Dans le Coran, Dieu raconte qu'à la demande d'un peuple souffrant des pillages de Gog et Magog, Dhu-l-Qarnayn bâtit une muraille pour empêcher ceux-ci de continuer à le faire. Il dit :
"وَيَسْأَلُونَكَ عَن ذِي الْقَرْنَيْنِ قُلْ سَأَتْلُو عَلَيْكُم مِّنْهُ ذِكْرًا إِنَّا مَكَّنَّا لَهُ فِي الْأَرْضِ وَآتَيْنَاهُ مِن كُلِّ شَيْءٍ سَبَبًا فَأَتْبَعَ سَبَبًا حَتَّى إِذَا بَلَغَ مَغْرِبَ الشَّمْسِ وَجَدَهَا تَغْرُبُ فِي عَيْنٍ حَمِئَةٍ وَوَجَدَ عِندَهَا قَوْمًا قُلْنَا يَا ذَا الْقَرْنَيْنِ إِمَّا أَن تُعَذِّبَ وَإِمَّا أَن تَتَّخِذَ فِيهِمْ حُسْنًا قَالَ أَمَّا مَن ظَلَمَ فَسَوْفَ نُعَذِّبُهُ ثُمَّ يُرَدُّ إِلَى رَبِّهِ فَيُعَذِّبُهُ عَذَابًا نُّكْرًا وَأَمَّا مَنْ آمَنَ وَعَمِلَ صَالِحًا فَلَهُ جَزَاء الْحُسْنَى وَسَنَقُولُ لَهُ مِنْ أَمْرِنَا يُسْرًا ثُمَّ أَتْبَعَ سَبَبًا حَتَّى إِذَا بَلَغَ مَطْلِعَ الشَّمْسِ وَجَدَهَا تَطْلُعُ عَلَى قَوْمٍ لَّمْ نَجْعَل لَّهُم مِّن دُونِهَا سِتْرًا كَذَلِكَ وَقَدْ أَحَطْنَا بِمَا لَدَيْهِ خُبْرًا ثُمَّ أَتْبَعَ سَبَبًا حَتَّى إِذَا بَلَغَ بَيْنَ السَّدَّيْنِ وَجَدَ مِن دُونِهِمَا قَوْمًا لَّا يَكَادُونَ يَفْقَهُونَ قَوْلًا قَالُوا يَا ذَا الْقَرْنَيْنِ إِنَّ يَأْجُوجَ وَمَأْجُوجَ مُفْسِدُونَ فِي الْأَرْضِ فَهَلْ نَجْعَلُ لَكَ خَرْجًا عَلَى أَن تَجْعَلَ بَيْنَنَا وَبَيْنَهُمْ سَدًّا قَالَ مَا مَكَّنِّي فِيهِ رَبِّي خَيْرٌ فَأَعِينُونِي بِقُوَّةٍ أَجْعَلْ بَيْنَكُمْ وَبَيْنَهُمْ رَدْمًا آتُونِي زُبَرَ الْحَدِيدِ حَتَّى إِذَا سَاوَى بَيْنَ الصَّدَفَيْنِ قَالَ انفُخُوا حَتَّى إِذَا جَعَلَهُ نَارًا قَالَ آتُونِي أُفْرِغْ عَلَيْهِ قِطْرًا فَمَا اسْطَاعُوا أَن يَظْهَرُوهُ وَمَا اسْتَطَاعُوا لَهُ نَقْبًا قَالَ هَذَا رَحْمَةٌ مِّن رَّبِّي فَإِذَا جَاء وَعْدُ رَبِّي جَعَلَهُ دَكَّاء وَكَانَ وَعْدُ رَبِّي حَقًّا وَتَرَكْنَا بَعْضَهُمْ يَوْمَئِذٍ يَمُوجُ فِي بَعْضٍ وَنُفِخَ فِي الصُّورِ فَجَمَعْنَاهُمْ جَمْعًا وَعَرَضْنَا جَهَنَّمَ يَوْمَئِذٍ لِّلْكَافِرِينَ عَرْضًا"
"Et ils t'interrogent (ô Muhammad) au sujet de Dhu-l-Qarnayn. Dis : "Je vais vous en citer quelque fait"" (Coran 18/83). Puis, plus loin, parmi ces faits, on lit : "Ensuite il suivit une autre voie. Jusqu'à ce que, quand il eut atteint (le lieu) situé entre les deux parois, il trouva en-deçà d'elles un peuple qui ne comprenait presque pas une parole [de lui]. Ils (lui) dirent : "O Dhu-l-Qarnayn, Gog et Magog font des ravages sur la terre. Te donnerions-nous donc un tribut pour que tu construises une barrière entre nous et eux ?" Il dit : "Ce que mon Pourvoyeur m'a donné est (bien) meilleur ! Aidez-moi