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Voici quelques questions (massâ'ïl) au travers desquelles chacun verra que, sans qu'il s'en rendait compte, il a en fait déjà recours à cette façon de faire (certaines de ces questions, nous les aborderons plus en détail en fin d'article, avec les différents avis existant à leur sujet) :
– Le père a-t-il l'autorisation (jawâz, fût-ce avec karâhiyya) de marier sa fille (étant en âge de se marier mais n'ayant jamais été mariée auparavant) sans le consentement de celle-ci, ou bien agir pareillement est-il interdit au père ?
– Lors du pèlerinage, attendre nécessairement le zénith pour pouvoir pratiquer le lancer de cailloux aux 3 stèles ?
– La zâkât ul-fitr, peut-on s'en acquitter en donnant au pauvre du numéraire au lieu de denrées alimentaires ?
– L'épouse dont le mari ne subvient plus aux besoins financiers (logement, habillement et nourriture) : peut-elle demander au juge de prononcer le divorce, pour ce motif ?
– Des polythéistes (mushrikûn) peuvent-ils être résidents permanents d'un pays musulman ?
– Un traité de paix entre un pays musulman et un pays non-musulman est-il valable lorsque à durée déterminée ?
– Lors d'un conflit armé, sur le champ de bataille, peut-on viser celui qui n'est pas combattant ?
– Le musulman peut-il entrer dans une église ?
– Le musulman peut-il faire entrer un non-musulman dans une mosquée ?
– La Zakât : quels sont les biens qui y sont sujets ? Quels en sont les bénéficiaires ?
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Introduction :
Adhérer à une école juridique, cela est source de nombreux bienfaits.
Shâh Waliyyullâh l'a écrit : "ومما يناسب هذا المقام التنبيه على مسائل ضلت في بواديها الأفهام وزلت الأقدام وطغت الأقلام. منها أن هذه المذاهب الأربعة المدونة المحررة قد اجتمعت الأمة - أو من يعتد به منها - على جواز تقليدها إلى يومنا هذا. وفي ذلك من المصالح ما لا يخفى، لا سيما في هذه الأيام التي قصرت فيها الهمم جدا، وأشربت النفوس الهوى، وأعجب كل ذي رأي برأيه. فما ذهب إليه ابن حزم حيث قال: "التقليد حرام لا يحل لأحد أن يأخذ قول أحد غير رسول الله صلى الله عليه وسلم بلا برهان (...)"، إنما يتم فيمن له ضرب من الاجتهاد ولو في مسألة واحدة، وفيمن ظهر عليه ظهورا بيّنا أن النبي صلى الله عليه وسلم أمر بكذا، ونهى عن كذا، وأنه ليس بمنسوخ، إما بأن يتتبع الأحاديث وأقوال المخالف والموافق في المسألة فلا يجد لها نسخا، أو بأن يرى جمعا غفيرا من المتبحرين في العلم يذهبون إليه، ويرى المخالف له لا يحتج إلا بقياس أو استنباط أو نحو ذلك، فحينئذ لا سبب لمخالفة حديث النبي صلى الله عليه وسلم إلا نفاق خفي، أو حمق جلي" : "Ces 4 écoles constituées et codifiées, la Umma – ou au moins ceux dont l'avis est considéré parmi elle – s'est mise d'accord jusqu'aujourd'hui pour considérer qu'il est permis de suivre (l'une d') elles. Il y a en cela des bienfaits qui sont clairs, spécialement aujourd'hui où les ardeurs à l'effort ont diminué, où les âmes s'adonnent abondamment à la recherche de l'intérêt personnel (hawâ), et où chacun se complaît dans son avis personnel" (Hujjat ullâh il-bâligha, 1/442).
Cheikh Thânwî dit que le fait de suivre une école précise est nécessaire (non pas wâjib li 'aynihî mais li ghayrihî : Ijtihâd o taqlîd kâ âkhirî fayss'la, p. 51), tout en reconnaissant à d'autres musulmans le droit d'être de l'avis que cela n'est pas nécessaire : "Si un Ahl-é hadîth [= Ghayr Mutamadh'hib] ne dit pas que suivre une école, cela est harâm, ne dit pas du mal et ne pense pas en mal des Grands, alors, khayr, [ne pas suivre un seul mujtahid] cela était aussi la position (maslak) de certains Salaf. En cela non plus je ne fais pas de dureté ("tanguî"). Par contre, c'est un autre débat que de savoir si mon cœur s'y retrouve ou pas" (Ijtihâd o taqlîd kâ âkhirî fayss'la, p. 116) ; "(...) par le seul fait de faire la négation de la nécessité de suivre un seul mujtahid, les (Ghayr Mutamadh'hib) ne sortent pas des Ahl us-Sunna wa-l-jamâ'ah, car ce point a toujours fait l'objet d'avis divergents (mukhtalaf fîh) : en effet, certains Muhaddithûn aussi étaient d'avis que cela n'est pas obligatoire" (Ijtihâd o taqlîd kâ âkhirî fayss'la, pp. 116-117). (Est-il vrai que les Ahl us-Sunna wa-l-Jamâ'ah sont exclusivement aujourd'hui les adeptes des 4 écoles juridiques instituées (hanafite, malikite, shafi'ite et hanbalite) ?).
