر يكونون بأرض فلاة إلا أمروا عليهم أحدهم" : "… Et il n'est pas licite, pour trois personnes se trouvant ensemble dans un désert, de (rester ainsi) sans qu'elles désignent l'une d'elles comme chef sur elles…" (Ahmad, n° 6647).
Enfin, il y a l'autorité voisine qui est celle des délégués (c'était le cas des 'urafâ') : eux centralisent les choix de ceux dont ils sont les délégués, et les représentent auprès de l'autorité suprême.
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Le cas du juge en pays musulman :
Le Qâdhî (le juge) doit être un 'Âlim : il doit déjà posséder un minimum de connaissances du Coran, de la Sunna et du Ijmâ' pour pouvoir prétendre à ce poste. Mais il est plus qu'un simple Muftî (celui qui délivre des avis juridiques, mais dont les dires constituent des informations, akhbâr), vu qu'il rend des décisions qui sont moralement contraignantes (inshâ') : il possède donc quelque chose de l'autorité du type de celle du Amîr : al-wilâya.
Lire : notre article relatif au Qadhâ'.
Cependant, le Qâdhî n'est pas un Amîr exécutif. En effet, l'autorité exécutive du Amîr recouvre des prérogatives que n'a pas l'autorité judiciaire (voir ce que al-Qarâfî a écrit in Al-Ihkâm fî tamyîz il-fatwâ min al-ahkâm wa tassarufât il-qâdhî wa-l-imâm, sous les questions numéros 4, 25 et 33).
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III) L'idéal (obligatoire) est que le Amîr se réfère à la Shar' :
Ibn ul-Qayyim écrit :
"وقال ابن عقيل في الفنون: "جرى في جواز العمل في السلطنة بالسياسة الشرعية: أنه هو الحزم، ولا يخلو من القول به إمام. فقال شافعي: "لا سياسة إلا ما وافق الشرع". فقال ابن عقيل: السياسة ما كان فعلا يكون معه الناس أقرب إلى الصلاح، وأبعد عن الفساد، وإن لم يضعه الرسول صلى الله عليه وسلم، ولا نزل به وحي. فإن أردت بقولك: "إلا ما وافق الشرع" أي: لم يخالف ما نطق به الشرع، فصحيح. وإن أردت: لا سياسة إلا ما نطق به الشرع: فغلط، وتغليط للصحابة (...)، ولو لم يكن إلا تحريق عثمان المصاحف: فإنه كان رأيا اعتمدوا فيه على مصلحة الأمة"
"Un shafi'ite a dit : "Pas de siyâssa sauf par ce qui correspond à la Shar'". Ibn 'Aqîl dit alors : "La siyâssa est un acte avec lequel les hommes sont le plus proche de la salâh et le plus éloigné de la fassâd, même si le Messager ne l'a pas institué et que la révélation ne l'a pas apportée.
Si donc par ton propos "sauf par ce qui correspond à la Shar'" tu veux dire : "sauf par ce qui ne contredit pas ce que la Shar' dit", alors cela est correct.
Mais si tu veux dire : "Pas de siyâssa sauf par le texte de la Shar'", alors cela est faux, et (cela revient à) traiter les Compagnons d'auteurs d'erreurs (…). S'il n'y avait que le fait que 'Uthmân a fait brûler les mus'haf ! il s'agissait d'un avis à propos duquel ils se sont appuyés sur la maslaha de la Oumma (…)" (At-Turuq ul-hukmiyya).
S'il ne doit jamais commettre d'action de kufr akbar, le Amîr doit faire ce qu'il peut pour faire avancer progressivement la société ; ce que réellement il ne peut pas, il ne l'applique pas :
--- Lorsque, par rapport à la situation dans laquelle il se trouve dans le Réel (الواقع), le musulman a devant lui 2 actions en concurrence : il ne pourra pratiquer qu'une seule des 2 et devra délaisser l'autre. Comment devra-t-il faire pour évaluer l'importance de chacune de ces 2 actions, puis choisir ? "التعارض بين العملين، والموازنة بينهما، والترجيح ؛ الاستصلاح" ;
--- فقه المآلات : Le musulman a devant lui la possibilité de pratiquer telle Action de Bien. Cependant, par rapport à la situation dans laquelle il se trouve dans le Réel (الواقع), la pratique de cette Action de Bien est susceptible d'entraîner (في المآل) un Problème (Mafsada). Que devra alors faire ce musulman : pratiquer l'Action, sans autre considération ? ou bien considérer la nature et le degré de cette Mafsada, ainsi que la probabilité de son entraînement ? "التعارض بين العملين، والموازنة بينهما، والترجيح ؛ الاستصلاح" ;
--- Est-il permis de s'engager dans la société / en politique, en pays non-musulman ? Si oui, y a-t-il malgré tout certaines limites ? Et y a-t-il des principes à respecter ? - Lorsque le prophète Joseph (sur lui soit la paix) s'était engagé à l'intérieur d'un Système où la Loi (دِين) en vigueur n'était pas celle que Dieu agrée).
Pour cela, le Amîr doit se référer aux règles et principes extraits du Coran et de la Sunna.
Vu que être 'âlim, ce n'est pas appartenir à une classe fermée et distincte d'autres classes sociales, il n'y a pas que ce soient forcément des Ulémas qui doivent être les chefs politiques. Par contre il y a que le chef politique doit se référer aux Coran et Sunna : soit qu'il est lui-même 'âlim et consulte occasionnellement d'autres ulémas ; soit que, n'étant pas 'âlim, il se réfère constamment à des ulémas.
Al-Bukhârî écrit : "... et du fait que les Dirigeants après le Prophète (que Dieu l'élève et le salue) consultaient et questionnaient les Ahl ul-'Ilm" : "باب: (...) ومشاورة الخلفاء وسؤالهم أهل العلم" (Sahîh ul-Bukhârî, kitâb ul-i'tissâm bi-l-kitâb wa-s-sunna, bâb 13).