avec force, je construirai pour vous en remblai entre vous et eux. Apportez-moi des blocs de fer !" Jusqu'à ce que, lorsqu'il eut comblé l'espace entre les deux parois, il dit : "Soufflez !" Jusqu'à ce que, lorsqu'il en eut fait une fournaise, il dit : "Apportez-moi du cuivre fondu, que je le déverse dessus !" Ils [= Gog et Magog] ne purent pas l'escalader et ils ne purent non plus le percer. Il [= Dhu-l-Qarnayn] dit : "Ceci est une miséricorde la part de mon Pourvoyeur. Puis, lorsque la promesse de mon Pourvoyeur viendra, Il en fera quelque chose de nivelé. Et la promesse de mon Pourvoyeur est vérité." Et ce jour-là Nous laissons certains d'entre eux déferler comme les flots parmi d'autres. Et on soufflera dans le Cor, alors Nous les rassemblerons tous. Et Nous présenterons la Géhenne ce jour-là aux incroyants" (Coran 18/92-100).
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– A) Un premier avis : Gog et Magog sont emprisonnés derrière cette muraille, et ils ne réussiront à se libérer que peu de temps avant la Fin du monde ; c'est alors qu'ils déferleront :
Les ulémas tenants de cette explication fondent celle-ci sur plusieurs textes...
– 1) Une parole rapportée par Abû Hurayra et attribuée au Prophète (marfû') se lit ainsi : "إن يأجوج ومأجوج ليحفرون السد كل يوم حتى إذا كادوا يرون شعاع الشمس قال الذى عليهم ارجعوا فستحفرونه غدا. فيعودون إليه كأشد ما كان حتى إذا بلغت مدتهم وأراد الله عز وجل أن يبعثهم على الناس حفروا حتى إذا كادوا يرون شعاع الشمس قال الذى عليهم ارجعوا فستحفرونه غدا إن شاء الله؛ ويستثنى. فيعودون إليه وهو كهيئته حين تركوه فيحفرونه ويخرجون على الناس فينشفون المياه ويتحصن الناس منهم فى حصونهم" : "Ils [= Gog et Magog] creusent la [muraille] chaque jour. Alors, lorsqu'ils sont sur le point de la percer, leur chef dit : "Retournez vous-en, vous la percerez demain !" Dieu la fait retourner à son état, aussi dur qu'elle l'était. Lorsque la durée de temps leur [ayant été impartie] viendra et que Dieu voudra les faire sortir sur les hommes, leur chef dira : "Retournez vous-en, vous la percerez demain si Dieu le veut !", prononçant alors la formule de "istithnâ". Ils s'en retourneront donc, (puis, le lendemain,) retrouveront la [muraille] comme elle était [la veille]. Ils la perceront donc et sortiront sur les hommes. Ils boiront l'eau et les hommes se réfugieront d'eux en s'abritant dans des forts. (...)" (rapporté notamment par at-Tirmidhî, 3153, et Ibn Mâja, 4080, Ahmad).
