La Propriété sur quelque chose est de plusieurs niveaux

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A) La propriété dans l'absolu :

C'est celle de Dieu Seul.
--- "لِلَّهِ ما فِي السَّمَاواتِ وَمَا فِي الأَرْضِ" : "A Dieu appartient ce qui se trouve dans les cieux et sur la terre" (Coran 2/284) ;
--- "قُل لِّمَنِ الْأَرْضُ وَمَن فِيهَا إِن كُنتُمْ تَعْلَمُونَ؟ سَيَقُولُونَ لِلَّهِ! قُلْ أَفَلَا تَذَكَّرُونَ؟" : "Dis : "A qui appartient la Terre et ceux qui s'y trouvent, si vous savez ?" Ils (= les Polythéistes) diront : "(Ils appartiennent) à Dieu !" Dis : "Ne vous souvenez-vous donc pas ?"" (Coran 23/84-85).
--- A ceux qui ne pouvaient pas pratiquer leur Dîn, qui avaient la possibilité d'émigrer ailleurs et ne l'ont pas fait, il est dit après leur mort : "La terre de Dieu n'était-elle pas vaste, de sorte que vous y émigriez ?" : "إِنَّ الَّذِينَ تَوَفَّاهُمُ الْمَلآئِكَةُ ظَالِمِي أَنْفُسِهِمْ قَالُواْ فِيمَ كُنتُمْ قَالُواْ كُنَّا مُسْتَضْعَفِينَ فِي الأَرْضِ قَالْوَاْ أَلَمْ تَكُنْ أَرْضُ اللّهِ وَاسِعَةً فَتُهَاجِرُواْ فِيهَا" (Coran 4/97).

Mais cela n'empêche pas en même temps la propriété humaine : nous le verrons en C, plus bas. La propriété d'un homme sur quelque chose de mobilier ou d'immobilier est bien réelle, et ne contredit pas la propriété originelle et absolue de Dieu.
Le verset suivant met en exergue ces 2 dimensions :
--- "وَآتُوهُم مِّن مَّالِ اللَّهِ الَّذِي آتَاكُمْ" : "Et donnez-leur du bien de Dieu qu'Il vous a donné" (Coran 24/33).

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B) Un type de propriété quelque peu particulière : Le bien qu'une personne a rendu Waqf (Mahbûs) :

Ce don présuppose que le bien était propriété (C) préalable de qui l'a donné en Waqf : "immobilisation".

Les mosquées sont Waqf lillâh.
Un puits, un verger, un caravansérail, peuvent aussi être rendus Waqf pour les habitants de la localité, ou les pauvres, ou les voyageurs. Ainsi, Omar ibn ul-Khattâb possédait un lopin de terre à Khaybar, qu'il "immobilisa" pour les pauvres, les proches, les esclaves, etc.  : "عن ابن عمر رضي الله عنهما: أن عمر بن الخطاب أصاب أرضا بخيبر، فأتى النبي صلى الله عليه وسلم يستأمره فيها، فقال: يا رسول الله، إني أصبت أرضا بخيبر لم أصب مالا قط أنفس عندي منه، فما تأمر به؟ قال: "إن شئت حبست أصلها، وتصدقت بها." قال: فتصدق بها عمر، أنه لا يباع ولا يوهب ولا يورث، وتصدق بها في الفقراء وفي القربى وفي الرقاب وفي سبيل الله وابن السبيل والضيف، لا جناح على من وليها أن يأكل منها بالمعروف، ويطعم غير متمول" (al-Bukhârî, 2586, Muslim, 1632).

--- D'après Abû Hanîfa, le cas de la mosquée est exceptionnel : la terre et le bâti qui la constituent est sorti de la propriété de la personne et n'est entré dans la propriété de personne d'autre : cela est "immobilisé" pour un type de "qurba". Par contre, tous les objets autres que les mosquées (objets immobiliers seulement d'après lui) sont "immobilisés" sur la propriété de cette personne, et c'est leur jouissance que cette personne a donnée en aumône à ceux qu'elle a désignés (Al-Hidâya 1/617).

--- D'après Abû Yûssuf et Muhammad ibn ul-Hassan, tout objet immobilisé (mosquée ou autre) sort de la propriété de la personne pour être considéré comme relevant désormais de la propriété de Dieu mais de telle sorte que ceux que la personne a désignées peuvent en profiter (Ibid.).