"باب قول الله تعالى: {وَأَمْرُهُمْ شُورَىٰ بَيْنَهُمْ}، {وَشَاوِرْهُمْ فِي الْأَمْرِ}، وأن المشاورة قبل العزم والتبيين، لقوله تعالى: {فَإِذَا عَزَمْتَ فَتَوَكَّلْ عَلَى اللَّـهِ}، (...) وكانت الأئمة بعد النبي صلى الله عليه وسلم يستشيرون الأمناء من أهل العلم في الأمور ليأخذوا بأسهلها، فإذا وضح الكتاب والسنة لم يتعدوه إلى غيره اقتداء بالنبي صلى الله عليه وسلم (...)" (Sahîh ul-Bukhârî, kitâb ul-i'tissâm bi-l-kitâb wa-s-sunna, bâb 19).
Qui a lu un tant soit peu les recueils de hadîths et âthâr sait combien les premiers califes, bien que eux-mêmes ulémas, n'hésitaient pas à consulter, en cas de besoin, d'autres ulémas.
Omar ibn ul-Khattâb (que Dieu l'agrée) continuait (malgré ses propres compétences : il était Mujtahid et Mul'ham) à consulter d'autres personnages :
--- d'une part pour demander explicitement si, sur le point qui se présentait à lui, quelqu'un connaissait un hadîth que lui il aurait manqué (car nul ne sait tout) ;
--- d'autre part avant d'entreprendre certaines choses. Un exemple : ne sachant pas qu'il y avait un hadîth sur le sujet, arrivé à Sar'gh et ayant appris que la peste sévissait dans la région où il devait se rendre, il se demanda s'il continuait son chemin mettant tout le monde en danger, ou s'il rebroussait chemin. Il consulta les personnages présents ; il prit d'abord l'avis des "muhârijûn", puis celui des "ansâr" ; puis il prit l'avis des "muhâjirat ul-fat'h'" : il décida alors que tout le groupe retournerait sur ses pas. Ensuite il apprit de la bouche de Abd ur-Rahmân ibn 'Awf, arrivé peu après, que c'est là exactement ce que le Prophète avait dit de faire (al-Bukhârî, 5397).
Omar ibn ul-Khattâb (que Dieu l'agrée) avait même institutionnalisé un Conseil de Consultation : ses membres étaient choisis en fonction de leurs compétences :
- "عن ابن عباس رضي الله عنهما، قال: قدم عيينة بن حصن بن حذيفة فنزل على ابن أخيه الحر بن قيس، وكان من النفر الذين يدنيهم عمر. وكان القراء أصحاب مجالس عمر ومشاورته، كهولا كانوا أو شبانا. فقال عيينة لابن أخيه: يا ابن أخي، هل لك وجه عند هذا الأمير، فاستأذن لي عليه، قال: سأستأذن لك عليه(" (al-Bukhârî, 4366, 6856) ;
- "عن ابن عباس رضي الله عنهما، قال: كان عمر يدخلني مع أشياخ بدر، فقال بعضهم: لم تدخل هذا الفتى معنا ولنا أبناء مثله؟ فقال: إنه ممن قد علمتم" (al-Bukhârî, 4043, 4686).
Le Sultân doit orienter la société qu'il gère vers le Bien Dunyawî mais aussi le Bien Dînî :
Le détenteur de l'autorité doit veiller à assurer le meilleur pour ses administrés : le meilleur sur le plan temporel, Dunyawî (que chacun ait du travail, ait accès à un minimum de soins sanitaires, et tant d'autres choses...) ; mais aussi le meilleur sur le plan spirituel ; le meilleur sur le plan moral.
Omar ibn ul-Khattâb (que Dieu l'agrée) avait bien montré la voie en la matière : Quelques-uns des Ijtihâds et des Réalisations que Omar ibn ul-Khattâb (que Dieu l'agrée) a faits : certains sont dûs à un Contexte qui fut nouveau par rapport au Contexte du Prophète (que Dieu le bénisse et le salue).
Ibn Taymiyya écrit : "فإذا كان المقصود بالسلطان والمال هو التقرب إلى الله وإنفاق ذلك في سبيله، كان ذلك صلاح الدين والدنيا. وإن انفرد السلطان عن الدين، أو الدين عن السلطان، فسدت أحوال الناس" : "Et si le pouvoir se coupe du Dîn, ou le Dîn du pouvoir, la situation des gens en devient mauvaise" (MF 28/394). "فالواجب على المسلم أن يجتهد في ذلك بحسب وسعه؛ فمن ولي ولاية يقصد بها طاعة الله وإقامة ما يمكنه من دينه ومصالح المسلمين وأقام فيها ما يمكنه من الواجبات واجتناب ما يمكنه من المحرمات، لم يؤاخذ بما يعجز عنه؛ فإن تولية الأبرار خير للأمة من تولية الفجار. ومن كان عاجزا عن إقامة الدين بالسلطان (...) ففعل ما يقدر عليه من النصيحة بقلبه والدعاء للأمة ومحبة الخير وفعل ما يقدر عليه من الخير، لم يكلف ما يعجز عنه. (...) ثم الدنيا تخدم الدين" (MF 28/396).
Voir aussi Rijâl ul-fikr wa-d-da'wa, an-Nadwî : tome 1, p. 36 ; pp. 27-29 ; pp. 53-54.
Maintenant, comment le Amîr fera-t-il pour connaître ce que la Shar' dit ?