– 2) Zaynab relate que le Prophète Muhammad (sur lui la paix) s'exclama un jour : "لا إله إلا الله، ويل للعرب من شر قد اقترب؛ فُتِحَ اليوم من ردم يأجوج ومأجوج مثلُ هذه" : "Lâ ilâha illa'llâh ! Malheur aux Arabes à cause d'un malheur devenu proche ! Aujourd'hui, quelque chose de semblable à ceci – et il fit un petit cercle de ses doigts – a été ouvert dans la muraille de Gog et Magog" (al-Bukhârî, 3168, Muslim, 2880). Ce hadîth-ci montre que, un jour, à l'époque du prophète Muhammad (sur lui soit la paix), Gog et Magog avaient, creusant la muraille, réussi à y pratiquer un très petit trou. Bien entendu, comme exposé dans le hadîth précédent, ensuite ils s'en retournèrent sur ordre de leur chef et, pendant la nuit, la muraille fut rendue à son épaisseur initiale.
– 3) Dans le Coran, dans la sourate Al-Anbiyâ', on lit ceci : "Jusqu'à ce que, quand Gog et Magog seront futihat et qu'ils dévaleront de chaque colline. La promesse vraie [= la fin du monde] sera alors devenue proche (…)" (Coran 21/96-97). "futihat" veut dire : "être ouvert", donc, ici : "être libérés". Ceci rejoint ce que le hadîth rapporté par at-Tirmidhî et Ibn Mâja enseigne : Gog et Magog sont emprisonnés derrière la muraille construite par Dhu-l-Qarnayn, et ils n'en seront libérés que lorsque leur chef aura l'idée de dire "Si Dieu le veut". Quand ils seront ainsi libérés, ils déferleront sur la Terre et dévaleront de toute colline.
– 4) De même, dans la sourate Al-Kahf, quand Dieu relate que Dhu-l-Qarnayn a dit : "Ceci est une miséricorde la part de mon Pourvoyeur. Puis, lorsque la promesse de mon Pourvoyeur viendra, Il en fera quelque chose de nivelé. Et la promesse de mon Pourvoyeur est vérité", il voulait désigner, par "lorsque la promesse de Dieu viendra", ce moment où Gog et Magog réussiront, par la permission takwînî de Dieu, à percer le mur. Peu après ils raseront le mur jusqu'au niveau du sol, le mur sera alors nivelé. Gog et Magog sortiront alors et, comme ils le faisaient avant Dhu-l-Qarnayn, ils iront ravager la terre.
– 5) Et quand Dieu dit : "Ce jour-là, Nous laisserons certains d'entre eux déferler comme les flots parmi d'autres", Il parle du déferlement de Gog et Magog. Celui-ci se produira juste quelque temps avant la Fin du monde (as-sâ'a), qui sera suivie de la Résurrection (al-qiyâma /al-ba'th) et du Rassemblement (al-hashr), comme le dit la suite du verset : "Et on soufflera dans le Cor, Nous les rassemblerons alors tous".
