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1) Ne pas confondre "les Actions des 'Ibâdât" et "les Actions des 'Âdât / Irtifâqât" :
– Les actions de la catégorie des "'Ibâdât" (au sens particulier du terme) sont les actions dont l'objectif est d'établir ou de renforcer le lien du cœur avec Dieu. C'est le cas des ablutions, de la prière rituelle, du jeûne, de l'aumône, du pèlerinage, de la récitation du Coran, des invocations - du'â -, des évocations - adhkâr -, de la retraite spirituelle - i'tikâf -, du sacrifice d'un animal - tadh'hiya... Toutes ces actions possèdent cette spécificité des 'Ibâdât, même si chacune d'elles a ensuite un objectif voisin mais nuancé par rapport à l'autre, objectif ne pouvant pas être atteint par le moyen de l'autre.
N'est institué, comme action des 'Ibâdât, que l'action que le Coran ou la Sunna a explicitement instituée telle. Sinon cela est bid'a, même si cela était pratiqué par d'autres prophètes auparavant : le voeu de silence est ainsi bid'a dans la Loi de Muhammad (sur lui soit la paix), bien que Marie l'avait pratiqué à son époque sur ordre de l'ange Gabriel : "فَإِمَّا تَرَيِنَّ مِنَ الْبَشَرِ أَحَدًا فَقُولِي إِنِّي نَذَرْتُ لِلرَّحْمَنِ صَوْمًا فَلَنْ أُكَلِّمَ الْيَوْمَ إِنسِيًّا" (Coran 19/26).
Dès lors, faire une action en lui conférant le sens (qasd) que seules les actions des 'ibâdât, c'est-à-dire faire cette action en ayant comme perception qu'elle permet d'établir, augmenter ou entretenir en nous le lien spirituel avec Dieu, cela n'est possible que si cette action a été dûment instituée comme 'ibâda dans les sources. Conférer ce sens à une action qui n'a pas été instituée comme 'ibâda dans les sources, c'est tomber dans l'innovation (bid'a 'amaliyya haqîqiyya).
– Les actions de la catégorie "'Âdât" (ou "Irtifâqât" pour reprendre le terme de Shâh Waliyyullâh : HB 1/119-152) sont les actions dont l'objectif est d'exprimer ou de satisfaire les besoins temporels de l'homme. C'est le cas des actions : manger, boire, parler, cultiver la terre, se reposer, satisfaire l'élan sexuel, élever ses enfants, vivre en société, etc.
C'est sans avoir besoin d'un recours à la révélation que les hommes ont institué ces actions des "'âdât" (ou "irtifâqât"). La révélation s'est, elle, contentée d'apporter deux choses à leur sujet :
--- a) exception faite de certaines d'entre ces actions ou de certaines formes d'entre elles (qu'il a interdites parce qu'elles renferment une mafsada), la révélation a maintenu ces actions : elle les a déclarées en soi obligatoires, ou recommandées, ou autorisées ;
--- b) la révélation a adjoint des règles (ahkâm) quant aux éléments (ajzâ') qui entraient déjà ou qui devraient entrer dans la constitution de ces actions : elle a ainsi interdit certains de ces éléments, en a déconseillé d'autres, a recommandé tel ou tel élément, et a rendu obligatoire tel autre ; et ce parce que ces éléments sont des mafsada ou, au contraire, des maslaha, dont elle a voulu que l'homme s'en préserve ou au contraire les acquiert, pour son propre bien.
C'est le respect de ces règles qui constitue de la 'Ibâdat ullâh (cette fois au sens général du terme). Dès lors, faire une nouvelle action avec un objectif (qasd) de 'Âda relève de la permission originelle (même si l'action ne figure pas dans le Coran ni la Sunna). Simplement, les règles (ahkâm ta'abbudiyya) relatives aux actions des 'âdât et à leurs éléments sont exportées (ta'diya) par analogie (qiyâs ut-tamthîl) à toute nouvelle action et tout nouvel élément que, en tant que 'âdât, les hommes ne cessent d'inventer (en d'autres lieux que l'Arabie ou en d'autres temps que celui du prophète ayant reçu la révélation).
– Quant aux actions de Servir le Dîn (Ta'yîd ud-dîn), elles constituent une catégorie différente de celle des 'Âdât, mais également différente de celle des 'Ibâdât : c'est pourquoi les actions relevant du Ta'yîd ud-dîn sont tantôt considérées comme relevant de la 'Ibâda au sens particulier du terme, et tantôt classées comme ne relevant pas de cette catégorie.
