Qui sont "Gog et Magog" (en arabe "Ya'jûj wa Ma'jûj"), mentionnés dans le Coran à propos du récit de Dhu-l-Qarnayn (Coran 18/94) et aussi comme étant un signe annonciateur de la proximité de la Fin des temps (21/96) ?
Il est difficile de se prononcer de façon tranchée (qat'î).
Cependant, ce qui est certain c'est qu'il s'agit d'êtres humains descendants d'Adam et d'Eve, de constitution physique normale. Attention donc à ces récits légendaires qui présentent Gog et Magog comme des hommes gigantesques ou minuscules, aux oreilles hypertrophiées, etc. Ces récits ne sont pas extraits du Coran et des hadîths authentiques. Voir la critique qu'en ont faite Ibn Kathîr (Al-Bidâya wa-n-nihâya 2/118) et as-Syôhârwî (Qassas ul-qur'ân 3/180-181).
En fait, si l'on retient la recherche de as-Syôhârwî, "Gog et Magog" sont les noms que les peuples d'Orient donnaient aux peuples originaires d'Asie centrale qui, régulièrement, faisaient des incursions dans les cités pour les piller (Qassas ul-qur'ân, 3/184-195). Et le Coran a repris ces noms, même s'ils peuvent désigner des peuples différents en fonction d'époques différentes...
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– A) Pour l'époque qui concerne Dhu-l-Qarnayn :
Pour l'époque qui concerne Dhu-l-Qarnayn et dont le récit figure dans le Coran ("قَالُوا يَا ذَا الْقَرْنَيْنِ إِنَّ يَأْجُوجَ وَمَأْجُوجَ مُفْسِدُونَ فِي الْأَرْضِ فَهَلْ نَجْعَلُ لَكَ خَرْجًا عَلَى أَن تَجْعَلَ بَيْنَنَا وَبَيْنَهُمْ سَدًّا" : "Ils dirent : "O Dhu-l-Qarnayn, Gog et Magog ravagent la terre ; te donnerions-nous un tribut pour que tu places une muraille entre nous et eux ?"" : Coran 18/94) : si on retient (avec as-Syôhârwî) que Dhu-l-Qarnayn est Cyrus II, "Gog et Magog" désignent, toujours selon as-Syôhârwî, les Scythes, ces cavaliers semi-nomades dont le territoire s'étendait du nord de la mer Noire au nord de la mer Caspienne. Franchissant ponctuellement le massif du Caucase en passant par la Passe de Darial, ils venaient ravager la Ciscaucasie, où ils étaient redoutés (cf. Qassas ul-qur'ân, 3/207).
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– B) Pour l'époque du Prophète Muhammad (sur lui la paix) et pour celle du califat abbasside :
Le Prophète Muhammad (sur lui la paix) entra un jour auprès de son épouse Zaynab bint Jahsh s'exclamant : "لا إله إلا الله، ويل للعرب من شر قد اقترب؛ فُتِحَ اليوم من ردم يأجوج ومأجوج مثلُ هذه" : "Lâ ilâha illa'llâh ! Malheur aux Arabes à cause d'un malheur devenu proche ! Aujourd'hui, quelque chose de semblable à ceci – et il fit un petit cercle de ses doigts – a été ouvert dans la muraille de Gog et Magog" (al-Bukhârî, 3168, Muslim, 2880). As-Syôharwî relate de al-Qurtubî et de al-Kirmânî que cette "ouverture" est à comprendre dans un sens métaphorique (Qassas ul-qur'ân, 3/220-221). Ibn Kathîr a lui aussi relaté cette façon de voir de certains ulémas (Al-Bidâya wa-n-nihâya 2/127).