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– B) Une autre interprétation de ces textes (c'est elle que personnellement je trouve plus pertinente) : Gog et Magog ne sont pas emprisonnés derrière la muraille que Dhu-l-Qarnayn avait bâtie : celle-ci ne faisait que leur barrer le passage aux cités de Ciscaucasie. Par ailleurs, "Gog et Magog" sont deux noms qui désignent des peuples différents, bien qu'apparentés géographiquement, ethniquement et/ou culturellement :
– 1) De la parole de Abû Hurayra sus-mentionnée : "إن يأجوج ومأجوج ليحفرون السد كل يوم حتى إذا كادوا يرون شعاع الشمس قال الذى عليهم ارجعوا فستحفرونه غدا. فيعودون إليه كأشد ما كان حتى إذا بلغت مدتهم وأراد الله عز وجل أن يبعثهم على الناس حفروا حتى إذا كادوا يرون شعاع الشمس قال الذى عليهم ارجعوا فستحفرونه غدا إن شاء الله؛ ويستثنى. فيعودون إليه وهو كهيئته حين تركوه فيحفرونه ويخرجون على الناس فينشفون المياه ويتحصن الناس منهم فى حصونهم" : "Ils [= Gog et Magog] creusent la [muraille] chaque jour. Alors, lorsqu'ils sont sur le point de la percer, leur chef dit : "Retournez vous-en, vous la percerez demain !" Dieu la fait retourner à son état, aussi dur qu'elle l'était. Lorsque la durée de temps leur [ayant été impartie] viendra et que Dieu voudra les faire sortir sur les hommes, leur chef dira : "Retournez vous-en, vous la percerez demain si Dieu le veut !", prononçant alors la formule de "istithnâ". Ils s'en retourneront donc, (puis, le lendemain,) retrouveront la [muraille] comme elle était [la veille]. Ils la perceront donc et sortiront sur les hommes. Ils boiront l'eau et les hommes se réfugieront d'eux en s'abritant dans des forts. (...)" (rapporté notamment par at-Tirmidhî, 3153, et Ibn Mâja, 4080, Ahmad), Ibn Kathîr commence par en exprimer l'excellente qualité de la chaîne de transmission, avant de... mettre en doute l'idée qu'elle ait réellement comme origine le Prophète (sur lui soit la paix). Il écrit : "وهذا إسناده قوي، ولكن في رفعه نكارة؛ لأن ظاهر الآية يقتضي أنهم لم يتمكنوا من ارتقائه ولا من نقبه لإحكام بنائه وصلابته وشدته. ولكن هذا قد روي عن كعب الأحبار: أنهم قبل خروجهم يأتونه فيلحسونه حتى لا يبقى منه إلا القليل، فيقولون: غدًا نفتحه. فيأتون من الغد وقد عاد كما كان، فيلحسونه حتى لا يبقى منه إلا القليل، فيقولون كذلك، ويصبحون وهو كما كان، فيلحسونه ويقولون: غدًا نفتحه. ويلهمون أن يقولوا: "إن شاء الله"، فيصبحون وهو كما فارقوه، فيفتحونه. وهذا مُتَّجه. ولعل أبا هريرة تلقاه من كعب؛ فإنه كثيرًا ما كان يجالسه ويحدثه، فحدث به أبو هريرة، فتوهم بعض الرواة عنه أنه مرفوع، فرفعه. والله أعلم" (Tafsîr Ibn Kathîr) : "Et cette (parole), sa chaîne de transmission est forte. Mais il est douteux qu'elle ait comme origine le Prophète." Ibn Kathîr explique ce caractère douteux par le fait qu'il y a une évidente contradiction qui apparaît entre le contenu de cette parole et le verset 97 de sourate Al-Kahf. En effet, la parole susmentionnée dit que Gog et Magog peuvent creuser le mur et qu'ils pourraient facilement le percer si Dieu ne lui rendait pas chaque jour son épaisseur initiale. Alors que le verset 97 dit, lui, que le mur fut si dur et si robuste qu'ils ne purent pas le percer. Ibn Kathîr poursuit ainsi : "Par contre ceci [= une parole de ce genre à propos de Gog et Magog] a été relaté de Ka'b al-Ahbar (…). Il est [donc] possible que Abû Hurayra ait appris cette parole de Ka'b – car souvent il s'asseyait en sa compagnie et lui parlait –, et qu'il l'ait racontée (à son tour), et que [par la suite] certains maillons (ruwât) aient cru que cette parole a pour origine le Prophète et la lui aient attribuée. Et Dieu sait mieux !" (Tafsîr Ibn Kathîr, commentaire du verset 18/96-97).
