Premièrement : Je suis bien de l'avis qat'î (et faisant l'objet d'un consensus, ijmâ') qui dit que la musulmane (al-muslima al-bâligha al-hurra) a l'obligation de couvrir sa chevelure devant tout homme qui n'est ni son mari ni l'un de ses proches parents. Cela est une obligation religieuse.
Deuxièmement : Je suis également d'avis qu'il ne faut pas contraindre les femmes (de sa parenté ou autre) à couvrir leur chevelure : il faut les accompagner, et c'est à elles de faire leur cheminement. Comment puis-je dire cela, lire, pour le savoir, mon article : Le Amr bi-l-ma'rûf : pourquoi, avec qui, comment ?.
Ce qui va être dit ci-après ne relève donc ni de ce Premier, ni de ce Second points.
Ce qui va être dit ci-après concerne seulement la question de savoir si, dans la vision musulmane, l'action pour une femme de ne pas se couvrir la chevelure en public est du même niveau que l'action pour une femme de ne pas se vêtir la poitrine en public.
Et je suis d'avis que Non.
Oui, les deux constituent, dans la vision musulmane, deux manquements à ce qui est obligatoire.
Cependant, la question c'est de savoir si ces deux manquements sont du même niveau.
Et je suis d'avis que Non.
En fait une petite discussion a eu lieu entre un frère que j'aime et apprécie, et une autre personne sur le sujet.
Or le frère disait qu'une femme qui laisse sa chevelure découverte en public laisse découverte une partie de sa 'Awra, et on peut donc dire d'elle qu'elle est "aussi dépravée qu'une femme qui laisse ses seins découverts en public", voire qu'"elle est comme nue". Et "d'une telle femme on ne peut pas dire qu'elle a de la pudeur".
Je ne partage pas cette façon de percevoir les choses, ni cette façon de présenter les choses avec ces qualificatifs.
En fait, à l'intérieur de ce qui n'est pas conforme à ce que Dieu veut de l'homme (qu'Il agrée de lui), il existe des degrés différents.
Il existe un célèbre hadîth : "لعن رسول الله صلى الله عليه وسلم أكل الربا وموكله وكاتبه وشاهديه وقال: هم سواء", où le Prophète (sur lui soit la paix) déclare "éloignés de la miséricorde divine : celui qui prend l'intérêt [= le prêteur ou l'épargnant, qui touche de intérêt], celui qui en donne à prendre [= l'emprunteur, qui rembourse son prêt majoré d'intérêt], celui qui en écrit (l'acte), et les deux témoins de cet (acte)", avant de conclure : "Ils sont égaux" (Muslim, 1598). Or 'Alî al-Qârî commente ainsi cette dernière phrase : "وقال: "هم سواء": أي: في أصل الإثم، وإن كانوا مختلفين في قدره" : "Ils sont égaux quant à (avoir le) péché à la base, même s'ils sont différents dans la mesure de celui-ci" (Mirqât ul-mafâtîh).
