Avant-propos :
--- Boire une quantité conséquente d'alcool a été interdit pour lui-même : cela provoque l'ivresse.
--- Boire une toute petite quantité d'alcool, seulement décelable par ses sens mais insuffisante pour provoquer l'ivresse, cela constitue également un interdit.
--- S'assoir à une table où quelqu'un d'autre boit de l'alcool a été également interdit par la Sunna.
A la différence du premier acte, les deux derniers ont été interdits par mesure de précaution, Sadd ul-Bâb / Sadd udh-Dharî'a. Et, en cela, le second acte est encore plus accentué que le troisième.
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Introduction :
– Le Prophète (sur lui la paix) a dit :
"عن جابر قال: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "من كان يؤمن بالله واليوم الآخر، فلا يقعد على مائدة يشرب عليها الخمر" : "Celui qui croit en Dieu et au jour dernier, qu'il ne s'assoie pas à une table sur laquelle on est en train de boire de l'alcool" (ad-Dârimî 2137 ; Ahmad 14651, at-Tirmidhî 2801 : tout cela par la relation de Jâbir) (le même propos est rapporté par la relation de Omar ibn ul-Khattâb : Ahmad, 125 ; et par celle de Abdullâh ibn Omar : Abû Dâoûd, 3774-3775).
Ibn Taymiyya écrit : "فهذا يراد به أنه لا يشهد المنكرات لغير حاجة؛ مثل قوم يشربون الخمر يجلس عندهم؛ وقوم دعوا إلى وليمة فيها خمر وزمر: لا يجيب دعوتهم؛ وأمثال ذلك" : "Cela signifie qu'il ne doit pas assister aux actes de mal sans qu'il soit dans le besoin ("hâja") de le faire. Par exemple que des gens boivent l'alcool et il s'assoie alors auprès d'eux (...)" (MF 28/204).
Ibn Taymiyya écrit aussi : "ليس للإنسان أن يحضر الأماكن التي يشهد فيها المنكرات ولا يمكنه الإنكار؛ إلا لموجب شرعي: مثل أن يكون هناك أمر يحتاج إليه لمصلحة دينه أو دنياه لا بد فيه من حضوره؛ أو يكون مكرها. فأما حضوره لمجرد الفرجة..." : "Il n'est pas permis à quelqu'un d'être présent en des lieux où il assiste à des actions interdites, alors qu'il ne peut pas inviter à les délaisser. Sauf pour une raison reconnue Shar'an, comme le fait qu'il y ait là-bas quelque chose dont il a besoin pour la maslaha de son Dîn ou de son Dunyâ et pour lequel il a besoin d'y assister ; ou qu'il y soit contraint (muk'rah). Par contre, y assister pour le simple divertissement", cela n'est pas autorisé (MF 28/239) (voir également p. 221).
Il expose le principe général : "ثم إن ما نهى عنه لسد الذريعة يباح للمصلحة الراجحة. كما يباح النظر إلى المخطوبة والسفر بها إذا خيف ضياعها؛ كسفرها من دار الحرب مثل سفر أم كلثوم؛ وكسفر عائشة لما تخلفت مع صفوان بن المعطل؛ فإنه لم ينه عنه إلا لأنه يفضي إلى المفسدة فإذا كان مقتضيا للمصلحة الراجحة لم يكن مفضيا إلى المفسدة" : "Ce qui a été interdit [par un texte des deux sources] par Sadd udh-Dharî'a devient autorisé pour cause de (présence de) Maslaha Râjiha" (MF 23/186-187).