Le fait est que Muslim a rapporté ceci dans son livre At-Tamyîz que Busr ibn Sa'îd dit : "Craignez Dieu, et prenez garde de (relater à la va-vite) les hadîths ! Car par Dieu, nous avons vu notre (groupe) s'assoir en compagnie de Abû Hurayra, celui-ci relatant des propos du Messager de Dieu - que Dieu le bénisse et le salue -, et relatant des propos de Ka'b, avant de se lever (et partir) ; j'entendais ensuite l'un de ceux qui étaient avec nous (se tromper et) attribuer le propos du Messager de Dieu - que Dieu le bénisse et le salue - à Ka'b, et le propos de Ka'b au Messager de Dieu - que Dieu le bénisse et le salue -" : "حدثنا عبدالله بن عبد الرحمن الدرامي، ثنا مروان الدمشقي، عن الليث بن سعد، حدثني بكير بن الأشج، قال: قال لنا بسر بن سعيد: "اتقوا الله و تحفظوا من الحديث! فوالله لقد رأيتنا نجالس أبا هريرة فيحدث عن رسول الله، و يحدثنا عن كعب، ثم يقوم. فأسمع بعض من كان معنا يجعل حديث رسول الله صلى الله عليه و سلم عن كعب، وحديث كعب عن رسول الله صلى الله عليه و سلم" (At-Tamyîz, Muslim).
Tout ceci nous montre la rigueur des ulémas dans leur étude critique (naqd) de tout ce qui est attribué au Prophète - sur lui la paix -, leur objectif étant de n'attribuer à celui-ci que les relations qui remplissent les conditions voulues en la matière.
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D'après cet avis, le mur que Dhu-l-Qarnayn a bâti n'était pas une construction derrière laquelle Gog et Magog auraient été complètement enfermés. C'était une muraille leur barrant seulement l'accès aux cités de Ciscaucasie, où Dhu-l-Qarnayn s'était rendu. A lire plus attentivement le texte du Coran, on s'aperçoit d'ailleurs que les gens avaient bien dit à Dhu-l-Qarnayn : "Pourrais-tu mettre une barrière entre nous et eux"(Coran 18/94), et que Dhu-l-Qarnayn ne leur avait pas dit autre chose : "Je vais mettre un remblai entre vous et eux" (Coran 18/95).
Dans un hadîth il est relaté qu'un homme de Médine dit un jour au Prophète (sur lui soit la paix) : "Messager de Dieu, j'ai vu la muraille (sadd) de Gog et Magog. - Comment l'as-tu vue ? s'enquit le Prophète. - Semblable au manteau à rayures : une ligne rouge et une ligne noire. - Tu l'as effectivement vue", dit le Prophète. "قال رجل للنبى صلى الله عليه وسلم: رأيتُ السد مثل البرد المحبر. قال: رأيتَه" (cité ta'lîqan par al-Bukhârî dans son Jâmi' Sahîh, Kitâbu ahâdith il-anbiyâ', Bâb qissati ya'jûj wa ma'jûj). Ce hadîth est en fait rapporté mawsûlan par Ibn Abî Umar, comme Ibn Hajar l'a écrit : "قوله وقال رجل للنبي صلى الله عليه وسلم رأيت السد مثل البرد المحبر قال رأيته: وصله بن أبي عمر من طريق سعيد بن أبي عروبة عن قتادة عن رجل من أهل المدينة أنه قال للنبي صلى الله عليه وسلم: "يا رسول الله قد رأيت سد يأجوج ومأجوج". قال: "كيف رأيته؟" قال: "مثل البرد المحبر طريقة حمراء وطريقة سوداء". قال: "قد رأيته". ورواه الطبراني من طريق سعيد بن بشير عن قتادة عن رجلين عن أبي بكرة أن رجلا أتى النبي صلى الله عليه وسلم فقال فذكر نحوه؛ وزاد فيه زيادة منكرة وهي "والذي نفسي بيده لقد رأيته ليلة أسري بي لبنة من ذهب ولبنة من فضة". وأخرجه البزار من طريق يوسف بن أبي مريم الحنفي عن أبي بكرة ورجل رأى السد، فساقه مطولا" (Fat'h ul-bârî 6/466). Pour sa part, Ibn Kathîr pense que ce hadîth est plutôt mursal : "ذكره البخاري معلقا بصيغة الجزم. ولم أره مسندا من وجه متصل أرتضيه، غير أن ابن جرير رواه في تفسيره مرسلا" (Al-Bidâya wa-n-nihâya 2/126).