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Cependant, tout en adhérant à une école juridique donnée, le Mufti peut-il donner fatwa selon l'avis d'une autre école juridique ?
– 1) Ce qu'il faut d'emblée dire, c'est que cette question ne se pose pas pour un avis existant mais dont il est établi de façon tranchée (Qat'î, ou même de façon Zannî Zannan Aghlaba), qu'il est erroné : un tel avis, on ne peut pas donner fatwa en le suivant !
Attention toutefois : Aujourd'hui, certains frères et soeurs sont tels que, dès la lecture d'un hadîth dont le contenu est différent de l'avis de tel Mujtahid, ils se mettent à proclamer que c'est la preuve que l'avis de ce Mujtahid constitue une erreur qat'î.
Ces frères et soeurs ignorent que parfois il existe un autre hadîth, différent du premier, et c'est sur lui que ce Mujtahid s'est appuyé : "Mais à cause de la quantité de hadîths et du fait qu'ils sont disséminés [dans différents recueils], il ne convient pas à la personne de considérer un hukm à propos de quelque chose par le simple fait d'avoir entendu un hadîth au sujet de ce hukm ; il lui faut examiner minutieusement. Car ce hukm est parfois abrogé, restreint (muqayyad) ou général ('âmm), alors que tu le crois différent de cela" (Al-Qawl ul-mufîd, p. 1081).
Et que d'autres fois, ce Mujtahid ne s'est pas appuyé sur un autre hadîth individuel mais sur un principe général l'ayant amené à relativiser le premier hadîth individuel, comme des Compagnons eux-mêmes l'ont fait.
– 2) En fait cette question se pose seulement pour une question où, sur les 2 avis en présence, les 2 avis "tiennent la route" en soi.
Il s'agit des divergences qui sont concernées par le célèbre principe : "رأيي صواب يحتمل الخطأ؛ ورأي غيري خطأ يحتمل الصواب" : "Mon opinion est juste (mais) est susceptible d'être erronée. Et l'opinion de l'autre que moi est erronée (mais) est susceptible d'être juste".
Et, à propos de points de ce genre, la réponse à la question susmentionnée est comme suit...
– 2.A) Si le choix de l'autre avis que celui de son école de référence est fait par hawâ (maslaha shakhsiyya, aw tâ'ïfiyya) (intérêt personnel, ou intérêt d'un groupe de personnes), alors la réponse est : Non, cela est strictement interdit.
C'est ce que Ibn ul-Qayyim a ainsi exprimé :
"الفائدة الثامنة والعشرون: لا يجوز للمفتي أن يعمل بما يشاء من الأقوال والوجوه من غير نظر من الترجيح ولا يعتد به، بل يكتفي في العمل بمجرد كون ذلك قولا قاله إمام أو وجها ذهب إليه جماعة فيعمل بما يشاء من الوجوه والأقوال: حيث رأى القول وفق إرادته وغرضه، عمل به. فإرادته وغرضه هو المعيار وبها الترجيح! وهذا حرام باتفاق الأمة! وهذا مثل ما حكى القاضي أبو الوليد الباجي عن بعض أهل زمانه ممن نصب نفسه للفتوى أنه كان يقول: "إن الذي لصديقي علي إذا وقعت له حكومة أو فتيا أن أفتيه بالرواية التي توافقه". وقال: وأخبرني من أثق به أنه وقعت له واقعة، فأفتاه جماعة من المفتيين بما يضره، وأنه كان غائبا؛ فلما حضر سألهم بنفسه، فقالوا: "لم نعلم أنها لك!" وأفتوه بالرواية الأخرى التي توافقه. قال: وهذا مما لا خلاف بين المسلمين ممن يعتد بهم في الإجماع أنه لا يجوز. وقد قال مالك رحمه الله في اختلاف الصحابة رضي الله عنهم: مخطئ ومصيب فعليك بالاجتهاد. وبالجملة فلا يجوز العمل والإفتاء في دين الله بالتشهي والتخير وموافقة الغرض، فيطلب القول الذي يوافق غرضه وغرض من يحابيه فيعمل به، ويفتي به، ويحكم به؛ ويحكم على عدوه ويفتيه بضده. وهذا من أفسق الفسوق وأكبر الكبائر، والله المستعان" :
Après avoir dit ce que nous avons vu plus haut, il écrit :
""Al-qâdhî Abu-l-Walîd al-Bâjî a relaté de quelqu'un de son époque, qui s'était présenté pour délivrer des avis, qu'il disait : "Le droit qu'a celui qui est mon ami sur moi, lorsqu'il lui arrive chose qui nécessite un jugement ou une fatwa, c'est que je lui délivre l'avis qui lui est favorable !"
(Al-Bâjî) a dit (aussi) : "Quelqu'un qui est fiable m'a relaté que quelque chose lui était arrivé alors qu'il était absent. Un groupe de Muftis donnèrent alors fatwa d'après l'avis qui lui était défavorable.