As-Syôhârwî relate de al-Kirmânî que cette parole du Prophète (sur lui la paix) annonçait les invasions des Mongols, autre peupe semi-nomade d'Asie centrale, désignés donc sous l'appellation "Gog et Magog" (Qassas ul-qur'ân, 3/221). Ces invasions, qui allaient se dérouler au XIIIè siècle chrétien, devaient ravager de nombreuses contrées et, comme prédit par le Prophète, être un grand malheur pour la civilisation arabo-musulmane (pour en savoir plus sur ce point, lire un autre et encore un autre articles). En effet, elles débouchèrent sur la mise à mort du calife abbasside en l'an 656 a.h. / 1258 a.g. et sur le pillage de la ville de Bagdad. La consultation de n'importe quel ouvrage d'histoire nous apprendra combien les invasions mongoles portèrent un coup terrible à la civilisation arabo-musulmane.
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– C) En ce qui concerne l'époque précédant de peu la fin du monde :
Le Prophète Muhammad (sur lui soit la paix) a déclaré qu'à la fin des temps, Jésus fils de Marie (sur eux soit la paix) reviendra sur Terre anéantir le Faux Messie (ad-Dajjâl, et qu'ensuite il recevra de Dieu l'ordre de se réfugier avec les croyants sur le Sinaï – ou ailleurs d'après une autre version – afin d'échapper à Gog et Magog, "qui dévaleront de chaque colline", arriveront jusqu'à Jérusalem et assècheront complètement le Lac Tibériade (Muslim, 2937).
Dans le Coran, Dieu a fait allusion à cet ultime déferlement de Gog et Magog [lequel fait partie des "grands signes" de la Fin du Monde (c'est-à-dire qui la précèdent de très peu)] : "حَتَّى إِذَا فُتِحَتْ يَأْجُوجُ وَمَأْجُوجُ وَهُم مِّن كُلِّ حَدَبٍ يَنسِلُونَ وَاقْتَرَبَ الْوَعْدُ الْحَقُّ" : "Jusqu'à ce que, quand déferleront Gog et Magog et qu'ils dévaleront de chaque colline. La promesse vraie [= la fin du monde] se sera rapprochée (…)" (Coran 21/96-97 : "فُتِحَتْ" est à appréhender dans le sens de "déferler" : il s'agit, écrit as-Syôhârwî, d'un terme à appréhender dans un sens métaphorique : leur irruption sera comparable au mouvement de gens qui avaient été emprisonnés et puis sont tout d'un coup relâchés : Qassas ul-qur'ân 3/212).
Tout le passage se lit ainsi : "وَحَرَامٌ عَلَى قَرْيَةٍ أَهْلَكْنَاهَا أَنَّهُمْ لَا يَرْجِعُونَ حَتَّى إِذَا فُتِحَتْ يَأْجُوجُ وَمَأْجُوجُ وَهُم مِّن كُلِّ حَدَبٍ يَنسِلُونَ وَاقْتَرَبَ الْوَعْدُ الْحَقُّ فَإِذَا هِيَ شَاخِصَةٌ أَبْصَارُ الَّذِينَ كَفَرُوا يَا وَيْلَنَا قَدْ كُنَّا فِي غَفْلَةٍ مِّنْ هَذَا بَلْ كُنَّا ظَالِمِينَ" : "Et il est impossible à une cité [= à ses habitants] que Nous avons détruite qu'elle revienne (à la vie). Jusqu'à ce que, quand déferleront Gog et Magog et qu'ils dévaleront de chaque colline. La promesse vraie [= la fin du monde] se sera rapprochée. Et voilà que [quand elle se sera produite] les regards de ceux qui ne croyaient pas sont figés : "Malheur à nous, nous étions dans une insouciance par rapport à cela ! Plutôt nous étions injustes"" (Coran 21/95-97).
Quels sont aujourd'hui les ancêtres de ces peuples qui déferleront peu avant la fin du monde, et qui ont été nommés "Gog et Magog" par Dieu dans ce verset du Coran et par le Prophète dans ce hadîth ?