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2) Les Actions et les Eléments qui pré-existaient en Arabie à la venue du Messager de Dieu :
Quand le Dernier des prophètes a été suscité en Arabie, il a travaillé sur la situation existant à ce moment-là (temporel) là-bas (spatial). La situation d'alors a été nommée "Jâhiliyya" par le Coran et la Sunna : tout n'y était pas bon, mais tout n'y était pas mauvais.
Pour mieux comprendre ce qui va suivre, lire au préalable : Les règles (أحكام) qui orientent la vie du croyant sont de plusieurs niveaux.
– Certaines Actions des "'Ibâdât" existaient déjà chez les Fils d'Ismaël et donc chez les Arabes. A l'instar du pèlerinage à la Kaaba, bâtie par Abraham et Ismaël. Ou encore de la retraite spirituelle (i'tikâf) à la Kaaba. Etc.
Le Prophète a alors réformé de telles actions (y ayant enlevé certains éléments et y ayant adjoint d'autres).
Et il a institué d'autres actions.
Mais en tous cas, les actions des "'Ibâdât" ne comportent que des Eléments Ta'abbudî : on ne peut donc faire que les éléments qui figurent dans le Coran ou la Sunna.
(Cependant, bien sûr, il peut y avoir latitude à choisir entre par exemple telle formule ou telle autre, ou telle sourate ou telle autre, ce qui rend ce qui est ainsi choisi également Mubâh, mais à un échelon plus petit que celui concernant les éléments des 'Âdât.)
– Les Actions des "'Âdât" existaient bien entendu elles aussi chez les Arabes. Or ces actions sont pour leur part constituées d'Eléments (Ajzâ') qui sont de plusieurs types par rapport à ce que l'islam est venu enseigner (certains de ces éléments sont constitutifs de l'action, d'autres ne font que la côtoyer) :
--- certains Eléments (pré-existants à la Révélation) et que les Arabes considéraient mauvais, l'islam a contredit cela : il a enseigné que ces éléments relèvent au contraire de la Hilla originelle : ces éléments ont été marqués par le Coran ou la Sunna du hukm "halal" : ainsi en est-il de certains animaux, que les Arabes considéraient interdits à la consommation, et que la Révélation est venue déclarer : "entièrement licites à la consommation" ;
--- d'autres Eléments (pré-existants à la Révélation), l'islam a enseigné qu'il s'agit de s'en préserver, Manhî 'anhâ : ces éléments ont été marqués par le Coran ou la Sunna du hukm "interdit" ou "déconseillé" ;
--- d'autres Eléments (parfois pré-existants à la Révélation, d'autres fois induits par la Révélation), l'islam a enseigné qu'ils sont à accomplir, Ma'mûr bihâ : ces éléments ont été marqués du hukm "obligatoire" ou "recommandé" (ainsi, la circoncision masculine était déjà pratiquée par les fils d'Ismaël et elle a été reconduite par la révélation : elle a été déclarée 'recommandée" d'après un avis, ou "obligatoire" d'après l'autre) ;
--- d'autres Eléments (parfois pré-existants à la Révélation, d'autres fois induits par la Révélation) ont été marqués d'un Hukm "moyen déterminé pour réaliser l'objectif universel", Wassîla Mu'ayyana (ainsi, l'inhumation des cadavres humains est le moyen déterminé pour réaliser le fait de les dissimuler du regard des vivants) ;
--- tous les autres Eléments existant alors sont demeurés "Mubâh" : l'islam les a laissés être Mubâh, relevant de la permission originelle (al-ibâha al-asliyya).
Ensuite :
--- le fait de pratiquer les Actions et les Eléments Ta'abbudî Ma'mûr bihâ constitue de la Ta'abbud (adoration de Dieu) et rapproche de Dieu (pour peu qu'on ait l'intention de faire ce qu'Il agrée) ;
--- le fait de se préserver de toute Action et Elément qui est Manhî 'anh constitue également de la Ta'abbud (adoration de Dieu) et rapproche de Dieu (pour peu qu'on ait l'intention de faire ce qu'Il agrée) ;
--- le fait de pratiquer, ou de s'abstenir de, ce qui est Mubâh (purement autorisé) ne rapproche pas de Dieu, car ne constituant pas de la Ta'abbud. Seule une intention particulière, à savoir : s'aider de ce Mubâh pour réaliser ce qu'il rend possible (soit pour tout le monde, soit pour soi seulement, eu égard à son habitude), fait que la globalité de cela (cette intention, avec la mise en pratique de l'élément) rapproche de Dieu.
On peut donc avoir recours à tel élément Mubâh précis, ou au contraire se préserver de tel élément Mubâh : par Goût personnel, ou par Commodité.
On peut aussi faire ainsi : par Maslaha.
