Les Hadîths constituent la seconde source, complétant nécessairement le Coran. Ce sont les dires, les faits et les approbations attribués au Prophète (que Dieu le bénisse et le salue).
Cependant, à la différence des versets composant le texte de celui-ci, les Hadîths ne sont pas rapportés par autant de personnes : le Coran, c'est toute la génération des Compagnons qui le rapportent.
On trouve des Hadîths rapportés eux aussi par Tawâtur ul-Lafz, mais ils sont peu nombreux. Et on a d'autres Hadîths dont le sens est rapporté au Tawâtur (il s'agit donc de Tawâtur ul-Ma'nâ).
Ensuite vous avez cette somme de Hadîths qui sont Khabar ul-Wâhid. Et ils sont : soit Sahîh, soit Hassan, soit Dha'îf, soit Dha'îf jiddan, soit Mawdhû'. Il faut vérifier sa fiabilité.
"Hadîth authentique" est la traduction approximative de "hadîth sahîh", qui signifie en fait : "hadîth sain", c'est-à-dire que sa chaîne de transmission est saine, dans le sens où elle ne comporte aucune personne-maillon qui soit faible, et que son contenu ne recèle pas une erreur (Shudhûdh / 'Illa).
A l'origine : --- "sahîh" ("sain") s'oppose à "ma'lûl" ("malade", "défectueux") ; --- "qawiy" ("fort) s'oppose à "dha'îf" ("faible") ; --- et "jayyid" (d'excellente qualité) s'oppose à "radî'" (de mauvaise qualité). A l'origine ces 3 premiers termes sont employés comme synonymes ou quasi-synonymes pour qualifier d'une part le hadîth qui présente les garanties de fiabilité voulues, et de l'autre le hadîth qui ne présente pzs ces garanties. Mais ensuite c'est le terme "sahîh" qui a été retenu, et qui est opposé maintenant à "dha'îf". Quant à "ma'lûl", il s'est mis à désigner le hadîth dont la chaîne est de bonne qualité mais dont la chaîne ou le contenu présente en fait un défaut subtil.
Maintenant, quand il y a la Sihha d'un dit, d'un fait ou d'une approbation attribué au Prophète :
– a-t-on la certitude (yaqîn), à 100%, que le Prophète a dit cela, fait cela, ou approuvé cela ?
– ou en a-t-on seulement la présomption (zann) ? sachant que le zann est de plusieurs niveaux :
----- zann aghlab (95%) ;
----- zann ghâlib (75-85%) ;
----- zann mujarrad (55-65%).
C'est une question délicate et complexe...
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Introduction :
Les textes rapportés par une chaîne de transmission fiable (sahîh) sont, disent les muhaddithûn, de 2 types, en fonction du nombre de rapporteurs qui sont présents à chaque niveau de la chaîne :
– le texte rapporté est dit "mutawâtir" ou "rapporté au tawâtur" quand la chaîne ininterrompue des rapporteurs est constituée, à chaque niveau (depuis donc le niveau de ceux qui rapportent depuis la source), de : un nombre tellement considérable de personnes qu'il est impensable qu'elles aient pu faire une erreur (mâ lâ yutassawwaru tawâtu'uhum 'ala-l-kadhib lâ 'amadan wa lâ sahwân wa lâ khata'an) ;
– le texte rapporté est dit "wâhid" (pluriel : "âhâd") (en fait : "khabaru wâhidin") quand la chaîne de ses rapporteurs est, à fût-ce un seul niveau, constituée d'un nombre de personnes moindre que celui qui en ferait un texte "mutawâtir" :
--- soit ce nombre est 1 - le texte est dit alors : "gharîb" -,
--- soit ce nombre est 2 - le texte est alors dit : "azîz" -,
--- soit ce nombre est 3, ou un peu plus mais sans atteindre le stade de la tawâtur - et ce texte est dit alors : "mash'hûr" chez les muhaddithûn.
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Les hadîths qui sont rapportés au Tawâtur, il est certain (yaqînî) que le Prophète les a dits, ou faits :
Ce qui est rapporté au tawâtur, son contenu est certain (qat'î) que le Prophète (sur lui soit la paix) l'a dit, fait ou approuvé, ou était ainsi.
Ibn Hajar l'a formulé ainsi : "يفيد العلم الضروري" (An-Nukat, 1/379).
Ici, "dharûrî" veut dire : "badîhî" ("évident").
Et il faut ici rappeler qu'il existe 2 types de tawâtur :
- le tawâtur lafzî, où c'est telle phrase elle-même qui est rapportée par un nombre considérable de rapporteurs ;
- le tawâtur ma'nawî, où c'est le sens qui est rapporté par le nombre considérable de transmetteurs, et ce dans la mesure où, par les phrases différentes qu'ils rapportent, un même sens commun global se dégage.
Cela est connu, et peut être vu entre autres : in Tad'rîb ur-râwî (p. 452), Mukhtassar as-Sawâ'ïq il-mursala (p. 708).
