Question :
Pourquoi une femme musulmane n'a-t-elle pas la possibilité, en islam, de se marier avec un homme non-musulman, alors qu'un homme musulman peut se marier dans certains cas avec une femme non-musulmane ?
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Réponse :
Tout d'abord il faut bien cerner le cadre de votre question. Et il faut pour cela rappeler une chose que beaucoup de musulmans et de musulmanes ignorent ou oublient lorsqu'ils emploient le terme "mariage mixte" : être musulman, ce n'est pas forcément être d'origine orientale ou africaine. L'islam est une religion universelle, et une personne de type européen peut tout à fait être musulmane, autant musulmane qu'une personne née dans une famille musulmane. Aussi, un homme qui était non-musulman et qui choisit de se convertir à l'islam n'est pas un non-musulman, mais un musulman à part entière, quels que soient son pays et sa famille d'origine et quelle que soit son ancienne religion. Le mariage d'une femme née dans une famille musulmane, avec un homme converti à l'islam (quels que soient son pays et sa famille d'origine et quelle que soit son ancienne religion) n'est donc pas "le mariage d'une musulmane avec un non-musulman", mais bien le mariage d'un musulman avec une musulmane. Ce cas n'est donc pas concerné par votre question, qui concerne donc uniquement le mariage d'une femme musulmane (quel que soit son pays d'origine) avec un homme qui garde sa religion non-musulmane (quel que soit son pays d'origine). Et vous voulez pourquoi l'islam demande d'éviter ce type de mariage (nikâh).
Les sources musulmanes interdisent effectivement à une musulmane d’épouser un non-musulman, tandis que, comme nous l'avons expliqué dans un autre article, le mariage d’un musulman avec une juive ou une chrétienne est autorisé sous certaines conditions.
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Cette règle telle que la présentent nos textes :
C'est après le pacte de al-Hudaybiya (qui a eu lieu en l'an 6 de l'hégire) que le Coran a réglementé le mariage des musulmans avec des non-musulmans (Majmû' ul-fatâwâ, 32/186) : il est alors demandé à ceux qui avaient fait de tels mariages de ne plus considérer le lien de tels mariages déjà établis comme étant impératifs (lâzim). C'est un verset de la sourate "Al-Mumtahana" qui est venu apporter le changement : "O les croyants, lorsque les musulmanes viennent à vous en ayant émigré, éprouvez-les ; Dieu connaît mieux leur foi ; si vous constatez qu'elles sont croyantes, ne les faites pas retourner vers les non-musulmans ; elles ne sont pas licites pour eux et eux ne sont pas licites pour elles" (Coran, 60/10) (c'est-à-dire qu'il n'est pas licite pour ces musulmanes de se donner à eux et il n'est pas licite pour ces musulmanes de les recevoir en intimité) et "Ne retenez pas le lien conjugal [contracté auparavant avec] des non-musulmanes" (Coran 60/10). Le texte de ce verset englobe le mariage d'un musulman avec toute non-musulmane, de même que le mariage d'une musulmane avec tout non-musulman : ceux qui étaient déjà établis ne sont plus impératifs (lâzim) (Ahkâmu ahl idh-dhimma, 1/344) et il ne faudra plus en faire de nouveaux (Majmû' ul-fatâwâ, 32/186).
De même, le verset suivant de la sourate "Al-Baqara" – révélé peut-être après celui de "Al-Mumtahana" d'après Majmû' ul-fatâwâ, 32/180 – dit : "Ne vous mariez pas avec les mushrikât jusqu'à ce qu'elles soient musulmanes (…). Et ne mariez pas (vos parentes) avec des mushrikîn jusqu'à ce qu'ils soient musulmans (…)" (Coran 2/221). Le terme "mushrik" ne désigne habituellement pas la personne des Gens du Livre (ahl ul-kitâb) ; c'est bien pourquoi d'autres versets font explicitement la différence entre "mushrik" et "ahl al-kitâb" ; ainsi "Wa la-tasma'unna min-alladhîna ûtul-l-kitâba min qab'likum wa min-alladhîna ashrakû…" ; "Lam yakun illadhîna kafarû min ahl il-kitâbi wal-mushrikîna…". En fait le terme "kâfir" est général et le terme "mushrik" particulier. Cependant, dans les cas où ce terme "mushrik" est utilisé seul, il est parfois synonyme de "kâfir" et désigne alors tout non-musulman, Gens du Livre y compris ; ainsi : "Innama-l-mushrikûna najas fa lâ yaq'rabu-l-masjid al-harâma…" englobe, selon Umar ibn Abd il-Azîz, les Gens du Livre aussi (Tafsîr Ibn Kathîr). Ceci car une certaine dimension secondaire du shirk n'est pas toujours absente : "Ittakhadhû ahbârahum wa ruhbânahum arbâban min dûnillâhi wal-massîha-b-na maryam (…). Sub'hânahû 'ammâ yushrikûn" (voir Majmû' ul-fatâwâ, 32/180).