Mais on ne peut pas opter pour, ou se préserver de, un élément Mubâh : par Ta'abbud.
C'est bien pourquoi, à des Ansâr qui se préservaient de certaines positions des relations intimes par considération de Ta'abbud liée à ce que les juifs de Médine disaient, le Coran vint rappeler que cela n'était touché par aucun Hukm Ta'abbudî en islam : "نِسَآؤُكُمْ حَرْثٌ لَّكُمْ فَأْتُواْ حَرْثَكُمْ أَنَّى شِئْتُمْ" (Coran 2/223).
Et à Abdullâh ibn Salâm qui voulait s'abstenir de manger de la viande de chameau par souci de respecter l'interdit Ta'abbudî de la Loi de Moïse, le Coran vint rappeler qu'il s'agissait d'entrer complètement en islam, où cela n'est touché par aucun Hukm Ta'abbudî, ni d'interdiction, ni de caractère déconseillé : "يَاأَيُّهَا الَّذِينَ آمَنُواْ ادْخُلُواْ فِي السِّلْمِ كَآفَّةً" (Coran 2/208). Oui, on peut ne pas en manger par goût personnel, ou pour raison médicale (ou autre Maslaha). Mais pas par Ta'abbud.
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Une complexification apparaît ici, par rapport aux éléments 'Âdî auxquels le Prophète (sur lui la paix) lui-même a eu recours : il s'habillait par exemple de vêtements arabes, il mangeait assis par terre comme le faisaient les Arabes, il avait recours aux remèdes connus alors par les Arabes, etc. :
Certains coreligionnaires croient alors que tout ce que le Prophète a fait est du même niveau : "Tout cela est à pratiquer, car relevant de la Sunna ; sinon on n'aime pas réellement ou suffisamment le Prophète (sur lui soit la paix)." Ils disent : "Si le Prophète a été suscité parmi les Arabes, c'est donc que tout ce qui se faisait là-bas et qu'il a gardé, cela constitue du bien !"
Or, si on est en effet libre d'avoir recours aux mêmes éléments Mubâh auxquels le Prophète (sur lui soit la paix) a eu recours en son lieu / à son époque, on est également libre de ne pas pratiquer un certain nombre de choses comme lui il l'a fait : cela est Mubâh, justement ! Et ce que le Prophète (sur lui soit la paix) a fait 'Âdatan, on ne peut pas le faire 'Ibâdatan. Certains Compagnons ont certes fait comme le Prophète pour certaines choses Mubâh, par expression d'affection pour lui (iz'hâran li-l-mahabba, lâ ka sababin li-l-mahabba), mais ils n'ont nullement exhorté les autres à faire de même.
Lire à ce sujet : Tous les Compagnons (رضي الله عنهم) imitaient-ils le Prophète (صلى الله عليه و سلم) dans ses moindres gestes ?
En fait il s'agit de distinguer :
--- ce que le Prophète a fait par Ta'abbud,
--- ce qu'il a fait par Maslaha,
--- et ce qu'il a fait par 'Âdah : en tant que pur goût personnel / en tant que pure coutume arabe / en tant qu'usage du lieu ou de l'époque.
--- Les éléments du 1er type (Ta'abbudî) demeurent partout (à condition que la cause, sabab, les entraînant soit présente).
--- Quant aux éléments du 2nd type (Maslahî) : si on se trouve dans la même situation, l'élément est applicable, sinon non.
--- Par contre, les éléments du 3ème type ('Âdî) sont Mubâh.
Ceci fait que l'islam n'a pas vocation à arabiser des communautés musulmanes non-arabes : dans le domaine des 'Âdât, l'islam est venu seulement apporter des normes ; et non pas universaliser les éléments 'Âdî qui avaient cours en Arabie au VIIè siècle et au sujet desquels le Prophète n'a laissé aucun Hukm.
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En premier lieu cela est valable pour les éléments purement 'Âdî que le Prophète a pratiqués sans les ordonner, les recommander, les déconseiller ni les interdire.
Ainsi, le port du turban est une pure coutume arabe, et cela ne relève en rien de ce que le Prophète est venu délivrer comme Message : le porter ou ne pas le porter est Mubâh.
A la différence du fait de garder la barbe : cela, les Arabes le faisaient déjà, mais le Prophète a ordonné de le faire : voilà un élément qui s'insère dans les Actions des 'Âdât (celle relative à l'apparence physique), mais c'est un élément Ta'abbudî Wâjib, puisque faisant l'objet d'un Hukm Ta'abbudî.
Je veux dire que du moment que l'on respecte les Hukm Ta'abbudî, les éléments 'Âdî et purement 'Urfî sont interchangeables.
