"La Shar' ullâh dit telle chose..." : peut-on dire cela de façon absolue quand c'est seulement une déduction d'un Mujtahid, et pas ce que dit explicitement un Verset coranique ou un Hadîth ? - "Faut-il distinguer Sharî'a et Fiqh ?" - "الفرق بين الشرع المنزل، والشرع المؤول، والشرع المبدل" (p. 1/2)

Introduction :

Le terme "Shar'" / "Sharî'a" désigne : "la Voie révélée dans son ensemble", et ne peut pas être traduit par : "Code Pénal". Nous l'avons exposé dans un ancien article.

En fait, le terme "Shar'" / "Sharî'a" recouvre la même réalité que celle que le terme "Dîn" (en son sens premier et général) recouvre.

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On peut (et on doit) dire : "La Shar' (ou : Sharî'a) dit au mari d'agir envers son épouse de façon convenable". En effet, car cela figure dans le Coran : 4/19.

On peut (et on doit) dire : "La Shar' (ou : Sharî'a) interdit la consommation d'alcool". En effet, car cela figure dans le Coran : 5/90-92.

Par contre :
- peut-on dire : "La Sharî'a a déclaré que le port du niqâb est obligatoire" (alors que c'est seulement l'un des deux avis) ?
- peut-on dire : "La Sharî'a a déclaré que, pour la femme, venir à la mosquée accomplir la prière en congrégation, cela est mak'rûh" (alors que c'est seulement l'avis de quelques-uns des Mujtahidûn) ?
- peut-on dire : "La Sharî'a dit que la consommation du colorant fabriqué à partir de cochenille, cela est interdit" (alors que c'est seulement une interprétation, l'autre étant que cela est autorisé) ?
- peut-on dire : "La Sharî'a dit qu'il est mieux s'habiller en Qamîs Arabe ou Indien" (alors que c'est seulement ce que certains Fuqahâ' ont dit, par rapport à un contexte donné) ?

--- Peut-on, dans tous ces cas, dire que c'est ce que la Sharî'a dit ?
--- Ou bien doit-on dire que c'est ce que certains Fuqâhâ' ont dit, alors que d'autres Fuqahâ' ont dit le contraire ?

En un mot : Faut-il distinguer Sharî'a, et Fiqh ?

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Voici une question que j'ai reçue :

"Je voulais vous poser une question :

Un de nos professeurs a dit dans son cours : "La différence entre la Sharî'a et le Fiqh c'est que la Sharî'a provient d'Allah alors que le Fiqh provient de l'être humain, à savoir les Mujtahids, d'où la possibilité de la présence d'erreurs dans le Fiqh."

J'avoue ne pas avoir pleinement compris.

Comment peut-on dire que ce qu'on trouve dans le Fiqh ne provient pas d'Allah mais des hommes ayant interprété la Parole d'Allah, alors que dans tous les ouvrages de Fiqh on trouve par exemple les 4 actions obligatoires lors des petites ablutions, 4 actions que l'on retrouve explicitement dites dans le Coran (sourate Al-Mâ'ïda, verset 6). Cela est quelque chose qui a été dit par Allah, et simplement repris par les Oulama de toutes les écoles dans leur ouvrages de Fiqh...

Tant d'autres choses sont semblables : on les trouve dans le Coran, et elles sont reprises dans tous les ouvrages de Fiqh.

Comment comprendre alors que l'on nous dise que le Fiqh est humain ?"

-
Voici ma réponse :

La réponse concrète à votre question sera abordée aux points IV et V.

Quant à la réponse à la question de savoir si on peut qualifier de "Shar' ullâh" ce qui n'est qu'un des avis existants, elle sera traitée au point VI.

Car avant cela, il nous faut voir quelques autres points...

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I) Lire les Ecritures (= Coran et Sunna), mais prendre également connaissance des Interprétations (= Ijtihad des Mujtahidûn) :

Cela a été traité de façon détaillée dans notre article :
Lire les Ecritures (= Coran et Sunna), mais prendre également connaissance de la Tradition d'interprétation (= Ijtihad des Mujtahidûn) - De l'importance de ne pas contredire le Consensus (الإجماع) des Mujtahidûn - (1/3).