Ibn Taymiyya a écrit cela comme principe général :
"فلا ريب في تفاضل الألفاظ والمعاني من المتكلم الواحد فدل ذلك على أن مجرد اتفاق الكلامين في أن المتكلم بهما واحد لا يوجب تماثلهما من سائر الجهات. فتفاضل الكلام من جهة المتكلم فيه سواء كان خبرا أو إنشاء أمر معلوم بالفطرة والشرعة. فليس الخبر المتضمن للحمد لله والثناء عليه بأسمائه الحسنى: كالخبر المتضمن لذكر أبي لهب وفرعون وإبليس، وإن كان هذا كلاما عظيما معظما تكلم الله به. وكذلك ليس الأمر بالتوحيد والإيمان بالله ورسوله وغير ذلك - من أصول الدين الذي أمرت به الشرائع كلها - وغير ذلك - مما يتضمن الأمر بالمأمورات العظيمة -، والنهي عن الشرك وقتل النفس والزنا ونحو ذلك - مما حرمته الشرائع كلها وما يحصل معه فساد عظيم - : كالأمر بلعق الأصابع وإماطة الأذى عن اللقمة الساقطة، والنهي عن القران في التمر، ولو كان الأمران واجبين. فليس الأمر بالإيمان بالله ورسوله: كالأمر بأخذ الزينة عند كل مسجد والأمر بالإنفاق على الحامل وإيتائها أجرها إذا أرضعت. ولهذا ذهب جمهور الفقهاء إلى تفاضل أنواع الإيجاب والتحريم وقالوا: إن إيجاب أحد الفعلين قد يكون أبلغ من إيجاب الآخر، وتحريمه أشد من تحريم الآخر؛ فهذا أعظم إيجابا، وهذا أعظم تحريما. ولكن طائفة من أهل الكلام نازعوا في ذلك كابن عقيل وغيره فقالوا: التفاضل ليس في نفس الإيجاب والتحريم لكن في متعلق ذلك وهو كثرة الثواب والعقاب. والجمهور يقولون: بل التفاضل في الأمرين والتفاضل في المسببات دليل على التفاضل في الأسباب وكون أحد الفعلين ثوابه أعظم وعقابه أعظم: دليل على أن الأمر به والنهي عنه أوكد وكون أحد الأمرين والنهيين مخصوصا بالتوكيد دون الثاني مما لا يستريب فيه عاقل ولو تساويا من كل وجه لامتنع الاختصاص بتوكيد أو غيره من أسباب الترجيح فإن التسوية والتفضيل متضادان. وجمهور أئمة الفقهاء على التفاضل في الإيجاب والتحريم؛ وإطلاق ذلك هو قول جماهير المتأخرين من أصحاب الأئمة الأربعة. وهو قول القاضي أبي يعلى وأبي الخطاب والقاضي يعقوب البرزبيني وعبد الرحمن الحلواني وأبي الحسن بن الزاغوني وغيرهم لكن من هؤلاء من يفسر التفاضل بتفاضل الثواب والعقاب ونحو ذلك مما لا ينازع فيه النفاة. والتحقيق أن نفس المحبة والرضا والبغض والإرادة والكرامة والطلب والاقتضاء ونحو ذلك من المعاني تتفاضل، وتتفاضل الألفاظ الدالة عليها" (MF 17/58-60).
Voir également d'autres exemples dans notre article : Comprendre les différences d'importance existant entre les règles tafsîlî.
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La Hayâ' (Pudeur) (c'est un état d'esprit et une façon d'être au fond de soi ; à l'extérieur c'est un comportement devant autrui, c'est une façon de parler, c'est une façon de se vêtir...), la Hayâ', donc, possède :
- un Minimum (Asl),
- une Perfection Obligatoire (Kamâl Wâjib),
- une Perfection Recommandée (Kamâl Mustahabb) ;
- enfin, de l'Exagération (Ghuluww) (ici c'est un "excès dans la pudeur" : il s'agit de la "pudeur" qui empêche la personne de faire ce qui est Obligatoire sur elle).
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Peut-on dire que celui qui a un manquement dans Kamâl ul-îmân al-wâjib qu'il n'a pas Asl ul-îmân ? ou qu'il est "comme le kâfir" ?
Non : chez un homme de ce genre, on ne fait pas la négation du îmân mutlaqan, et on ne fait pas non plus l'affirmation (ithbât) du îmân mutlaqan : on parle de ba'dh : "partie".
Peut-on dire de celui qui accomplit chaque jour seulement 2 salâts sur 5 obligatoires qu'il est comme celui qui n'accomplit aucune salât ?
Non.
Peut-on dire de celui qui garde une petite barbe qu'il est comme celui qui n'a pas du tout de barbe (cet exemple vaut quand on retient l'avis des ulémas qui sont d'avis que le barbe a une longueur minimale obligatoire : une poignée) ?
Non.
