Dans nos textes de référence, parfois on lit "Ceci est sunna !" alors que ce n'est pas quelque chose qui a été institué par le Prophète (que Dieu le bénisse et le salue). Ainsi, faire le khatm ul-qur'ân pendant la salât ut-tarâwîh est une sunna, disent des juristes, alors que le Prophète (paix soit sur lui) ne l'a pas fait.
D'autre fois on lit "Ceci n'est pas une sunna" alors que cela a bel et bien été pratiqué par le Prophète au cours de sa vie. C'est ce que Ibn Abbâs a dit du fait d'être à dos de chameau pour accomplir le trajet entre Safa et Marwa : le Prophète (sur lui soit la paix) a bien fait ainsi, mais ce n'est pas une sunna, dit-il (voir plus bas).
Enfin, parfois on lit que "sunna" signifie : "ce qui est seulement recommandé et n'est pas obligatoire", ce qui a amené certains frères et soeurs à croire que ce qui est établi du Prophète ne peut jamais être obligatoire, mais toujours recommandé.
Le musulman lambda a en effet du mal à s'y retrouver, et s'emmêle les pinceaux et confond tel sens de "sunna" avec tel autre, attribuant à celui-ci les caractéristiques propres à celui-là.
En fait le terme "sunna" a, dans nos textes de référence, plusieurs sens... Et il est impératif de découvrir cette pluralité de sens.
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Tout ce que l'on trouve relaté que le Prophète (sur lui soit la paix) l'a fait ou a dit à quelqu'un de le faire, cela peut être classifié dans l'une des catégories suivantes :
– Cela constitue la règle (hukm ta'abbudî) normale, et est donc à pratiquer dès lors que la cause (sabab) est présente : soit de façon obligatoire (comme le fait de garder la barbe) / soit de façon recommandée (comme le fait de s'assoir pour boire une boisson).
– Cela constitue la règle (hukm ta'abbudî) circonstancielle ('âridhî), soit différente de ce qu'il est obligatoire de faire en temps normal (par exemple : accomplir la salât assis quand on est très affaibli ; boire de l'urine de chamelle quand on a telle maladie) / soit différente de ce qu'il est recommandé de faire en temps normal (par exemple : rester debout pour uriner).
– Cela constitue une façon de faire possible (mubâh) : ce que le Prophète a fait par goût personnel (aimer tel mets) / par coutume arabe (s'habiller d'un pagne (izâr), porter le turban ('imâma)).
– Cela constitue quelque chose que le Prophète avait de façon innée, et cela n'est nullement requis (avoir les cheveux noirs et légèrement ondulés).
– Cela constitue une façon de faire, par rapport à laquelle il est nécessaire de tenir compte de la différence d'usage (se marier avec une demoiselle de 9 ans).
– Cela constitue une particularité du Prophète (khussûssiyya), contredisant la règle applicable pour les autres musulmans, et ne doit donc pas être pratiquée, en aucune circonstance (avoir 9 épouses en même temps).
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La preuve que plusieurs sens existent du terme "sunna" se trouve dans deux paroles : l'une est de Ibn Abbâs, l'autre de Aïcha (que Dieu les agrée) :
– "عن أبي الطفيل، قال: قلت لابن عباس: (...) "يزعم قومك أن رسول الله صلى الله عليه وسلم طاف بين الصفا والمروة على بعيره، وأن ذلك سنة." فقال: "صدقوا وكذبوا!" قلت: "ما صدقوا وما كذبوا؟" قال: "صدقوا: قد طاف رسول الله صلى الله عليه وسلم بين الصفا والمروة على بعيره. وكذبوا: ليس بسنة؛ كان الناس لا يدفعون عن رسول الله صلى الله عليه وسلم ولا يصرفون عنه، فطاف على بعير ليسمعوا كلامه وليروا مكانه ولا تناله أيديهم" (Abû Dâoûd, 1885). "إن رسول الله صلى الله عليه وسلم كثر عليه الناس، يقولون: "هذا محمد، هذا محمد!" حتى خرج العواتق من البيوت قال: وكان رسول الله صلى الله عليه وسلم لا يضرب الناس بين يديه، فلما كثر عليه، ركب. والمشي والسعي أفضل" (Muslim, 1264).