Selon les recherches de as-Syohârwî, il existe, aujourd'hui encore, dans la passe de Darial (laquelle se trouve dans le massif du Caucase), un mur [ou des vestiges d'un mur] de fer et de cuivre entre deux parois montagneuses. C'est le mur que Cyrus II (Dhu-l-Qarnayn) avait construit autrefois pour empêcher les Scythes (Gog et Magog pour l'époque d'alors) de venir piller les cités situées en-deçà du massif (cf. Qassas ul-qur'ân, 3/205-207). Ibn Hishâm a aussi cité "la barrière que Dhu-l-Qarnayn bâtit en Arménie" : "وذكر ابن هشام في التيجان أن أمة منهم آمنوا بالله فتركهم ذو القرنين لما بنى السد بأرمينية، فسموا الترك لذلك" (Fat'h ul-bârî 6/466). "ومحلته في شرقي الأرض في جهة الشمال في زاوية الأرض الشرقية الشمالية" (Al-Bidâya wa-n-nihâya 2/126). "في كتاب "المسالك والممالك": أن الواثق بالله رأى في المنام كأنه فتح هذا الردم؛ فبعث بعض الخدم إليه ليعاينوه؛ فخرجوا من باب الأبواب حتى وصلوا إليه وشاهدوه. فوصفوا أنه بناء من لبن من حديد مشدود بالنحاس المذاب وعليه باب مقفل. ثم إن ذلك الإنسان لما حاول الرجوع، أخرجهم الدليل على البقاع المحاذية لسمرقند. قال أبو الريحان: مقتضى هذا أن موضعه في الربع الشمالي الغربي من المعمورة. والله أعلم بحقيقة الحال" (Tafsîr ur-Râzî).
Comme l'a écrit Pierre Briant, "il serait totalement illusoire et vain de prétendre reconstituer les campagnes de Cyrus" ; de plus, "les dix dernières années du règne de Cyrus sont incroyablement mal connues" (Histoire de l'Empire perse, Fayard, p. 50 et p. 60 respectivement).
Comme nous l'avons écrit dans un autre article, "Gog et Magog" sont les noms que les peuples d'Orient donnaient aux peuplades originaires d'Asie centrale qui, régulièrement, faisaient des incursions dans les cités pour les piller (Qassas ul-qur'ân, 3/184-195). Et le Coran a repris ces noms, même s'ils peuvent désigner des peuples différents en fonction d'époques différentes. Dans cet autre article, nous avons ainsi écrit que :
– les Gog et Magog dont un peuple se plaignit des ravages à Dhu-l-Qarnayn étaient les Scythes ;
– le déferlement des Gog et Magog dont le prophète Muhammad (sur lui soit la paix) s'était inquiété (comme l'a relaté de lui Zaynab) est l'invasion des terres arabo-islamiques par les Mongols de Gengis Khan encadrant des troupes turques ;
– et le déferlement devant suivre le retour de Jésus sur terre sera le fait d'un autre peuple encore, peut-être la civilisation confucéenne, fédérée autour de la Chine...
Et quand le peuple que Dhu-l-Qarnayn rencontra dit à celui-ci : "Gog et Magog font des ravages sur la Terre", ils voulaient parler non pas de toute la Terre mais de la partie de la Terre sur laquelle ils se trouvaient (cliquez ici pour lire d'autres exemples comparables, existant dans d'autres textes).
On trouve dans la Muqaddima de Ibn Khaldûn que la localisation de Gog et Magog se trouve bien en Asie centrale.