Lire à ce sujet :
--- Comment distinguer des "sunna 'âdiyya" de "sunna ta'abbudiyya", alors que le Coran dit qu'il y a un excellent modèle (أُسْوة حَسَنَة) en le Prophète (sur lui soit la paix) ? Avec les propos de Shâh Waliyyullâh et de Cheikh Thânwî ;
--- Donner à un acte une forme différente de celle que le Prophète lui a donnée : possible ou pas ?.
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Par ailleurs, il y a quelque chose qui a été mentionné de telle façon dans le Coran ou la Sunna : mais au-delà de la seule lettre du texte, il y a un principe qui est visé par le Hukm. Et la prise en compte de ce principe induit une restriction par rapport à la seule lettre du texte, qui pouvait paraître plus générale.
Lire à ce sujet les articles suivants :
--- Quelques passages du Coran où ce qui est dit (hukm, حكم) au sujet d'une chose X (mahkûm 'alayh, محكوم عليه) est en réalité dû à la présence d'un principe motivant (manât /'illa) (مَناط/ عِلّة) dans la réalité de cette chose X. Ce qui fait que le propos (حكم) concerne en réalité un thème (mahkûm 'alayh, محكوم عليه) plus restreint (أَخَصّ) que ce que la littéralité du texte (ظاهر اللفظ) laissait croire (1/5) (تخصيص) ;
--- Quelques paroles du Prophète (sur lui soit la paix) où ce qu'il a dit (hukm, حكم) au sujet d'une chose X (mahkûm 'alayh, محكوم عليه) est en réalité dû à la présence d'un principe motivant (manât /'illa) (مَناط/ عِلّة) dans la réalité de cette chose X. Ce qui fait que le propos (حكم) concerne en réalité un thème (mahkûm 'alayh, محكوم عليه) plus restreint (أَخَصّ) que ce que la littéralité du texte (ظاهر اللفظ) laissait croire (3/5) (تخصيص).
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Et puis le mouvement se fait aussi en sens inverse : Telle chose a été mentionnée dans le Coran et la Sunna, parce que cela se trouvait alors en Arabie : mais par le fait de trouver le principe motivant ('illa), le Hukm sera exportable à toute autre chose contenant ce même principe et se trouvant en d'autres lieux et/ou en d'autres temps. (Ceci étant valable pour les actions des 'Âdât, et pas celles des 'Ibâdât.)
Ainsi, ce sont 5 animaux que le Prophète a nommés et dont il a dit de les tuer [quand on se trouve face à eux] dans l'espace du Hill comme dans l'espace du Haram (Muslim). Mais ce Hukm de pouvoir les tuer lorsqu'ils sont face à nous est exportable à d'autres animaux d'autres contrées, dès lors que eux aussi sont dangereux pour l'homme.
Lire à ce sujet :
--- Raisonnement par analogie : Qiyâs ul-illa et Qiyâs ul-maslaha.
Ainsi encore, si c'est avec quelques dattes que le Prophète a recommandé de rompre le jeûne, ce Hukm (recommandation) est exportable à d'autres fruits, eux aussi source de sucres rapides.
Lire à ce sujet :
--- Deux passages du Coran où pratiquer ce qui y a été mentionné peut se faire /se fait par le recours à un moyen autre que celui évoqué mais permettant de réaliser le même objectif (ما وجد فيه المعنى / ما وجدت فيه العلة), et ce à cause d'un contexte différent de celui du lieu /de l'époque de la révélation du Coran (2/5) (تعدية الصلاحية) ;
--- Suivre la Sunna du Prophète (sur lui soit la paix), cela se fait parfois par le recours au moyen exact qu'il a utilisé / mentionné. Mais d'autres fois, cela peut se faire par le recours à un autre moyen, permettant de réaliser le même objectif : il s'agit d'"équivalents" ou de "presque équivalents" (ما وجد فيه المعنى / ما وجدت فيه العلة) - Exemples d'équivalents ou "presque équivalents" Universels (4/5) (تعدية الصلاحية) ;
--- Suivre la Sunna du Prophète (sur lui soit la paix), cela se fait parfois par le recours au moyen exact qu'il a utilisé / mentionné. Mais d'autres fois, cela peut se faire par le recours à un autre moyen, permettant de réaliser le même objectif : il s'agit d'"équivalents" ou de "presque équivalents" (ما وجد فيه المعنى / ما وجدت فيه العلة) - Exemples d'équivalents ou "presque équivalents" liés à un contexte différent de celui de l'Arabie (5/5) (تعدية الصلاحية).