– Le Prophète (sur lui la paix) a dit :
"عن العرس ابن عميرة الكندي، عن النبي صلى الله عليه وسلم قال: "إذا عملت الخطيئة في الأرض، كان من شهدها فكرهها كان كمن غاب عنها؛ ومن غاب عنها فرضيها كان كمن شهدها" (Abû Dâoûd, 4345, 4346).Dans ce hadîth, on trouve allusion à 4 types de comportements :
--- i) celui qui désapprouve en son coeur le péché (كرهها) et n'assiste pas à sa commission (ne se rendant donc pas aux lieux où il est commis) (غاب عنها) ;
--- ii) celui qui désapprouve en son coeur le péché (كرهها), mais assiste à sa commission seulement parce qu'il a une Hâja (reconnue comme telle) à être là (شهدها لحاجة) ;
--- iii) celui qui approuve le péché en son coeur (رضيها) mais n'y assiste pas (غاب عنها) ;
--- iv) celui qui y assiste sans Hâja (شهدها لغير حاجة) et :
----- iv.a) désapprouve le péché en son coeur (كرهها) ;
----- iv.b) approuve le péché en son coeur (رضيها).Le cas le meilleur est le i.
Et le cas le plus accentué est le iv (plus accentué encore est le iv.b).Ce hadîth signifie ceci : "Lorsque l'action mauvaise est commise sur Terre, celui qui y assiste [par Hâja] mais la désapprouve [en son coeur] [cas ii], celui-là est comme celui qui n'y assiste pas [et la désapprouve en son coeur] [cas i].
Et celui qui n'y assiste pas mais l'approuve [cas iii], celui-là est comme celui qui y assiste [et l'approuve en son coeur] [cas iv.b]" (AD 4345, 4346).On voit bien que la règle première pour qui n'approuve pas le péché est de ne pas y assister.
Le fait de ne pas y assister est le prolongement naturel du fait de le désapprouver.
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Il y a ensuite 2 cas dans le fait d'être présent aux lieux où l'action interdite est commise :
--- le premier cas est que cela ne nous amène pas à commettre nous-même le péché qui y est lié (par exemple on s'assoit à une table où l'on boit de l'alcool, mais soi-même on ne se met pas à en boire, et on ne passe pas non plus la bouteille à autrui) : cela sera évoqué ci-après en A ;
--- le second cas est que cela nous amène nous-même à faire le péché qui y est lié (par exemple on se rend dans un lieu où il se trouve beaucoup de nudités, et, même sans le vouloir, on voit des 'awra) : cela sera évoqué ci-après en B.
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A) Assister seulement à la mauvaise action que d'autres commettent, mais sans que cette présence nous amène à commettre quelque chose qui est en soi interdit :
Il est interdit d'"assister à la commission du péché" : "شهود المعصية", "shuhûd ul-ma'ssiya".
– Comme nous l'avons déjà dit, le Prophète (sur lui la paix) a dit :
"عن العرس ابن عميرة الكندي، عن النبي صلى الله عليه وسلم قال: "إذا عملت الخطيئة في الأرض، كان من شهدها فكرهها كان كمن غاب عنها؛ ومن غاب عنها فرضيها كان كمن شهدها" : "Lorsque l'action mauvaise est commise sur Terre, celui qui y assiste [par Hâja] mais la désapprouve [en son coeur] [cas ii], celui-là est comme celui qui n'y assiste pas [et la désapprouve en son coeur] [cas i]. Et celui qui n'y assiste pas mais l'approuve [cas iii], celui-là est comme celui qui y assiste [et l'approuve en son coeur] [cas iv.b]" (AD 4345, 4346).