Lorsqu'il revint, il alla les voir en personne ; ils lui dirent alors : "Nous ne savions pas que c'était pour toi !" et ils lui donnèrent fatwa d'après l'autre avis, qui lui était favorable !" (Al-Bâjî) a dit : Il n'y a pas de divergence entre les musulmans, entre ceux dont l'avis est considéré dans les affaires de Consensus, qu'une telle façon de faire n'est pas autorisée. (...).
En un mot, il n'est pas autorisé de pratiquer et de donner fatwa dans le Dîn ullâh selon son désir et ce qui correspond à son intérêt : (on ne peut pas) rechercher l'avis qui correspond à son intérêt et l'intérêt de ceux dont on cherche les faveurs, et alors pratiquer, donner fatwa et rendre le jugement d'après cet avis ; puis, rendre le jugement et donner fatwa à propos de son ennemi d'après l'avis contraire ! Cela relève du plus grand Fisq et des plus Grands Péchés" (A'lâm ul-muwaqqi'în, 4/162).
En effet, car c'est jouer avec le Dîn ullâh, voire agir comme si le Dîn était sa propriété privée...
Ibn Taymiyya a donné les quelques exemples suivants, très parlants :
"L'imam Ahmad et d'autres que lui ont dit qu'une personne ne peut pas exprimer comme croyance au sujet de quelque chose que cela est obligatoire, ou illicite, puis, par sa simple envie (hawâ), exprimer comme croyance que cela est "non-obligatoire" ou "non-illicite" !
– Comme le fait qu'elle ait besoin du droit de préemption lié au voisinage, elle exprime alors comme croyance que c'est un droit établi pour elle [selon l'avis de Abû Hanîfa]. Ensuite, lorsqu'on lui réclame à elle le droit de préemption lié au voisinage, elle exprime comme croyance que cela n'est pas établi [car, dit-elle alors, c'est ce que disent ash-Shâfi'î et Ahmad qui est juste].
– Ou comme celui qui, lorsqu'il est un frère avec un grand-père [par rapport au défunt], exprime comme croyance qu'il partage alors (l'héritage) avec le grand-père [selon l'avis de tel mujtahid]. Ensuite, lorsqu'il est grand-père avec un frère, il exprime comme croyance que le grand-père ne partage pas (l'héritage) avec les frères (du défunt) [car, déclare-t-il alors, c'est ce que disent tel et tel mujtahids qu'il faut appliquer].
– Ou lorsque c'est un homme qu'il a en inimitié qui fait certaines choses qui font l'objet d'avis divergents – comme le fait de boire le nabîdh qui fait l'objet d'opinions divergentes, ou de jouer aux échecs, ou d'assister à un samâ' – il dit : "Il faudrait boycotter (hajr) cet (homme) et dénoncer ce qu'il fait (inkâr) !" Par la suite, lorsque c'est son ami qui fait cela, il se met à exprimer comme croyance que : "Cela fait partie des questions d'ijtihad, à propos desquelles il n'y a pas de blâme".
Une telle personne, cela est donc possible dans sa croyance : que quelque chose soit à la fois licite et illicite, à la fois obligatoire et non-obligatoire : selon son envie (hawâ) ! Cette (personne) est blâmable par le fait de sortir (ainsi) de la 'adâla" :
"وسئل شيخ الإسلام أن يشرح ما ذكره نجم الدين بن حمدان: "من التزم مذهبا أنكر عليه مخالفته بغير دليل ولا تقليد أو عذر آخر"؟
فأجاب: هذا يراد به شيئان: أحدهما: أن من التزم مذهبا معينا، ثم فعل خلافه من غير تقليد لعالم آخر أفتاه، ولا استدلال بدليل يقتضي خلاف ذلك ومن غير عذر شرعي يبيح له ما فعله، فإنه يكون متبعا لهواه وعاملا بغير اجتهاد ولا تقليد، فاعلا للمحرم بغير عذر شرعي! فهذا منكر. وهذا المعنى هو الذي أورده الشيخ نجم الدين.
وقد نص الإمام أحمد وغيره على أنه ليس لأحد أن يعتقد الشيء واجبا أو حراما، ثم يعتقده غير واجب ولا حرام، بمجرد هواه.
مثل أن يكون طالبا لشفعة الجوار فيعتقدها أنها حق له؛ ثم إذا طلبت منه شفعة الجوار اعتقدها أنها ليست ثابتة!
أو مثل من يعتقد إذا كان أخا مع جد أن الإخوة تقاسم الجد؛ فإذا صار جدا مع أخ اعتقد أن الجد لا يقاسم الإخوة.
أو إذا كان له عدو يفعل بعض الأمور المختلف فيها كشرب النبيذ المختلف فيه ولعب الشطرنج وحضور السماع، أن هذا ينبغي أن يهجر وينكر عليه؛ فإذا فعل ذلك صديقه اعتقد ذلك من مسائل الاجتهاد التي لا تنكر.
فمثل هذا ممكن في اعتقاده حل الشيء وحرمته ووجوبه وسقوطه بحسب هواه! هو مذموم بخروجه خارج عن العدالة. وقد نص أحمد وغيره على أن هذا لا يجوز.