Au sujet du fait que le Prophète (sur lui soit la paix) était à dos de chameau lors du cheminement entre les monticules Safâ et Marwah, pendant le pèlerinage à La Mecque, Abu-t-Tufayl vint trouver Ibn Abbâs et lui dit :
"Les gens prétendent que le Prophète (que Dieu le bénisse et le salue) a cheminé entre les monticules Safâ et Marwa à dos de chameau, et que (faire ainsi) est sunna.
– Ils ont dit vrai et ils ont dit faux, répondit Ibn Abbâs.
– Qu'ont-ils dit vrai, qu'ont-il dit faux ?
– Ils ont dit vrai : le Prophète était effectivement à dos de chameau lorsqu'il chemina entre les monticules Safâ et Marwa. Ils ont dit faux : cela n'est pas sunna : les gens n'étaient pas repoussés de devant le Prophète, et ils ne s'écartaient pas de devant lui. Il a donc cheminé sur un chameau afin qu'ils entendent ses propos, voient ce qu'il fait, et ne puissent pas le bousculer. (Mais) marcher et courir, cela est mieux" (Abû Dâoûd, 1885, Muslim, 1264).
Vu que le Prophète (sur lui soit la paix) était à dos de chameau lors de son cheminement entre Safâ et Marwa, être ainsi fait donc bien partie de la sunna, mais au sens A du terme.
Quand il disait : "cela n'est pas sunna", Ibn Abbâs faisait la négation du terme "sunna" en son sens B.2 : il voulait dire qu'il ne s'agit pas de quelque chose qui est en soi requis du musulman, "مأمور به", car c'était seulement par maslaha, li 'âridh, que le Prophète avait fait ainsi. Jâbir a relaté lui aussi que c'est li 'âridh que le Prophète a fait ainsi : "عن جابر بن عبد الله، قال: "طاف النبي صلى الله عليه وسلم في حجة الوداع على راحلته بالبيت، وبالصفا والمروة، ليراه الناس، وليشرف وليسألوه، فإن الناس غشوه" (Muslim, 1273/255).
Il est à noter que, même d'après l'école shafi'ite, faire un tawâf wâjib ou un sa'y wâjib en étant sur une monture, cela est certes systématiquement autorisé, mais, pour qui n'a pas d'excuse, le faire à pied demeure toujours mieux. Quant à l'école hanafite, elle dit que faire un tawâf wâjib ou un sa'y wâjib en étant sur une monture, cela n'est autorisé que si on a une excuse pour ne pas le faire à pied ; car si on l'a fait sur une monture sans motif valable, on devra s'acquitter d'un dam.
– "عن عائشة، قالت: نزول الأبطح ليس بسنة؛ إنما نزله رسول الله صلى الله عليه وسلم لأنه كان أسمح لخروجه إذا خرج" :
Aïcha (que Dieu l'agrée) a dit : "Aller à al-Abtah n'est pas sunna. Le Messager de Dieu n'y est allé que parce que cela lui permettait de partir plus facilement" (Muslim 1311).
Ici encore, aller à al-Abtah lors du pèlerinage est bien une sunna au sens A du terme, puisque le Prophète (sur lui soit la paix) a fait ainsi.
Quand elle disait : "cela n'est pas sunna", Aïcha faisait la négation du terme "sunna" en son sens B.2 : elle exprimait ici qu'elle pensait qu'il ne s'agit pas de quelque chose qui est en soi requis du musulman, "مأمور به", car c'était seulement par maslaha, que le Prophète s'était installé ici.
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Ash-Shâtibî expose l'existence d'une pluralité de sens au terme "sunna" ainsi :
"المسألة الأولى:
يطلق لفظ "السنة" على ما جاء منقولا عن النبي صلى الله عليه وسلم على الخصوص، مما لم ينص عليه في الكتاب العزيز، بل إنما نص عليه من جهته عليه الصلاة والسلام، كان بيانا لما في الكتاب، أو لا.
ويطلق أيضا في مقابلة البدعة؛ فيقال: "فلان على سنة" إذا عمل على وفق ما عمل عليه النبي صلى الله عليه وسلم، كان ذلك مما نص عليه في الكتاب، أو لا؛ ويقال: "فلان على بدعة" إذا عمل على خلاف ذلك.