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II) Mais, parallèlement : Distinguer les Textes mêmes, et les Interprétations qui en ont été faites :

Une fois, quelqu'un me disait :
"La Shar' ne change pas !
Or, en disant qu'il n'est pas demandé (ma'mûr bihî) de s'habiller à la façon arabe, tu as changé la Shar', puisque dans nos livres il est écrit qu'il est interdit de s'habiller à la façon européenne."

Voilà un cas flagrant de "parole de vérité dont on déduit une chose fausse" (كلمة حق أريد بها باطل).

C'est la Shar' Munazzal qui ne change pas : on ne peut pas instaurer de nouveaux Textes du Coran et de la Sunna. On ne peut non plus en faire une interprétation qui contredit celle qui fait l'objet de consensus tellement cela est dit dans ces Textes de façon extrêmement claire.

Quant aux interprétations qui en ont été faites parce que ces Textes présentent sur le sujet latitude à la divergence, il s'agit de la Shar' Mu'awwal : et là il existe différentes interprétations.

Or le frère ne connaissait qu'une seule des interprétations existantes, et il a cru celle-ci "être LA Shar'", ce qui fait qu'en entendant une autre interprétation, il a cru qu'elle consistait en une modification de "la Shar' elle-même".

Et ce qu'il a présenté comme "nos livres" est en réalité : "certains de nos livres" seulement.

Tout cela provient d'une incapacité à distinguer : les Textes Révélés et leur sens clair et formel, et : les Interprétations qui ont été faites et sont faites de ces textes.

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III) De la nécessité de distinguer les cas où l'Interprétation contredit formellement ce que les Textes disent (et constitue dès lors une erreur qat'î), des cas où les Textes se prêtent d'eux-mêmes à plusieurs interprétations :

Une autre fois, quelqu'un disait :
"
On ne peut pas mettre au même niveau ce qu'Allah dit et ce que certains Mujtahids ont dit !
Or, c
e que le Texte du Coran dit clairement, c'est que la femme doit dissimuler intégralement son être, y compris son visage.
Et c'est seulement une interprétation humaine - celle de certains mujtahidûn - qui dit que le voile du visage n'est pas obligatoire.
Ce n'est donc là qu'une interprétation humaine, alors que de l'autre côté il y a un ordre divin"
(fin de citation).

En fait ce frère, lui, distingue bel et bien ce que Dieu a dit (ou ce que Son Messager a dit), et ce qu'un Mujtahid a dit. Jusque là c'est bien.
Mais là où ce frère s'est trompé
, c'est lorsqu'il a dit que la parole d'Allah est claire, disant que le voile du visage est obligatoire, et c'est seulement une interprétation postérieure qui a dit que le voile du visage n'est pas obligatoire !

Ce que le frère n'a pas compris, c'est qu'il n'y a pas d'injonction claire dans le Coran au sujet du voile du visage : les deux interprétations sont donc "humaines" (si on peut s'exprimer ainsi) :
- celle qui dit que le voile du visage est obligatoire,
- et celle qui dit qu'il n'est pas obligatoire
.

Par ailleurs, quand ces nombreux mujtahid ont dit que le voile du visage n'est pas obligatoire, c'est en étant convaincus que c'est là le sens des textes parlant du voile : d'après ce que ces mujtahidûn ont compris des textes du Coran et de la Sunna, ni Dieu ni Son Messager n'ont dit que la musulmane avait l'obligation de se voiler le visage (exception faite des épouses du Prophète, sur lui la paix) !
Et non pas que Dieu ou Son Messager a dit clairement que le voile du visage est obligatoire, et ensuite il y a eu un avis humain qui a dit que ce voile n'est pas obligatoire...

-
IV) Maintenant comment exprimer cette distinction entre les Textes eux-mêmes du Coran et de la Sunna, et les Interprétations qui en ont été faites ou en sont faites ?

- Pour exprimer cette distinction :

----- Certains personnages (parmi lesquels le professeur que vous évoquez) distinguent : "Shar'" d'un côté, et "Fiqh" de l'autre. C'est une distinction connue...