وأما إذا تبين له ما يوجب رجحان قول على قول (إما بالأدلة المفصلة إن كان يعرفها ويفهمها وإما بأن يرى أحد رجلين أعلم بتلك المسألة من الآخر وهو أتقى لله فيما يقوله) فيرجع عن قول إلى قول لمثل هذا، فهذا يجوز بل يجب! وقد نص الإمام أحمد على ذلك. وما ذكره ابن حمدان: المراد به: القسم الأول؛ ولهذا قال: "من التزم مذهبا أنكر عليه مخالفته بغير دليل أو تقليد أو عذر شرعي"؛ فدل على أنه إذا خالفه لدليل فتبين له بالقول الراجح أو تقليد يسوغ له أن يقلد في خلافه؛ أو عذر شرعي أباح المحظور الذي يباح بمثل ذلك العذر لم ينكر عليه."
(MF 20/220-221).
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– 2.B) Si le choix de l'autre avis que celui de son école est fait par tarjîh mabnî 'alâ quwwat id-dalîl (préférence donnée par ce mufti à tel avis, et ce sur la base des argumentations des 2 avis en présence), alors la réponse est : Oui.
Car il arrive, sur une question où les 2 avis en présence sont tels que les argumentations des 2 en font 2 avis qui, en soi "tiennent la route", mais que, après avoir minutieusement étudié les 2 argumentations sur lesquelles les 2 avis reposent, un mufti compétent est, personnellement, plus convaincu, rujhân, par tel des 2 avis.
Quel autre choix reste-t-il alors à ce muftî compétent (je parle bien des muftis compétents, pas seulement de nom) que d'appliquer pour lui-même et de donner fatwa selon cet avis dont il pense, par rapport aux arguments, qu'il est plus probable qu'il soit l'avis correct ?
Cependant, même alors, ce mufti doit garder à l'esprit que ce cas est concerné par le célèbre principe : "رأيي صواب يحتمل الخطأ؛ ورأي غيري خطأ يحتمل الصواب" : "Mon opinion est juste (mais) est susceptible d'être erronée. Et l'opinion de l'autre que moi est erronée (mais) est susceptible d'être juste". Il doit donc parvenir malgré tout à se décentrer de l'argumentation vers laquelle il penche, et garder à l'esprit que l'autre argumentation n'est que "de peu éloignée de la vérité". En fait, sur de telles question, la détermination de la vérité, entre les 2 avis en présence, est relative.
Et c'est bien pourquoi, sur de telles questions, un Qâdhî, fût-il plus convaincu de la pertinence du second avis, ne peut pas casser le jugement rendu précédemment par un Qâdhî qui est du premier avis.
Prenons l'exemple de la question de savoir si le consentement du Walî de la jeune femme est une condition, ou pas, pour la validité du mariage de celle-ci. Le livre hanbalite Al-Mughnî, après avoir appuyé, donné préférence à l'avis qui dit que le Walî est nécessaire, tient à ajouter que si un juge a déclaré un mariage fait sans Walî "valide", alors on ne peut pas casser son jugement, car : "لأنها مسألة مختلف فيها، ويسوغ فيها الاجتهاد، فلم يجز نقض الحكم له (كما لو حكم بالشفعة للجار)؛ وهذا النص متأول، وفي صحته كلام، وقد عارضه ظواهر" (Al-Mughnî 9/140-143) (voir également : Al-Mughnî 13/531-534).
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– 2.C) Et si le choix de l'autre avis que celui de son école est fait par Maslaha 'Âmma (Générale), alors la réponse est : Oui d'après certains ulémas.
Al-Qaradhâwî appelle cela : "Ijtihâd Intiqâ'î" : "الاجتهاد الانتقائي".
Comme nous l'avons déjà dit, ce ne sont pas tous les avis ayant été émis par des Mujtahidûn qui peuvent faire l'objet d'un tel Intiqâ' :
Non, il s'agit seulement des questions où les 2 avis en présence sont fondés sur un ijtihâd sâ'ïgh, et où, entre les 2 avis existants, li-l-ikhtilâf massâgh.
On dit aussi que entre les deux avis existants, "la détermination de l'avis correct n'est possible qu'à un niveau zannî".
Il s'agit des questions où un qâdhî qui est du second avis ne peut pas casser le jugement rendu précédemment par un qâdhî qui est du premier avis.
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En fait, ces cas où la détermination de l'avis "juste" n'est que zannî, présentent 2 dimensions :
– d'une part, un seul des avis en présence est juste, l'autre est erroné (ou les autres sont erronés) ;
– d'autre part, cependant, la détermination de l'avis qui est juste n'est possible qu'à un niveau présumé (zannî).
– A cause de cette seconde dimension, une certaine souplesse est possible, puisque les deux avis "tiennent la route".
– Cependant, à cause de la première dimension, on ne peut pas changer d'avis (qu'on adopte et applique dans sa vie) comme "on change de chemise", en fonction de son intérêt personnel ou clanique du moment (hawâ). Nous l'avons vu en 2.A.
– Ces deux dimensions réunies font que seuls les muftis compétents peuvent, eux, donner fatwa sur un autre avis, mais en fonction de la maslaha générale.