وكأن هذا الإطلاق إنما اعتبر فيه عمل صاحب الشريعة؛ فأطلق عليه لفظ السنة من تلك الجهة، وإن كان العمل بمقتضى الكتاب.
ويطلق أيضا لفظ السنة على ما عمل عليه الصحابة، وُجِدَ ذلك في الكتاب أو السنة، أو لم يوجد؛ لكونه: اتباعًا لسنة ثبتت عندهم لم تنقل إلينا، أو اجتهادًا مجتمعًا عليه منهم أو من خلفائهم. فإن إجماعهم إجماع، وعمل خلفائهم راجع أيضا إلى حقيقة الإجماع، من جهة حمل الناس عليه حسبما اقتضاه النظر المصلحي عندهم. فيدخل تحت هذا الإطلاق المصالح المرسلة والاستحسان، كما فعلوا في حد الخمر، وتضمين الصناع،وجمع المصحف، وحمل الناس على القراءة بحرف واحد من الحروف السبعة، وتدوين الدواوين، وما أشبه ذلك.
ويدل على هذا الإطلاق قوله عليه الصلاة والسلام: "عليكم بسنتي وسنة الخلفاء الراشدين المهديين".
وإذا جمع ما تقدم، تحصل منه في الإطلاق أربعة أوجه: قوله عليه الصلاة والسلام وفعله، وإقراره؛ وكل ذلك: إما متلقى بالوحي، أو بالاجتهاد (بناء على صحة الاجتهاد في حقه). وهذه ثلاثة.
والرابع ما جاء عن الصحابة أو الخلفاء؛ وهو وإن كان ينقسم إلى القول والفعل والإقرار، ولكن عُدَّ وجهًا واحدًا إذ لم يتفصل الأمر فيما جاء عن الصحابة تفصيلَ ما جاء عن النبي صلى الله عليه وسلم"
(Al-Muwâfaqât, 2/389-392).
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Exposé synthétique de 5 sens du terme "sunna" :
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Littéralement, le terme "sunna" signifie : "voie".
Ensuite, dans les textes islamiques, le terme "sunna" possède 2 sens principaux :
– Sens A) Le terme "Sunna" désigne : "la Sunna du Prophète (que Dieu le bénisse et le salue)" : "السُنَّة هي: ما قاله النبي صلى الله عليه وسلّم أو فَعَله أو قرّره، أو كيف كان").
– Sens B) Le terme "Sunna" désigne : "un statut particulier, qui s'applique à par exemple telle action, que cette action ait été faite par le Prophète, ou pas" : "السُنَّة هي: حُكْمٌ شرعيّ").
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Chacun de ces 2 sens englobe ensuite quelques sens dérivés. Ce qui nous donne en tout 5 sens :
Cliquez sur l'image pour l'agrandir :
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Voici ces 5 sens, tels qu'exposés dans ce schéma :
– Sens A) Le terme "Sunna" désigne : "la Sunna du Prophète (que Dieu le bénisse et le salue)" : "السُنَّة هي: ما قاله النبي صلى الله عليه وسلّم أو فَعَله أو قرّره، أو كيف كان" :
--- Sens A.1) "Sunna" = "tout ce que le Prophète a fait, ce qu'il a dit, ce qu'il a approuvé, la qualité qu'il avait, le physique qu'il avait" (à l'exclusion de ce qui figure dans le Coran) ;
--- Sens A.2) "Sunna" = "ce que, en tant que loi pour le musulman, ou par maslaha, ou en tant que pure coutume ('âdah), le Prophète a dit, fait et approuvé" (à l'exclusion de ce qui figure dans le Coran, à l'exclusion, aussi, de ce que le Prophète a dûment fait mais qui relève de ses particularités, et qu'il est donc interdit de faire ; ou qui relève de ses particularités physiques génétiques, qu'il n'est nullement requis de chercher à avoir ; etc.).