L'école hanafite a retenu ce dernier avis.

Immobiliser ainsi quelque chose pour Dieu, cela ressemble en partie à l'affranchissement (tahrîr) d'un esclave, et en partie au fait de transférer la propriété à quelqu'un d'autre (tamlîk) (MF 31/230).
Cependant, au sein de l'ensemble des actions "waqf", "immobiliser quelque chose", c'est l'action "faire d'un bâti une mosquée" qui ressemble plus que jamais à l'affranchissement (tahrîr) (MF 31/231-232).

Peut-on vendre une terre waqf ?
--- Sans raison : non.
--- Par contre, s'il y a vraiment maslaha à le faire, alors certains ulémas hanbalites sont d'avis qu'on peut le faire, à condition d'utiliser le prix pour acheter une terre meilleure, affectée au même usage que la première (MF 31/212-251). Seule exception à cela : les 3 grandes mosquées : celle de la Kaaba à La Mecque, celle du Prophète à Médine, et al-Aqsâ à Jérusalem (MF 31/233).

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C) La propriété d'une personne ou d'un groupe de personnes :

La propriété des humains sur des biens matériels est :

--- C.1) soit individuelle : "Remettez-leur leurs biens" : "وَابْتَلُواْ الْيَتَامَى حَتَّىَ إِذَا بَلَغُواْ النِّكَاحَ فَإِنْ آنَسْتُم مِّنْهُمْ رُشْدًا فَادْفَعُواْ إِلَيْهِمْ أَمْوَالَهُمْ وَلاَ تَأْكُلُوهَا إِسْرَافًا وَبِدَارًا أَن يَكْبَرُواْ وَمَن كَانَ غَنِيًّا فَلْيَسْتَعْفِفْ وَمَن كَانَ فَقِيرًا فَلْيَأْكُلْ بِالْمَعْرُوفِ فَإِذَا دَفَعْتُمْ إِلَيْهِمْ أَمْوَالَهُمْ فَأَشْهِدُواْ عَلَيْهِمْ وَكَفَى بِاللّهِ حَسِيبًا" (Coran 4/6) ;

--- C.2) soit collective (en indivis). Les propriétaires peuvent demander que ce qui leur appartenait en indivis soit partagé entre eux : chacun reçoit alors son lot individuel (C.1).

La propriété d'un non-musulman sur quelque chose est reconnue.

Même le pays non-musulman qui était en guerre contre un pays musulman, ce que ses combattants acquéraient par la guerre était reconnu comme étant devenu leur propriété (Al-Mughnî 12/646 : seule l'école shafi'ite ne leur reconnaît pas de propriété sur ces biens qu'ils ont acquis sur des musulmans par la guerre).
C'est pourquoi quelqu'un qui était non-musulman et avait alors acquis des biens matériels à titre de butin comme suite d'une guerre loyale contre des musulmans, et qui se convertit à l'islam, garde ces biens comme relevant de sa propriété individuelle.
Alors que quelqu'un qui était non-musulman et avait alors volé des biens matériels à un autre non-musulman qui était son voisin, et qui se convertit à l'islam doit, pour acquérir le pardon de Dieu, rendre ces biens qu'il avait volés à ce non-musulman.

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D) Une propriété collective, mais d'échelle différente de celle de type C.2 : Toute terre "Dâru islâm" : cette terre est propriété de la collectivité, mais cette propriété collective est différente de celle de type C.2 :

--- Dans le marxisme, les moyens de productions sont la propriété de la collectivité. La terre du pays aussi est propriété de la collectivité.
Ainsi, en Union soviétique, il existait certes des habitations individuelles qui étaient propriétés personnelles (ils ne disaient pas : "privées" mais : "personnelles"), cependant, la terre sur laquelle ces habitations se trouvaient restait propriété de l'Etat : les personnes possédant une maison de ce genre pouvaient donc utiliser le terrain sur lequel celle-ci était bâtie, mais n'étaient pas propriétaires de ce terrain (pas de propriété de types C.1 ou C.2).
Quant aux grands ensembles d'habitations, l'individu ne pouvait même pas en posséder le bâti.