----- Cependant, elle entraîne l'objection que vous avez formulée, qui est classique : "Pourtant, tant de points dans les ouvrages de Fiqh sont ce que Dieu Lui-même a dit dans le Coran de façon extrêmement claire et univoque !"
Ibn Taymiyya lui-même l'a souligné en ces termes : "وأما الجواب عن قولهم الفقه من باب الظنون: فقد أجاب طائفة منهم أبو الخطاب بجواب آخر وهو (...). والتحقيق أن عنه جوابين. أحدهما أن يقال: جمهور مسائل الفقه التي يحتاج إليها الناس ويفتون بها هي ثابتة بالنص أو الإجماع؛ وإنما يقع الظن والنزاع في قليل مما يحتاج إليه الناس. وهذا موجود في سائر العلوم. وكثير مسائل الخلاف هي في أمور قليلة الوقوع ومقدرة؛ وأما ما لا بد للناس منه من العلم مما يجب عليهم ويحرم ويباح فهو معلوم مقطوع به؛ وما يعلم من الدين ضرورة: جزء من الفقه. وإخراجه من الفقه: قول لم يعلم أحد من المتقدمين قاله؛ ولا احترز بهذا القيد أحد إلا الرازي ونحوه. وجميع الفقهاء يذكرون في كتب الفقه وجوب الصلاة والزكاة والحج واستقبال القبلة ووجوب الوضوء والغسل من الجنابة وتحريم الخمر والفواحش وغير ذلك مما يعلم من الدين ضرورة" (MF 13/117-118) ;

----- C'est pourquoi je préfère la distinction faite par Ibn Taymiyya entre, d'une part, Shar' Munazzal (les Textes Révélés, et leur sens formel) et, d'autre part : Shar' Mu'awwal et Shar' Mubaddal (les interprétations que des hommes ont faites de ces Textes et qu'ils ont présentées comme le sens immédiat ou le prolongement médiat de ces Textes Révélés).

-
V) La triple classification faite par Ibn Taymiyya :

"3 Choses sont désignées par le terme : "la Shar' ullâh" / "la Sharî'a" :
- la Shar' Munazzal ;
- la Shar' Mu'awwal ;
- la Shar' Mubaddal."

-
1) La Shar' Munazzal, c'est :
--- d'abord l'ensemble des Textes révélés eux-mêmes (Coran et Sunna établie) : c'est-à-dire l'ensemble des mots composant ces textes ;
--- ainsi que le Sens de ceux de ces textes qui ne peuvent pas faire l'objet de plusieurs interprétations ; cela englobe :
------ les croyances et les normes qui font l'objet d'un consensus - mujma' 'alayhâ -,
------ ainsi que les croyances et les normes qui ont fait l'objet d'avis divergents mais à propos desquels l'avis correct est déterminé de façon tranchée (ta'yîn us-swawâb : qat'î).

(Reconnaître cela ne doit pas faire oublier que ces textes prévoient aussi que certaines normes sont liées à la présence d'une cause (sabab) dans le Réel, et qu'en l'absence de cette cause, la norme est inapplicable. Il y a également le principe motivant la norme ('illa, manât). Il y a enfin la nécessité de prendre en compte l'état du Réel avant d'appliquer certaines normes.)

(Il faut aussi garder à l'esprit que certains impératifs de ces textes n'induisent qu'une recommandation (istihbâb) et pas une obligation (wujûb), et que certains impératifs négatifs n'induisent qu'un caractère déconseillé (karâhiyya tanzîhiyya) et pas une interdiction. Quelque chose peut relever de la Shar' Munazzal et être : Ta'abbudî Mustahabb.)

-
2) La Shar' Mu'awwal, c'est :
--- ce qui est présenté comme un "avis islamique" et qui est le résultat d'un effort d'interprétation qui, réellement, "tient la route".

Tous les avis divergents entre lesquels la détermination de l'avis correct n'est possible qu'à un niveau zannî relèvent de la Shar' Mu'awwal.