Le recoupement avec le point 2.A oblige que ce mufti, dès lors qu'il commence à donner fatwa sur l'autre avis que celui de leur école de référence, s'en tienne à cet avis ! Ce mufti ne peut pas, ensuite, par intérêt personnel ou de clan, jongler avec les deux avis existant : "Le second avis (plus souple), c'est pour les gens lambda. Et le premier avis (plus dur), c'est dès que c'est un musulman que je n'aime pas qui est concerné".
C'est ce que nous avons vu être interdit en 2.A.
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Shâh Waliyyullâh écrit : "ولذلك لم يزل العلماء يجوزون فتاوى المفتين في المسائل الاجتهادية، ويسلمون قضاء القضاة، ويعملون في بعض الأحيان بخلاف مذهبهم" : "les ulémas n'ont cessé, à propos de ces massâ'ïl ijtihâdî, d'autoriser les fatwas des muftis et d'accepter les jugements des juges, et de pratiquer parfois l'avis autre que celui de leur madh'hab" (Hujjat ullâh il-bâligha, 1/455).
Shâh Waliyyullâh cite l'ouvrage Al-Bazzâziyya relatant que Abû Yûssuf, un vendredi, prit un bain dans un hammam, puis dirigea la grande prière du vendredi. Après qu'il eut dirigé la prière et que les fidèles se furent dispersés, on découvrit une souris morte dans le puits qui alimente le hammam. [Le problème c'est que cela est suffisant pour rendre l'eau du puits impure, najis, d'après l'avis hanafite, qui prend en considération l'étendue de la surface du plan d'eau.] Mis au courant de cela, Abû Yûssuf dit : "Dans ce cas nous prendrons l'avis de nos frères de Médine : "Lorsque l'eau atteint (le volume de) 2 Qulla, elle ne porte plus d'impureté" !" : "وفي البزازية عن الإمام الثاني - وهو أبو يوسف رحمه الله - أنه صلى يوم الجمعة مغتسلا من الحمام، وصلى بالناس، وتفرقوا؛ ثم أخبر بوجود فارة ميتة في بئر الحمام؛ فقال: "إذا نأخذ بقول أخوانا من أهل المدينة: إذا بلغ الماء قلتين لم يحمل خبثا!" انتهى" (Hujjat ullâh il-bâligha, 1/457). Il y avait alors Maslaha 'Âmma à adopter à ce moment-là l'autre avis : les gens s'étaient dispersés après l'accomplissement de la grande prière du vendredi, or celle-ci ne peut s'accomplir qu'en groupe, et il n'aurait pas été possible de les rappeler de nouveau avant la fin de l'horaire.
Cheikh Thânwî écrit pour sa part que dans les questions relevant du domaine des mu'âmalât, les muftis compétents peuvent donner fatwa sur l'avis d'une autre école quand il y a un réel besoin à le faire ("daf'-é haradj") (Ijtihâd-o-taqlîd kâ âkhirî fayssla, p. 69, p. 60).
Cheikh Khâlid Saïfullâh écrit : "Il n'est pas contraire au fait de se réclamer d’une école juridique que d'adopter, à propos de certains points, l'avis d'une autre école quand cela est fait à cause du contexte et du besoin, et non pas par intérêt" (Jadîd fiqhî massâ'ïl, 2/21 dans l'ancienne édition).
Et Cheikh Khâlid Saïfullah pratique cela, comme le sait toute personne qui a lu ses ouvrages.
Cheikh Qaradhâwî pratique lui aussi cela.
"عن عون بن عبد الله قال: ما أحب أن أصحاب النبى صلى الله عليه وسلم لم يختلفوا، فإنهم لو اجتمعوا على شىء فتركه رجل، ترك السنة؛ ولو اختلفوا فأخذ رجل بقول أحد، أخذ بالسنة" : 'Awn ibn 'Abdillâh a dit : "Je n'aimerais pas que les Compagnons du Prophète n'aient pas eu de divergences d'avis. Car s'ils ont été consensuels sur un avis et que quelqu'un délaisse celui-ci, il délaisse la Sunna. (Mais) s'ils ont eu des divergences et qu'un homme adhère à l'avis de l'un d'entre eux, il adhère à la Sunna" (ad-Dârimî, 653) (al-Mas'ûdî, qui figure dans la chaîne de narration de ce propos, fait l'objet d'un débat quant à sa fiabilité).
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Ibn Taymiyya a cité et approuvé le propos disant que la divergence d'avis de ce genre constitue "une miséricorde" : "ولهذا كان بعض العلماء يقـول: إجماعهم حجة قاطعة، واختلافهم رحمة واسعة".
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Quelques-unes des conditions :
– Une 1ère condition est que l'avis sur lequel il est question de donner Fatwa, cet avis-là ne soit pas établi, de façon Qat'î, ou de façon Zannî Zannan Aghlaba, être : une erreur (Khata').
– Une 2nde condition est que ce Intiqâ' soit fait par un Savant Compétent.
– Une 3ème condition est que ce Intiqâ' soit fait par Maslaha 'Âmma (maslaha qui concerne tous les musulmans), et pas par Maslaha Shakhsiyya ni par Maslaha Tâ'ïfiyya (maslaha personnelle ou de clan).