As-Suyûtî a donné :
- plusieurs exemples de hadîths rapportés au tawâtur lafzî ;
- un exemple de ce qui, au niveau du sens (ma'nâ), est rapporté au tawâtur ma'nawî : le caractère institué (mashrû') de lever les mains pendant qu'on adresse des invocations à Dieu (Tad'rîb ur-râwî, p. 452).
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Mais qu'en est-il d'une Khabaru wâhid : est-on certain que le Prophète (sur lui soit la paix) a dit, fait ou approuvé ce qui est ainsi relaté ?
– L'avis de Ibn Hazm est que, dès lors que la chaîne par laquelle il est rapporté est correcte (sahîh), le hadîth attribué au Prophète (sur lui soit la paix) est toujours établi avec certitude (yaqîn) :
Il exprime cela ainsi : "القسم الثاني من الأخبار ما نقله الواحد عن الواحد؛ فهذا إذا اتصل برواية العدول إلى رسول الله صلى الله عليه وسلم، وجب العمل به ووجب العلم بصحته أيضا" (Al-Ihkâm, p. 121).
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– L'avis de an-Nawawî, à l'autre extrême, est que ce qui est rapporté par khabaru wâhidin , il n'y a jamais plus que présomption (zann) que le Prophète (sur lui soit la paix) l'a réellement dit, fait ou approuvé :
Il écrit :
"أحاديث الصحيحين التي ليست بمتواترة انما تفيد الظن. فإنها آحاد، والآحاد انما تفيد الظن، على ما تقرر.
ولا فرق بين البخاري ومسلم وغيرهما في ذلك.
وتلقى الأمة بالقبول انما أفادنا وجوب العمل بما فيهما، وهذا متفق عليه. فان أخبار الآحاد التي في غيرهما يجب العمل بها اذا صحت أسانيدها، ولا تفيد الا الظن. فكذا الصحيحان!
وانما يفترق الصحيحان وغيرهما من الكتب في كون ما فيهما صحيحا لا يحتاج إلى النظر فيه، بل يجب العمل به مطلقا؛ وما كان في غيرهما لا يعمل به حتى ينظر وتوجد فيه شروط الصحيح.
ولا يلزم من اجماع الأمة على العمل بما فيهما: اجماعهم على أنه مقطوع بأنه كلام النبي صلى الله عليه وسلم" (Muqaddimat Shar'h Muslim, p. 20).
(Voir aussi At-Taqrîb, p. 103.)
Ibn 'Abd is-Salâm est du même avis.
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– Intermédiaire est la synthèse de l'avis de Ibn Taymiyya, qui est comme suit :
--- est "établi au yaqîn" (100%) : le khabaru wâhidin qui bénéficie d'indices l'encadrant (al-muhtaff bi-l-qarâ'ïn) :
----- par exemple que les ulémas de la Umma aient fait talaqqî bi-l-qabûl de (aient accueilli avec acceptation) ce hadîth (c'est le cas de la majorité des hadîths qui ont été rapportés par al-Bukhârî et Muslim dans leur Sahîh respectif (même ceux d'entre eux qui ne sont pas mutawâtir) : les ulémas de la Umma ont accueilli la majorité de ces deux sommes de hadîths avec acceptation (à part quelques hadîths parmi eux, que certains grands spécialistes ont discuté)) (MF 18/17) ;
----- de même, tout hadîth dont l'authenticité est reconnue par tous les spécialistes du hadîth relève de ce cas ; par exemple les hadîths rapportés seulement par Abû Dâoûd, ou seulement par at-Tirmidhî, ou seulement par an-Nassâ'ï, ou seulement par Ibn Mâja, ou seulement par Ahmad ibn Hanbal dans son Musnad, et à propos desquels les ulémas spécialistes du hadîths sont unanimes à dire qu'ils sont authentiques. Peut-être que Ibn Taymiyya est d'avis, à l'instar de Ibn us-Salâh, que la différence avec le cas précédent réside dans "la plus ou moins grande authenticité" (al-assahhiyya).
--- est "établi au zann ghâlib" : le khabaru wâhidin dont l'authenticité a fait l'objet d'une divergence entre les spécialistes, mais à propos duquel le spécialiste a donné tarjîh à son authenticité (MF 18/22) ;
--- est "établi au zann" : le khabaru wâhidin dont l'authentification a fait l'objet d'avis divergents de la part des spécialistes, et à propos duquel un spécialiste donne préférence (tarjîh) à son authenticité, la détermination de l'avis correct (entre l'avis de son authenticité et l'avis de sa non-authenticité) n'étant cependant possible qu'à un niveau zannî.