D'un côté, cela est le produit de la réflexion d'un humain, grand érudit certes, mais demeurant faillible. D'un autre côté, cela est une sorte de "prolongement intellectuel" des Textes du Coran et de la Sunna, vu que les grands mujtahidûn reconnus n'ont jamais affirmé quelque chose sans le fonder sur un texte des sources (même si, ce faisant, ils restent faillibles dans leur argumentation et peuvent faire alors une erreur d'interprétation) (Ibn Taymiyya écrit : "وليعلم أنه ليس أحد من الأئمة المقبولين عند الأمة قبولا عاما يتعمد مخالفة رسول الله صلى الله عليه وسلم في شيء من سنته، دقيق ولا جليل. فإنهم متفقون اتفاقا يقينيا على وجوب اتباع الرسول، وعلى أن كل أحد من الناس يؤخذ من قوله ويترك إلا رسول الله صلى الله عليه وسلم. ولكن إذا وجد لواحد منهم قول قد جاء حديث صحيح بخلافه، فلا بد له من عذر في تركه؛ وجميع الأعذار ثلاثة أصناف: أحدها: عدم اعتقاده أن النبي صلى الله عليه وسلم قاله؛ والثاني: عدم اعتقاده إرادة تلك المسألة بذلك القول؛ والثالث: اعتقاده أن ذلك الحكم منسوخ" : MF 20/232). Selon le premier aspect, ce résultat de l'effort d'interprétation relève du Shar'h Basharî (interprétation humaine). Alors que selon le second aspect, ce genre d'avis relève du Shar' ullâh.
Ibn Taymiyya parle donc de Shar' Mu'awwal.
Il l'appelle aussi : "Shar' Dakhala fîhi : at-Ta'wîl wa-l-Ijtihâd" : "فهذا شرع دخل فيه التأويل والاجتهاد", avant d'ajouter : "وقد يكون في نفس الأمر موافقا للشرع المنزل، فيكون لصاحبه أجران؛ وقد لا يكون موافقا له، لكن لا يكلف الله نفسا إلا وسعها".

Cela englobe :
----- les interprétations de passages du Coran ou de la Sunna qui se prêtent à une pluralité d'interprétation,
----- les analogies subtiles sur la base d'un texte du Coran ou de la Sunna ;
----- peut-être aussi les Textes (hadîths) dont l'authenticité fait l'objet d'un débat sérieux entre les spécialistes.

On ne peut pas donner à l'avis fondé sur un hadîth de ce genre, ou à l'interprétation et l'analogie de ce type : le même degré de certitude (dans la partie qui fait l'objet de la divergence, pas dans la partie de l'avis qui fait l'objet de consensus) que celui qu'a un avis qui fait l'objet d'un consensus (ijmâ') ou un avis qui peut être déterminé de façon qat'î.

-
3) La Shar' Mubaddal, c'est :
--- ce qui est présenté comme "un avis islamique" / "ce que dit l'islam" / "ce qui est shar'î", alors que, de façon certaine (qat'î), cela constitue : "une erreur" et ne correspond pas à ce que l'islam dit de façon formelle.

Cela englobe :
----- les textes attribués au Prophète (sur lui soit la paix) alors qu'il est certain qu'il ne les a pas dits (hadîth mawdhû'),
----- les interprétations d'un passage du Coran ou de la Sunna qui sont complètement fausses,
----- les analogies complètement fausses.

Tous les avis qui sont erronés de façon réellement qat'î relèvent de la Shar' Mubaddal.
Ensuite ce caractère "erroné de façon certaine" est :
--- soit de niveau : khata qat'î ijtihâdî,
--- soit de niveau : parole de dhalâl,
--- soit de niveau : parole de kufr akbar.

-

On peut proposer le parallèle suivant (malgré les différences inévitables) avec le Droit occidental :
La Shar' Munazzal correspond à la loi (le Coran étant comparable à la loi fondamentale, et la Sunna à la loi décidée par les députés) ;
La Shar' Mu'awwal correspond à l'ensemble de la jurisprudence acceptée.
(Quant aux ordres du
amîr, chef exécutif, ils correspondent aux règlements.)