C'est la même chose pour la pudeur :
Une dame qui ne se couvre pas la chevelure mais ne s'habille pas non plus de façon dénudée, celle-là a certes un manquement dans sa Kamâl ul-Hayâ' al-Wâjib, puisque Dieu a rendu le fait de se couvrir la chevelure aussi : obligatoire. Mais on ne peut pas dire qu'elle est "comme nue" : elle a bien une partie conséquente de la Pudeur Nécessaire (Ba'dh al-Hayâ') : elle a donc "de la Hayâ'".
Le qualificatif "comme nue" est abrupt, laissant croire qu'elle est comparable à celle qui est toute nue. Idem pour "dépravée".
Il faut ici rappeler (et on a parfois tendance à l'oublier) qu'il peut également arriver qu'une personne (qu'elle soit un homme ou une femme) couvre toute la partie de son corps que Dieu a rendu obligatoire de couvrir, mais ait, malgré tout, elle aussi un manquement dans sa Kamâl ul-Hayâ' al-Wâjib, et ce par rapport à sa façon de se comporter, etc. Comme nous l'avons dit plus haut, la Hayâ' c'est un état d'esprit et une façon d'être au fond de soi ; à l'extérieur cet état ne s'exprime pas seulement par une façon de se vêtir mais aussi par un comportement devant autrui, par une façon de parler, etc...
En tous cas : Il existe des degrés dans la Pudeur, ainsi que dans son contraire.
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A ce que j'ai dit là, une autre objection a alors été formulée ainsi :
Hors l'école mâlikite, il n'y a pas de différence entre les 'Awrât : il n'y a pas de distinction entre 'Awra Mukhaffafa et 'Awra Mughallazha (si ce n'est "السوأتان" [= les parties intimes], qui sont plus graves que le reste).
Et, certes, chez les Malikites, cette distinction existe, mais elle ne concerne que la 'Awra dans la prière. Et même dans la prière, chez les malikites, que les cheveux ou que la poitrine de la femme se découvre accidentellement, cela a le même statut.
Alors que dire en dehors de la prière, sachant que, chez les malikites, hors prière la femme tout entière est 'Awra, si ce n'est son visage et ses mains.
Et que dire si l'on suit l'avis de la majorité qui ne fait aucune distinction entre les 'Awrât, si ce n'est as-Saw'atayn [= les parties intimes] ?
Bref : qu'une femme découvre ses cheveux ou qu'elle découvre sa poitrine, cela est du même niveau.
Or dans la tradition occidentale, une femme qui marcherait seins nus dans la rue serait unanimement cataloguée de femme dépravée, alors que cheveux nus, cela ne choque personne
Ce que je voulais donc dire par mes propos c'est que, l'islam ne faisant pas de distinction entre les diverses nudités (si ce n'est celle des parties intimes), une femme ne portant pas le hijab est aussi "dépravée" qu'une femme exhibant sa poitrine, les cheveux féminins n'étant, en islam, pas moins graves et honteux à découvrir que le buste féminin (cela tant que l'on considère qu'une femme se promenant "topless" est dépravée ; car si, ensuite, même le fait d'être topless ne choque plus personne, alors il n'y a même plus à débattre sur la gravité de l'un ou de l'autre).
Je voulais donc souligner que certaines femmes, par négligence de certaines nudités, finissaient par devenir "كاسيات عاريات", "vêtues - dévêtues", pour reprendre la formule employée par le Prophète (sur lui soit la paix) : elles revêtent une partie de leur 'awra mais en laissent une autre dévêtue, ce qui fait qu'elles sont "vêtues - dévêtues".
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Ma réponse :
- Nous sommes tous deux d'accord sur un point : le fait de ne pas se couvrir les cheveux en public constitue un manquement (parmi d'autres manquements possibles et imaginables) dans le Kamâl ul-Haya' al-Wâjib.
- Mais là où je ne suis pas d'accord avec vous, c'est quand vous écrivez ceci : "une femme ne portant pas le hijab fait une action du même niveau qu'une femme exhibant sa poitrine (...), les cheveux féminins n'étant, en islam, pas moins graves et honteux à découvrir que le buste féminin".