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Ecrits de Shâh Waliyyullâh sur le sujet :
"وإذا تأملت وأمعنت النظر في مجوع شرائع الملة الحنفيفة وأحكامها، ولاحظت عادات العرب ورسومهم وتقاليدهم، وتشريعات الرسول الخاتم صلى الله عليه وسلم (التي هي بمنزلة المصلح والمهذب لها)، تدرك لكل حكم من أحكامها سبباً من الأسباب وتتوصل في كل أمر ونهي من أوامرها ونواهيها إلى مصلحة مرعية من المصالح.
وتفصيل ذلك يطول" (Al-Fawz ul-kabîr fî ussûl it-tafsîr, p. 45).
"فتعلم من هنالك أن المشركين وإن كانوا قد تباعدوا عن المحجة المستقيم، لكن كانوا بحيث تقوم عليهم الحجة ببقية ما عندهم من العلم. وانظر إلى خطب حكمائهم كقس بن ساعدة وزيد بن عمرو بن نفيل، وإلى أخبار من كان قبل عمرو بن لحى، تجد ذلك مفصلا" (Hujjat ullâh il-bâligha, 1/366).
"وكان هؤلاء أكثر شيء في قريش وما والاها لبعد عهدهم عن الأنبياء، وهو قوله تبارك وتعالى:{لتنذر قوما ما أتاهم من نذير}. غير انهم لم يبعدوا عن المحجة كل البعد بحيث لا تثبت عليهم الحجة، ولا يتوجه عليهم الإلزام، ولا يتحقق فيهم الإقحام. فمن تلك الأصول القول بأن لا شريك لله في خلق السموات والأرض وما فيها من الجواهر، ولا شريك له في تدبير الأمور العظام، وأنه لا راد لحكمه ولا ما نع لقضائه إذا أبرم وجزم" (Ibid., 1/362).
"إن كنت تريد النظر في معاني شريعة رسول الله صلى الله عليه وسلم، فتحقق أوّلًا حال الأميين الذين بعث فيهم التي هي مادة تشريعه، وثانيًا
كيفية إصلاحه لها بالمقاصد المذكورة في باب التشريع والتيسير وأحكام الملة.
فاعلم أنه صلى الله عليه وسلم بعث بالملة الحنيفية الإسماعيلية لإقامة عوجها وإزالة تحريفها، وإشاعة نورها، وذلك قوله تعالى: {ملة أبيكم إبراهيم}.
ولما كان الأمر على ذلك وجب أن تكون أصول تلك الملة مسلمة، وسنتها مقررة؛ إذ النبي إذا بعث إلى قوم فيهم بقية سنة راشدة، فلا معنى لتغييرها وتبديلها، بل الواجب تقريرها، لأنه أطوع لنفوسهم وأثبت عند الاحتجاج عليهم.
وكان بنو إسماعيل توارثوا منهاج أبيهم إسماعيل، فكانوا على تلك الشريعة؛ إلى أن وجد عمرو بن لحي، فأدخل فيها أشياء برأيه الكاسد، فضل، وأضل، وشرع عبادة الأوثان، وسيب السوائب، وبحر البحائر؛ فهنالك بطل الدين، واختلط الصحيح بالفاسد، وغلب عليهم الجهل والشرك والكفر. فبعث الله سيدنا محمد صلى الله عليه وسلم مقيما لعوجهم ومصلحا لفسادهم.
فنظر صلى الله عليه وسلم في شريعتهم.
فما كان منها موافقا لمنهاج إسماعيل عليه السلام أو من شعائر الله أبقاه؛
وما كان منها تحريفا أو افسادا أو من شعائر الشرك والكفر أبطله وسجل على إبطاله؛
وما كان من باب العادات وغيرها فبين آدابها ومكروهاتها مما يحترز به عن غوائل الرسوم، ونهى عن الرسوم الفاسدة، وأمر بالصالحة؛
وما كان من مسألة أصلية أو عملية تركت في الفترة أعادها غضة طرية كما كانت.
فتمت بذلك نعمة الله، واستقام دينه" :
"Si tu veux comprendre le contenu des Enseignements du Messager de Dieu (que Dieu le bénisse et le salue), alors regarde en premier lieu l'état dans lequel se trouvaient les Arabes - parmi lesquels il a été suscité -, (lequel état) constitue le matériau [sur lequel] son enseignement [s'est exercé, et par rapport auquel cet enseignement s'est constitué] ; et (regarde) ensuite comment il a réformé cet (état), par le biais des Objectifs évoqués dans le chapitre de la Législation, de la Facilitation et des Normes de la Religion (abrahamique).