-
VI) Peut-on dire : "Voici ce que la Shar' ullâh dit..." alors que cela n'est qu'une interprétation des Textes, parmi d'autres interprétations existantes ?

Oui, on peut dire : "La Shar' ullâh dit cela", même lorsqu'il s'agit seulement de l'une des interprétations existantes, pourvu qu'elle "tienne la route", et pourvu que l'on garde à l'esprit que tout ce qu'on appelle (à bon droit) "Shar' ullâh", cela est de 2 niveaux : Munazzal et Mua'wwal. Et que dans le cas où l'autre interprétation "tient elle aussi la route", celui qui est convaincu de celle-là pourra la présenter elle aussi comme étant "ce que la Shar' ullah dit".

Cependant, dans ce genre de cas, pour éviter les malentendus et les querelles inutiles (chacun prétendant que seulement ce à quoi lui il adhère est : "Shar' ullâh"), il vaut mieux dire : "D'après l'interprétation de tel Mujtahid, la Shar' ullâh dit cela".

Envoyant des hommes en campagne (c'était le contexte à l'époque où il vivait à Médine), le Prophète (sur lui soit la paix) dit ainsi à celui qu'il avait désigné pour être leur chef :
"وإذا حاصرت أهل حصن فأرادوك أن تنزلهم على حكم الله فلا تنزلهم على حكم الله ولكن أنزلهم على حكمك فإنك لا تدرى أتصيب حكم الله فيهم أم لا" :
"Et si tu assièges les gens d'une place fortifiée et qu'ils te demandent d'accepter leur reddition selon le jugement de Dieu, alors ne leur dis pas de se rendre selon le jugement de Dieu, mais dis-leur de se rendre selon ton jugement, car tu ne sais pas si tu atteindras le hukm de Dieu à leur sujet ou pas"
(Muslim, 1731).
D'après certains ulémas, cette interdiction n'est pas spécifique à l'époque du Prophète, et elle est l'une des preuves que tout ijtihad ne conduit pas forcément à atteindre l'avis juste : un seul avis est juste (Shar'h Muslim, 12/40, Al-Qawl ul-mufîd, p. 1077). Et étant donné que, à propos de ceux qui se rendent, il y a une pluralité de solutions et qu'il est nécessaire (d'après un avis) d'avoir recours à celle de ces solutions qui convient le plus (al-aslah), le commandant de l'armée ne sait pas si sa décision correspondra à ce que Dieu agrée pour cette circonstance ou si elle ne lui correspondra pas. Plutôt que de dire alors :
"Ceci est le jugement que Dieu a rendu à votre sujet", il s'agit donc pour lui de dire : "Voici ce que je décide à votre sujet", ou encore : "J'accepte votre reddition selon ce que j'ai compris du jugement de Dieu en la matière".
An-Nawawî écrit en commentaire : "هذا النهي أيضا على التنزيه والاحتياط. وفيه حجة لمن يقول ليس كل مجتهد مصيبا بل المصيب واحد وهو الموافق لحكم الله تعالى في نفس الأمر"
(Shar'h Muslim, 12/40).
Ibn ul-Uthaymîn écrit en commentaire : "أما بعد انقطاع الوحي، فينزلون على حكم الله؛ واجتهادنا في إصابة حكم الله يعتبر صوابا إذا لم يتبين خطؤه، لأن الله لا يكلف نفسا إلا وسعها، وقد قال تعالى: {فَاتَّقُوا اللَّهَ مَا اسْتَطَعْتُمْ}. وهذا أصح؛ لأنه يحكم للمجتهد بإصابته الحكم ظاهرا شرعا، وإن كان قد يخطئ. وإن حصل الاحتراز بأن يقول: "ننزلك على ما نفهم من حكم الله ورسوله": فهو أولى، لأنك إذا قلت "على ما نفهم"، صار الأمر واضحا أن هذا حكم الله بحسب فهمنا، لا بحسب الواقع فيما لو اتضح خلافه" (
Al-Qawl ul-mufîd, p. 1077). Plus loin : "فائدة: لا ينبغي أن يقال لمفت: "ما حكم الإسلام في كذا؟" أو: "ما رأي الإسلام في كذا؟" فإنه قد يخطئ فلا يصيب حكم الإسلام. ولا يقول مفت: "حكم الإسلام كذا!" لأنه قد يخطئ، ولكن يقيد فيقول: "حكم الإسلام فيما أرى: كذا وكذا". إلا فيما هو نص واضح صريح، فلا بأس. مثل أن يقال: "ما حكم الإسلام في أكل الميتة؟" فيقول: "حكم الإسلام في أكل الميتة أنه حرام" (Al-Qawl ul-mufîd, p. 1084).