– Pour les normes qui concernent le niveau de gestion de la société :
"فصل: لا غنى لولي الأمر عن المشاورة (...). وإذا استشارهم: --- فإن بين له بعضهم ما يجب اتباعه من كتاب الله أو سنة رسوله أو إجماع المسلمين، فعليه اتباع ذلك، ولا طاعة لأحد في خلاف ذلك وإن كان عظيما في الدين والدنيا. (...) --- وإن كان أمرا قد تنازع فيه المسلمون فينبغي أن يستخرج من كل منهم رأيه ووجه رأيه؛ فأي الآراء كان أشبه بكتاب الله وسنة رسوله عمل به كما قال تعالى: {فإن تنازعتم في شيء فردوه إلى الله والرسول إن كنتم تؤمنون بالله واليوم الآخر ذلك خير وأحسن تأويلا} (...)؛ ومتى أمكن في الحوادث المشكلة معرفة ما دل عليه الكتاب والسنة كان هو الواجب؛ وإن لم يمكن ذلك لضيق الوقت أو عجز الطالب أو تكافؤ الأدلة عنده أو غير ذلك، فله أن يقلد من يرتضي علمه ودينه. هذا أقوى الأقوال" : "Le détenteur de l'autorité ne peut se passer de la consultation. (...) Pour les événements dont il n'est pas évident (de connaître le hukm shar'î), s'il est possible (au Amîr) de prendre connaissance [par réflexion] de ce que le Coran et la Sunna indiquent, alors cela (lui) sera obligatoire ; (mais) si cela n'est pas possible à cause du manque de temps, de (son) impuissance (à reconnaître l'avis juste), de l'équivalence à ses yeux des arguments (sur lesquels reposent les différents avis), ou autre motif, alors le (Amîr) a le droit de suivre (l'avis de) qui il a confiance en les compétences et la piété" (MF 28/386-388).
– Quant aux normes qui concernent le niveau moindre :
" وولي الأمر، إن عرف ما جاء به الكتاب والسنة، حكم بين الناس به. وإن لم يعرفه وأمكنه أن يعلم ما يقول هذا وما يقول هذا حتى يعرف الحق، حكم به. وإن لم يمكنه لا هذا ولا هذا، ترك المسلمين على ما هم عليه، كل يعبد الله على حسب اجتهاده؛ وليس له أن يلزم أحدا بقبول قول غيره وإن كان حاكما" :
"Le détenteur de l'autorité :
--- s'il est capable de connaître ce que dit le Coran et la Sunna, il fera appliquer ce qu'ils disent ;
--- s'il n'est pas capable directement mais est capable de comprendre ce que tel (mujtahid) dit et ce que tel autre dit jusqu'à discerner ce qui est le correct, alors il fera appliquer ce qui est correct ;
--- mais s'il n'est capable ni de cela ni de ceci, alors il doit laisser les musulmans obéir à Dieu chacun selon son ijtihâd ; il n'a pas à imposer à l'un d'accepter le propos de l'autre, (ce dernier) fût-il juge" (MF 35/387).
C'est là l'avis de Ibn Taymiyya. Or un autre avis existe : lire notre article : L'autorité exécutive d'un pays musulman peut-elle imposer à tous les musulmans s'y trouvant de ne plus pratiquer, à propos d'une question donnée, qu'un avis précis parmi tous les avis existant depuis des siècles entre les mujtahidûn ?.
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Ici nous avons parlé du :
– A) Amîr qui se réfère à la Shar'.
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IV) Les choses deviennent problématiques par rapport au Amîr qui ne se réfère plus à la Shar' pour gérer sa cité (ou pour gérer ce sur quoi il exerce l'autorité) :
- Du côté des Ulémas se trouvant sous l'autorité de ce genre de Amîr qui ne réfère pas suffisamment à la Shar' (B) :
Un célèbre hadîth parle, d'un côté, de celui qui entreprend de dire que ce que le Amîr fait est contraire à la Shar', et de celui-ci qui garde le silence et se contente de désapprouver en son cœur ; et, de l'autre côté, de celui qui apporte sa justification à ce que le Amîr fait qui est interdit : "حدثنا هداب بن خالد الأزدي، حدثنا همام بن يحيى، حدثنا قتادة، عن الحسن، عن ضبة بن محصن، عن أم سلمة أن رسول الله صلى الله عليه وسلم قال: "ستكون أمراء فتعرفون وتنكرون. فمن عرف برئ، ومن أنكر سلم، ولكن من رضي وتابع." قالوا: أفلا نقاتلهم؟ قال: "لا، ما صلوا" (Muslim, 1854/62) ; "وحدثني أبو غسان المسمعي ومحمد بن بشار، جميعا عن معاذ - واللفظ لأبي غسان-، حدثنا معاذ - وهو ابن هشام الدستوائي -، حدثني أبي، عن قتادة، حدثنا الحسن، عن ضبة بن محصن العنزي، عن أم سلمة، زوج النبي صلى الله عليه وسلم، عن النبي صلى الله عليه وسلم أنه قال: "إنه يستعمل عليكم أمراء فتعرفون وتنكرون. فمن كره فقد برئ، ومن أنكر فقد سلم، ولكن من رضي وتابع." قالوا: يا رسول الله، ألا نقاتلهم؟ قال: "لا، ما صلوا". أي: "من كره بقلبه، وأنكر بقلبه" (Muslim, 1854/63) ; "وحدثني أبو الربيع العتكي، حدثنا حماد - يعني ابن زيد -، حدثنا المعلى بن زياد وهشام، عن الحسن، عن ضبة بن محصن، عن أم سلمة، قالت: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم بنحو ذلك، غير أنه قال: "فمن أنكر فقد برئ، ومن كره فقد سلم" (Muslim, 1854/64) ; "وحدثناه حسن بن الربيع البجلي، حدثنا ابن المبارك، عن هشام، عن الحسن، عن ضبة بن محصن، عن أم سلمة، قالت: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم، فذكر مثله، إلا قوله "ولكن من رضي وتابع" لم يذكره" (Muslim, 1854). "أخبرنا أبو الحسن على بن محمد المقري، أخبرنا الحسن بن محمد بن إسحاق، حدثنا يوسف بن يعقوب القاضي، حدثنا أبو الربيع، حدثنا حماد بن زيد، حدثنا المعلى بن زياد وهشام بن حسان، عن الحسن، عن ضبة بن محصن، عن أم سلمة قالت: قال رسول الله -صلى الله عليه وسلم-: "إنها ستكون عليكم أئمة تعرفون منهم وتنكرون، فمن أنكر - قال هشام: بلسانه - فقد برئ؛ ومن كره بقلبه فقد سلم، لكن من رضى وتابع". قال: قيل: يا رسول الله، أفلا نقتلهم؟ قال: "لا، مما صلوا". رواه مسلم فى الصحيح عن أبى الربيع إلا أنه لم يذكر "بلسانه"، ولا "بقلبه"، وإنما هو قول الحسن. أخبرناه أبو الحسن علي بن أحمد بن عبدان، أخبرنا أحمد بن عبيد، حدثنا عثمان بن عمر الفخبئ، حدثنا ابن حساب، حدثنا حماد بن زيد، فذكره بإسناده نحوه، إلا أنه قال: "فمن أنكر فقد برئ، ومن كره بقلبه فقد سلم". قال الحسن: "فمن أنكر بلسانه فقد برئ؛ وقد ذهب زمان هذه. ومن كره بقلبه؛ فقد جاء زمان هذه" (As-Sunan ul-Kub'râ, al-Bayhaqî, 16698-16699) ; "أخبرنا أبو عبد الله الحافظ، أنا أبو عبد الله بن يعقوب، نا أحمد بن سهل، قال: وأنا أبو الفضل بن إبراهيم، نا أحمد بن سلمة، قالا: نا محمد بن بشار، نا معاذ بن هشام، حدثني أبي، عن قتادة، نا الحسن، عن ضبة بن محصن، عن أم سلمة، عن النبي صلى الله عليه وسلم أنه قال: "سيعمل عليكم أمراء بعدي، تعرفون وتنكرون. فمن كره فقد برئ، ومن أنكر فقد سلم، ولكن من رضي وتابع". قالوا: "يا رسول الله، ألا نقاتلهم؟" قال: "لا، ما صلوا". قال قتادة: "يعني: "من أنكر بقلبه وكره بقلبه": رواه مسلم من حديث محمد بن بشار. وروينا من وجه آخر عن الحسن أنه قال: "فمن أنكر بلسانه فقد برئ؛ وقد ذهب زمان هذه. ومن كره بقلبه؛" فقد جاء زمان هذه" (Shu'ab ul-îmân, al-Bayhaqî, 7097).
Ces autres hadîths critiquent sévèrement celui qui apporte sa caution à ce que le Amîr fait qui est interdit : "عن حذيفة، عن النبي صلى الله عليه وسلم قال: "إنها ستكون أمراء يكذبون ويظلمون. فمن صدقهم بكذبهم وأعانهم على ظلمهم، فليس مني ولست منه، ولا يرد علي الحوض. ومن لم يصدقهم بكذبهم ولم يعنهم على ظلمهم، فهو مني وأنا منه، وسيرد علي الحوض" (Ahmad, 23260). "عن جابر بن عبد الله رضي الله عنهما أن النبي صلى الله عليه وسلم قال لكعب بن عجرة : "أعاذك الله من إمارة السفهاء." قال : "وما إمارة السفهاء؟" قال : "أمراء يكونون بعدي لا يهتدون بهديي ولا يستنون بسنتي. فمن صدقهم بكذبهم وأعانهم على ظلمهم، فأولئك ليسوا مني ولست منهم ولا يردون على حوضي. ومن لم يصدقهم بكذبهم ولم يعنهم على ظلمهم، فأولئك مني وأنا منهم وسيردون على حوضي. يا كعب بن عجرة..." (Ahmad, 14441).
On trouve ainsi :
– cas 1) le 'Âlim qui apporte sa justification verbale (iz'hâr ur-ridhâ wa-l-mutâba'a) à ce que ce Amîr fait d'injustifiable ;
– cas 2) le 'Âlim qui ne justifie pas ce que ce Amîr fait de mal, mais garde le silence, se contentant de faire inkâr dans son cœur (as-sukût ma'a-l-karâhiyya bi-l-qalb) ; par contre, il fréquente quelque peu ce Amîr avec l'intention de bénéficier de ses largesses matérielles (il justifie cela par la Maslaha) ;
– cas 3) le 'Âlim qui ne justifie pas ce que ce Amîr fait de mal, mais garde le silence, se contentant de faire le inkâr dans son cœur (as-sukût ma'a-l-karâhiyya bi-l-qalb) ; par ailleurs, ce 'Âlim reste systématiquement éloigné de ce Amîr (tout en reconnaissant son autorité) : il reste, dans ses paroles et ses actions, "neutre" par rapport à ce Amîr, et se contente d'enseigner au grand public les données du Coran et de la Sunna. An-Nawawî écrit : "وقوله صلى الله عليه وسلم: "ولكن من رضي وتابع" معناه: ولكن الإثم والعقوبة على من رضي وتابع. وفيه دليل على أن من عجز عن إزالة المنكر، لا يأثم بمجرد السكوت؛ بل إنما يأثم بالرضا به، أو بألا يكرهه بقلبه، أو بالمتابعة عليه" (ShM, commentaire du hadîth sus-cité) ;
– cas 4) le 'Âlim qui ne justifie pas ce que ce Amîr fait de mal, mais garde le silence, se contentant de faire inkâr dans son cœur (as-sukût ma'a-l-karâhiyya bi-l-qalb) ; par contre, (contrairement au 3) il fréquente quelque peu ce Amîr, mais (et ce, contrairement au 2) avec pour seule intention de pouvoir gagner son cœur et de le ramener alors quelque peu à la droiture ;
– cas 5) le 'Âlim qui ne justifie pas ce que ce Amîr fait de mal, et prend sur lui d'aller de temps à autre rencontrer l'Amîr, et ce pour lui dire alors en privé (de façon plus ou moins directe) ce qui ne va pas dans ce qu'il entreprend (al-inkâr bi-l-lissân bi-s-sirr) ;
– cas 6) le 'Âlim qui fait la critique (al-inkâr bi-l-lissân al-'alanî) publique de ce que ce Amîr fait mais jamais n'essaie de le renverser ni ne monte les gens contre lui (au contraire, il reconnaît son autorité et appelle à reconnaître celle-ci) ;
– cas 7) le 'Âlim qui essaie de renverser ce Amîr (al-khurûj 'ala-l-amîr / al-bagh'y 'ala-l-amîr) (alors même que ce Amîr n'est pas devenu Murtadd) : soit qu'il participe directement à une tentative de renversement du pouvoir, soit qu'il soutient une telle tentative.