Je pense pour ma part que l'action, de la part d'une femme, de laisser découverte(s) devant des hommes Ajânib sa poitrine ou ses cuisses, cela a un statut plus accentué que l'action, de sa part, de laisser seulement sa chevelure découverte devant des hommes Ajânib.
– Par rapport à ce point (qui constitue un cas 1 : la Awra de la femme devant les Ajânib, hommes n'étant pas ses proches parents) (عورة المرأة أمام الأجانب), mon argumentation est comme suit...
– Concernant un cas différent mais voisin, la Awra de la femme devant ses Mahârim, proches parents) (عورة المرأة أمام محارمها) (cas 2), la Shar' (Mu'awwal) fait la différence entre la chevelure, la poitrine, le ventre et les cuisses :
--- la chevelure : il est autorisé à la musulmane de la laisser découverte devant les Mahârim (alors que cela lui est interdit devant les Ajânib, les hommes qui ne sont pas ses proches parents) ;
--- la poitrine : devant les Mahârim il est – d'après les malikites et les hanbalites, ainsi que d'après un des deux avis des shafi'ites – interdit à la musulmane de la laisser découverte (certes, l'école hanafite ne dit pas cela ; cependant, l'un de mes professeurs, lui aussi hanafite, cheikh Ya'qûb Gora, disait ne pas trouver, personnellement, cet avis très pertinent : car, disait-il, la vue des seins entraîne la shahwa à un niveau plus important que certaines autres parties du corps, relevant pourtant elles aussi de la 'awra. Or ce professeur, aujourd'hui décédé, n'a jamais mis les pieds en terre occidentale ; et il ne comprenait pas la langue anglaise : différemment de ce que vous affirmez, cela n'est donc pas lié à la seule tradition occidentale) ;
--- le ventre et le dos : devant les Mahârim il est – d'après les hanafites aussi – interdit à la musulmane de les laisser découverts ;
--- les cuisses : devant les Mahârim il est interdit à la musulmane de les laisser découverts – et ce, y compris d'après l'avis le plus souple, qui considère que la 'awra de la femme devant ses mahârim est la 'awra de l'homme par rapport à l'homme ou de la femme par rapport à la femme, c'est-à-dire : la partie comprise entre le nombril et les genoux.
On voit ici une gradation quant à un cas différent (la 'Awra de la femme devant ses Mahârim), mais néanmoins voisin.
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– De même, concernant la Awra de la Ama devant les Ajânib (les hommes n'étant pas ses proches parents) (عورة الأمة أمام الأجانب) (cas 3), l'un des avis est que c'est seulement sa chevelure, qu'elle peut (et doit) laisser découverte, de même que ses avant-bras et mollets, mais qu'elle ne peut pas laisser le buste découvert.
Ceci car d'un côté Omar ibn ul-Khattâb (radhiyallâhu 'anh) avait dit : "اكشفي رأسك ولا تشبهي بالحرائر" (Ibn Abî Shayba, Abd ur-Razzâq, al-Bayhaqî), et comme Anas le relate : "عَنْ أَنَسِ بْنِ مَالِكٍ قَالَ : "كُنَّ إِمَاءُ عُمَرَ رَضِيَ اللهُ عَنْهُ يَخْدِمْنَنَا كَاشِفَاتٍ عَنْ شُعُورِهِنَّ تَضْرِبُ ثُدِيَّهُنَّ" (As-Sunan ul-kub'râ li-l-Bayhaqî) : "يعني أن شعورهن تضرب صدورهن من سرعة الحركة والدأب في الخدمة. أما بلفظ: "تَضْطَرِبُ ثُدِيُّهُنَّ"، فغير صحيح" (islamqa.info).