– Dieu dit : "وَقَدْ نَزَّلَ عَلَيْكُمْ فِي الْكِتَابِ أَنْ إِذَا سَمِعْتُمْ آيَاتِ اللّهِ يُكَفَرُ بِهَا وَيُسْتَهْزَأُ بِهَا فَلاَ تَقْعُدُواْ مَعَهُمْ حَتَّى يَخُوضُواْ فِي حَدِيثٍ غَيْرِهِ إِنَّكُمْ إِذًا مِّثْلُهُمْ" : "Et Il a déjà fait descendre sur vous dans le Livre (l'ordre disant) que lorsque vous entendez les versets de Dieu être reniés et raillés, alors ne vous asseyez pas avec ces gens jusqu'à ce qu'ils entreprennent une autre conversation. Sinon vous serez comme eux" (Coran 4/140). "وَإِذَا رَأَيْتَ الَّذِينَ يَخُوضُونَ فِي آيَاتِنَا فَأَعْرِضْ عَنْهُمْ حَتَّى يَخُوضُواْ فِي حَدِيثٍ غَيْرِهِ وَإِمَّا يُنسِيَنَّكَ الشَّيْطَانُ فَلاَ تَقْعُدْ بَعْدَ الذِّكْرَى مَعَ الْقَوْمِ الظَّالِمِينَ" : "Et quand tu vois ceux qui pataugent dans des discussions à propos de Nos versets [= s'en moquent], éloigne-toi d'eux jusqu'à ce qu'ils entament une autre discussion. Et si le Diable te fait oublier [de t'éloigner d'eux et que par oubli tu assistes à leur propos], alors dès que tu te rappelles, ne reste pas avec ces injustes" (Coran 6/68).
– Comme nous l'avons déjà vu également, le Prophète (sur lui la paix) a dit aussi : "من كان يؤمن بالله واليوم الآخر فلا يجلس على مائدة يشرب عليها الخمر" : "Celui qui croit en Dieu et au jour dernier, qu'il ne s'assoie pas à une table sur laquelle on est en train de boire de l'alcool" (références citées plus haut).
Est-ce que tout interdit de ce type (interdit li-annahû shuhûd ul-ma'ssiya) est-il aussi un "interdit li sadd idh-dharî'a" (c'est-à-dire "pour éviter que, dans l'ambiance, on soit entraîné et qu'on se mette à boire") ? ou bien ce genre d'interdit constitue-t-il une catégorie indépendante ?
J'ai cru comprendre que cela relève de la catégorie plus générale "interdit li sadd idh-dharî'a", mais n'en suis pas certain.
Comme nous l'avons déjà vu, Ibn Taymiyya écrit : "ليس للإنسان أن يحضر الأماكن التي يشهد فيها المنكرات ولا يمكنه الإنكار؛ إلا لموجب شرعي: مثل أن يكون هناك أمر يحتاج إليه لمصلحة دينه أو دنياه لا بد فيه من حضوره؛ أو يكون مكرها" : "Il n'est pas permis à quelqu'un d'être présent en des lieux où il assiste à des actions interdites, alors qu'il ne peut pas inviter à les délaisser. Sauf pour une raison valable, comme le fait qu'il y ait là-bas quelque chose dont il a besoin pour la maslaha de son Dîn ou de son Dunyâ et pour lequel il a besoin d'y assister ; ou qu'il y soit contraint (muk'rah). Par contre, y assister pour le simple divertissement" n'est pas autorisé (MF 28/239) (voir également p. 221).
A la lecture de ces lignes du grand érudit damascain, j'ai pensé à 2 cas...
--- Cas 1) Un homme ou une femme s'est converti(e) à l'islam alors que ses parents sont restés non-musulmans. Ceux-ci l'invitent à partager un repas qu'ils préparent en veillant à ce qu'aucun ingrédient illicite pour le musulman n'y soit mélangé. Le seul problème est qu'à table trône une bouteille d'alcool dont ces parents font, eux, une consommation personnelle au milieu du repas. Ce fils ou cette fille peut-il (elle) répondre à cette invitation et s'asseoir à cette table ? Au vu du principe énoncé par Ibn Taymiyya, la réponse est : "Oui". L'objectif de ce fils ou de cette fille est de contenter le cœur de ses parents en répondant à leur invitation, et c'est là un avantage reconnu comme tel par les sources, Dieu demandant au fils d'être de bonne compagnie pour ses parents même "s'ils veulent t'amener à Me donner des associés" : il s'agit alors ne pas obéir à cette demande mais à continuer à être de bonne compagnie envers eux (voir ce verset très connu du Coran). Or cet avantage passe par le fait de répondre à leur invitation, car ils se sentiraient vexés par un refus, alors que d'autre part il n'est pas toujours possible de leur dire sans les vexer – voire même les braquer – qu'un musulman ne peut s'asseoir à une table où l'alcool est consommé. J'ai demandé à un mufti réunionnais s'il approuvait cela, il m'a répondu que oui.