--- En Islam, le fait qu'un pays soit Dâru islâm n'empêche pas que si une partie de la terre de ce pays reste "du domaine public", il y ait en même temps, sur une autre partie de ce pays, des propriétés de types C.1 ou C.2 (qu'elles soient celles de musulmans ou de non-musulmans). Le fait qu'un pays soit Dâru islâm a comme implication que chaque musulman a en théorie le droit de venir s'y installer (et d'y acheter un bien immeuble ou le louer).
(Certes, l'autorité peut, par Maslaha, réguler l'installation des personnes voulant s'y installer, comme le Prophète l'a fait par Maslaha avec les Banû Salima : "عن أنس رضي الله عنه، قال: أراد بنو سلمة أن يتحولوا إلى قرب المسجد، فكره رسول الله صلى الله عليه وسلم أن تعرى المدينة وقال: "يا بني سلمة ألا تحتسبون آثاركم" فأقاموا" : B 1788. Cependant, ce que je veux dire c'est que, en théorie, c'est le droit de chaque musulman.)

Le musulman qui en est résident permanent peut acheter une parcelle de terrain à l'un des propriétaires originels (qu'il soit musulman ou non-musulman). Il peut également viabiliser une parcelle dans le désert et en devenir alors propriétaire (à condition, d'après l'école hanafite, d'avoir obtenu l'autorisation préalable de l'autorité).

Et le musulman qui en est résident permanent a droit à une partie des recettes de la Dâr ul-islâm, en tant qu'allocations. Omar ibn ul-Khattâb avait mis en place un remarquable système de répartition de ces recettes, avec les registres (diwân). Parlant des recettes de type kharâj qui allaient être perçues d'Irak, il est relaté ceci de Omar : "فقال عمر: "لئن سلمني الله، لأدعن أرامل أهل العراق لا يحتجن إلى رجل بعدي أبدا." قال: فما أتت عليه إلا رابعة حتى أصيب" : "Si Dieu me garde sauf, je laisserai les veuves d'Irak n'avoir par la suite plus à être tributaires de qui que ce soit (pour leur pain quotidien)" (al-Bukhârî, 3497). Un autre jour il avait dit aussi : "فلئن عشت فليأتين الراعي وهو بسرو حمير نصيبه منها لم يعرق فيها جبينه" : "Si je reste en vie, sa part (de Fay') viendra au berger se trouvant à Sarw Himyar [au Yémen] sans que son front ait eu à suer" (Mishkât, 4061).

Contrairement au musulman qui habite pour sa part en Dâru kufr wa amn : lui n'a pas droit à une part de ces recettes de la Dâr ul-islâm (vu qu'il n'en est pas un résident). Le Prophète (sur lui soit la paix) l'avait dit : "S'ils ne veulent pas quitter (leur cité), alors informe-les qu'ils seront comme les bédouins musulmans : le statut, fixé par Dieu, qui a cours sur les croyants aura cours sur eux, (mais) ils n'auront rien du (Khums de) la Ghanîma, ni du Fay'" : "ثم ادعهم إلى التحول من دارهم إلى دار المهاجرين وأخبرهم أنهم إن فعلوا ذلك فلهم ما للمهاجرين وعليهم ما على المهاجرين؛ فإن أبوا أن يتحولوا منها فأخبرهم أنهم يكونون كأعراب المسلمين يجرى عليهم حكم الله الذى يجرى على المؤمنين ولا يكون لهم فى الغنيمة والفىء شىء" : Muslim, 1731 : la suite qui vient après cette dernière phrase est un istithnâ munqati').

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Quand Moïse (sur lui soit la paix) dit aux fils d'Israël l'accompagnant, au sujet de la terre de Canaan : "يَا قَوْمِ ادْخُلُوا الأَرْضَ المُقَدَّسَةَ الَّتِي كَتَبَ اللّهُ لَكُمْ" : "O mon peuple, entrez dans la terre sanctifiée, que Dieu a écrit (être) pour vous" (Coran 5/21), il voulait leur dire : Dieu, le Propriétaire, vous a accordé le droit sur cette terre-là, à titre de propriété de ce type D [et non pas du type C.2]. La suite du texte montre qu'ils devaient lutter contre les occupants originels alors établis sur les lieux et refusant de les quitter.
(Il est à noter ici que depuis la fin de l'élection des fils d'Israël (mentionnée dans le même Coran), du point de vue musulman ils n'ont plus un droit de propriété provenant de Dieu sur cette terre. Cela concernait donc seulement l'époque où ils étaient les dépositaires de l'Alliance avec Dieu.)