D'un autre côté, nous avons cet avis : après avoir rapporté le propos suscité de Anas ibn Mâlik, al-Bayhaqî écrit comme 'awra ce que nous avons cité plus haut : "وَالْآثَارُ عَنْ عُمَرَ بْنِ الْخَطَّابِ رَضِيَ اللهُ عَنْهُ فِي ذَلِكَ صَحِيحَةٌ، وَإِنَّهَا تَدُلُّ عَلَى أَنَّ رَأْسَهَا وَرَقَبَتَهَا وَمَا يَظْهَرُ مِنْهَا فِي حَالِ الْمِهْنَةِ: لَيْسَ بِعَوْرَةٍ" (As-Sunan ul-kub'râ li-l-Bayhaqî).
Ibn Taymiyya écrit de même : "الأصل أن عورة الأمة كعورة الحرة، كما أن عورة العبد كعورة الحر. لكن لما كانت مظنة المهنة والخدمة وحرمتها تنقص عن حرمة الحرة، رخص لها في إبداء ما تحتاج إلى إبدائه وقطع شبهها بالحرة وتمييز الحرة عليها. وذلك يحصل بكشف ضواحيها من رأسها وأطرافها الأربعة. فأما الظهر والصدر فباق على الأصل" (Shar'hu Umdat il-fiqh).
Cet avis est en fait l'un des avis des hanbalites : "والأمة يباح النظر منها إلى ما يظهر غالبا، كالوجه، والرأس، واليدين، والساقين. لأن عمر رضي الله عنه (...) وروى أبو حفص بإسناده أن عمر كان لا يدع أمة تقنع في خلافته، وقال: "إنما القناع للحرائر"؛ ولو كان نظر ذلك منها محرما لم يمنع من ستره" (Al-Mughnî 9/313). "وأما عورة الأمة: فقدم المصنف هنا أنها ما بين السرة والركبة كالرجل، وهو المذهب؛ جزم به ابن عقيل في التذكرة، والمذهب الأحمد، والطريق الأقرب، وقدمه في الهداية، والمذهب، ومسبوك الذهب، والمستوعب، والفروع، والخلاصة، والتلخيص، والبلغة والهادي، وابن تميم، وإدراك الغاية، ومجمع البحرين؛ واختاره ابن حامد والشيرازي وأبو الخطاب وابن عقيل وغيرهم. وعنه: عورتها ما لا يظهر غالبا؛ جزم به في الوجيز، والمنور، والمنتخب، واختاره ابن عبدوس في تذكرته. قال في تجريد العناية: وأمة ما لا يظهر غالبا على الأظهر؛ وقدمه في الكافي، والمحرر، والرعايتين، والنظم، والحاويين؛ واختاره القاضي، والآمدي، وابن عبيدان. قال القاضي في الجامع: ما عدا رأسها ويديها إلى مرفقيها ورجليها إلى ركبتيها فهو عورة. قال الآمدي: عورة الأمة ما خلا الوجه والرأس والقدمين إلى أنصاف الساقين واليدين إلى المرفقين. انتهى. وقيل: الأمة البرزة كالرجل، بخلاف الخفرة. قال في الإفادات: والأمة البرزة كالرجل. والخفرة ما لا يظهر غالبا. انتهى.
وقيل: ما عدا رأسها عورة؛ اختاره ابن حامد، ذكره عن ابن تميم؛ وهو ظاهر كلام الخرقي. وقول الزركشي: "إن ظاهر كلام الخرقي لا قائل به": غير مسلم له" (Al-Insâf li-l-Mardâwî).
On lit également ceci, comme étant l'un des avis, dans un ouvrage malikite : "ومن المدونة: عورة الأمة ما سوى الوجه والكفين ومحل الخمار" (At-Tâj wa-l-Iklîl), cependant je ne sais pas si cela concerne 'awrat un-nazar aussi, ou bien seulement 'awrat us-salât. Ash-Shawkânî relate : "وقال مالك: الأمة عورتها كالحرة حاشا شعرها فليس بعورة؛ وكأنه رأى العمل في الحجاز على كشف الإماء لرءوسهن؛ هكذا حكاه عنه ابن عبد البر في الاستذكار. قال العراقي في شرح الترمذي: والمشهور عنه أن عورة الأمة كالرجل" (Naylul-awtar 2/51).