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– Sens B) Le terme "Sunna" désigne : "un statut particulier, qui s'applique à par exemple telle action, que cette action ait été faite par le Prophète, ou pas" : "السُنَّة هي: حُكْمٌ شرعيّ" :
--- Sens B.1) "Sunna" = "institué" ("ما هو مشروع") (par opposition à ce qui est une "innovation", "بدعة") ;
--- Sens B.2) "Sunna" = "requis, que ce soit au niveau "recommandé" ou bien au niveau "obligatoire"" ("ما هو مأمور به، بدرجة الاستحباب أو بدرجة الوجوب") : il s'agit donc de ce qui est ta'abbudî (par opposition à ce qui est institué, "مشروع", mais n'est pas en soi recommandé, mais est : "purement autorisé", "مُباح", ou : "demeurant autorisé, quoique en soi légèrement déconseillé", "جائز", ou : "à ne faire que si une raison particulière est présente, "لمصلحة", sinon cela est fortement déconseillé") ;
--- Sens B.3) "Sunna" = "seulement recommandé" ("ما هو مُستحَبّ فقط") (par opposition à ce qui est obligatoire) (le terme "Sunna", avec ce sens, n'est présent que dans des ouvrages de Fiqh).
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Ci-après les preuves de l'existence de chacun de ces 5 sens...
– Sens A) Ci-après des Textes où le terme "Sunna" a été employé pour désigner : "la Sunna du Prophète (que Dieu le bénisse et le salue)" : "السُنَّة هي: ما قاله النبي صلى الله عليه وسلّم أو فَعَله أو قرّره، أو كيف كان" :
--- Sens A.1) Le terme "Sunna" employé pour désigner : "ce que le Prophète a fait, ce qu'il a dit, ce qu'il a approuvé, la qualité qu'il avait, le physique qu'il avait". Le terme "Sunna" désigne alors : "ce qui figure dans les Hadîths" (à l'exclusion de ce qui figure dans le Coran) :
Le terme "sunna" en ce sens A.1 désigne donc : "ما أثر عن النبي، صلى الله عليه وسلّم، من قول أو فعل أو تقرير أو صفة خلقية أو خلقية، سواء كان قبل البعثة أو يعدها" : "Ce qui est rapporté du Prophète (que Dieu le bénisse et le salue) comme parole, acte, approbation, description physique ou qualité ; et que cela soit avant la mission ou pendant".
Si on emploie le terme "sunna" dans ce sens très général A.1, alors :
- "sunna du Prophète" et "hadîth" sont synonymes (ou presque : en fait "la sunna" est "l'ensemble des hadîths").
On dit ainsi "كُتُبَ السُّنّة" pour désigner : "les recueils des Hadîths du Prophète (que la paix soit sur lui)".
Les différentes articulations existant entre ce qui figure dans le Coran et ce qui figure dans les Hadîths ont été mentionnées dans nos deux articles :
– Pourquoi se référer non seulement au Coran mais aussi aux Hadîths ?
– Les 4 principales missions du prophète Muhammad (صلى الله عليه وسلّم).
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--- Sens A.2) Le terme "Sunna" employé pour désigner : "ce dont il est établi que le Prophète l'a dit, fait et approuvé, mais en tant que loi pour le musulman, ou par maslaha, ou en tant que pure coutume ('âdah)" (à l'exclusion de comment il était physiquement, "صفاته الخَلْقية", et de ce qu'il a fait qui lui est spécifique, "خصوصياته", et de ce qu'il a dûment fait mais qu'il a ensuite à l'unanimité abrogé, "ما نسخه نسخًا باتًّا") :
Le terme "sunna" désigne alors : "ما أثر عن النبي صلى الله عليه وسلّم على وجه التشريع، أو على وجه المصلحة، أو على وجه العادة، من قول أو فعل أو تقرير أو صفة خُلُقية، من مبدأ بعثته إلى وفاته" : "Ce qui est rapporté du Prophète (que Dieu le bénisse et le salue) en tant que source de loi, ou par maslaha, ou en tant que pure coutume ('âdah) : parole, acte, approbation ou qualité morale, et ce depuis le début de sa mission jusqu'à son décès".
Si on emploie le terme "sunna" avec ce sens un peu plus particulier A.2, alors :
- une "sunna du Prophète" est toujours un "hadîth du Prophète",
- par contre, ce n'est pas tout "hadîth du Prophète" qui communique forcément une "sunna du Prophète", puisque chaque hadîth ne communique pas forcément quelque chose qu'il est institué pour le musulman de chercher à faire ("ce qui est institué pour lui" renvoyant au sens B.1 du terme "sunna", comme nous le verrons plus bas).