Nous avons donc ici 7 cas de figure :
--- Celui du cas 1 commet une action grave.
--- A l'autre extrême, celui du cas 7 aussi commet une action interdite (même si certains illustres mujtahids ont émis l'avis de la licité de ce cas 7, cela a été de leur part une khata' ijtihâdî qat'î : l'action demeure interdite).
--- Restent 5 cas :
------- Pour ce qui est du cas 6 :
------------- La règle de base est que ce cas 6 est à éviter, afin de ne pas risquer de provoquer de trouble dans le peuple : "عن أبي وائل، قال قيل لأسامة: "لو أتيت فلانا فكلمته." قال: "إنكم لترون أني لا أكلمه إلا أسمعكم، إني أكلمه في السر دون أن أفتح بابا لا أكون أول من فتحه. ولا أقول لرجل أن كان علي أميرا إنه خير الناس، بعد شيء سمعته من رسول الله صلى الله عليه وسلم. قالوا: وما سمعته يقول؟ قال: سمعته يقول" (al-Bukhârî, 3094, Muslim, 2989) : "قوله "قد كلمته ما دون أن أفتح بابا" أي كلمته فيما أشرتم إليه لكن على سبيل المصلحة والأدب في السر بغير أن يكون في كلامي ما يثير فتنة أو نحوها. (...) يعني لا أكلمه إلا مع مراعاة المصلحة بكلام لا يهيج به فتنة. (...). قال المهلب: (...) "قد كلمته سرا دون أن أفتح بابا" أي باب الإنكار على الأئمة علانية خشية أن تفترق الكلمة؛ ثم عرفهم أنه لا يداهن أحدا ولو كان أميرا بل ينصح له في السر جهده. (...) وجزم الكرماني بأن المراد أن يكلمه فيما أنكره الناس على عثمان من تولية أقاربه وغير ذلك مما اشتهر. (...) وقال عياض: مراد أسامة أنه لا يفتح باب المجاهرة بالنكير على الإمام لما يخشى من عاقبة ذلك بل يتلطف به وينصحه سرا فذلك أجدر بالقبول. (...) وفي الحديث تعظيم الأمراء والأدب معهم، وتبليغهم ما يقول الناس فيهم ليكفوا ويأخذوا حذرهم، بلطف وحسن تأدية، بحيث يبلغ المقصود من غير أذية للغير" (Fat'h ul-bârî, 13/65-67). "جلد عياض بن غنم صاحب دارا حين فتحت. فأغلظ له هشام بن حكيم القول، حتى غضب عياض. ثم مكث ليالي. فأتاه هشام بن حكيم فاعتذر إليه. ثم قال هشام لعياض: "ألم تسمع النبي صلى الله عليه وسلم يقول: "إن من أشد الناس عذابا أشدهم عذابا في الدنيا للناس"؟" فقال عياض بن غنم: "يا هشام بن حكيم، قد سمعنا ما سمعت، ورأينا ما رأيت؛ أولم تسمع رسول الله صلى الله عليه وسلم يقول: "من أراد أن ينصح لسلطان بأمر، فلا يبد له علانية، ولكن ليأخذ بيده، فيخلو به؛ فإن قبل منه فذاك؛ وإلا كان قد أدى الذي عليه له"؟ وإنك " (Ahmad, 15333 ; cependant, l'authenticité de ce hadîth fait l'objet d'avis divergents).
------------- Sauf s'il n'y a pas moyen de le lui dire en privé. Car le inkâr bi-l-lissân al-'alanî par rapport à ce que le Amîr a fait de faux en public, cela est relaté de quelques Salaf Sâlih : - "عن محمد بن زياد، قال: لما بايع معاوية لابنه، قال مروان: "سنة أبي بكر وعمر". فقال عبد الرحمن بن أبي بكر: "سنة هرقل وقيصر!". فقال مروان: "هذا الذي أنزل الله فيه: {والذي قال لوالديه أف لكما}" الآية. فبلغ ذلك عائشة فقالت: "كذب والله، ما هو به. وإن شئت أن أسمي الذي أنزلت فيه لسميته. ولكن رسول الله صلى الله عليه وسلم لعن أبا مروان، ومروان في صلبه. فمروان فضض من لعنة الله" (As-Sunan ul-kub'râ, an-Nassâ'ï, 11427 ; Silsilat ul-ahâdîth is-sahîha, 7/722 ; FB 13/15) ; "عن يوسف بن ماهك، قال: كان مروان على الحجاز، استعمله معاوية؛ فخطب، فجعل يذكر يزيد بن معاوية لكي يبايع له بعد أبيه. فقال له عبد الرحمن بن أبي بكر شيئا. فقال: "خذوه!" فدخل بيت عائشة، فلم يقدروا. فقال مروان: "إن هذا الذي أنزل الله فيه: {والذي قال لوالديه أف لكما أتعدانني}". فقالت عائشة من وراء الحجاب: "ما أنزل الله فينا شيئا من القرآن إلا أن الله أنزل عذري" (al-Bukhârî, 4550). - "عن عياض بن عبد الله بن سعد، عن أبي سعيد الخدري، أن رسول الله صلى الله عليه وسلم كان يخرج يوم الأضحى ويوم الفطر، فيبدأ بالصلاة؛ فإذا صلى صلاته وسلم، قام فأقبل على الناس وهم جلوس في مصلاهم؛ فإن كان له حاجة ببعث، ذكره للناس، أو كانت له حاجة بغير ذلك، أمرهم بها؛، وكان يقول: "تصدقوا، تصدقوا، تصدقوا"، وكان أكثر من يتصدق النساء، ثم ينصرف. فلم يزل كذلك حتى كان مروان بن الحكم. فخرجتُ مخاصرا مروان حتى أتينا المصلى، فإذا كثير بن الصلت قد بنى منبرا من طين ولبن، فإذا مروان ينازعني يده كأنه يجرني نحو المنبر، وأنا أجره نحو الصلاة؛ فلما رأيت ذلك منه، قلت: "أين الابتداء بالصلاة؟" فقال: "لا، يا أبا سعيد، قد ترك ما تعلم." قلت: "كلا، والذي نفسي بيده لا تأتون بخير مما أعلم" ثلاث مرار، ثم انصرف" (Muslim, 889). - "عن طارق بن شهاب - وهذا حديث أبي بكر - قال: أول من بدأ بالخطبة يوم العيد قبل الصلاة مروان. فقام إليه رجل، فقال: "الصلاة قبل