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– Et voici la synthèse de l'avis nuancé de Ibn Hajar :
--- est "établi au qurb ul-yaqîn" [99%] : le khabaru wâhidin qui bénéficie des 3 indices suivants, qui l'encadrent :
----- al-Bukhârî et Muslim l'ont rapporté tous deux dans leur Sahîh ("هم متفقون على وجوب العمل بكل ما صح، ولو لم يخرجه الشيخان. (...) والإجماع حاصل على أن لهما مزية فيما يرجع إلى نفس الصحة" (Nuz'hat un-nazar, p. 34)) (à condition que l'authenticité du hadîth n'a pas été remise en cause par d'autres grands spécialistes tels que ad-Dâraqutnî, et qu'il ne s'agit pas d'un hadîth dont le contenu contredit totalement celui d'un autre hadîth du même niveau, contradiction face à laquelle il n'y a pas eu tarjîh) ;
----- ce hadîth dispose de plusieurs chaînes séparées et chacune authentique ;
----- ce sont uniquement des personnages d'un très haut niveau qui figurent dans la chaîne de transmission de ce hadîth (Nuz'hat un-nazar, p. 33-35) ;
--- est "établi au zann aghlab" [95%] : le khabaru wâhidin qui bénéficie d'un seul des 3 indices que nous venons de citer (par exemple : avoir été rapporté à la fois par al-Bukhârî et Muslim dans leur Sahîh respectif) ;
--- est "établi au zann ghâlib" [85-75%] : le khabaru wâhidin qui a été authentifié par l'ensemble des spécialistes mais ne bénéficie d'aucun des 3 "indices" susmentionnés (il est par exemple rapporté par al-Bukhârî seulement et pas par Muslim aussi, alors même qu'il ne bénéficie pas de l'un des 2 autres indices ; ou bien il est rapporté par at-Tirmidhî et ne bénéficie pas de l'un des 2 autres indices) ;
--- est "établi au zann mujarrad" [65-60%] : le khabaru wâhidin dont l'authentification a fait l'objet d'avis divergents de la part des spécialistes, et à propos duquel un spécialiste donne préférence (tarjîh) à son authenticité, la détermination de l'avis correct (entre l'avis de son authenticité et l'avis de sa non-authenticité) n'étant cependant possible qu'à un niveau zannî.
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Voici un tableau s'inspirant (entre autres) de cette synthèse de Ibn Hajar, et exposant différents types de hadîth (selon la qualité de sa chaîne de narration) avec le degré de certitude de chacun d'eux :
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A la lumière de cette distinction dans les degrés de certitude du hadîth, nous avons ce qui suit :
"عدم القول بــ:
مُحتوَى ما هو قطعيّ الدلالة وثابت بالتواتر (ولو في معناه): يقطع بكونه خطأً، وهو كفر أكبر؛
مُحتوَى ما هو قطعيّ الدلالة ولكن غير ثابت بالتواتر، بل بالاستفاضة (ولو في معناه): يقطع بكونه خطأً، وهو ضلال؛
مُحتوَى نصٍ قطعيّ الدلالة ولكن غير ثابت بالاستفاضة بل بطريق صحيحِ ظنّيّ الثيوت ظنًّا أغلب: يقطع بكونه خطأً؛ وهو خطأ قطعيّ اجتهاديّ؛
مُحتوَى نصٍ قطعيّ الدلالة ولكن غير ثابت بالاستفاضة بل بطريق صحيحِ ظنّيّ الثيوت ظنًّا غالبًا: يرجّح كونه خطأً؛ وهو خطأ اجتهاديّ ظنّيّ؛ (يرجَّح في المسألة ما يوافق ذلك المحتوى)؛
مُحتوَى نصٍ قطعيّ الدلالة ولكن ظنّيّ الثيوت ظنًّا مجرَّدًا (مثل الحديث الناهي عن العربون): خطأ أو صواب؛ (فإنه يرجَّح في المسألة رأي من الآراء الموجودة، أو يمال فيها إلى رأي من تلك الآراء)؛
دلالةٍ معيّنة مستفادةٍ من نصٍ يكون ظنّيّ الدلالة (لوجود معنيين للفظ النص، أو لوجود نص تفصيلي آخر أو قاعدة كلية شرعية يعارض مُحتوَى النص الأول)، بل اختيار دلالة أخرى مستفادة أيضًا من النصوص: خطأ أو صواب؛ (فإنه يرجَّح في المسألة رأي من الآراء الموجودة، أو يمال فيها إلى رأي من تلك الآراء)؛"
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Voici maintenant des détails supplémentaires quant aux avis relatifs au degré de certitude du hadîth...
– Les Mutazilites ont émis des conditions singulières :
–--- Le Mutazilite al-Jâhiz dit que pour qu'un hadîthu wâhidin soit acceptable, il faut qu'il soit rapporté par au minimum 4 maillons à chaque niveau (An-Nukat, 1/242).
–--- Le Mutazilite al-Jubâ'ï est d'avis qu'un hadîth qui est "gharîb" (voir plus haut) (on appelle également cela : "fard") n'est pas établi à un niveau suffisant pour servir de référence. Il faut qu'il soit au moins 'azîz (rapporté par 2 maillons à chaque niveau de la chaîne). Sinon, s'il est gharîb, il faut que son contenu était diffusé parmi les Compagnons, ou bien il faut que son contenu soit étayé par le sens évident d'un verset du Coran ou d'une Sunna établie, ou bien ait été pratiqué par certains Compagnons (An-Nukat, 1/242).