--- Cas 2) Il y a aussi le musulman qui vit en pays non-musulman, qui ne peut avoir de travail en soi licite qu'avec difficulté, et dont l'activité professionnelle est en soi licite, mais à qui, un jour, son patron donne l'ordre d'assister à un cocktail destiné à des clients et, malgré sa requête, demeure inflexible : "Vous devez être là". Ce musulman y assistera alors. Bien entendu lui-même ne boira rien.
Il faut garder à l'esprit le caractère originel "interdit" de cette action, et qu'on n'y a recours que parce qu'il y a Hâja réelle, alors même que l'interdit est (peut-être) dû à une mesure de Sadd udh-dharî'a.
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B) Commettre une action interdite à cause de la situation régnant dans le lieu où l'on se trouve :
Il y a en fait, ici, 7 cas :
– 1) chercher délibérément à faire l'action en question ;
– 2) ne pas chercher délibérément à faire l'action en question, mais :
--- 2.1) être amené à faire cette action parce qu'on est présent dans le lieu (حضور, hudhûr) où d'autres personnes font ce qui amène le musulman à fatalement faire cette action, alors que :
----- 2.1.a) on savait ce qui se fait dans ce lieu :
-------- 2.1.a.a) et on n'avait aucune raison valable, Hâja Shar'iyya, à entrer en ce lieu ;
-------- 2.1.a.b) mais on avait une raison valable, Hâja Shar'iyya, à entrer en ce lieu ;
----- 2.1.b) on ne savait pas ce qui se faisait dans ce lieu.
--- 2.2) être amené à faire l'action parce qu'on passe près du lieu (مرور, murûr) où d'autres personnes font ce qui amène le musulman à fatalement faire cette action, et :
----- 2.2.a) on savait ce qui se fait dans ce lieu :
-------- 2.2.a.a) et on n'avait aucune raison valable, Hâja Shar'iyya, à passer près de ce lieu ;
-------- 2.2.a.b) mais on avait une raison valable, Hâja Shar'iyya, à passer près de ce lieu ;
----- 2.2.b) on ne savait pas ce qui se faisait dans ce lieu.
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Il existe une différence entre écouter et entendre :
– Il y a des musiques que le musulman considère interdit d'écouter délibérément (quelles sont ces musiques, lire à ce sujet notre article : Chants et musique en islam). Je parle là du fait de se rendre délibérément dans le lieu où ce genre de musique est diffusé, afin de pouvoir l'écouter, ou encore de mettre en marche l'appareil qui diffuse une telle musique, afin de l'écouter. Il s'agit de l'action 1.
– Différent est le fait d'entendre ces musiques sans avoir cherché à le faire. Il s'agit de l'action 2. C'est pourquoi le Prophète (sur lui soit la paix) n'a pas dit à Ibn Omar de se boucher les oreilles alors qu'ils passaient tous deux dans un lieu où ils entendaient une telle musique : "عن نافع مولى ابن عمر، أن ابن عمر سمع صوت زمارة راع فوضع أصبعيه في أذنيه، وعدل راحلته عن الطريق، وهو يقول: "يا نافع أتسمع؟" فأقول: "نعم"، فيمضي حتى قلت: "لا"، فوضع يديه وأعاد راحلته إلى الطريق، وقال: "رأيت رسول الله صلى الله عليه وسلم، وسمع صوت زمارة راع، فصنع مثل هذا" (Ahmad, 4535, Abû Dâoûd, 4924-4926) (Majmû' ul-fatâwâ, 30/212-213, Al-Mughnî, 14/55-56).
Dès lors :
--- on ne doit pas se rendre sans Maslaha de niveau Hâjî dans un lieu où l'on sait bien (حضور) (2.1.b.a) qu'on ne fera qu'entendre une musique de ce genre. Le fait de passer par (مرور), cela est moins prononcé que le fait de rester dans (حضور) un lieu.