– 2) Quant au hadîth relaté par Zaynab, dans lequel on lit que le Prophète Muhammad (sur lui la paix) s'exclama un jour : "لا إله إلا الله، ويل للعرب من شر قد اقترب؛ فُتِحَ اليوم من ردم يأجوج ومأجوج مثلُ هذه" : "Lâ ilâha illa'llâh ! Malheur aux Arabes à cause d'un malheur devenu proche ! Aujourd'hui, quelque chose de semblable à ceci – et il fit un petit cercle de ses doigts – a été ouvert dans la muraille de Gog et Magog" (al-Bukhârî, 3168, Muslim, 2880), as-Syoharwî relate de al-Qurtubî et de al-Kirmânî que cette "ouverture" est à comprendre dans un sens métaphorique (Qassas ul-qur'ân, 3/220-221). Ibn Kathîr a lui aussi relaté de certains ulémas cette façon de voir : "فالجواب: أما على قول من ذهب إلى أن هذا إشارة إلى فتح أبواب الشر والفتن وأن هذا استعارة محضة وضرب مثل، فلا إشكال" (Al-Bidâya wa-n-nihâya 2/127).
A l'époque du prophète Muhammad (sur lui soit la paix), des tribus turques étaient présentes aussi bien dans les steppes de l'Asie Centrale (donc à l'est et au nord de la mer d'Aral) qu'au nord et à l'ouest de la Mer Caspienne (c'était le cas des Khazars). Jusqu'à la Première guerre mondiale, cette région était d'ailleurs connue sous le nom de "Turkestan" (Atlas des peuples d'Orient, p. 148). "L'histoire des Turcs, à partir du VIè siècle, est celle d'une lente expansion vers l'ouest, sans qu'il soit possible de distinguer, en fin de compte, entre migration à proprement parler et assimilation (ou "turquisation") des populations soumises" (Atlas des peuples d'Orient, p. 146). "Turcs eux aussi, les Khazars dominent, à partir du VIIè siècle, les rives nord et ouest de la Caspienne (qu'aujourd'hui encore les Turcs nomment Hazar Denizi, la mer des Khazars), puis le bassin inférieur de la Volga et celui du Don. Des guerres les opposent aux Arabes au VIIIè siècle" (Ibid, p. 187).
Le hadîth relaté par Zaynab a été prononcé entre l'an 3 (date la plus précoce possible de son mariage avec le Prophète) et l'an 11 a.h. (date du décès de celui-ci), donc entre l'an 625 et 632 a.g. Ce que le Prophète a décrit dans ce hadîth a consisté en :
--- soit l'information d'un mouvement s'étant produit, ce jour-là, chez certaines tribus turques (serait-ce l'alliance entre Khazars et Göktürks pour la bataille contre les Perses en Transcaucasie ?) ;
--- soit l'information d'une vision qu'il a reçue ce jour-là du futur déferlement des Mongols de Gengis Khan, encadrant des tribus turques, des siècles plus tard (cela serait alors comparable au cas XI cité dans mon article parlant du Kashf). Ces Mongols ont causé d'énormes dommages à la civilisation arabo-musulmane. La question de Zaynab était bien : "Un (pareil) malheur de destruction pourrait-il donc frapper la Umma alors même que des pieux se trouvent parmi elle ? - Oui, si le mal moral est commis abondamment" lui avait répondu le Prophète.
– 3) Quant au verset : "Jusqu'à ce que, quand Gog et Magog seront futihat et qu'ils dévaleront de chaque colline. La promesse vraie [= la fin du monde] sera alors devenue proche (…)" (Coran 21/96-97), si "futihat" veut effectivement dire : "être ouvert", ici il est à appréhender dans un sens métaphorique, tout simplement celui de "déferler". As-Syôhârwî écrit que c'est leur irruption qui sera comparable au mouvement de gens qui avaient été emprisonnés et puis sont tout d'un coup relâchés. Mais cela n'implique pas que les Gog et Magog qui déferleront à ce moment-là étaient jusqu'alors réellement enfermés derrière le mur que Dhu-l-Qarnayn avait bâti (Qassas ul-qur'ân 3/212). Il s'agit peut-être de la civilisation confucéenne, lancée à la conquête du monde suite à l'effondrement du royaume planétaire bâti précédemment par le faux Messie.