الخطبة!" فقال: "قد ترك ما هنالك!" فقال أبو سعيد: "أما هذا فقد قضى ما عليه؛ سمعت رسول الله صلى الله عليه وسلم يقول: "من رأى منكم منكرا فليغيره بيده، فإن لم يستطع فبلسانه، فإن لم يستطع فبقلبه، وذلك أضعف الإيمان" (Muslim, 49, at-Tirmidhî, 2172). - "عن حصين، عن عمارة بن رؤيبة، قال: رأى بشر بن مروان على المنبر رافعا يديه، فقال: "قبح الله هاتين اليدين! لقد رأيت رسول الله صلى الله عليه وسلم ما يزيد على أن يقول بيده هكذا، وأشار بإصبعه المسبحة" (Muslim, 874, at-Tirmidhî, 515). - "عن كعب بن عجرة، قال: دخل المسجد وعبد الرحمن ابن أم الحكم يخطب قاعدا، فقال: "انظروا إلى هذا الخبيث يخطب قاعدا، وقال الله تعالى: {وإذا رأوا تجارة أو لهوا انفضوا إليها وتركوك قائما" (Muslim, 864). - "عن قيس بن عباد قال: بينا أنا في المسجد في الصف المقدم فجبذني رجل من خلفي جبذة فنحاني، وقام مقامي. فوالله ما عقلت صلاتي. فلما انصرف فإذا هو أبي بن كعب فقال: "يا فتى، لا يسؤك الله. إن هذا عهد من النبي صلى الله عليه وسلم إلينا أن نليه". ثم استقبل القبلة فقال: "هلك أهل العقد ورب الكعبة" - ثلاثا - ثم قال: "والله ما عليهم آسى، ولكن آسى على من أضلوا". قلت: "يا أبا يعقوب ما يعني بأهل العقد؟" قال: "الأمراء" (an-Nassâ'ï, 808). C'est bien pourquoi an-Nawawî écrit en commentaire du propos de Ussâma ibn Zayd : "قوله "أفتتح أمرا لا أحب أن أكون أول من أفتتحه" يعني المجاهرة بالإنكار على الأمراء في الملأ، كما جرى لقتلة عثمان رضي الله عنه. وفيه الأدب مع الأمراء واللطف بهم ووعظهم سرا وتبليغهم ما يقول الناس فيهم لينكفوا عنه؛ وهذا كله اذا أمكن ذلك. فإن لم يمكن الوعظ سرا والإنكار، فليفعله علانية لئلا يضيع أصل الحق" : "Il y a en cela la façon d'agir avec les dirigeants, la douceur à leur égard, et le fait de les conseiller en privé et de leur faire parvenir les (doléances) des gens afin qu'ils s'abstiennent ; tout cela lorsque cela est possible. Et si les conseiller en privé et leur adresser des reproches (en privé) n'est pas possible, alors qu'on le fasse en public, afin que la base du vrai ne se perde pas" (ShM, 18/118).
------------- Sauf s'il y a mazinna que ce inkâr 'alanî va entraîner une mafsada plus grande (en terme de soulèvement du peuple) : là cela en devient interdit.
------- Il y a aussi sur le sujet une synthèse faite par Ibn ul-'Uthaymîn.
------- Quant aux cas : 2 ; 3 ; 4 et 5 :
------------ C'est la posture 5 qui constitue la 'azîma.
------------ La posture 4 est chose bien elle aussi, quoique moindre que la 5.
------------ La posture 3 revient à agir selon la rukhsa.
------------ La posture 2 constitue une mauvaise action en lien avec l'intention qui la motive.
------------ Les trois postures 3, 4 et 5 existent depuis l'époque où les Umarâ' ont cessé de se référer suffisamment à la Shar'. Cette pluralité de postures repose sur différentes façons de voir existent alors quant à ce qu'il convient de faire, et ce à cause des différences de caractères des Ulémas, ainsi que des différences dans le concret de la situation dans laquelle différents Ulémas se trouvent.
-
- Et du côté de ce Amîr qui, dans sa gestion de la cité, ne se réfère pas (suffisamment) à la Shar' (B), on trouve :
--- B.A) le Amîr qui tolère malgré tout que des Ulamâ' fassent, sur la base de la Shar', la critique de ce qu'il fait là et dit là (soit les cas 4, 5 et 6 plus haut évoqués) : ce Amîr ne les en empêche pas :
----- B.A.a) et, au contraire, écoutant ces critiques, ce Amîr revient à la droiture ;
----- B.A.b) cependant, ce Amîr continue sur sa lancée, n'apportant aucun crédit à ces critiques des Ulémas, écoutant plutôt d'autres personnes qui traitent les Ulémas d'arriérés ;
--- B.B) le Amîr qui, par l'intimidation, empêche tout 'Alim de faire la critique de ce qu'il fait là et dit là, et les oblige à garder le silence ;
--- B.C) le Amîr qui, par le biais d'une véritable contrainte (ik'râh), oblige les Ulémas qui se trouvent sous son autorité exécutive à apporter une caution religieuse (de par leur statut d'autorité de référence, de connaisseurs du Coran et de la Sunna) à ce qu'il a décidé de faire là et de dire là.
Ce cas B.C est encore plus grave que le B.B.
Et le B.B comporte lui aussi un élément aggravant par rapport au cas B.A.b, qui lui-même constitue déjà une faute.