--- par contre, si on a une Maslaha à se rendre dans un lieu (حضور) (2.1.a.b) ou à passer près d'un lieu (مرور) (2.2.a.b) où on entend de telles musiques, on ne commet pas d'interdit. Le musulman ne fait donc pas d'interdit en se rendant dans un supermarché où est diffusée une telle musique, du moment qu'il a une Hâja à s'y rendre.
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Il y a une différence entre assister en se joignant, et assister en exprimant qu'on ne s'y joint pas :
Passer à l'extérieur de l'église (مرور) (2.2) et entendre alors des prières rituelles, il n'y a aucun mal à le faire.
Différent est le fait de se rendre volontairement (حضور) (2.1.a) à l'église tout en restant à l'extérieur du bâtiment (rester sur le parvis) pendant la prière, alors même qu'on y entend les prières rituelles :
--- s'y rendre sans Maslaha de niveau Hâjî (2.1.a.a), cela est interdit (je parle du moment de la prière rituelle, et du fait de s'installer en un lieu où on entend cette prière) ;
--- par contre, s'y rendre par Hâja (2.1.a.b) (par exemple : funérailles d'un proche qui est chrétien), cela est autorisé : la Hâja fait qu'on peut se rendre en ce lieu, alors même que le fait de demeurer à l'extérieur exprime qu'on ne participe pas à leur prière (tout en faisant preuve de tolérance vis-à-vis de ceux qui la font).
Par contre, se rendre volontairement (حضور) (2.1.a) à l'intérieur de l'église lors de la prière, cela revient à se joindre à leur prière rituelle (salât). Surtout se lever lorsque les chrétiens se lèvent lors de leur chant religieux, etc. Or : "A vous votre religion, à moi ma religion". Même par Maslaha Râjiha (2.1.a.b) on ne peut pas faire ainsi.
(Rappelons que je parle là du cas où l'on savait - 2.1.a - qu'il y aurait alors une célébration religieuse.
Je ne parle pas du cas où l'on ne savait pas - 2.1.b - et qu'on a été pris au dépourvu : cela est chose différente.)
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Il existe une différence entre regarder la 'Awra et voir la 'Awra :
– Regarder délibérément la 'awra de quelqu'un, cela est interdit (le visage et les mains ne font pas partie de la 'awra). Je parle de diriger volontairement son regard vers un lieu où l'on sait qu'il s'y trouve une 'Awra, en cherchant à voir cela. Ou encore de maintenir volontairement son regard sur la 'Awra sur laquelle il s'était posé par inadvertance. Il s'agit de l'action 1. (La seule exception concerne les cas de nécessité (comme pour un médecin, ou lors d'un accident, etc.).)
Est donc interdit : le regard que l'on a posé volontairement sur une 'awra (le visage n'en fait pas partie) ; ainsi que le regard qui s'est posé, volontairement ou pas, sur ce qui n'est pas 'awra mais qui a engendré une taladhdhudh (délectation) et que l'on a alors maintenu sur cela. Il s'agit de ne pas prolonger ce regard. Quant au fait de regarder ce qui n'est pas 'Awra (par exemple un visage) sans que cela engendre de délectation, cela ne pose aucun problème et peut être prolongé tant qu'il y en a le besoin (lors d'une discussion, par exemple).
– Par contre, voir une 'awra n'est pas interdit du moment qu'on ne prolonge pas cela. Il s'agit de l'action 2. Le Prophète (sur lui soit la paix) a ainsi dit : "يا على لا تتبع النظرة النظرة فإن لك الأولى وليست لك الآخرة" : "'Alî, ne fais pas suivre le regard d'un autre regard ; car le premier regard est (excusé) pour toi, (mais) le dernier [= le suivant] n'est pas (excusé) pour toi" (Abû Dâoûd 2149, at-Tirmidhî 2777). Jarîr ibn Abdillâh relate : "عن جرير قال سألت رسول الله صلى الله عليه وسلم عن نظرة الفجأة فقال: اصرف بصرك" : "J'ai questionné le Messager de Dieu au sujet du regard inattendu. Il m'a dit : "Détourne ta vue"" (Muslim 2159, Abû Dâoûd 2148, at-Tirmidhî 2776).