Par contre, pour ce qui est des hanafites, eux disent que la 'awra de la Ama de façon générale est la même que la 'awra de la femme devant ses Mahârim (Al-Hidâya 2/446), donc comme le cas 2.
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– Bien sûr, ces cas 2 et 3 sont différents du cas 1 (qui est le cas dont nous parlons dans cet article : le cas de la Awra de la femme devant les Ajânib (les hommes n'étant pas ses proches parents) (عورة المرأة أمام الأجانب).
La différence tient au fait que, pour une femme, l'action de se découvrir la chevelure devant des Ajânib (cas 1) est interdite, alors que l'action pour la femme de se découvrir la chevelure devant ses Mahârim (cas 2) et l'action pour la Ama de se découvrir la chevelure (dans le cas 3) sont autorisées. Or c'est du cas 1 que nous discutons ici, et pas du cas 2 ni du cas 3.
Malgré tout...
... malgré tout, on voit bien, au travers de ces cas 2 et 3, qu'il existe, d'après les avis suscités, une gradation dans la Fitna que cause l'exposition de ces différentes parties du corps : les cuisses, le ventre, la poitrine, la chevelure.
En fait j'ai proposé ci-dessus une gradation dans la règle concernant la question de "إبداء المرأة زينتها أمام الأجانب" (cas 1), par analogie avec la règle concernant la question de "إبداء المرأة زينتها أمام محارمها" (cas 2) et celle concernant la question de "إبداء المرأة الأمة زينتها أمام الأجانب" (cas 3).
Cette analogie procède d'un : "اعتبار عين الوصف في نوع الحكم أو جنس الحكم" (soit une analogie fondée sur une "علة مؤثرة").Car lorsque devant son père et son frère, une demoiselle ou une dame ne peut pas laisser découverte sa poitrine (du moins d'après ces avis), alors même que (d'après les mêmes avis) elle peut laisser sa chevelure découverte, cela montre bien que le niveau des deux est différent.
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De même, en ce qui concerne la Ama (existant à l'époque), le travail quotidien a entraîné qu'il y a eu tolérance de laisser découvert ce qui est moindre, mais pas ce qui est plus accentué. C'est bien ce que Ibn Taymiyya a écrit (déjà cité) : "الأصل أن عورة الأمة كعورة الحرة، كما أن عورة العبد كعورة الحر. لكن لما كانت مظنة المهنة والخدمة، وحرمتها تنقص عن حرمة الحرة، رخص لها في إبداء ما تحتاج إلى إبدائه، وقطع شبهها بالحرة وتمييز الحرة عليها؛ وذلك يحصل بكشف ضواحيها من رأسها وأطرافها الأربعة. فأما الظهر والصدر فباق على الأصل" (Shar'hu Umdat il-fiqh).
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Vous-même vous dites : "Découvrir "السوأتان" [= les parties intimes], cela est plus grave que découvrir les autres parties de ce qui relève de la "عورة"".
Eh bien, pour affirmer cela, vous avez vous aussi eu recours à une Analogie, Qiyâs...
Car montrez-moi quelle Nass du Coran ou de la Sunna affirme explicitement que "découvrir "السوأتان" [= les parties intimes], cela est plus grave que découvrir les autres parties de la "عورة"" ?
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Il semble qu'on peut proposer la synthèse suivante :
D'une part, le fait de devoir se couvrir telle et telle partie du corps en public, cette règle (hukm) a un objectif de précaution. Ibn ul-Qayyim écrit ainsi :
- "الوجه الثاني عشر: أن الله تعالى أمر بغض البصر - وإن كان إنما يقع على محاسن الخلقة والتفكر في صنع الله - سدا لذريعة الإرادة والشهوة المفضية إلى المحظور" (A'lâm ul-muwaqqi'în, 3/112, Exemple 12) ;
- "قال الله تعالى {قُلْ لِلْمُؤْمِنِينَ يَغُضُّوا مِنْ أَبْصَارِهِمْ وَيَحْفَظُوا فُرُوجَهُمْ ذَلِكَ أَزْكَى لَهُمْ إِنَّ اللَّهَ خَبِيرٌ بِمَا يَصْنَعُونَ وَقُلْ لِلْمُؤْمِنَاتِ يَغْضُضْنَ مِنْ أَبْصَارِهِنَّ وَيَحْفَظْنَ فُرُوجَهُنَّ} الآية. فلما كان غض البصر أصلا لحفظ الفرج، بدأ بذكره.