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Ainsi, le Prophète (sur lui soit la paix) avait les cheveux noirs et ondulés, le teint clair et "rosâtre" (أحمر), était de taille moyenne : cela figure dans les Hadîths, et cela relève de la Sunna au sens A.1 du terme, mais cela ne constitue pas de la Sunna au sens A.2 du terme (puisque cela ne relève pas du tashrî', du ta'abbud, car relevant de l'inné physique du Prophète).
Ainsi encore, le Prophète (paix soit sur lui) a eu en même temps 9 épouses : cela figure dans le Hadîth, et cela relève de la Sunna au sens A.1 du terme, mais cela ne constitue pas de la Sunna au sens A.2 du terme (car étant l'une des spécificités du Prophète).
De même, le Prophète (sur lui soit la paix) a dûment porté une bague en or un certain laps de temps, puis, sur indication de l'ange Gabriel, a abrogé l'autorisation d'en porter. Pour un homme, porter une bague en or, cela ne relève donc pas de la Sunna au sens A.2 du terme (car ayant été abrogé), bien que cela figure dans les ouvrages de Sunna (au sens A.1 du terme).
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On peut également citer ici le cas du hadîth qui relate ce que le Prophète (sur lui soit la paix) a fait à cause d'une circonstance particulière (لعارض), alors même que l'autre hadîth relate ce qu'il a institué comme règle normale (الحكم العامّ).
En pareil cas, pratiquer le premier hadîth est "sunna" au sens de "requis" (B.2) seulement si la circonstance particulière est de nouveau présente dans le réel ; plus encore : si cette circonstance particulière n'est pas présente, cela cela n'est même pas "institué" - B.1 - : ainsi :
--- boire de l'urine de chamelle relève de la "sunna" au sens A.1 du terme dans la mesure où le Prophète avait dit aux gens de 'Urayna de le faire ;
--- cependant, tant qu'on ne souffre pas de cette maladie dont ceux-ci souffraient, en boire n'est pas autorisé, et n'est donc pas "sunna" au sens A.2 du terme ; par contre, pour tous ceux qui souffrent de cette maladie, cela est bel et bien "sunna" au sens B.1 et donc également au sens A.2 du terme (tout cela si on suit l'interprétation de Abû Yûssuf sur le sujet).
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– Sens B) Enfin, ci-après des écrits de Ulémas, où le terme "Sunna" a été employé pour désigner : "un statut particulier, s'appliquant ou pas à une action précise, que cette action ait été faite par le Prophète, ou pas (ayant été instituée par simple réflexion (qiyâs ut-tamthîl ou qiyâs ul-maslaha) menée par un Compagnon ou par des juristes postérieurs)" : "السُنَّة هي: حُكْمٌ شرعيّ" :
--- Sens B.1) Le terme "Sunna" employé pour signifier : "ce qui est institué" ("ما هو مشروع") ; (par opposition à ce qui constitue une "innovation, bid'a" : "يطلق في مقابلة البدعة") (le caractère "non-institué" englobe aussi ce que le Prophète avait dûment fait ou dit mais qu'il a explicitement abrogé ultérieurement, "ما نسخه") :
"Ce qui est ainsi institué, mashrû'" :
– parfois cela figure dans les propos, faits et approbations du Prophète (donc dans la "Sunna" au sens A du terme) ;
– mais d'autres fois cela figure dans le Coran lui-même, et pas seulement dans les propos, faits et approbations du Prophète ;
– d'autres fois encore, cela ne figure ni dans le Coran ni dans la Sunna du Prophète mais a seulement été établi par réflexion (qiyâs ut-tamthîl ou qiyâs ul-maslaha) faite par des Compagnons du Prophète, après le décès de ce dernier.
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– A propos d'une sanction, 'Alî (que Dieu l'agrée) a dit ceci : "عن عمير بن سعيد، عن علي قال: "ما كنت أقيم على أحد حدا فيموت فيه فأجد منه في نفسي؛ إلا صاحب الخمر، لأنه إن مات وديته، لأن رسول الله صلى الله عليه وسلم لم يَسُنّه" : ici il dit que "le Prophète ne l'a pas sunna" (al-Bukhârî 6396, Muslim 1707). Il est probable que Alî parle ici du nombre "80" : il voulait dire que le Prophète n'a pas institué ce nombre 80 (le Prophète avait seulement appliqué 40).