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Une fois devenu "Dâr ul-islâm", un pays, une terre, ne demeure pas forcément "Dâr ul-islâm" pour toujours : si des non-musulmans le conquièrent, il cesse d'être Dâr ul-islam (les conditions pour cela étant cependant, chez Abû Hanîfa, plus nombreuses que chez les autres mujtahidûn). Ibn Taymiyya écrit : "فإن كون الأرض "دار كفر" أو "دار إسلام أو إيمان"، أو "دار سلم" أو "حرب"، أو "دار طاعة" أو "معصية"، أو "دار المؤمنين" أو "الفاسقين": أوصاف عارضة، لا لازمة. فقد تنتقل من وصف إلى وصف كما ينتقل الرجل بنفسه من الكفر إلى الإيمان والعلم، وكذلك بالعكس" : "Le fait qu'une terre soit "Dâru kufr ou "Dâru islâm" ou "îmân", ou "Dâru silm" ou "harb", ou Dâru tâ'ah" ou "ma'ssiya", ou "Dâr ul-mu'minîn" ou "al-fâssiqîn" : sont des qualificatifs accidentels ('âridha), non nécessairement inhérents (lâzima) : (la terre) quitte parfois un qualificatif pour un autre. (Cela) comme un homme quitte le kufr pour l'îmân et le 'ilm ; ou l'inverse" (MF 27/45).

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– Et qu'en est-il des terres suivantes, quelque peu particulières ?

--- Qu'en est-il de la terre d'Irak, de celle de Shâm, de celle d'Egypte, etc. ?

----- D'après Mâlik, ash-Shâfi'î et Ahmad : celles de ces terres qui ont été conquises ('anwa) et sont donc kharâjî, leur territoire est waqf au sens B, et il n'est donc pas autorisé au musulman d'en acheter (puis d'en revendre) un lopin (Fiqh uz-zakât, 1/438). Cependant, si un lopin en a été quand même vendu, puis qu'un juge rend le jugement d'après l'avis qui va être cité ci-après, la vente en sera rendue correcte (Al-Mughnî 3/577). De même, si l'émir en vend des parcelles par maslaha, cela sera correct (Ibid.).

----- D'après Abû Hanîfa, Abû Yûssuf et Muhammad ibn ul-Hassan : les propriétaires originels de lopins ou de bâtis sur ces terres en sont demeurés propriétaires (même s'ils sont demeurés non-musulmans et ont choisi de ne pas se convertir à l'islam), et il a été possible à des musulmans de leur acheter ces lopins et bâtis, et plus tard de revendre ceux-ci ("وعمر رضي الله عنه حين فتح السواد وضع الخراج عليها بمحضر من الصحابة رضي الله عنهم؛ ووضع على مصر حين افتتحها عمرو بن العاص؛ وكذا اجتمعت الصحابة رضي الله عنهم على وضع الخراج على الشام. قال: "وأرض السواد مملوكة لأهلها يجوز بيعهم لها وتصرفهم فيها" لأن الإمام إذا فتح أرضا عنوة وقهرا له أن يقر أهلها عليها ويضع عليها وعلى رءوسهم الخراج فتبقى الأراضي مملوكة لأهلها وقد قدمناه من قبل" : Al-Hidâya 1/570). Ath-Thawrî est du même avis (Al-Mughnî 3/574).