ولما كان تحريمه تحريم الوسائل (فيباح للمصلحة الراجحة؛ ويحرم إذا خيف منه الفساد ولم يعارضه مصلحة أرجح من تلك المفسدة)، لم يأمر سبحانه بغضه مطلقا، بل أمر بالغض منه.
وأما حفظ الفرج فواجب بكل حال، لا يباح إلا بحقه؛ فلذلك عم الأمر بحفظه" (Rawdhat ul-muhibbîn, 1/92) ;
- "ولما كان النظر من أقرب الوسائل إلى المحرم، اقتضت الشريعة تحريمه، وأباحته في موضع الحاجة. وهذا شأن كل ما حرم تحريم الوسائل: فإنه يباح للمصلحة الراجحة. كما حرمت الصلاة في أوقات النهي لئلا تكون وسيلة إلى التشبه بالكفار في سجودهم للشمس، أبيحت للمصلحة الراجحة كقضاء الفوائت وصلاة الجنازة وفعل ذوات الأسباب على الصحيح" (Ibid., 1/95) ;
- "وإذا كان النبي صلى الله عليه وسلم قد نهى أن يقرب طيبا أو يمس به، تناول ذلك الرأس والبدن والثياب؛ وأما شمه من غير مس فإنما حرمه من حرمه بالقياس، وإلا فلفظ النهي لا يتناوله بصريحه ولا إجماع معلوم فيه يجب المصير إليه. ولكن تحريمه من باب تحريم الوسائل، فإن شمه يدعو إلى ملامسته في البدن والثياب. كما يحرم النظر إلى الأجنبية لأنه وسيلة إلى غيره.
وما حرم تحريم الوسائل فإنه يباح للحاجة أو المصلحة الراجحة؛ كما يباح النظر إلى الأمة المستامة، والمخطوبة، ومن شهد عليها، أو يعاملها، أو يطبها" (Zâd ul-ma'âd, 2/223).
D'autre part, bien que la musulmane considère qu'il lui est interdit de découvrir n'importe quelle partie de l'ensemble de ce qui constitue sa 'awra en présence d'hommes qui ne sont ni son mari ni ses proches parents, il existe des différences de degrés dans la gravité de se découvrir différentes parties de cette 'awra :
--- il y a la chevelure, le cou et les épaules ;
--- plus accentué est ce qui relève de la poitrine, du dos et du ventre ("plus accentué" parce que, selon l'avis qui semble pertinent, même devant un mahram la femme ne doit pas laisser cela découvert) ;
--- plus accentué encore est ce qui relève des cuisses (car, même selon l'avis le plus souple, la femme ne doit pas laisser cela dévêtu devant un mahram) ;
--- enfin, plus accentué que tout est ce qui relève des parties intimes (as-saw'atân).
On retrouve une telle gradation dans les écrits des juristes qui se sont penchés sur la question de l'auscultation pour une personne qui souffre d'une affection sur sa partie intime. Cette personne peut alors se faire ausculter par autrui, car cela est susceptible d'entraîner le diagnostic de ce dont elle souffre et, donc, la prescription des médicaments qui sont susceptibles d'entraîner la guérison (réaliser la Maslaha qui est susceptible d'être atteinte par ce qui contient cet élément interdit).
Ainsi, lorsqu'il y a hâja à ce que le médecin regarde un endroit précis du corps, les mujtahidûn ont déclaré "autorisé, pour le médecin compétent, d'ausculter cet endroit précis, fût-il 'awra". Cependant, les ulémas ont également établi une gradation entre différentes 'Awrât (ce cas de figure étant hors prière) :
"المثال الثاني عشر: ستر العورات والسوآت واجب وهو من أفضل المروآت وأجمل العادات ولا سيما في النساء الأجنبيات، لكنه يجوز للضرورات والحاجات.