Or, toujours sur le même sujet, 'Alî a dit aussi : "عن حضين بن المنذر أبي ساسان قال: شهدت عثمان بن عفان وأتي بالوليد قد صلى الصبح ركعتين، ثم قال: "أزيدكم؟" فشهد عليه رجلان أحدهما حمران أنه شرب الخمر، وشهد آخر أنه رآه يتقيأ، فقال عثمان: "إنه لم يتقيأ حتى شربها!" فقال: "يا عليّ، قم فاجلده." فقال عليٌّ: "قم يا حسن، فاجلده." فقال الحسن: "ولّ حارها من تولى قارها!" فكأنه وجد عليه، فقال: "يا عبد الله بن جعفر، قم فاجلده." فجلده وعليٌّ يعدّ. حتى بلغ أربعين، فقال: "أمسك!" ثم قال: "جلد النبي صلى الله عليه وسلم أربعين، وجلد أبو بكر أربعين، وعمر ثمانين، وكل سنة؛ وهذا أحبّ إليّ" : "Le Prophète (que Dieu le bénisse et le salue) a appliqué 40, Abû Bakr a appliqué 40, Omar a appliqué 80 : tout cela est sunna. (Mais) ceci (40) m'est préférable" (Muslim, 1707).
Si, au sujet de la même chose ("80"), là-bas Alî a dit : "إن رسول الله صلى الله عليه وسلم لم يَسُنّه" ("le Prophète ne l'a 'pas sunna'"), alors que ici il a dit : "وكل سُنّة" ("Tout cela est sunna"), cela s'explique par le fait que :
--- quand là-bas il dit que "le Prophète ne l'a 'pas sunna'", c'est en employant le terme "sunna" en son sens A : ce n'est pas le Prophète (sur lui soit la paix) qui a institué le nombre 80 et ce n'est donc "pas une sunna du Prophète" ;
--- tandis que lorsque ici il affirme que "tout cela est sunna", il voulait alors dire : "cela est mashrû', institué" (il a alors employé le terme "sunna" en son sens B.1) : cela est mashrû' (et donc pas bid'a) dans la mesure où c'est Omar ibn ul-Khattâb (que Dieu l'agrée) qui a institué ce nombre, et ce après consultation des Compagnons (al-Bukhârî, 6397) : il retint la proposition de 'Abd ur-Rahmân ibn 'Awf (Muslim, 1706) et de 'Alî lui-même (Abû Dâoûd, 4489).
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– "عن العرباض بن سارية قال: قام فينا رسول الله صلى الله عليه وسلم ذات يوم، فوعظنا موعظة بليغة وجلت منها القلوب، وذرفت منها العيون، فقيل: "يا رسول الله، وعظتنا موعظة مودع! فاعهد إلينا بعهد." فقال: "عليكم بتقوى الله، والسمع والطاعة وإن عبدا حبشيا. وسترون من بعدي اختلافا شديدا؛ فـعليكم بسُنّتي وسُنّة الخلفاء الراشدين المهديين، عضوا عليها بالنواجذ؛ وإياكم والأمور المحدثات، فإن كل بدعة ضلالة" :
Le Prophète (sur lui soit la paix) a dit :
"Adoptez la taqwâ de Dieu. Ainsi que "écouter et obéir" (au dirigeant), ce dernier fût-il un esclave abyssinien.
Et vous verrez après moi des divergences fortes : à ce moment-là :
- attachez-vous fermement, en y mordant, à ma Sunna et la Sunna des califes bien guidés après moi ;
- et préservez-vous des choses innovées (Muhdath), car toute innovation (Bid'a) est un égarement" (at-Tirmidhî, 2676, Ibn Mâja, 42, et c'est sa version qui a été reproduite ici).
Ici le Prophète a évoqué les divergences où :
- d'un côté il y a la croyance, la pratique cultuelle ou encore le hukm qui figure explicitement dans la Sunna du Prophète, ou qui, au moins, n'est pas contraire à la Sunna (la preuve de cela étant que les Compagnons, et surtout les Califes bien guidés, l'ont institué),
- alors que de l'autre côté il y a une croyance, une pratique cultuelle ou un hukm qui est une Bid'a.