Quant à ce qui est présenté comme la "Shar'" alors que c'est en fait de la "Shar' Mubaddal", il est en fait interdit de lui appliquer le qualificatif : "Shar' ullâh", même si des personnages respectables l'ont fait.

Cependant, celui qui ne savait pas que cela relevait de la Shar' Mubaddal et l'a qualifié de "Shar' ullâh", celui-là sera excusé par Dieu à condition qu'il avait fait ainsi en toute bonne foi.
Par contre, celui qui sait ce qu'il en est, celui-là doit exposer la vérité avec sagesse.

C'est pourquoi, alors qu'il est emprisonné après un procès inique, Ibn Taymiyya dira au médiateur non pas que le jugement rendu par le juge Ibn Makhlûf est lui-même une parole de kufr akbar (ayant été prononcée par ce juge), mais que celui qui dit ce jugement inique rendu par Ibn Makhlûf "est conforme à la Shar' ullâh" ou conforme à la Shar' de Muhammad", celui-là dit parole de kufr akbar, tellement ce jugement contredit de choses évidentes (20 points, affirme-t-il) de la Shar' ! On ne peut donc pas lui attribuer le qualificatif de "conforme à la Shar' ullâh", ou étant "le hukm de la Shar' ullâh" :
"وقلت له أنت وحدك تحكم أو أنت وهؤلاء. فقال: بل أنا وحدي فقلت له: أنت خصمي، فكيف تحكم علي؟ فقال: كذا ومد صوته وانزوى إلى الزاوية. وقال: قم، قم. فأقاموني وأمروا بي إلى الحبس ثم جعلت أقول: أنا وإخوتي غير مرة: أنا أرجع وأجيب وإن كنت أنت الحاكم وحدك. فلم يقبل ذلك مني. فلما ذهبوا بي إلى الحبس حكم بما حكم به وأثبت ما أثبت وأمر في الكتاب السلطاني بما أمر به. فهل يقول أحد من اليهود أو النصارى - دع المسلمين - "إن هذا حبس بالشرع"، فضلا عن أن يقال: "شرع محمد بن عبد الله"؟ وهذا مما يعلم الصبيان الصغار بالاضطرار من دين الإسلام أنه مخالف لشرع محمد بن عبد الله. وهذا الحاكم هو وذووه دائما يقولون: "فعلنا ما فعلنا بشرع محمد بن عبد الله"، وهذا الحكم مخالف لشرع الله - الذي أجمع المسلمون عليه - من أكثر من عشرين وجها. (...). فهل يقول من يؤمن بالله واليوم الآخر: "إن رسول الله صلى الله عليه وسلم أمر بهذا"؟ وبأي ذنب حبس إخوتي في دين الإسلام غير الكذب والبهتان. ومن قال: "إن ذلك فعل بالشرع" فقد كفر بإجماع المسلمين"" (MF 3/253-254).
"وهذه المرجع فيها إلى من كان من أهل العلم بها والتقوى لله فيها، وإن كان السلطان والحاكم من أهل ذلك، تكلم فيها من هذه الجهة؛ وإذ عزل الحاكم لم ينعزل ما يستحقه من ذلك كالإفتاء ونحوه؛ ولم يقيد الكلام في ذلك بالولاية. وإن كان السلطان والحاكم ليس من أهل العلم بذلك ولا التقوى فيه، لم يحل له الكلام فيه فضلا عن أن يكون حاكما. وابن مخلوف ليس من أهل العلم بذلك ولا التقوى فيه. قلت: فأما القاضي بدر الدين فحاشا لله! ذاك فيه من الفضيلة والديانة ما يمنعه أن يدخل في هذا الحكم المخالف لإجماع المسلمين من بضعة وعشرين وجها. قلت: ومن أصر على أن هذا الحكم الذي حكم به ابن مخلوف هو حكم شرع محمد، فهو بعد قيام الحجة عليه: كافر. فإن صبيان المسلمين يعلمون بالاضطرار من دين الإسلام أن هذا الحكم لا يرضى به اليهود ولا النصارى، فضلا عن المسلمين. وذكرت له بعض الوجوه الذي يعلم بها فساد هذا الحكم، وهي مكتوبة مع "الشرف محمد" (MF 3/235-236).