Mais même si on considère qu'ici, dans ce verset de "Al-Baqara" 2/221, le terme "mushrik" n'englobe pas les Gens du Livre et n'interdit que le mariage d'un musulman avec une polythéiste et le mariage d'une musulmane avec un polythéiste, de toute façon le verset de "Al-Mumtahana", que nous avons vu plus haut et qui avait été révélé avant ce verset de "Al-Baqara", a déjà interdit le mariage d'un musulman avec toute non-musulmane et le mariage d'une musulmane avec tout non-musulman.
D'un autre côté, cependant, la sourate "Al-Mâ'ïda" est parmi les dernières sourates à avoir été révélées (Majmû' ul-fatâwâ, 32/180). Or, un de ses versets a, de l'interdiction des mariages sus-mentionnés, fait l'exception du mariage d'un musulman avec une chrétienne ou une juive : "Et [il vous est permis de vous marier avec] les femmes vertueuses parmi les croyantes et les femmes vertueuses parmi les gens qui ont reçu le Livre avant vous, si vous leur donnez leur douaire, ceci étant sous la forme d'un mariage et non en gens de mauvaise vie ni en preneurs d'amantes" (Coran, 5/5). Ce cas de mariage est donc en soi autorisé.
Tous les autres cas (mariage d'un musulman avec une polythéiste, une agnostique ou une athée, et mariage d'une musulmane avec un juif, un chrétien, un polythéiste, un agnostique ou un athée) restent interdits et restent concernés par les versets sus-cités de la sourate "Al-Mumtahana" et de la sourate "Al-Baqara". Il n'y a pas de divergence d'interprétations à propos de cette règle ; il y a au contraire consensus sur cela.
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Le pourquoi de cette règle :
Cette différence entre le mariage d'un musulman avec une juive ou une chrétienne et le mariage d'une musulmane avec un non-musulman est à comprendre par rapport à trois points...
Primo, le mariage est quelque chose de très important, qui demande beaucoup plus que l'amour. En effet, en plus d'être fondé sur l'amour, un couple est aussi un équilibre qui se maintient au jour le jour, à force de compréhension mutuelle, de concessions, de dialogue et de volonté. Or, le fait d'avoir une sorte de non-reconnaissance de ses croyances, de ses valeurs et de son cadre de référence fragilise énormément les fondements du couple.
Secundo, l'organisation de la famille en islam est telle qu'il y a une complémentarité des fonctions qui fait par exemple que le mari a le devoir de subvenir aux besoins de la famille, mais que l’épouse a le droit de ne pas subvenir à ses propres besoins matériels même si elle possède des biens. Cette différence des fonctions fait que l’épouse peut se retrouver dans une situation de dépendance par rapport au mari.
Tertio, les musulmans et musulmanes reconnaissent tous et toutes comme véridiques Moïse et Jésus : celui qui ne reconnaît pas en eux d'authentiques messagers de Dieu, ayant reçu de Lui la révélation, n'est pas musulman.
C’est dans le cadre de ces trois particularités que l'on peut comprendre pourquoi un musulman peut se marier avec une juive ou une chrétienne (sous certaines conditions) mais qu’une musulmane ne peut pas se marier avec un non-musulman. En effet, au cas où une juive ou une chrétienne épouse un musulman, le responsable du foyer reconnaît sa foi en Moïse et Jésus, qui sont considérés comme d'authentiques messagers de Dieu. En revanche, les sources musulmanes n'ont pas permis le mariage d'une femme musulmane avec un juif ou un chrétien, parce qu’elle pourrait se retrouver dans une situation où le responsable du foyer ne reconnaît absolument pas sa foi et le message de Muhammad comme un authentique message de Dieu... Voilà pourquoi ce qui est possible dans un sens ne l’est pas dans l’autre.
Wallâhu A’lam (Dieu sait mieux).
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A lire par ailleurs :
Qui sont les Gens du Livre ?