– Les Sunnites ne sont évidemment pas d'accord. Pour eux, un hadîthu wâhidin, fût-il gharîb (fard), constitue une référence dès lors que la chaîne de transmission en est correcte (sahîh). Al-Bukhârî l'a évoqué dans son Jâmi' Sahîh, in Kitâbu Akhbâr il-âhâd. Cela constitue donc une référence.
Ensuite prennent place les différents avis cités plus haut, de an-Nawawî, de 'Izz ud-Dîn ibn 'Abd is-Salâm, de Ibn Hazm, de Ibn Taymiyya, et de Ibn Hajar.
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Certains de ces avis, exposés de façon plus détaillée :
– L'avis de Ibn Hazm :
Tout hadîth qui est relaté du Prophète (sur lui soit la paix), si tous les maillons de la chaîne de transmission sont fiables, alors on est certain du contenu de ce qui est ainsi rapporté.
Pour d'autres informations relatées au sujet de quelqu'un d'autre que le Prophète (par exemple : "Ce bien matériel appartient à Untel"), même quelqu'un de véridique et de sensé peut se tromper.
Mais quand l'information relatée est un propos ou un geste attribué au Prophète, et que les maillons de la transmission sont fiables (tant au niveau de leur moralité que de leurs compétences intellectuelles) Dieu ne les laisse pas faire une erreur, car c'est le Dîn qui est en jeu, et Il a pris la garantie de préserver le Wah'y apporté par Muhammad, sur lui soit la paix (Al-Ihkâm, pp. 140-143).
Par contre, si un seul maillon de la chaîne de transmission n'est pas fiable, alors le hadîth est délaissé (mardûd).
Le pivot est donc chez Ibn Hazm : la fiabilité ou la non-fiabilité des maillons de la chaîne de transmission. C'est seulement cela qu'il s'agit de vérifier.
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– Or cet avis de Ibn Hazm est discutable :
Certes, la Sunna est la seconde source, avec le Coran. Et quand Dieu a pris la garantie de préserver le Wah'y, cela vaut pour le Coran comme pour la Sunna.
Cependant, il n'est pas seulement arrivé qu'il y a eu des transmetteurs peu scrupuleux qui ont inventé des hadîths qu'ils ont attribué au Prophète. Il n'est pas seulement arrivé qu'il y a eu des transmetteurs à la mémoire défaillante qui ont tout mélangé. Il est parfois (bien que rarement) arrivé que des transmetteurs tout à fait fiables se soient trompés.
Ainsi, Abdullâh ibn Omar avait dit que le Prophète (sur lui soit la paix) avait accompli une umra (petit pèlerinage) au mois de rajab. Mise au courant de cela, Aïcha dit alors : "Que Dieu fasse miséricorde à Abû 'Abd ir-Rahmân ! (Le Prophète) n'a accompli de umra sans que je sois présente. Et il n'a jamais accompli de umra au mois de rajab !" : "عن مجاهد، قال: دخلت أنا وعروة بن الزبير المسجد، فإذا عبد الله بن عمر رضي الله عنهما، جالس إلى حجرة عائشة، وإذا ناس يصلون في المسجد صلاة الضحى، قال: فسألناه عن صلاتهم، فقال: "بدعة." ثم قال له: "كم اعتمر رسول الله صلى الله عليه وسلم؟" قال: "أربعا، إحداهن في رجب." فكرهنا أن نرد عليه. قال: وسمعنا استنان عائشة أم المؤمنين في الحجرة، فقال عروة: "يا أماه، يا أم المؤمنين، ألا تسمعين ما يقول أبو عبد الرحمن؟" قالت: "ما يقول؟" قال: "يقول: إن رسول الله صلى الله عليه وسلم اعتمر أربع عمرات، إحداهن في رجب." قالت: "يرحم الله أبا عبد الرحمن! ما اعتمر عمرة إلا وهو شاهده. وما اعتمر في رجب قط" (al-Bukhârî 1685, Muslim 1255). Abdullâh ibn Omar est pourtant tout ce qu'il y a de plus fiable, c'est un Compagnon ! de plus il a rapporté beaucoup de hadîths...
De même, Omar ibn ul-Khattâb a affirmé que Fâtima bint Qays s'est apparemment trompée dans ce qu'elle a relaté du Prophète à propos de ce que celui-ci lui a dit quand elle a été divorcée : "عن أبي إسحاق، قال: كنت مع الأسود بن يزيد جالسا في المسجد الأعظم، ومعنا الشعبي. فحدث الشعبي بحديث فاطمة بنت قيس: "أن رسول الله صلى الله عليه وسلم، لم يجعل لها سكنى ولا نفقة" ثم أخذ الأسود كفا من حصى، فحصبه به، فقال: "ويلك تحدث بمثل هذا! قال عمر: "لا نترك كتاب الله وسنة نبينا صلى الله عليه وسلم لقول امرأة لا ندري لعلها حفظت أو نسيت! لها السكنى والنفقة! قال الله عز وجل: {لا تخرجوهن من بيوتهن ولا يخرجن إلا أن يأتين بفاحشة مبينة}" (Muslim, 1480). Fâtima bint Qayss aussi est une femme Compagnon.