Ibn Taymiyya a retenu ce second avis (MF 17/488-489 ; 29/211 ; 31/230-231) ("وقالت طائفة: الإمام مخير في الأرض بين قسمتها وبين وقفها. والنبي صلى الله عليه وسلم قسم خيبر، ولم يقسم مكة، فدل على جواز الأمرين. قالوا: والأرض لا تدخل في الغنائم المأمور بقسمتها، بل الغنائم هي الحيوان والمنقول. لأن الله تعالى لم يحل الغنائم لأمة غير هذه الأمة، وأحل لهم ديار الكفر وأرضهم كما قال تعالى: {وإذ قال موسى لقومه ياقوم اذكروا نعمة الله عليكم} إلى قوله: {ياقوم ادخلوا الأرض المقدسة التي كتب الله لكم}، وقال في ديار فرعون وقومه وأرضهم: {كذلك وأورثناها بني إسرائيل}. فعلم أن الأرض لا تدخل في الغنائم، والإمام مخير فيها بحسب المصلحة. وقد قسم رسول الله صلى الله عليه وسلم وترك، وعمر لم يقسم، بل أقرها على حالها وضرب عليها خراجا مستمرا في رقبتها يكون للمقاتلة، فهذا معنى وقفها، ليس معناه الوقف الذي يمنع من نقل الملك في الرقبة، بل يجوز بيع هذه الأرض كما هو عمل الأمة. وقد أجمعوا على أنها تورث؛ والوقف لا يورث. وقد نص الإمام أحمد رحمه الله تعالى على أنها يجوز أن تجعل صداقا؛ والوقف لا يجوز أن يكون مهرا في النكاح. ولأن الوقف إنما امتنع بيعه ونقل الملك في رقبته لما في ذلك من إبطال حق البطون الموقوف عليهم من منفعته؛ والمقاتلة حقهم في خراج الأرض، فمن اشتراها صارت عنده خراجية، كما كانت عند البائع سواء، فلا يبطل حق أحد من المسلمين بهذا البيع، كما لم يبطل بالميراث والهبة والصداق" : ZM 3/118).
En fonction de ce dernier avis, ces terres-ci ne sont donc pas Waqf au sens B (comme le sont les terres Khums et Fay'). En fait ces terres-ci sont de type D tout simplement. Et si elles ont été évoquées séparément, c'est seulement parce que pour leur part elles avaient été conquises mais pas partagées entre les combattants les ayant conquises (exactement comme, à l'intérieur de la Péninsule arabique, ce fut le cas de la cité des Banu-l-Mustaliq, conquise en l'an 5, ou de la cité de La Mecque, conquise en l'an 8).

La différence entre ces terres d'Irak etc., et les terres de Banu-n-Nadhîr etc. (qui vont être citées ci-après) est :
--------- qu'ici, ces lopins demeurèrent la propriété des habitants originels. Un musulman pouvait leur acheter une parcelle (et c'était alors lui qui en payait l'impôt kharâj). Il pouvait aussi viabiliser une parcelle dans le désert et en devenir alors propriétaire (à condition, d'après l'école hanafite, d'avoir obtenu l'autorisation préalable de l'autorité) ;
--------- tandis qu'en ce qui concerne les terres de Banu-n-Nadhîr etc., les lopins de terre qui appartenaient aux habitants originels (des non-musulmans) avant la conquête de l'islam cessèrent d'être leur propriété après la conquête. Oui, ils purent continuer à s'en occuper (comme à Fadak), mais ils n'en furent plus propriétaires. Pour ce qui est de la partie de la terre de Khaybar qui était Khums (soit al-Kutayba), elle fut "Waqf".

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--- Qu'en est-il du territoire des Banu-n-Nadhîr, du territoire de Fadak (tous deux Terres de Fay', au sens spécifique du terme), et du Khums de Khaybar (donc al-Kutayba) ?

Il y avait le Khums de Khaybar (soit al-Kutayba).
Quant aux deux autres terres, elles étaient Fay' (au sens spécifique du terme).

Tout cela était-il propriété du Prophète, sur lui soit la paix (C.1) ?
Il y a divergence sur le sujet :
--- ash-Shâfi'î et certains hanbalites disent : Oui ; cependant, comme Omar ibn ul-Khattâb l'a dit, il ne se les a pas réservés, au point qu'il en est resté ce qu'il en est resté ;
--- Ibn Taymiyya dit : Non ; cependant - et c'est ce que Omar ibn ul-Khattâb a voulu dire -, il avait le droit de prendre de leurs revenus autant qu'il le voulait, même s'il ne l'a pas fait, s'étant contenté d'en prendre le strict minimum pour ses épouses (et ce dans la mesure où il était un prophète-non-roi).
Quand, après son décès, sa fille Fâtima, certaines de ses veuves, ainsi que son oncle al-Abbâs (que Dieu les agrée) vinrent réclamer au calife Abû Bakr, leur héritage sur ses terrains :
--- soit il sont venus lui réclamer la pleine propriété de la part qui leur revenait ;
--- soit ils sont venus lui réclamer leur part de revenus, dont ils pensaient qu'ils en hériteraient.
Mais Abû Bakr leur répondit que le Prophète (sur lui soit la paix) avait dit que les ayant-droits des prophètes n'héritent rien de matériel d'eux.