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V) Le Prophète (sur lui la paix) a enjoint, en de nombreux hadîths, les gens de sa Umma à rester attachés à la Jamâ'ah :
– Pour rester attaché à la Jamâ'ah (en un premier sens), il faut rester dans la voie d'interprétation des Ulémas des 3 premières générations (il s'agit, parmi les 2ème et 3ème générations, des Ulémas qui demeurent attachés à la Voie d'interprétation de la 1ère génération : les Compagnons du Prophète). Et, pour cela, il faut, à toute époque, rester attachés aux : "gens du 'Ilm" : "وما أمر النبي صلى الله عليه وسلم بلزوم الجماعة، وهم أهل العلم" (Sahîh ul-Bukhârî, kitâb ul-i'tissâm bi-l-kitâb wa-s-sunna, bâb 19). Cela dans la mesure où ces "gens de 'ilm" sont versés dans l'étude des Textes, et où ils restent fidèles au cadre d'interprétation des 3 premières générations.
Les ulémas ne forment cependant pas un groupe hiérarchisé, pour la simple raison qu'il n'existe pas de clergé en islam, et qu'une pluralité d'interprétations est possible pour un certain nombre de points (les différences d'interprétations de ce genre n'étant pas concernées par les hadîths suscités).
Pour ces ulémas eux-mêmes, rester lié aux autres ulémas contemporains est un avantage, puisque cela est à même d'éviter à chacun d'eux les erreurs dans la compréhension des croyances et des normes, par la confrontation des points de vue et la critique constructive mutuelle.
– Et pour avoir une Jamâ'ah (en un sens autre que celui ci-dessus), il faut que les musulmans soient parvenus à être "structurés avec, à leur tête, un dirigeant (Amîr)". C'est le sens du hadîth suivant, où on voit Hudhayfa questionner le Prophète (sur lui soit la paix) :
"(...) "Après ce Bien, y aura t-il un (autre) Mal ?
- Oui. Des appeleurs se trouvant sur les portes de la Géhenne ; celui qui répondra à leur appel, ils le précipiteront dans la (Géhenne).
- Qualifie-les nous, Messager de Dieu !
- Ils font partie de notre groupe [= les musulmans], et parlent notre langue.
- Que m'ordonnes-tu de faire, si je connais cela ?
- Reste avec la Jamâ'ah des musulmans et leur Chef.
- Et s'ils n'ont ni Jamâ'ah ni Chef ?
- Tiens-toi alors à l'écart de tous ces groupes, fût-ce en mordant la racine d'un arbre, jusqu'à ce que la mort te vienne pendant que tu es ainsi" :
"عن حذيفة بن اليمان قال: كان الناس يسألون رسول الله صلى الله عليه وسلم عن الخير، وكنت أسأله عن الشر مخافة أن يدركني، فقلت يا رسول الله إنا كنا في جاهلية وشر، فجاءنا الله بهذا الخير، فهل بعد هذا الخير من شر؟ قال: "نعم." قلت: وهل بعد ذلك الشر من خير؟ قال: "نعم، وفيه دخن." قلت: وما دخنه؟ قال: "قوم يهدون بغير هديي، تعرف منهم وتنكر." قلت: فهل بعد ذلك الخير من شر؟ قال: "نعم، دعاة إلى أبواب جهنم، من أجابهم إليها قذفوه فيها." قلت: يا رسول الله، صفهم لنا؟ فقال: "هم من جلدتنا، ويتكلمون بألسنتنا." قلت: فما تأمرني إن أدركني ذلك؟ قال: "تلزم جماعة المسلمين وإمامهم." قلت: فإن لم يكن لهم جماعة ولا إمام؟ قال "فاعتزل تلك الفرق كلها، ولو أن تعض بأصل شجرة، حتى يدركك الموت وأنت على ذلك" (al-Bukhârî 3411, Muslim 1847).
Que les musulmans n'aient ni Jamâ'ah ni Amîr, cela signifie qu'ils ne sont pas structurés autour d'un pouvoir reconnu par eux (Fat'h ul-bârî 13/45).
Ces groupes évoqués désignent des groupes qui feront la guerre au Amîr pour lui disputer le pouvoir, ou qui (en l'absence d'un Amîr) se feront la guerre entre eux avec le même objectif (d'après Fat'h ul-bârî 13/46).
– On retrouve ainsi de nouveau le fait de se référer aux Ulémas et le fait de reconnaître l'autorité du Amîr.
– Partant de là, la Mufâraqat ul-Jamâ'ah possède 2 grands cas de figure :
--- Primo : Par rapport au Dîn :
----- Il y a ici le fait d'adhérer à un avis qui constitue une khata' qat'î ijtihâdî. At-Tirmidhî écrit : "وتفسير الجماعة عند أهل العلم هم أهل الفقه والعلم والحديث. وسمعت الجارود بن معاذ يقول: سمعت علي بن الحسن يقول: سألت عبد الله بن المبارك: "من الجماعة؟" فقال: "أبو بكر وعمر!" قيل له: "قد مات أبو بكر وعمر!" قال: "فلان وفلان!" قيل له: "قد مات فلان وفلان!" فقال عبد الله بن المبارك: "أبو حمزة السكري جماعة." وأبو حمزة هو محمد بن ميمون، وكان شيخا صالحا. وإنما قال هذا في حياته عندنا" (Jâmi' ut-Tirmidhî, sous le hadîth n° 2167). Ash-Shatibî écrit : "روى أبو نعيم عن محمد بن القاسم الطوسي قال: سمعت إسحاق بن راهويه وذكر في حديث رفعه إلى النبي صلى الله عليه وسلم قال: "إن الله لم يكن ليجمع أمة محمد على ضلالة، فإذا رأيتم الاختلاف فعليكم بالسواد الأعظم." فقال رجل: "يا أبا يعقوب! من السواد الأعظم؟" فقال: "محمد بن أسلم وأصحابه ومن تبعهم." ثم قال: "سأل رجل ابن المبارك: من السواد الأعظم؟ قال: أبو حمزة السكري." ثم قال إسحاق: "في ذلك الزمان (يعني أبا حمزة)! وفي زماننا: محمد بن أسلم ومن تبعه." ثم قال إسحاق: "لو سألت الجهال عن السواد الأعظم لقالوا: "جماعة الناس!" ولا يعلمون أن الجماعة عالم متمسك بأثر النبي صلى الله عليه وسلم وطريقه. فمن كان معه وتبعه فهو الجماعة." ثم قال إسحاق: "لم أسمع عالما منذ خمسين سنة كان أشد تمسكا بأثر النبي صلى الله عليه وسلم من محمد بن أسلم" (Al-I'tissâm, p. 267). De ces propos de Abdullâh ibn ul-Mubârak et de Is'hâq ibn Râhawayh, il ressort qu'il existe différents degrés quant à l'adhésion à la Jamâ'ah, car si on ne le comprend pas ainsi, cela impliquerait que seuls Abû Bakr et Omar étaient sur la Jamâ'ah, tandis que les autres Compagnons étaient dans le Dhalâl ! En fait, dans leur propos, "Jamâ'ah" signifie seulement : "Haqq". En vertu de cela, le contraire de "Jamâ'ah" peut être, en ce sens large, de la "Dhalal", comme cela peut être une simple Khata' Ijtihâdî (laquelle ne fait pas sortir de l'orthodoxie sunnite celui qui y adhère).