Al-Bukhârî lui-même a remis en cause l'authenticité de propos attribués au Prophète et pourtant dûment apportés par une chaîne composée de transmetteurs tout à fait fiables : nous en avons cité quelques-uns dans notre article : Chaque hadîth rapporté par al-Bukhârî et Muslim est-il assahh ?
Et Ibn Taymiyya a fait la critique de cette relation : "عن عائشة أنها اعتمرت مع النبي صلى الله عليه وسلم من المدينة إلى مكة، حتى إذا قدمت مكة، قالت: "يا رسول الله بأبي أنت وأمي، قصرت وأتممت، وصمت وأفطرت!؟" قال: "أحسنت يا عائشة". Bien que certains spécialistes de hadîths soient d'avis que la chaîne de ce hadîth est correcte, Ibn Taymiyya en dit : "هذا الحديث كذب على عائشة" (Zâd ul-ma'âd, 1/472).
Il apparaît donc bien que (contrairement à ce que dit Ibn Hazm) le seul fait que la chaîne de transmission d'un hadîth soit composée de personnes entièrement fiables, cela ne confère pas systématiquement à ce qui est rapporté en tant que hadîth le statut : "établi de façon certaine".
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Ibn us-Salâh a exprimé cette réalité ainsi :
"الصحيح يتنوع إلى متفق عليه، ومختلف فيه، كما سبق ذكره" : "Ce qui est qualifié d'"authentique" se subdivise en : "dont l'authenticité fait l'unanimité" et "ce dont l'authenticité fait l'objet d'avis divergents", comme cela a déjà été dit" (Al-Muqaddima, p. 13).
En effet, il venait de dire ce qui suit : "وقد يختلفون في صحة بعض الأحاديث لاختلافهم في وجود هذه الأوصاف فيه، أو لاختلافهم في اشتراط بعض هذه الأوصاف، كما في المرسل" : "(Les spécialistes) divergent parfois quant à l'authenticité de certains hadîths, à cause de leur divergence quant à la présence de ces qualités en lui, ou à cause de leur divergence quant à la nécessité de certaines de ces qualités, comme c'est le cas pour le hadîth mursal" (Ibid.).
Il écrit encore qu'il existe différents niveaux dans l'authenticité : "ثم إن درجات الصحيح تتفاوت في القوة، بحسب تمكن الحديث من الصفات المذكورة التي تنبني الصحة عليها. وتنقسم باعتبار ذلك إلى أقسام يستعصي إحصاؤها على العاد الحاصر. ولهذا نرى الإمساك عن الحكم لإسناد أو حديث بأنه الأصح على الإطلاق. على أن جماعة من أئمة الحديث خاضوا غمرة ذلك، فاضطربت أقوالهم. فروينا عن إسحاق بن راهويه أنه قال: "أصح الأسانيد كلها: الزهري عن سالم عن أبيه" (Al-Muqaddima, p. 13).
Il écrit encore que quand on dit qu'un hadîth est sahîh, cela n'implique pas (sauf selon lui dans le cas des hadîths rapportés par al-Bukhârî et Muslim) qu'on soit certain que le Prophète (sur lui soit la paix) a dit ou fait cela.
De même, quand on dit qu'un hadîth est dha'îf, cela n'implique pas (sauf si les spécialistes sont unanimes à dire que ce hadîth n'a aucun fondement) qu'il soit faux. Cela signifie seulement qu'il ne remplit pas les conditions exigées pour qu'on puisse dire : "Le Prophète, sur lui soit la paix, a dit ou fait ainsi".
Il dit : "ومتى قالوا: " هذا حديث صحيح " فمعناه: أنه اتصل سنده مع سائر الأوصاف المذكورة، وليس من شرطه أن يكون مقطوعا به في نفس الأمر، إذ منه ما ينفرد بروايته عدل واحد، وليس من الأخبار التي أجمعت الأمة على تلقيها بالقبول.
وكذلك إذا قالوا في حديث: "إنه غير صحيح" فليس ذلك قطعا بأنه كذب في نفس الأمر، إذ قد يكون صدقا في نفس الأمر، وإنما المراد به أنه لم يصح إسناده على الشرط المذكور، والله أعلم" (Ibid.).
Voir également Tad'rîb ur-râwî, as-Suyûtî, p. 55.
C'est bien pourquoi certains mujtahidûn sont d'avis que le hadîth dha'îf sert de fondement à une norme, à condition :
--- que son dhu'f ne soit pas très fort,
--- qu'il n'existe aucun autre texte sur le sujet,
--- et que rien [ni hadîth authentique, ni principe général] ne contredise le contenu de ce hadîth dha'îf (voir Al-Ajwibat ul-fâdhila, p. 50, p. 46).