Cela peut être remarqué par le fait que cet amr ta'abbudî (dans les croyances ou les actions) n'a pas été adopté par les Compagnons, et surtout par les califes bien guidés.
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– "أخبرنا يزيد، عن المسعودي عن عون بن عبد الله قال: "ما أحب أن أصحاب النبى صلى الله عليه وسلم لم يختلفوا، فإنهم لو اجتمعوا على شىء فتركه رجل، ترك السنة؛ ولو اختلفوا فأخذ رجل بقول أحد، أخذ بالسنة". 'Awn ibn 'Abdillâh a dit : "Je n'aimerais pas que les Compagnons du Prophète n'aient pas eu de divergences d'avis. Car s'ils ont été consensuels sur un avis et que quelqu'un délaisse celui-ci, il délaisse la Sunna. (Mais) s'ils ont eu des divergences et qu'un homme adhère à l'avis de l'un d'entre eux, il adhère à la Sunna" (ad-Dârimî, 653) (al-Mas'ûdî fait l'objet d'un débat quant à sa fiabilité)…
On voit ici que, pour les points qui ont fait l'objet d'avis divergents entre les Compagnons, le fait d'adhérer à l'avis de l'un des Compagnons, c'est adhérer à la Sunna, c'est-à-dire à "la voie instituée" : c'est le sens B.1.
Ceci n'est cependant vrai qu'à propos des points où la détermination de l'avis juste et de l'avis erroné peut être faite à un niveau zannî.
Car s'il y a eu divergence d'avis mais que l'avis d'un Compagnon (ou d'un autre Mujtahid) constitue une khata' ijtihâdî qat'î, là il est interdit de pratiquer cet avis.
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Ainsi, donner la sadaqat ul-fitr sous la forme de monnaie, est-ce "Sunna" ?
- au sens A : Non ;
- au sens B.1 : Oui, dans la mesure où de grands mujtahids ont déclaré cela comme "équivalent aux denrées alimentaires" : Est-ce contraire à la Sunna que de s'acquitter de la Zakât ul-fitr (ou Sadaqat ul-fitr) en donnant au pauvre non pas une mesure de l'une des denrées que le Prophète (صلى الله عليه وسلم) a mentionnées, mais la valeur de celle-ci en monnaie ?
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--- Sens B.2) Le terme "Sunna" employé pour signifier : "ce qui est requis : soit au niveau "recommandé", soit au niveau "obligatoire"" ("ما هو مأمور به، بدرجة الاستحباب أو بدرجة الوجوب") (par opposition à ce qui est "institué", "مشروع", mais est "purement autorisé", "مُباح", ou "demeurant autorisé", "جائز") (et donc à l'exclusion de ce que le Prophète a fait par pure coïncidence, "اتفاقًا", de ce qu'il a dit ou fait naturellement, "بمقتضى الجبلّة", ou par pure coutume, "عادةً", ou par maslaha, "لمصلحة", ou pour cause d'empêchement de faire autrement, "لعارض") :
– "عن أبي الطفيل، قال: قلت لابن عباس: (...) "يزعم قومك أن رسول الله صلى الله عليه وسلم طاف بين الصفا والمروة على بعيره، وأن ذلك سنة." فقال: "صدقوا وكذبوا!" قلت: "ما صدقوا وما كذبوا؟" قال: "صدقوا: قد طاف رسول الله صلى الله عليه وسلم بين الصفا والمروة على بعيره. وكذبوا: ليس بسنة؛ كان الناس لا يدفعون عن رسول الله صلى الله عليه وسلم ولا يصرفون عنه، فطاف على بعير ليسمعوا كلامه وليروا مكانه ولا تناله أيديهم" (Abû Dâoûd, 1885).
"إن رسول الله صلى الله عليه وسلم كثر عليه الناس، يقولون: "هذا محمد، هذا محمد!" حتى خرج العواتق من البيوت قال: وكان رسول الله صلى الله عليه وسلم لا يضرب الناس بين يديه، فلما كثر عليه، ركب. والمشي والسعي أفضل" (Muslim, 1264).