Sache donc que le (prophète Muhammad), que Dieu le bénisse et le salue, a été suscité avec la forme de religion abrahamique ismaélite, afin de redresser ce qui en était devenu tortueux et faire disparaître ce qui y était falsifié, et (ensuite) de diffuser sa lumière. C'est là ce que Dieu a dit : "La forme de religion de votre père Abraham." (...)
Les descendants d'Ismaël avaient hérité de père en fils de la voie de leur ancêtre Ismaël, et ils étaient demeurés sur cette voie, jusqu'à ce qu'apparaisse 'Amr ibn Luhayy, qui introduisit dans cette voie des choses par son avis mauvais ; il s'égara alors et égara les autres. Il institua l'adoration des idoles et le fait de consacrer des animaux. Alors le Dîn se corrompit et le vrai se mélangea au faux. L'ignorance, l'associationnisme et l'incroyance devinrent dominants chez eux.
Dieu suscita alors Muhammad - sur lui soit la paix - en tant que redresseur de la tortuosité de cette voie et réformateur de ce qui y était devenu corrompu. Il considéra alors la Voie qu'ils avaient :
--- ce qui y correspondait (toujours) à la voie de Ismaël ou qui faisait (toujours partie) des rites dûment institués par Dieu, (Muhammad) le maintint ;
--- ce qui s'y trouvait qui était falsifié, ou mauvais, ou qui relevait des rites du Shirk et du Kufr, il l'annula et il enjoint de l'annuler ;
--- ce qui relevait des actions des 'âdât etc., il en mentionna les règles : (il mit en exergue) ce qu'il est mauvais de faire (de ce dont il faut se préserver comme usages), il interdit les usages mauvais, et il ordonna les usages bons ;
--- toute question de croyance ou de pratique qui avait été délaissée pendant la période depuis Jésus, il l'a vivifiée.
Ainsi le Bienfait de Dieu fut-il complété, et Son Dîn fut droit" (Hujjat ullâh il-bâligha, 1/360-361).
"وكل قوم يملك عادات ومناهج خاصة في عباداته، ونظام اسرته واجتماعه وسياسته ومدنيته.
فإذا ظهرت فيه النبوة، فإنها لا تستأصل هذه العادات ولا تضع له عادات جديدة، بل إنما تقييم الميزان القسط وتميز بينها:
فما كان منها موافقاً للأصل مطابقاً لرضا الله تعالى، أبقته وحفظته؛
وما كان منها مخالفاً للأصل، منافياً لرضا الله تعالى، عدلته حسب الضرورة وسوته.
كذلك يكون التذكير بآلاء الله، والتذكير بايام الله على هذا الأسلوب: بما يكون معروفاً عندهم شائعاً لديهم. فهذا هو السبب في اختلاف شرائع الأنبياء عليهم صلوات الله وسلامه" (Al-Fawz ul-kabîr fî ussûl it-tafsîr, p. 33).
Par contre, les éléments que le Prophète a faits en tant qu'éléments 'Âdî du lieu et de l'époque, ces éléments-là ne relèvent pas, pour reprendre les termes de Shâh Waliyyullâh, de ce qu'il a été chargé de transmettre :
"اعلم أن ما روي عن النبي صلى الله عليه وسلم ودون في كتب الحديث: على قسمين:
أحدهما ما سبيله سبيل تبليغ الرسالة، وفيه قوله تعالى: "وما آتاكم الرسول فخذوه وما نهاكم عنه فانتهوا". منه علوم المعاد و عجائب الملكوت؛ وهذا كله مستند إلى الوحي. ومنه شرائع وضبط للعبادات والارتفاقات بوجوه الضبط المذكورة فيما سبق. (...).
وثانيهما ما ليس من باب تبليغ الرسالة (...). ومنه ما فعله النبي صلى الله عليه وسلم على سبيل العادة دون العبادة، وبحسب الاتفاق دون القصد" (Hujjat ulllâh il-bâligha, 1/371-372).
Dans ce passage, Shâh Waliyyullâh écrit que l'ensemble de ce qui est rapporté du Prophète (sur lui soit la paix) dans les recueils de Hadîths se constitue de 2 grandes catégories :
--- la 1ère est constituée de ce qui relève du Message et de la Mission ;
--- la 2nde est constituée de ce qui ne relève pas du Message et de la Mission.
Et :
--- parmi les éléments qu'il a mentionnés dans la 1ère catégorie, on lit : "les règles relatives aux 'Ibâdât et aux 'Âdât ("Irtifâqât")" ;
--- et parmi les éléments qu'il a mentionnés dans la 2nde catégorie, on lit : "ce que le Prophète a fait en tant que (élément) 'Âdî et non pas Ta'abbudî, ainsi que ce qu'il a fait par Hasard et non pas Délibérément".