On lit leur description ainsi dans cette partie d'un autre hadîth (dont l'authenticité fait certes débat) : "حتى يأتى يأجوج ومأجوج، عراض الوجوه صغار العيون شهب" / "صهب الشعاف، من كل حدب ينسلون، كأن وجوههم المجان المطرقة" : "jusqu'à ce que viennent Gog et Magog, aux larges visages, aux petits yeux, aux sommets des têtes "shuh'b" [= argentés / gris / blancs] / ("Suh'b") [="roux ], dévalant de chaque colline ; c'est comme si leurs visages étaient des boucliers cuirassés" (Ahmad, 22331 ; An-Nihâya, p. 122).
S'agirait-il de la civilisation extrême-orientale ou (pour reprendre le terme de Huntington) "confucéenne", fédérée autour de la Chine (dont Napoléon Ier et Alain Peyrefitte avaient dit que "lorsqu'elle s'éveillera, le monde tremblera"), et lancée à la conquête d'une grande partie du monde (au moins jusqu'à Jérusalem) suite à l'affaiblissement de certaines civilisations, entre autres l'arabo-musulmane, rendue exsangue par les graves événements qui viendront de s'être alors déroulés ?
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Une objection qu'une personne m'a adressée à propos de l'avis que nous venons de voir quant à l'identité de "Gog et Magog" lors de leur ultime déferlement :
"Contrairement à ce que vous proposez, l'ultime déferlement de Gog et Magog annoncé en Coran 21/96-97 (sourate Al-Anbiyâ') s'est déjà produit, car dans la Sunna le Prophète (que la paix soit sur lui) a dit que, lors de ce déferlement, ils assècheront le lac Tibériade. Or celui-ci s'épuise déjà, il a atteint le niveau de non-renouvellement naturel du réservoir. Les références ne manquent pas : par exemple cet article. Ceci nous conduit à pouvoir mieux cerner l'identité de ces Gog et Magog : il suffit de se demander qui sont déjà là qui assèchent le Lac ?
On peut alors dire que Gog et Magog sont probablement les Khazars, peuple turcophone du Caucase converti au judaïsme et dont les descendants sont les Ashkénazes : ce sont eux qui colonisé la Palestine. C'est ainsi que l'assèchement du lac Tibériade a lieu actuellement sous nos yeux."
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Ma réponse à cette objection :
Déjà il faut se souvenir que les interprétations sur le sujet ne peuvent pas être tranchées (qat'î) mais seulement supposées (zannî).
Ceci étant dit, l'interprétation que vous proposez quant à vous n'est pas possible pour celui qui se réfère à la Sunna, car cette interprétation contredit formellement le hadîth relaté par an-Nawwâs ibn Sam'ân, qui dit explicitement que l'assèchement du lac Tibériade qui sera le fait de Gog et Magog, cet assèchement se produira après la mort du faux Messie : "فيطلبه حتى يدركه بباب لد، فيقتله. ثم يأتي عيسى ابن مريم قوم قد عصمهم الله منه، فيمسح عن وجوههم ويحدثهم بدرجاتهم في الجنة. فبينما هو كذلك إذ أوحى الله إلى عيسى: "إني قد أخرجت عبادا لي، لا يدان لأحد بقتالهم، فحرز عبادي إلى الطور." ويبعث الله يأجوج ومأجوج، وهم من كل حدب ينسلون. فيمر أوائلهم على بحيرة طبرية فيشربون ما فيها، ويمر آخرهم فيقولون: "لقد كان بهذه مرة ماء." ويحصر نبي الله عيسى وأصحابه، حتى يكون رأس الثور لأحدهم خيرا من مائة دينار لأحدكم اليوم" (Muslim, n° 2937). Vu que le faux Messie n'est pas encore mort, cet ultime déferlement de Gog et Magog ne peut pas avoir déjà eu lieu, ni ne peut avoir lieu sous nos yeux.