On pourrait résumer ceci en disant qu'un tel hadîth dha'îf est zanniy uth-thubût zannan dha'îfan, juste un peu au-dessus du degré de shakk.
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– L'avis de Ibn Taymiyya :
Ibn Taymiyya écrit ce qui suit...
--- 1) C'est lorsqu'il y a des indices l'encadrant (al-ihtifâf bi-l-qarâ'ïn) que le hadîth sahîh est établi de façon certaine (qat'iyy uth-thubût) du Prophète (sur lui soit la paix).
Ces indices sont, selon Ibn Taymiyya :
------ 1.1) soit le tawâtur [dont nous avons déjà parlé en début d'article et sur quoi nous n'allons pas revenir ici] ;
------ 1.2) soit le fait que les ulémas de la Umma aient fait talaqqî bi-l-qabûl (aient accueilli avec acceptation) ce hadîth. Et c'est le cas de la majorité des hadîths qui ont été rapportés par al-Bukhârî ou par Muslim dans leur Sahîh respectif (même ceux d'entre eux qui ne sont pas mutawâtir) : les ulémas de la Umma ont accueilli la majorité de ces deux sommes de hadîths avec acceptation (à part quelques hadîths parmi eux, que certains grands spécialistes ont discuté) (MF 18/17).
--- 2) Et qu'en est-il des hadîths rapportés seulement par Abû Dâoûd, ou seulement par at-Tirmidhî, ou seulement par an-Nassâ'ï, ou seulement par Ibn Mâja, ou seulement par Ahmad ibn Hanbal dans son Musnad, et à propos desquels les ulémas spécialistes du hadîths sont unanimes à dire qu'ils sont authentiques ?
Apparemment, dans ce cas de figure aussi, Ibn Taymiyya est d'avis que le hadîthu wâhidin est établi de façon certaine (qat'iyy uth-thubût) du Prophète (sur lui soit la paix) (MF 18/22).
La différence entre le cas précédent (1.2) et ce cas-ci (2) réside apparemment dans "la plus ou moins grande authenticité" (al-assahhiyya).
--- 3) Par contre, les hadîths qui font (entre les spécialistes) l'objet d'une divergence quant à leur authenticité, il s'agira, dit Ibn Taymiyya, pour le spécialiste de donner tarjîh à leur authenticité ou au contraire à leur non-authenticité (MF 18/22). Ce tarjîh entraîne que le statut "authentique" qui est ainsi attribué à ces autres hadîths reste en-deçà du niveau qat'iyy uth-thubût évoqué précédemment.
Car il ne faut pas oublier qu'il y a certaines chaînes qui font l'objet d'avis divergents entre les spécialistes. Et cette divergence est due à une divergence quant au statut de certains maillons des chaînes de transmission (fiable / faible), mais pas seulement.
Ibn Taymiyya a d'abord énoncé le titre général : "السبب الثالث: اعتقاد ضعف الحديث باجتهاد قد خالفه فيه غيره". Sous ce titre, il a énuméré plusieurs facteurs...
----- D'abord il a cité la divergence quant au statut de certains maillons des chaînes de transmission : "منها: أن يكون المحدث بالحديث يعتقده أحدهما ضعيفا؛ ويعتقده الآخر ثقة. ومعرفة الرجال علم واسع. ثم قد يكون المصيب من يعتقد ضعفه، لاطلاعه على سبب جارح؛ وقد يكون الصواب مع الآخر، لمعرفته أن ذلك السبب غير جارح، إما لأن جنسه غير جارح، أو لأنه كان له فيه عذر يمنع الجرح. وهذا باب واسع! وللعلماء بالرجال وأحوالهم في ذلك من الإجماع والاختلاف مثل ما لغيرهم من سائر أهل العلم في علومهم". At-Tirmidhî avait déjà évoqué cette réalité : "وقد اختلف الأئمة من أهل العلم في تضعيف الرجال، كما اختلفوا في سوى ذلك من العلم", avant de donner quelques exemples (Kitâb ul-'Ilal).
----- Mais Ibn Taymiyya a également cité : "ومنها: ألا يعتقد أن المحدث سمع الحديث ممن حدث عنه؛ وغيره يعتقد أنه سمعه، لأسباب توجب ذلك معروفة".
----- Et aussi : "ومنها: أن يكون للمحدث حالان: حال استقامة، وحال اضطراب (مثل أن يختلط أو تحترق كتبه)؛ فما حدث به في حال الاستقامة صحيح، وما حدث به في حال الاضطراب ضعيف؛ فلا يُدرَي ذلك الحديث من أي النوعين؛ وقد علم غيره أنه مما حدث به في حال الاستقامة".
----- Et encore : "ومنها: أن يكون المحدث قد نسي ذلك الحديث فلم يذكره فيما بعد أو أنكر أن يكون حدثه، معتقدا أن هذا علة توجب ترك الحديث؛ ويرى غيره أن هذا مما يصح الاستدلال به. والمسألة معروفة" (Raf' ul-malâm 'an il-aïmmat il-'alâm : MF 20/240-242).