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3) Dans ce que le Coran et la Sunna sont venus apporter :
3.1) Dans les actions relevant des 'Âdât, la règle première est la permission (c'est seulement dans les actions relevant des 'Ibâdât qu'il faut s'en tenir strictement à ce que le Prophète a fait) :
Ibn Taymiyya écrit :
"الوجه الثالث: أن تصرفات العباد من الأقوال والأفعال نوعان: عبادات يصلح بها دينهم، وعادات يحتاجون إليها في دنياهم.
فباستقراء أصول الشريعة، نعلم أن العبادات التي أوجبها الله أو أحبها لا يثبت الأمر بها إلا بالشرع؛ وأما العادات فهي ما اعتاده الناس في دنياهم مما يحتاجون إليه، والأصل فيه عدم الحظر، فلا يحظر منه إلا ما حظره الله سبحانه وتعالى. (...).
ولهذا كان أحمد وغيره من فقهاء أهل الحديث يقولون: إن الأصل في العبادات: التوقيف، فلا يشرع منها إلا ما شرعه الله تعالى (...)؛
والعادات الأصل فيها: العفو، فلا يحظر منها إلا ما حرمه. (...)
وهذه قاعدة عظيمة نافعة. وإذا كان كذلك، فنقول: البيع والهبة والإجارة وغيرها هي من العادات التي يحتاج الناس إليها في معاشهم، كالأكل والشرب واللباس؛ فإن الشريعة قد جاءت في هذه العادات بالآداب الحسنة: فحرمت منها ما فيه فساد، وأوجبت ما لا بد منه، وكرهت ما لا ينبغي، واستحبت ما فيه مصلحة راجحة، في أنواع هذه العادات ومقاديرها وصفاتها. وإذا كان كذلك، فالناس يتبايعون ويستأجرون كيف شاءوا ما لم تحرم الشريعة؛ كما يأكلون ويشربون كيف شاءوا ما لم تحرم الشريعة؛ وإن كان بعض ذلك قد يستحب أو يكون مكروها؛ وما لم تحد الشريعة في ذلك حدًا، فيبقون فيه على الإطلاق الأصلي" (MF 29/16-18).
"Les activités humaines, qu'elles soient paroles ou actions, sont de deux catégories : 'Ibâdât, par lesquels leur Dîn devient bon, et 'Âdât, dont ils ont besoin dans leur Dunyâ. Par induction des principes des sources musulmanes, nous savons que les (actions qui relèvent de la catégorie des) 'Ibâdât, qu'elles soient obligatoires ou recommandées, l'enseignement (amr) à leur sujet ne s'établit que par les Textes.
Mais en ce qui concerne les (actions qui relèvent de la catégorie des) 'Âdât, il s'agit de ce que les hommes on pris l'habitude de faire dans leurs affaires du monde, de ce dont ils ont besoin ; et le principe est ici la permission : on ne peut donc interdire que ce que Dieu a interdit. Ceci car rendre obligatoire ou interdit relève de la législation de Dieu [et l'acceptation de celle-ci constitue l'adoration de Dieu] ; or la façon d'adorer Dieu doit avoir été enseignée par Dieu. Dès lors, ce à propos de quoi Dieu n'a rien enseigné, comment pourrait-on dire que cela est interdit ?
C'est pourquoi Ahmad et d'autres juristes parmi les ahl ul-hadîth disaient :
"La règle pour ce qui relève des 'Ibâdât est de s'en tenir à ce qui a été spécifié dans les sources, et seul ce que Dieu a spécifié est légal ("yushra'u").
(…) Et la règle pour ce qui relève des 'Âdât est la permission, et on ne peut interdire que ce que Dieu a interdit. (…)."
Ceci est un principe important.
Nous dirons donc : A propos de la vente, les dons, les locations, et autres actions dont les hommes ont besoin pour vivre – comme manger, boire et s'habiller –, les Textes ont énoncé d'excellents principes : ils ont interdit ce qui est mauvais, rendu obligatoire ce qui est nécessaire, déconseillé ce qui ne convient pas et recommandé ce qui est convenable : tout ceci s'applique aux types d'actes relevant des 'Âdât, comme à leurs quantités et leurs qualités. Dès lors, les hommes peuvent vendre et louer selon les moyens qu’ils veulent, comme ils peuvent manger de la façon qu'ils veulent, dès qu’ils respectent ces principes – ce qui est interdit, ce qui est déconseillé, ce qui est recommandé [et ce qui est obligatoire]. Et quand les Textes n'ont rien fixé, les hommes demeurent dans la permission originelle" (MF 29/16-18 ; Al-Qawâ'ïd un-nûrâniyya al-fiqhiyya, pp. 134-135).