-
VII) Voici quelques-uns des passages où Ibn Taymiyya évoque cette triple classification :

لفظ الشرع يقال في عرف الناس على ثلاثة معان:
"الشرع المنزل" وهو ما جاء به الرسول. وهذا يجب اتباعه (...).
والثاني "الشرع المؤول" وهو آراء العلماء المجتهدين فيها؛ كمذهب مالك ونحوه. فهذا يسوغ اتباعه ولا يجب ولا يحرم، وليس لأحد أن يلزم عموم الناس به ولا يمنع عموم الناس منه.
والثالث "الشرع المبدل" وهو الكذب على الله ورسوله صلى الله عليه وسلم أو على الناس بشهادات الزور ونحوها والظلم البين. فمن قال: "إن هذا من شرع الله"، فقد كفر بلا نزاع، كمن قال: "إن الدم والميتة حلال" ولو قال: "هذا مذهبي" ونحو ذلك"

"Le terme "Shar'" est utilisé dans l'usage des (musulmans) avec trois sens :
- I
l y a la Shar' Munazzal : il s'agit de ce que le Messager a apporté : ceci, il est nécessaire de le suivre (...).
- Le second est la Shar' Mu'awwal : il s'agit des avis des ulémas mujtahidîn relatifs à la [Shar' Munazzal] ; par exemple l'école de Mâlik, et semblable. Ceci, il est autorisé de le suivre, cela n'est ni obligatoire ni interdit. Personne ne peut l'imposer à l'ensemble des gens, ni l'interdire à l'ensemble des gens.
- Et le troisième est la Shar' Mubaddal : il s'agit de ce qui est faussement (attribué) à Dieu et Son Messager, ou aux gens par des faux témoignages, ou chose semblable, ou injustice évidente"
(MF 3/267-269).

-
"وقد يراد بالشرع: قول أئمة الفقه، كأبي حنيفة والثوري ومالك بن أنس والأوزاعي والليث بن سعد والشافعي وأحمد وإسحاق وداود وغيرهم؛ فهؤلاء أقوالهم يحتج لها بالكتاب والسنة؛ وإذا قلد غيره حيث يجوز ذلك، كان جائزا؛ أي ليس اتباع أحدهم واجبا على جميع الأمة كاتباع الرسول صلى الله عليه وسلم، ولا يحرم تقليد أحدهم كما يحرم اتباع من يتكلم بغير علم.
وأما إن أضاف أحد إلى الشريعة ما ليس منها من أحاديث مفتراة أو تأول النصوص بخلاف مراد الله ونحو ذلك، فهذا من نوع التبديل.
فيجب الفرق بين الشرع المنزل والشرع المؤول والشرع المبدل"
:

"Parfois, par le terme "Shar'", on veut désigner : "l'avis des référents du Fiqh, tels que Abû Hanîfa, ath-Thawrî, Mâlik ibn Anas, al-Awzâ'ï, al-Layth ibn Sa'd, ash-Shâfi'î, Ahmad, Is'hâq, Dâoûd et autres qu'eux". Ceux-là, leurs avis trouvent leurs argumentations par le Coran et la Sunna. Et si on suit l'avis d'un autre qu'eux là où cela est autorisé, cela est autorisé. Je veux dire que suivre l'avis de l'un d'eux n'est pas obligatoire sur toute la Umma comme c'est le cas de suivre le Messager de Dieu (que Dieu le bénisse et le salue) ; et que suivre l'un d'eux n'est pas interdit comme est interdit le fait de suivre ceux qui parlent sans science [= sans se référer de façon valable au Coran et à la Sunna].