Ces terres, une partie d'elles le Prophète en a transféré la pleine propriété à des musulmans qui étaient dans le besoin (il l'a fait pour certains lopins de Banu-n-Nadhîr), tandis qu'il a laissé le reste de ces terres telles quelles.

Et la partie de ces terres qu'il a laissées telles quelles sont devenues, après son décès, Waqf li-l-muslimîn (B).
Seules ses veuves eurent droit à une allocation (conformément à ce qu'il avait dit), et cela parce qu'elles étaient empêchées de se remarier (Mahbûssât 'alayhi) (ce qui relève de la règle générale selon laquelle toute personne retenue à cause de quelqu'un doit être nourrie et logée par lui).
Le calife aussi eut droit à une allocation, perçue du Bayt ul-mâl, pour sa fonction de Chef d'Etat (cependant, même théoriquement il n'avait pas le droit d'en tirer profit autant qu'il le voulait : c'est l'avis correct, même si 'Uthmân ibn 'Affân a été de l'autre avis, et c'est ce qui explique qu'il ait fait largesse de ce genre de revenus à sa famille).

La terre de Khaybar et celle de Fadak, ses habitants originels ont eu le droit de continuer à y demeurer, mais ce pour une durée limitée, et ce n'était plus à titre de propriétaires (kânat lahum yadu-ntifâ', lâ yadu milk ir-raqaba).

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--- Quant à l'autre partie de la terre de Khaybar, que le Prophète choisit de ne pas partager entre ses 1500 hommes mais qui resta hors Khums (soit al-Watîh et as-Sulâlim) :

------ fut-elle également Waqf, B ?
------ ou bien fut-elle simplement laissée comme terre de la collectivité, D ?
Je ne sais pas (لا أدري).

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--- Et qu'en est-il de la terre de La Mecque ?

Elle aussi a été conquise, mais le Prophète ne l'a pas partagée entre ses hommes. (Il n'a pas non plus partagé les biens meubles des Mecquois vaincus.)
Toute la terre de La Mecque et du Haram est-elle Waqf, B ? En d'autres termes : est-il possible de vendre ou d'acheter une parcelle de terre de La Mecque ? est-il possible de la louer ?
Ibn Taymiyya relate que la divergence qui existe sur le sujet ne concerne que les terrains d'habitation de la Mecque, et pas ses terrains cultivables : ces derniers, il est autorisé de les vendre et de les louer (MF 29/211)...
Pour les terrains d'habitation de La Mecque :
----- d'après ash-Shafi'î : vendre ou louer, le terrain ou le bâti, pour la saison du grand pèlerinage ou pour n'importe quel moment de l'année : tout cela est autorisé ;
----- d'après l'un des deux avis relatés de Ahmad : des gens sont propriétaires de parcelles sur cette terre, et la propriété se transmet par héritage ; cependant, ils ne peuvent ni vendre ces parcelles, ni les louer ; d'après Mâlik il est interdit de vendre comme de louer les terrains ou les maisons de La Mecque (ZM 3/435) ;
----- d'après l'un des deux avis de Abû Hanîfa, il est autorisé de vendre le bâti, mais il est interdit de vendre un terrain. Et il est autorisé de louer le bâti, mais il est interdit de louer un terrain (Al-Hidâya 2/457 ; Ad-Durr ul-mukhtâr, avec Radd ul-muhtâr, 9/132) ;
----- d'après Ibn Taymiyya : posséder et vendre un terrain de La Mecque est autorisé, mais il est interdit de le louer : il faut fournir le logement au pèlerin qui en a besoin (MF 17/491). Ibn ul-Qayyim nuance cela en disant qu'on ne peut louer ni le bâtiment ni la terre, et qu'on peut vendre le bâtiment mais pas un lopin de terre nue (ZM 3/437) ;
----- d'après Abû Yûssuf et Muhammad ibn ul-Hassan, et l'autre avis de Abû Hanîfa : vendre et louer le terrain et le bâti de La Mecque sont autorisés. Seul est interdit le fait de louer un bâti ou un terrain pendant la saison du grand pèlerinage, et ce à cause du besoin des pèlerins de se loger (Ad-Durr ul-mukhtâr, avec Radd ul-muhtâr, 9/563-564).

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Différentes terres d'Arabie et des environs à l'époque du Prophète (sur lui soit la paix) et des 4 califes :

Nous avons traité de cela dans un article distinct.

Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

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