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3.2) La détermination de l'Institué (Mashrû') et de l'Innové (Bid'a) (dans les 'Ibâdât), et la détermination de ce qui est Interdit, de ce qui est Déconseillé, de ce qui est Recommandé et de ce qui est Obligatoire (venant s'intégrer aux 'Adât), cela est pour partie universel :
Shâh Waliyyullâh écrit :
"والأصل في هذه المسالة أن النبوة يقصد منه إصلاح النفوس وإصلاح العادات الجارية في القوم الذي يبعث إليه النبي؛ لا إنشاء أصول البر والإثم، والخير والشر" :
"La règle à ce sujet est que le prophétat, son objectif est la réforme des âmes et la réforme des actions temporelles qui existent chez ces hommes pour qui le prophète a été dépêché.
(Le prophétat n'a) pas (pour objectif) d'instaurer les fondements même du bien et du mal [car ces fondements sont universels, communs à l'humanité de façon globale]" (Al-Fawz ul-kabîr fî ussûl it-tafsîr, p. 33).
Que les grands principes du bien et du mal sont universels, cela signifie que la Révélation faite au prophète Muhammad n'a fait que confirmer et préserver ce qui était reconnu comme bien et comme mal par le Aql ul-qalb.
Lire à ce sujet nos 2 articles :
--- L'Intelligence du Cœur (العقل بالقلب) & la Révélation qu'on Entend (سمع الوحي بالأذن) : Lumière sur Lumière (نور على نور) ;
--- Le caractère "bon" ou "mauvais" d'une action humaine précédait-il ce que la Révélation est venue "révéler" ("الوحي", "السمع", "الشرع") à son sujet ? Ou bien fait-il suite à la venue de ce dit de la Révélation à son sujet ? ;
A côté de cela, certaines choses existent qui ont été apportés spécifiquement par cette révélation, comme nous allons le voir ci-après...
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3.3) Plus spécifiques sont les rites cultuels ('Ibâdât) et les normes liées aux actions temporelles (Ahkâm li-l-'Âdât) de la tradition abrahamique :
Lire à ce sujet :
--- عقليّ ('Aqlî), مِلِّيّ (Millî), شرعيّ (Shar'î) : les 3 strates concernant les normes éthiques de l'homme ;
Shâh Waliyyullâh écrit :
"والقاعدة الكلية في مبحث الأحكام والحلال والحرام أن سيدنا رسول الله صلى الله عليه وسلم كان قد بعث في الملة الإبراهيمية الحنيفية. فكان من اللازم أن يبقى على شرائع تلك الملة ولا يحدث أي تغيير في أمهات أحكامها وأصول مسائلها، اللهم إلا تخصيصاً لعموماتها وزيادة للتوقيتات والتجديدات فيها وأمثال ذلك من الأمور.
ثم إنه أراد الله تعالى أن يزكي نفوس العرب بنبينا محمد صلى الله عليه وسلم ويزكي نفوس سائر العالم بأيدي العرب الأولين والرعيل الإيماني الأول؛ فلزم أن تكون مادة شريعته تدور على عادات العرب وتقاليدهم مما توارثوها من الملة الحنيفية أو انحرفوا عن جادتها في كثير من شئون الحياة" :
"Le principe général au sujet des Normes et au sujet de (la détermination de) ce qui est licite et ce qui est illicite est que le Messager de Dieu, que Dieu le bénisse et le salue, a été envoyé à l'intérieur de la Forme de Religion Abrahamique Hanîfî. Il fallait donc bien qu'il soit maintenu sur les prescriptions de cette Forme de Religion et qu'il n'y amène aucun changement dans ses grandes Normes et dans les Fondements des questions de celle-ci, excepté de ce qui relève de la restriction de ce qui y était général, d'augmentation de Tawqîtât, de certaines nouveautés, et choses semblables" (Al-Fawz ul-kabîr fî ussûl it-tafsîr, p. 45).
Et les fils d'Ismaël avaient gardé à l'arrière-plan de leur conscience certaines normes de cette tradition abrahamique dans son courant ismaélite.
Cependant, ils avaient mélangé le monothéisme à du polythéisme, et avaient changé (même en i'tiqâd) certaines normes. De plus, les normes qu'ils avaient conservées en croyance, c'était de façon laxiste qu'ils les respectaient concrètement dans le quotidien de leur vie (Al-Fawz ul-kabîr fî ussûl it-tafsîr, p. 23).
C'est ce que l'islam est venu réformer chez eux, avant d'en faire le point de départ pour l'humanité.
--- Les enseignements de l'islam sont-ils teintés d'arabité ?
Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).