– 4) Quant au verset où Dieu relate que Dhu-l-Qarnayn a dit de la muraille : "Ceci est une miséricorde la part de mon Pourvoyeur. Puis, lorsque la promesse de mon Pourvoyeur viendra, Il en fera quelque chose de nivelé. Et la promesse de mon Pourvoyeur est vérité", il voulait désigner, par "lorsque la promesse de Dieu viendra", le moment où le Cor étant soufflé une première fois, tout sera détruit sur Terre.
(Car c'est là un autre commentaire existant, à côté de celui que les tenants de l'avis A ont cité à propos de cette référence 4. Ibn ul-Jawzî a relaté les deux commentaires ainsi : "قوله تعالى "فإذا جاء وعد ربي": فيه قولان: أحدهما: القيامة. والثاني: وعده لخروج يأجوج ومأجوج" : Zâd ul-massîr.)
Dhu-l-Qarnayn voulait rappeler au peuple qu'il avait aidé en bâtissant ce mur que ce dernier, à l'instar de toute réalisation humaine utile, est une "miséricorde de la part de Dieu", une bénédiction, mais n'est pas éternel : il sera détruit un jour : le jour de la fin du monde.
– 5) Et quand Dieu dit : "Et ce jour-là Nous laissons certains d'entre eux déferler comme les flots parmi d'autres", Il parle non pas de Gog et Magog déferlant à l'époque du retour de Jésus, mais des humains tels qu'ils seront lors de la Résurrection, après le second souffle dans le Cor.
(Car c'est là un autre commentaire existant, aux côtés de celui que les tenants de l'avis A ont cité à propos de cette référence 5. Ibn ul-Jawzî a synthétisé les différents commentaires ainsi : "قوله تعالى "وتركنا بعضهم يومئذ يموج في بعض": في المشار إليهم ثلاثة أقوال: أحدها: أنهم يأجوج ومأجوج. (ثم في المراد بـ"يومئذ" قولان: أحدهما: أنه يوم انقضى أمر السد، تركوا يموج بعضهم في بعض من ورائه مختلطين لكثرتهم؛ وقيل: ماجوا متعجبين من السد. والثاني: أنه يوم يخرجون من السد تركوا يموج بعضهم في بعض.) والثاني: أنهم الكفار. والثالث: أنهم جميع الخلائق، الجن والإنس، يموجون حيارى. فعلى هذين القولين، المراد باليوم المذكور: يوم القيامة" : Zâd ul-massîr.)
Si on retient ce commentaire, ce verset est alors à rapprocher de ceux qui disent que les hommes, se levant de leurs tombes, seront comme des "sauterelles éparpillées" (Coran 54/7) ou comme des "papillons éparpillés" (Coran 101/4).
En fait tout le passage se lit ainsi : "Et ce jour-là Nous laissons certains d'entre eux déferler comme les flots parmi d'autres. Et on soufflera dans le Cor, alors Nous les rassemblerons tous. Et Nous présenterons la Géhenne ce jour-là aux incroyants". Il est vrai que dans le temps, c'est d'abord qu'aura lieu le son du Cor qui produira la résurrection des morts, et ensuite auront lieu les flots humains de la plaine du Jugement. Certes. Mais le fait que dans le texte coranique d'abord les flots humains aient été mentionnés et ensuite le son du Cor, cela ne gêne pas, puisque les deux propositions sont articulées par la particule "Wa", laquelle n'implique pas de succession dans le temps (contrairement aux particules "Fa" et "Thumma", qui, elles, impliquent une succession dans le temps).
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– Comme je l'ai déjà exposé plus haut, c'est l'avis B que personnellement je trouve plus pertinent.
Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).