– Une 4ème condition est que cette Maslaha soit d'un niveau Dharûrî ou au moins Hâjî, et pas d'un simple niveau Tahsînî.
Etc.
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Quelques exemples :
– Le père peut-il marier sa fille (étant en âge de se marier mais n'ayant jamais été mariée auparavant) sans le consentement de celle-ci ?
--- Les 3 écoles malikite, shafi'ite et hanbalite disent que le père a le droit de marier sa fille sans son consentement (faire ainsi étant seulement mak'rûh tanzîhan).
--- Cela à la différence de l'école hanafite, de al-Bukhârî et d'Ibn Taymiyya : le père n'a pas ce droit.
Or la détermination de l'avis correct sur cette question n'est possible qu'à un niveau zannî : lisez notre article consacré à cette question, et vous verrez que les différents avis reposent tous sur une façon "qui tient la route" de concilier les différents hadîths.
C'est donc par Maslaha que les muftis malikites, shafi'ites et hanbalites donneront fatwa aux musulmans malikites, shafi'ites et hanbalites, sur ce point précis, d'après l'autre avis : celui de l'école hanafite, de al-Bukhârî et de Ibn Taymiyya.
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– Lors du pèlerinage, attendre nécessairement le zénith pour pouvoir pratiquer le lancer de cailloux aux 3 stèles ?
Les 11, 12 et éventuellement 13 Dhu-l-Hijja, les pèlerins doivent lancer des petits cailloux sur 3 stèles à Minâ, répétant le geste de Abraham (sur lui soit la paix) chassant le démon lui suggérant de ne pas immoler son fils Ismaël (paix soit sur lui). Le Prophète (que Dieu le bénisse et le salue) n'a pratiqué cela qu'après le moment du zénith.
--- Les 4 écoles disent que cela ne peut être accompli qu'après le zénith (l'école hanafite autorise que cela soit fait avant le zénith : le 13 Dhu-l-Hijja uniquement).
--- 'Atâ et Tâ'ûs disent qu'on peut le faire avant le zénith aussi, car rien ne l'interdit.
Aujourd'hui, à cause des bousculades parfois mortelles que l'énorme nombre de pèlerins entraîne, Abdullâh ibn Zayd al-Mahmûd, suivi par al-Qaradhâwî (Al-Ijtihâd al-mu'âssir, pp. 28-29), ont proposé que l'on dise à tous les pèlerins d'adopter le second avis, et donc de penser qu'il est autorisé d'effectuer cette action à tout moment de ces journées. Cela pour éviter les encombrements monstres, et pour que l'afflux des pèlerins soit étalé sur toute la journée plutôt que concentré sur l'après-midi.
D'autres muftis leur ont ensuite emboîté le pas, et aujourd'hui bi hamdillâh cet avis commence à être pratiqué, pour la maslaha des pèlerins : protéger des vies.
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– L'épouse dont le mari ne subvient plus aux besoins financiers (logement, habillement et nourriture) : peut-elle demander au juge de prononcer le divorce, pour ce motif ?
--- L'école hanafite dit : "Non".
--- Les 3 autres écoles disent : "Oui", ayant ensuite des divergences quant aux conditions exactes et à la façon de procéder.
Après avoir relaté les avis et les argumentations détaillées sur lesquelles chacun d'eux s'appuie, Cheikh Khâlid Saïfullâh écrit :
"Après avoir placé devant nous les avis détaillés des différentes écoles, la situation d'aujourd'hui, et l'esprit de la Shar', je pense qu'en Inde, sur cette question il serait convenable de mettre en pratique l'avis malikite. Sauf pour le cas où l'épouse savait, avant même le mariage, que son mari est démuni financièrement : pour ce cas il serait convenable d'adopter l'avis shafi'ite et hanbalite, (disant) que le mariage peut être annulé dans ce cas (aussi)" (Islâm aur jadîd mu'âsharatî massâ'ïl, p. 136).
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– Des polythéistes (mushrikûn) peuvent-ils être résidents permanents d'un pays musulman ?
--- L'école shafi'ite reconnaît le droit d'être résidents d'un pays musulman, aux Juifs, aux Chrétiens et aux Zoroastriens, mais pas aux Polythéistes (Mushrikûn).
--- L'école malikite reconnait ce droit aux Polythéistes (Mushrikûn) aussi. L'école hanafite également, mais avec une restriction quant aux Polythéistes Arabes.
Lire : Les droits des non-musulmans résidents de la terre musulmane
Or la détermination de l'avis correct sur cette question n'est possible qu'à un niveau zannî : l'avis que nous venons de relater de lui, ash-Shâfi'î l'a développé à partir des premiers versets de sourate At-Tawba, ayant mis fin aux traités liant le Prophète avec les Mushrikûn et ayant demandé à ceux-ci de partir : cette règle est, selon ash-Shâfi'î, valable pour tout pays musulman (il y a eu de sa part analogie de tout pays musulman, sur le Hedjaz). Alors que les autres mujtahidûn ont pour leur part considéré cette règle comme particulière à la région : la Péninsule arabique, ou seulement le Hedjaz.