Parmi ces hadîths à propos desquels les spécialistes ont divergé quant à leur authenticité, il en est certains à propos desquels déterminer qui d'entre eux a raison et qui s'est trompé est possible à un niveau qat'î, mais il en est d'autres au sujet desquels déterminer cela reste zannî. Il suffit de se souvenir qu'il existe un certain nombre de hadîths à propos desquels al-Albânî lui-même a dit dans l'un de ses ouvrages qu'ils sont sahîh, mais dans un autre ouvrage qu'ils sont dha'îf... Voir At-Tanbîhât al-malîha 'alâ mâ tarâja'a 'anhu-l-'allâmat ul-muhaddith al-Albânî min al-ahâdith adh-dha'îfa aw is-sahîha.
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– L'avis de Ibn Hajar est multi-dimensionnel :
Chez lui, d'abord, il y a la distinction suivante :
--- il y a le hadîth qui est rapporté par une chaîne de transmission composée de transmetteurs fiables ;
--- et puis il y a le hadîth qui, en sus d'être rapporté par une chaîne de transmission composée de maillons correctes, est entouré d'indices forts (muhtaff qi-l-qarâ'ïn).
--- A) Il y a donc le hadîth qui, en sus d'être rapporté par une chaîne de transmission composée de maillons correctes, est entouré d'un ou plusieurs indices le renforçant (muhtaff qi-l-qarâ'ïn).
Ibn Hajar distingue 3 indices, qarâ'ïn :
"ومحصل الأنواع الثلاثة التي ذكرناها أن:
الأول يختص: بالصحيحين.
والثاني: بما له طرق متعددة.
والثالث: بما رواه الأئمة"
----- le fait que al-Bukhârî et Muslim l'ont rapporté tous deux dans leur Sahîh (à condition que l'authenticité du hadîth n'a pas été remise en cause par d'autres grands spécialistes tels que ad-Dâraqutnî, et qu'il ne s'agit pas d'un hadîth dont le contenu contredit totalement celui d'un autre hadîth du même niveau, contradiction face à laquelle il n'y a pas eu tarjîh au niveau technique même (et pas par jam', conciliation entre les contenus de deux hadîths se contredisant): "إلا أن هذا يختص: بما لم ينتقده أحد من الحفاظ مما في الكتابين؛ وبما لم يقع التخالف بين مدلوليه مما وقع في الكتابين حيث لا ترجيح؛ لاستحالة أن يفيد المتناقضان العلم بصدقهما من غير ترجيح لأحدهما على الآخر. وما عدا ذلك فالإجماع حاصل على تسليم صحته") ;
----- le fait que ce hadîth dispose de plusieurs chaînes séparées et chacune authentique ;
----- le fait que ce sont uniquement des personnages d'un très très haut niveau qui figurent dans la chaîne de transmission de ce hadîth (Nuz'hat un-nazar, p. 33-35).
----- A.1) Le hadîth qui renferme ces 3 indices à la fois, "il n'est pas improbable de le qualifier de : "établi au niveau de certitude"" : "ويمكن اجتماع الثلاثة في حديث واحد؛ ولا يبعد حينئذ القطع بصدقه، والله أعلم" (Nuz'hat un-nazar, pp. 33-35).
----- A.2) Quant au hadîth qui renferme l'un de ces 3 indices, il est établi du Prophète de façon très fortement présumée (bi zannin aghlab) (يفيد العلم النظري) : "وقد يقع فيها (أي في أخبار الآحاد المنقسمة إلى: مشهور، وعزيز، وغريب) ما يفيد العلم النظري بالقرائن على المختار، خلافا لمن أبى ذلك. والخلاف في التحقيق لفظي، لأن من جوز إطلاق العلم قيده بكونه نظريا، وهو الحاصل عن الاستدلال، ومن أبى الإطلاق خص لفظ العلم بالمتواتر، وما عداه عنده ظني، لكنه لا ينفي أن ما احتف بالقرائن أرجح مما خلا عنها" (Nuz'hat un-nazar, p. 33).
------- Pourquoi ai-je fait correspondre ce "'ilm nazarî" au "zann aghlab", et pas au "yaqîn" ?
------- Je l'ai fait à cause de cet autre écrit de Ibn Hajar : "ثم بعد تقرير ذلك كله جميعا لم يقل ابن الصلاح ولا من تقدمه أن هذه الأشياء تفيد العلم القطعي كما يفيده الخبر المتواتر؛ لأن المتواتر يفيد العلم الضروري الذي لا يقبل التشكيك؛ وما عداه مما ذكر يفيد العلم النظري الذي يقبل التشكيك؛ ولهذا تخلفت إفادة العلم عن الأحاديث التي عللت في الصحيحين، والله أعلم.