Certes, il semble bien que dans le hadîth relaté par Fâtima bint Qays (Muslim, n° 2942) il soit dit qu'il y aura une disparition de l'eau du lac Tibériade avant la sortie du faux Messie :
"فدخلنا الجزيرة، فلقيتنا دابة أهلب كثير الشعر، لا يدرى ما قبله من دبره من كثرة الشعر، فقلنا: ويلك ما أنت؟ فقالت: أنا الجساسة، قلنا: وما الجساسة؟ قالت: اعمدوا إلى هذا الرجل في الدير، فإنه إلى خبركم بالأشواق، فأقبلنا إليك سراعا، وفزعنا منها، ولم نأمن أن تكون شيطانة.
فقال: أخبروني عن نخل بيسان، قلنا: عن أي شأنها تستخبر؟ قال: أسألكم عن نخلها، هل يثمر؟ قلنا له: نعم، قال: أما إنه يوشك أن لا تثمر.
قال: أخبروني عن بحيرة الطبرية، قلنا: عن أي شأنها تستخبر؟ قال: هل فيها ماء؟ قالوا: هي كثيرة الماء، قال: أما إن ماءها يوشك أن يذهب.
قال: أخبروني عن عين زغر، قالوا: عن أي شأنها تستخبر؟ قال: هل في العين ماء؟ وهل يزرع أهلها بماء العين؟ قلنا له: نعم، هي كثيرة الماء، وأهلها يزرعون من مائها.
قال: أخبروني عن نبي الأميين ما فعل؟ قالوا: قد خرج من مكة ونزل يثرب، قال: أقاتله العرب؟ قلنا: نعم، قال: كيف صنع بهم؟ فأخبرناه أنه قد ظهر على من يليه من العرب وأطاعوه، قال لهم: قد كان ذلك؟ قلنا: نعم.
قال: أما إن ذاك خير لهم أن يطيعوه. وإني مخبركم عني، إني أنا المسيح، وإني أوشك أن يؤذن لي في الخروج، فأخرج فأسير في الأرض فلا أدع قرية إلا هبطتها في أربعين ليلة غير مكة وطيبة، فهما محرمتان علي كلتاهما" (Muslim, n° 2942). En commentaire des 3 questions suscitées, 'Alî al-qârî écrit : "وفي الأسئلة المذكورة وأجوبتها المسطورة إشارة إلى أنها علامات لخروجه" : "Dans les questions mentionnées et les réponses données, il y a allusion au fait que ce seront des signes de sa sortie" (Mirqât ul-mafâtîh). Ce sont donc bien des signes précédant la sortie du faux Messie.
Cependant il n'est nulle part dit, dans ce hadîth là, que cet assèchement là serait lié à Gog et Magog, et on ne dispose donc d'aucun texte permettant de dire que cet assèchement là serait lié à un déferlement antérieur de Gog et Magog.
Il y a donc eu de votre part confusion entre deux faits différents :
– l'assèchement [partiel] du lac Tibériade avant la sortie du faux Messie (annoncé dans le hadîth de Fâtima bint Qays en Muslim 2942), mais sans aucune mention de Gog et Magog ;
– l'assèchement complet du lac Tibériade par Gog et Magog lors de leur déferlement où ils "dévaleront de chaque colline", et devant pour sa part se passer après la sortie et la mort du faux Messie (assèchement annoncé dans le hadîth de an-Nawwâs ibn Sam'ân en Muslim 2937).
Ce qui se passe actuellement constitue seulement un assèchement partiel du lac Tibériade, et relève de ce que le hadîth du Prophète relaté par Fâtima bint Qays prédisait, mais n'a pas de rapport avec Gog et Magog. Cela ne peut donc pas constituer d'indice quant à l'identité de ces derniers.
Le déferlement de Gog et Magog lors duquel ils assècheront complètement le lac Tibériade n'aura lieu quant à lui qu'après la mort du faux Messie. Ceci figure pour sa part dans le hadîth du Prophète relaté par an-Nawwâs ibn Sam'ân. Et cela n'a bien évidemment pas encore eu lieu.
Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).