Aujourd'hui, l'Indonésie et la Malaisie, majoritairement shafi'ites, comportent d'importantes minorités hindoues. Les musulmans de ces pays devraient faire quoi ? rester strictement shafi'ites sur ce point aussi, et donc avoir comme objectif d'expulser les hindous du pays ?
Non, bien sûr !
Par maslaha on invitera les shafi'ites du monde entier à adhérer, sur ce point précis, à ce que dit l'école malikite.
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– Un traité de paix entre un pays musulman et un pays non-musulman est-il valable lorsque à durée déterminée ?
--- La plupart des Mujtahidûn (ceux de l'école hanafite y compris) disent qu'un traité de paix ne peut être conclu entre un pays musulman et un pays non-musulman qu'avec une durée déterminée.
--- Quelques Mujtahidûn disent qu'un tel traité peut également être conclu pour une période indéterminée.
Par maslaha on invitera les musulmans à adhérer, sur ce point précis, à ce que disent les quelques Mujtahidûn du second groupe.
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– Lors d'un conflit armé, sur le champ de bataille, peut-on viser celui qui n'est pas combattant ?
--- L'école shafi'ite est d'avis qu'en cas de conflit armé, les musulmans peuvent viser, parmi les ressortissants du pays ennemi, les grands vieillards et les non-combattants aussi, seuls les femmes et les enfants de l'ennemi faisant exception.
--- D'autres ulémas disent pour leur part que, parmi les ennemis, seuls les combattants peuvent être visés : tous les non-combattants ne peuvent pas être visés.
Lire : Lors d'un conflit armé, il n'est pas autorisé de viser des non-combattants
Par maslaha on invitera les shafi'ites qui sont aux prises avec un conflit armé à adhérer, sur ce point précis, à ce que disent ces autres ulémas.
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– Le musulman peut-il entrer dans une église ?
--- L'école hanafite est d'avis que cela est interdit (mak'rûh tahrîmî) : "؛ لأن القاضي لا يحضرها بل هو ممنوع عن ذلك كذا في الهداية، ولو قال: "المسلم لا يحضرها"، لكان أولى، لما في التتارخانية: "يكره للمسلم الدخول في البيعة والكنيسة"، وإنما يكره من حيث أنه مجمع الشياطين، لا من حيث إنه ليس له حق الدخول. والظاهر أنها تحريمية، لأنها المرادة عند إطلاقهم" (Al-Bahr ur-râ'ïq, kitâb ud-da'wâ). Sauf si c'est pour y exercer un travail, car alors cela est autorisé : "وفي التتارخانية: ولو أجر المسلم نفسه لذمي ليعمل في الكنيسة فلا بأس به" (Ibid., Bay' binâ'ï Makka). "مطلب تكره الصلاة في الكنيسة [تنبيه] يؤخذ من التعليل بأنه محل الشياطين كراهة الصلاة في معابد الكفار؛ لأنها مأوى الشياطين كما صرح به الشافعية. ويؤخذ مما ذكروه عندنا، ففي البحر من كتاب الدعوى عند قول الكنز: ولا يحلفون في بيت عباداتهم. وفي التتارخانية يكره للمسلم الدخول في البيعة والكنيسة، وإنما يكره من حيث إنه مجمع الشياطين لا من حيث إنه ليس له حق الدخول اهـ قال في البحر: والظاهر أنها تحريمية؛ لأنها المرادة عند إطلاقهم، وقد أفتيت بتعزير مسلم لازم الكنيسة مع اليهود اهـ فإذا حرم الدخول فالصلاة أولى، وبه ظهر جهل من يدخلها لأجل الصلاة فيها" (Radd ul-muhtâr, kitâb us-salât). "قال في الخانية: ولو آجر نفسه ليعمل في الكنيسة ويعمرها لا بأس به لأنه لا معصية في عين العمل" (Ibid, Fasl fi-l-bay').
--- Un avis de l'école hanbalite (retenu par Ibn Taymiyya) dit que cela est déconseillé s'il s'y trouve des portraits. Cet avis se fonde sur le propos de Omar ibn ul-Khattâb : "Nous n'entrons pas dans vos églises à cause des portraits (qui s'y trouvent)" (Mussannaf 'Abd ir-Razzâq, 25706 ; également cité par al-Bukhârî, Al-Jâmi' us-sahîh, bâb us-salât fi-l-bî'ah).