Il s'agit d'avoir vu involontairement une 'awra, par exemple parce que le vent a fait se soulever un rideau, ou autre chose de ce genre : il s'agit alors de détourner le regard avec dignité.
Dès lors :
--- on ne doit pas se rendre dans un lieu où il n'y a pas de Maslaha de niveau Hâjî à se rendre (حضور) (2.1.a.a) alors même que l'on sait que la 'awra y est très exposée et qu'on va fatalement les voir. Ainsi, un musulman n'a pas à se rendre, pour se baigner, sur une plage publique où la quasi-nudité est générale. Il devrait plutôt choisir un coin discret, où il pourra se baigner sans voir la 'awra être autant exposée... Quant au fait de passer par (مرور), il est moins prononcé que celui de rester dans (حضور) un lieu ;
--- par contre, si on a une Maslaha de niveau Hâjî à se rendre dans un lieu (حضور) (2.1.a.b) ou à passer près d'un lieu (مرور) (2.2.a.b) où on sait qu'on va fatalement voir des 'awra, on ne commet rien d'interdit. C'est le cas pour les lieux de travail ;
C'est cette articulation entre le risque d'entrainement de l'action mauvaise, et le degré de besoin, qui permet de comprendre les 2 phrases présentes dans ce célèbre hadîth :
"عن أبي سعيد الخدري رضي الله عنه، عن النبي صلى الله عليه وسلم قال: "إياكم والجلوس على الطرقات." فقالوا: "ما لنا بد، إنما هي مجالسنا نتحدث فيها." قال: "فإذا أبيتم إلا المجالس، فأعطوا الطريق حقها." قالوا: وما حق الطريق؟ قال: "غض البصر، وكف الأذى، ورد السلام، وأمر بالمعروف، ونهي عن المنكر" :
Le Prophète (sur lui soit la paix) dit : "Préservez-vous de vous asseoir près des chemins !"
Les Compagnons dirent : "O Messager de Dieu, nous avons besoin de cela, ce sont nos assises, nous y discutons."
Le Prophète leur dit : "Si donc vous tenez à vous (y) asseoir, donnez au chemin son droit ! - Et quel est le droit du chemin, Messager de Dieu ? - C'est de baisser le regard, d'enlever ce qui gêne (les gens), de retourner le salam, d'ordonner le bien et d'interdire le mal" (al-Bukhârî, 2333, Muslim, 2121).
Il y a aussi cette version : "قال أبو طلحة: كنا قعودا بالأفنية نتحدث، فجاء رسول الله صلى الله عليه وسلم، فقام علينا فقال: "ما لكم ولمجالس الصعدات اجتنبوا مجالس الصعدات." فقلنا: "إنما قعدنا لغير ما باس: قعدنا نتذاكر ونتحدث." قال: "إما لا، فأدوا حقها غض البصر، ورد السلام، وحسن الكلام" (Muslim, 2161).
La première phrase du Prophète (sur lui soit la paix) se comprend ainsi : Sans besoin, il est préférable d'éviter de vous rendre (2.1) dans les lieux où il y a risque de voir des 'awra. Cela par mesure de précaution (ihtiyât). Et il s'agissait d'une simple recommandation (awlawiyya) de ne pas s'y rendre, communiquant un caractère légèrement déconseillé.
La seconde phrase du Prophète signifie : Puisque vous avez besoin de vous rendre en ces lieux, alors ce besoin l'emporte sur le caractère légèrement déconseillé, mais veillez à préserver concrètement votre regard de voir des 'awra.
--- Soit la première phrase communique une règle Ta'abbudî de type 'Azîma, et la seconde phrase : une Rukhsa.