وبعد تقرير هذا، فقول ابن الصلاح "والعلم اليقيني النظري حاصل به": لو اقتصر على قوله "العلم النظري"، لكان أليق بهذا المقام. أما "اليقيني"، فمعناه القطعي. فلذلك أنكر عليه من أنكر، لأن المقطوع به لا يمكن الترجيح بين آحاده، وإنما يقع الترجيح في مفهوماته. ونحن نجد علماء هذا الشأن قديما وحديثا يرجحون بعض أحاديث الكتابين على بعض، بوجوه من الترجيحات النقلية. فلو كان الجميع مقطوعا به، ما بقي للترجيح مسلك. وقد سلم ابن الصلاح هذا القدر فيما مضى، لمّا رجّح بين صحيحي البخاري ومسلم. فالصواب الاقتصار في هذه المواضع على أنه "يفيد العلم النظري" كما قررناه، والله أعلم" (An-Nukat, 1/378-379).
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--- B) Et puis il y a le hadîth qui est rapporté par une chaîne de transmission composée de transmetteurs fiables, mais qui ne renferme aucun des 3 indices susmentionnés.
Le hadîth qui est ainsi est établi du Prophète de façon fortement présumée (bi zannin ghâlib) :
"لكن إنما وجب العمل بالمقبول منها لأنها: إما أن يوجد فيها أصل صفة القبول، وهو ثبوت صدق الناقل. أو أصل صفة الرد، وهو ثبوت كذب الناقل. أو لا.
فالأول: يغلب على الظن صدق الخبر، لثبوت صدق ناقله؛ فيؤخذ به. والثاني: يغلب على الظن كذب الخبر، لثبوت كذب ناقله؛ فيطرح. والثالث: إن وجدت قرينة تلحقه بأحد القسمين التحق؛ وإلا فيتوقف" (Nuz'hat un-nazar, p. 32).
------ Par exemple le hadîth est rapporté par al-Bukhârî seulement, et pas par Muslim aussi, alors même qu'il ne bénéficie pas de l'un des 2 autres indices.
------ Ou bien il est rapporté par at-Tirmidhî et ne bénéficie pas de l'un des 2 autres indices.
Ensuite le premier de ces 2 hadîths est établi à niveau présumé que le second.
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Certes, Ibn Hajar est d'avis que le hadîthu wâhidin qui ne présente aucun des 3 indices susmentionnés est établi au zann qui n'est pas aghlab. Cependant...
Cependant, Ibn Hajar en déduit malgré tout des croyances de type "Qualifications de Dieu" (Sifât ullâh), même si cette croyance ne se retrouve pas formulée telle quelle dans le Coran ou la Sunna mash'hûra.
Ainsi l'a-t-il fait à propos de "Sawt ullâh" ("Dieu a une Voix") : le hadîth qui parle de cela ("عن عبد الله بن أنيس قال: سمعت النبي صلى الله عليه وسلم يقول: "يحشر الله العباد، فيناديهم بصوت يسمعه من بعد كما يسمعه من قرب: أنا الملك، أنا الديان"), al-Bukhârî l'a rapporté dans son Khalqu af'âl il-'ibâd (n° 364), et l'a cité ta'lîqan dans son Sahîh (Kitâb ut-tawhîd). Ibn Hajar l'a authentifié, ayant exprimé un désaccord avec ce que al-Bayhaqî a écrit sur le sujet : "وإذا ثبت ذكر الصوت بهذه الأحاديث الصحيحة، وجب الإيمان به؛ ثم إما التفويض وإما التأويل؛ وبالله التوفيق" (FB 13/559).
Que Ibn Hajar propose ici le tafwîdh ou le ta'wîl, cela est dû au fait qu'il est Acharite.
Cependant on le voit ne pas délaisser le lafz de cette Sifa au prétexte qu'elle ne figure que dans un hadîthu wâhidin, et on ne le voit pas dire (comme l'ont fait d'autres) que, vu que cette Sifa ne figure que dans un hadîthu wâhidin, il est nécessaire d'en faire la ta'wîl (comme le disent d'autres). Non. Pour sa part, Ibn Hajar opte pour le ithbât ul-lafz, avec le choix entre le tafwîdhu ma'na-l-lafz et le ta'wîl ul-lafz ilâ ma'nan majâziyy.
Cela alors même que ce ne sont pas tous les hadîths cités ta'lîqan dans le Sahîh de al-Bukhârî qui sont du même niveau d'authenticité que les hadîths rapportés isnâdan dans ce Sahîh (cf. Had'y us-sârî, pp. 21-22). Et que Ibn Hajar lui-même avait, dans un premier temps, émis des doutes quant au caractère établi de la partie de ce hadîth contenant le terme "sawt" au sujet de Dieu (FB 1/229).
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Ceci entraîne qu'entre l'avis de Ibn Hajar et celui de Ibn Taymiyya, la divergence est dans la formulation seulement (ikhtilâf lafzî) :
--- dire que cela est qat'î mais n'atteint pas le même niveau qat'î qu'un verset coranique (comme l'a fait Ibn Taymiyya),
--- ou dire que cela est zannî mais refuser qu'on rejette ce hadîth, et en déduire aussi bien les règles (ahkâm) que les croyances (comme l'a fait Ibn Hajar) :
------- voilà qui n'est pas très différent.
Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).