----- Plus accentué que cela est le fait de dévier dans la croyance (dhalâl). "عن معاوية بن أبي سفيان، أنه قام فينا فقال: ألا إن رسول الله صلى الله عليه وسلم قام فينا فقال: "ألا إن من قبلكم من أهل الكتاب افترقوا على ثنتين وسبعين ملة، وإن هذه الملة ستفترق على ثلاث وسبعين: ثنتان وسبعون في النار، وواحدة في الجنة، وهي الجماعة." زاد ابن يحيى وعمرو في حديثيهما: "وإنه سيخرج من أمتي أقوام تجارى بهم تلك الأهواء، كما يتجارى الكلب لصاحبه" (Abû Dâoûd, 4597). "عن عبد الله بن عمرو، قال: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "ليأتين على أمتي ما أتى على بني إسرائيل حذو النعل بالنعل، حتى إن كان منهم من أتى أمه علانية لكان في أمتي من يصنع ذلك، وإن بني إسرائيل تفرقت على ثنتين وسبعين ملة، وتفترق أمتي على ثلاث وسبعين ملة، كلهم في النار إلا ملة واحدة." قالوا: ومن هي يا رسول الله؟ قال: "ما أنا عليه وأصحابي" (at-Tirmidhî, 2641).
----- Plus accentué que tout cela est le fait de quitter l'islam en apostasiant (irtidâd). "والذي لا إله غيره، لا يحل دم رجل مسلم يشهد أن لا إله إلا الله وأني رسول الله، إلا ثلاثة نفر: التارك الإسلام المفارق للجماعة - أو الجماعة شك فيه أحمد - والثيب الزاني، والنفس بالنفس) (Muslim, 1676, Abû Dâoûd, 4352). Il y a aussi ces termes : "المارق من الدين التارك للجماعة" (al-Bukhârî, 6484), qui signifient la même chose.
-
--- Secundo : Par rapport au Amîr :
----- Il y a le bagh'y 'an il-amîr (البغي عن الأمير), qui consiste à "refuser, pour tout un groupe localisé, de reconnaître l'autorité qui devrait être reconnue par eux (par ce qu'il s'agit du calife, par exemple)". Lire sur le sujet mon article parlant des différents types de Bagh'y. "عن عبد الله بن عمر قال: "سمعت رسول الله صلى الله عليه وسلم يقول: "(...) ومن مات وليس في عنقه بيعة، مات ميتة جاهلية" : "Et celui qui meurt alors qu'il n'a pas (reconnu l'autorité), il meurt d'une mort jâhilî" (Muslim, 1851). Le bagh'y 'an il-amîr, c'est ce que firent les Compagnons qui constituèrent un groupe autour de la non-reconnaissance de l'autorité de 'Alî : Aïcha, Tal'ha et az-Zubayr d'une part, et Mu'âwiya et Amr ibn ul-Âs d'autre part (que Dieu les agrée tous) ; en soi interdit, cela ne leur apporta pas de péché parce que reposant sur un ijtihâd digne de ce nom de leur part.
----- Il y a encore le khurûj min tâ'at il-amîr (الخروج من طاعة الأمير), qui consiste à faire sécession : "عن نافع، قال: جاء عبد الله بن عمر إلى عبد الله بن مطيع حين كان من أمر الحرة ما كان، زمن يزيد بن معاوية؛ فقال: "اطرحوا لأبي عبد الرحمن وسادة!" فقال: "إني لم آتك لأجلس؛ أتيتك لأحدثك حديثا سمعت رسول الله صلى الله عليه وسلم يقوله: سمعت رسول الله صلى الله عليه وسلم يقول: "من خلع يدا من طاعة، لقي الله يوم القيامة لا حجة له. ومن مات وليس في عنقه بيعة، مات ميتة جاهلية" (Muslim, 1851 ; voir aussi al-Bukhârî, 6694). "عن أبي هريرة، عن النبي صلى الله عليه وسلم أنه قال: "من خرج من الطاعة وفارق الجماعة فمات، مات ميتة جاهلية، ومن" (Muslim, 1848). "عن ابن عباس، يرويه، قال: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "من رأى من أميره شيئا يكرهه فليصبر، فإنه من فارق الجماعة شبرا، فمات، فميتة جاهلية" (Muslim, 1849/55). "عن ابن عباس، عن رسول الله صلى الله عليه وسلم، قال: "من كره من أميره شيئا، فليصبر عليه، فإنه ليس أحد من الناس خرج من السلطان شبرا، فمات عليه، إلا مات ميتة جاهلية" (Muslim, 1849/56).
----- Plus accentué est le bagh'y 'ala-l-amîr (الخروج على الأمير) (la révolte armée contre le Amîr pour le renverser) alors que cela n'est pas justifié (vu que le Amîr n'est pas dans du Kufr Bawâh, ou qu'il l'est mais qu'il y a davantage de Mafsada dans le fait de chercher à le renverser qu'à ne pas chercher à le faire) (soit le cas 7 plus haut évoqué).
Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).