--- Soit la première phrase communique une règle Ta'abbudî de Karâhiyya Tanzîhiyya au sujet de cette action, et la seconde est due à la Muwâzana entre la Mafsada que cette action est susceptible d'entraîner, et la Maslaha qu'elle renferme immédiatement.
--- Soit la première phrase est seulement d'ordre Maslahî Dînî (et non pas d'ordre Ta'abbudî de Karâhiyya Tanzîhiyya).
Ibn Hajar écrit ainsi : "وقد تبين من سياق الحديث أن النهي عن ذلك للتنزيه لئلا يضعف الجالس عن أداء الحق الذي عليه. وأشار بغض البصر إلى السلامة من التعرض للفتنة بمن يمر من النساء وغيرهن وبكف الأذى إلى السلامة من الاحتقار والغيبة ونحوها وبرد السلام إلى إكرام المار وبالأمر بالمعروف والنهي عن المنكر إلى استعمال جميع ما يشرع وترك جميع ما لا يشرع" (FB, 5).
"لأنه نهى أولا عن الجلوس حسما للمادة؛ فلما قالوا "ما لنا منها بد"، ذكر لهم المقاصد الأصلية للمنع؛ فعرف أن النهي الأول للإرشاد إلى الأصلح" (FB, 5).
"قال عياض: فيه دليل على أن أمره لهم لم يكن للوجوب وإنما كان على طريق الترغيب والأولى، إذ لو فهموا الوجوب لم يراجعوه هذه المراجعة" (FB, 11).
"ومجموع ما في هذه الأحاديث أربعة عشر أدبا وقد نظمتها في ثلاثة أبيات وهي: جمعت آداب من رام الجلوس على الطريق من قول خير الخلق إنسانا افش السلام وأحسن في الكلام وشمت عاطسا وسلاما رد إحسانا في الحمل عاون ومظلوما أعن وأغث لهفان اهد سبيلا واهد حيرانا بالعرف مروانه عن نكر وكف أذى وغض طرفا وأكثر ذكر مولانا. وقد اشتملت على معنى علة النهي عن الجلوس في الطرق، من التعرض للفتن بخطور النساء الشواب وخوف ما يلحق من النظر إليهن من ذلك (إذ لم يمنع النساء من المرور في الشوارع لحوائجهن)، ومن التعرض لحقوق الله وللمسلمين مما لا يلزم الإنسان إذا كان في بيته وحيث لا ينفرد أو يشتغل بما يلزمه، ومن رؤية المناكير وتعطيل المعارف فيجب على المسلم الأمر والنهي عند ذلك؛ فإنْ ترك ذلك فقد تعرض للمعصية؛ وكذا يتعرض لمن يمر عليه ويسلم عليه فإنه ربما كثر ذلك فيعجز عن الرد على كل مار، ورده فرض، فيأثم. والمرء مأمور بأن لا يتعرض للفتن وإلزام نفسه ما لعله لا يقوى عليه، فندبهم الشارع إلى ترك الجلوس حسما للمادة؛ فلما ذكروا له ضرورتهم إلى ذلك لما فيه من المصالح من تعاهد بعضهم بعضا ومذاكرتهم في أمور الدين ومصالح الدنيا وترويح النفوس بالمحادثة في المباح، دلهم على ما يزيل المفسدة من الأمور المذكورة" (FB, 11).
Par contre, le statut de cet évitement peut dépasser le caractère déconseillé pour atteindre celui d'interdit, selon les éléments en présence : les 2 critères suivants entrent en jeu :
--- Quels types de 'Awra risque-t-on de voir en se rendant dans tel lieu (car il existe une gradation entre voir telle 'awra ou voir telle autre 'awra) ?
--- Quel est le degré du risque de voir de telles 'Awra ?
Ensuite, par rapport au critère suivant, il peut y avoir des évaluations (muwâzana) à faire, ce qui rend "autorisée" la présence en ce lieu :
--- Quel est le degré de besoin qu'on a à se rendre en ce lieu : Est-ce fudhûlî ? tahsînî ? hâjî ? ou dharûrî ?
Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).