--- Un autre avis de l'école hanbalite dit que cela est entièrement autorisé, même s'il s'y trouve des portraits : "وروى ابن عائذ في فتوح الشام، أن النصارى صنعوا لعمر رضي الله عنه حين قدم الشام طعاما، فدعوه، فقال: أين هو؟ قالوا: في الكنيسة، فأبى أن يذهب. وقال لعلي: "امض بالناس، فليتغدوا". فذهب علي رضي الله عنه بالناس، فدخل الكنيسة، وتغدى هو والمسلمون؛ وجعل علي ينظر إلى الصور، وقال: "ما على أمير المؤمنين لو دخل فأكل!". وهذا اتفاق منهم على إباحة دخولها وفيها الصور، ولأن دخول الكنائس والبيع غير محرم، فكذلك المنازل التي فيها الصور. وكون الملائكة لا تدخله لا يوجب تحريم دخوله علينا، كما لو كان فيه كلب، ولا يحرم علينا صحبة رفقة فيها جرس، مع أن الملائكة لا تصحبهم" (Al-Mughnî, tome 7). L'école hanbalite est d'avis que même y accomplir la prière est autorisé : "فصل: ولا بأس بالصلاة في الكنيسة النظيفة، رخص فيها الحسن وعمر بن عبد العزيز والشعبي والأوزاعي وسعيد بن عبد العزيز وروي أيضا عن عمر وأبي موسى. وكره ابن عباس ومالك الكنائس؛ من أجل الصور" (Al-Mughnî, tome 2).
Lorsqu'il y a hâja à le faire, les hanafites pourront se rendre dans une église, pratiquant alors l'avis hanbalite.
Par contre, il faudra faire comme Ibn Abbâs faisait : même si on s'est rendu dans un lieu de culte non-musulman par hâja, on n'accomplira pas la prière dans un lieu de culte non-musulman où se trouvent des portraits ou des statues (voir Sahîh ul-Bukhârî, bâb us-salât fi-l-bî'ah ; FB 1/688). L'école hanbalite déclare mak'rûh d'accomplir la prière dans un lieu lorsque le portrait se trouve dans la direction de la Qibla. Quant à l'école hanafite, elle déclare mak'rûh tahrîmî d'accomplir la prière dans un lieu où se trouve le portrait d'un être animé, dès lors que ce portrait ne traîne pas mais est posé ou suspendu, même s'il se trouve dans la direction opposée à celle dans laquelle on prie. Par contre, si le portrait est foulé ou traîne, accomplir la prière dans le lieu ne pose pas de problème, sauf s'il se trouve à l'endroit exact où l'on se prosterne (Al-Hidâya, Radd ul-muhtâr, etc.).
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– Le musulman peut-il faire entrer un non-musulman dans une mosquée ?
--- L'école malikite dit : "Non".
--- L'avis retenu au sein des autres écoles est : "Oui".
Lorsqu'il y a hâja à le faire, les malikites agiront selon l'avis des autres écoles.
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– La Zakât : quels sont les biens qui y sont sujets ? Quels en sont les bénéficiaires ?
A côté de points qui font l'unanimité, d'autres points font l'objet d'avis divergents. D'autres encore, relèvent du monde contemporain (la zakât n'étant pas pure 'ibâda).
Cheikh Qaradhâwî a un ouvrage magnifique sur le sujet, Fiqh uz-Zakât.
Si certains avis y présentés sont malgré tout discutables, la grande partie de l'ouvrage mérite d'être lu, et appliqué : la Zakât apparaîtrait alors encore plus, et avec encore plus d'efficacité, comme ce qu'elle veut être : un formidable moyen de répartition des richesses et de recul de la pauvreté.
Encore faut-il pour cela accepter de regarder plus loin que le cadre de sa seule école juridique, et cesser de tenir des propos aussi simplistes que : "Ah non, les muftis que je connais n'ont jamais dit ça, donc ça n'est pas bon !".
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– La Zakât ul-fitr : peut-on s'en acquitter en donnant au nécessiteux de la monnaie plutôt que les denrées alimentaires évoquées dans la Sunna ?
--- Selon l'avis retenu chez ceux qui suivent Ahmad ibn Hanbal, la réponse à cette question est : "Non, il faut nécessairement que la zakât ul-fitr soit donnée par le moyen des 5 denrées alimentaires que le Prophète, sur lui soit la paix, a indiquées (sauf si aucune de ces 5 denrées n'est disponible là où l'on vit)" ; il s'agit là de "الاقتداء برسول الله صلى الله عليه وسلم في عين ما فعله أو ذكره" ;
--- Mâlik dit : "Oui, mais il faut que ce soit malgré tout une denrée alimentaire, et il faut qu'elle soit consommée dans le lieu où l'on se trouve". Il s'agit là de "الاقتداء برسول الله صلى الله عليه وسلم في نوع ما فعله أو ذكره" ;
- Abû Hanîfa, Sufyân ath-Thawrî, Omar ibn 'Abd il-'Azîz et Hassan al-Basrî disent : "Oui, il est possible de donner au pauvre de la monnaie, et avec celle-ci il s'achètera les aliments qu'il voudra". Il s'agit cette fois de "الاقتداء برسول الله صلى الله عليه وسلم في جنس ما فعله أو ذكره".
Eu égard à la réalité sociale des grandes villes d'aujourd'hui, par hâja on invitera les hanbalites et les malikites y habitant à pratiquer l'avis hanafite.
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Lire également :
La raison : aller-retour entre connaissance des textes et savoirs temporels.
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Dans un article précédent, nous avions exposé ce travail de Intiqâ' pour le Détenteur de l'Autorité Exécutive :
L'exécutif dispose cependant d'une prérogative que ni le Mufti ni le Qâdhî n'ont : celle d'imposer un avis à tous ceux qui sont sous son autorité.
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Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).