Quant au fait que quelqu'un affilie à la Shar' ce qui n'en fait pas partie, comme les hadîths inventés, ou qu'il interprète les textes de façon contraire à ce que Dieu a voulu dire, ou chose semblable, alors cela relève d'une sorte de Tabdîl.

Il est donc nécessaire de distinguer :
- Shar' Munazzal,
- Shar' Mu'awwal
- et Shar' Mubaddal"
(MF 11/264-265).

-
"فالكتاب والعدل متلازمان والكتاب هو المبين للشرع؛ فالشرع هو العدل، والعدل هو الشرع. ومن حكم بالعدل فقد حكم بالشرع.
ولكن كثيرا من الناس ينسبون ما يقولونه إلى الشرع وليس من الشرع؛ بل يقولون ذلك إما جهلا، وإما غلطا، وإما عمدا وافتراء، وهذا هو الشرع المبدل الذي يستحق أصحابه العقوبة.
ليس هو الشرع المنزل الذي جاء به جبريل من عند الله إلى خاتم المرسلين. فإن هذا الشرع المنزل كله عدل ليس فيه ظلم ولا جهل. قال تعالى: {وإن حكمت فاحكم بينهم بالقسط إن الله يحب المقسطين} وقال تعالى: {وأن احكم بينهم بما أنزل الله}. فالذي أنزل الله هو القسط، والقسط هو الذي أنزل الله. وقال تعالى: {إن الله يأمركم أن تؤدوا الأمانات إلى أهلها وإذا حكمتم بين الناس أن تحكموا بالعدل} وقال تعالى: {إنا أنزلنا إليك الكتاب بالحق لتحكم بين الناس بما أراك الله} فالذي أراه الله في كتابه هو العدل.

وقد يقول كثير من علماء المسلمين أهل العلم والدين (من الصحابة والتابعين وسائر أئمة المسلمين كالأربعة وغيرهم) أقوالا باجتهادهم؛ فهذه يسوغ القول بها، ولا يجب على كل مسلم أن يلتزم إلا قول رسول الله صلى الله عليه وسلم. فهذا شرع دخل فيه التأويل والاجتهاد؛ وقد يكون في نفس الأمر موافقا للشرع المنزل، فيكون لصاحبه أجران؛ وقد لا يكون موافقا له، لكن لا يكلف الله نفسا إلا وسعها؛ فإذا اتقى العبد الله ما استطاع، آجره الله على ذلك وغفر له خطأه. ومن كان هكذا لم يكن لأحد أن يذمه ولا يعيبه ولا يعاقبه؛ ولكن إذا عرف الحق بخلاف قوله لم يجز ترك الحق الذي بعث الله به رسوله، لقول أحد من الخلق؛ وذلك هو الشرع المنزل من عند الله وهو الكتاب والسنة وهو دين الله ورسوله" (MF 35/366-367).

-
"فأما الشرع المنزل: فهو ما ثبت عن الرسول من الكتاب والسنة؛ وهذا الشرع يجب على الأولين والآخرين اتباعه؛ وأفضل أولياء الله أكملهم اتباعا له؛ ومن لم يلتزم هذا الشرع أو طعن فيه أو جوز لأحد الخروج عنه فإنه يستتاب فإن تاب وإلا [حكم عليه بكونه مرتدًّا.
وأما المؤول فهو ما اجتهد فيه العلماء من الأحكام؛ فهذا من قلد فيه إماما من الأئمة ساغ ذلك له ولا يجب على الناس التزام قول إمام معين.
وأما الشرع المبدل فهو الأحاديث المكذوبة والتفاسير المقلوبة والبدع المضلة التي أدخلت في الشرع وليست منه والحكم بغير ما أنزل الله؛ فهذا ونحوه لا يحل لأحد اتباعه"
(MF 11/507).

-
Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

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