أما الحاجات فكنظر (...) الأطباء لحاجة المداواة، (...). وكذلك لو وقف الشاهد على العيب أو الطبيب على الداء فلا يحل له النظر بعد ذلك، لأنه لا حاجة إليه لذلك، لأن ما أحل إلا لضرورة أو حاجة يقدر بقدرها ويزال بزوالها. وأما الضرورات فكقطع السلع المهلكات ومداواة الجراحات المتلفات. ويشترط في النظر إلى السوآت - لقبحها - من شدة الحاجة ما لا يشترط في النظر إلى سائر العورات. وكذلك يشترط في النظر إلى سوأة النساء من الضرورة والحاجة ما لا يشترط في النظر إلى سوأة الرجال، لما في النظر إلى سوآتهن من خوف الافتتان. وكذلك ليس النظر إلى ما قارب الركبتين من الفخذين كالنظر إلى الأليتين" (Qawâ'ïd ul-ahkâm fî massâlih il-anâm, 2/286-287).
Des ulémas ont également écrit que, autant que possible, ce devra être quelqu'un du même sexe qui procédera à cette consultation et que ce n'est qu'en cas d'impossibilité que le musulman / la musulmane aura recours aux services d'un médecin du sexe opposé (tout en évitant les situations de solitude) : "(و) اعلم أن ما تقدم من حرمة النظر والمس هو حيث لا حاجة إليهما. وأما عند الحاجة فالنظر والمس (مباحان لفصد وحجامة وعلاج) ولو في فرج للحاجة الملجئة إلى ذلك؛ لأن في التحريم حينئذ حرجا، فللرجل مداواة المرأة، وعكسه، وليكن ذلك بحضرة محرم أو زوج أو امرأة ثقة (إن جوزنا خلوة أجنبي بامرأتين، وهو الراجح كما سيأتي في العدد إن شاء الله تعالى). ويشترط عدم امرأة يمكنها تعاطي ذلك من امرأة وعكسه كما صححه في زيادة الروضة، (...). ولو لم نجد لعلاج المرأة إلا كافرة ومسلما، فالظاهر كما قال الأذرعي أن الكافرة تقدم؛ لأن نظرها ومسها أخف من الرجل بل الأشبه عند الشيخين كما مر أنها تنظر منها ما يبدو عند المهنة بخلاف الرجل" (Mughni-l-Muhtâj, ash-Shirbînî).
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Quant au hadîth qui évoque des femmes que le Prophète (sur lui soit la paix) n'a pas vues à son époque, mais qui apparaîtront plus tard : elles seront "vêtues-dévêtues" : "عن أبي هريرة، قال: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "صنفان من أهل النار لم أرهما، قوم معهم سياط كأذناب البقر يضربون بها الناس، ونساء كاسيات عاريات مميلات مائلات، رءوسهن كأسنمة البخت المائلة، لا يدخلن الجنة، ولا يجدن ريحها، وإن ريحها ليوجد من مسيرة كذا وكذا" (Muslim, 2128), ce que vous en dites est en effet l'une des interprétations de ce hadîth, mais cela ne contredit pas ce que j'ai développé comme idée, à savoir qu'il existe des gradations. Par ailleurs, il en existe également une autre interprétation : il s'agirait de femmes qui s'habilleront de vêtement si légers que ceux-ci laisseront voir la peau, ou de vêtements si serrés qu'ils recouvriront certes la peau mais feront ressortir les formes : "والثالث تكشف شيئا من بدنها إظهارا لجمالها فهن كاسيات عاريات. والرابع يلبسن ثيابا رقاقا تصف ما تحتها كاسيات عاريات في المعنى" (Shar'h Muslim, an-Nawawî).
Hâdhâ mâ 'indî (c'est ainsi que j'ai compris), wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).