Au sujet du fait que le Prophète (sur lui soit la paix) était à dos de chameau lors du cheminement entre les monticules Safâ et Marwah, pendant le pèlerinage à La Mecque, Abu-t-Tufayl vint trouver Ibn Abbâs et lui dit :
"Les gens prétendent que le Prophète (que Dieu le bénisse et le salue) a cheminé entre les monticules Safâ et Marwa à dos de chameau, et que (faire ainsi) est sunna.
– Ils ont dit vrai et ils ont dit faux, répondit Ibn Abbâs.
– Qu'ont-ils dit vrai, qu'ont-ils dit faux ?
– Ils ont dit vrai : le Prophète était effectivement à dos de chameau lorsqu'il chemina entre les monticules Safâ et Marwa. Ils ont dit faux : cela n'est pas sunna : les gens n'étaient pas repoussés de devant le Prophète, et ils ne s'écartaient pas de devant lui. Il a donc cheminé sur un chameau afin qu'ils entendent ses propos, voient ce qu'il fait, et ne puissent pas le bousculer. (Mais) marcher et courir, cela est mieux" (Abû Dâoûd, 1885, Muslim, 1264).
Voyez : en disant "Ils ont dit vrai", Ibn Abbâs employait le terme "sunna" en son sens sens A.1 : il voulait dire qu'il s'agit bien de quelque chose que le Prophète (sur lui soit la paix) a fait. (Cet acte du Prophète est même sunna au sens A.2 du terme, car c'est par maslaha que le Prophète a fait ainsi.)
Mais en disant "Ils ont dit faux : cela n'est pas sunna", Ibn Abbâs voulait faire la négation du terme au sens B.2 : il voulait dire ici que faire ainsi n'est pas requis du musulman, "مأمور به", car c'était seulement par maslaha, li 'âridh, que le Prophète avait fait ainsi.
Ce qui est en soi requis du musulman, "مأمور به" (en l'occurrence, ici : "mustahabb"), demeure donc d'être à pied pour ce trajet entre Safa et Marwa (sauf, de nouveau, cause d'empêchement, comme une faiblesse physique, ou autre).
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– Lors du pèlerinage d'Adieu, le Prophète (que Dieu le bénisse et le salue), après avoir quitté Minâ le 13 dhu-l-hijja, stationna à al-Abtah (encore appelé al-Muhassab), où il accomplit les prières de zuhr, 'asr, maghrib, 'ishâ, y dormit une partie de la nuit. Puis il se mit en route vers la Mecque. Chemin faisant, il s'arrêta d'abord à Dhû Tuwâ. Puis il arriva à La Mecque : il y accomplit la circumambulation (tawâf) d'adieu ; puis il y accomplit la prière de l'aube (sub'h). Ensuite il prit le chemin de Médine (Fat'h ul-bârî 3/745, Zâd ul-ma'âd 2/293-294).
Le Prophète (sur lui soit la paix) a donc stationné en ce lieu, cela est établi. Mais est-ce une action requise de tout pèlerin, cela fait l'objet d'avis divergents entre les Compagnons eux-mêmes.
Aïcha (que Dieu l'agrée) pensait pour sa part ceci :
"عن عائشة، قالت: نزول الأبطح ليس بسنة؛ إنما نزله رسول الله صلى الله عليه وسلم لأنه كان أسمح لخروجه إذا خرج" :
"Aller à al-Abtah n'est pas sunna. Le Messager de Dieu n'y est allé que parce que cela lui permettait de partir plus facilement" (Muslim 1311).
Ici encore, il s'agit bien d'une sunna au sens A.1 du terme, puisque le Prophète (sur lui soit la paix) a fait ainsi.
Et en disant "cela n'est pas sunna", Aïcha voulait faire la négation du terme au sens B.2 : elle exprimait ici qu'elle pensait qu'il ne s'agit pas de quelque chose qui est en soi requis du musulman, "مأمور به", car c'était seulement par maslaha, que le Prophète s'était installé ici.
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– "وعن أبي بن كعب قال: "الصلاة في الثوب الواحد سنة: كنا نفعله مع رسول الله صلى الله عليه وسلم ولا يعاب علينا." فقال ابن مسعود: "إنما كان ذاك إذ كان في الثياب قلة؛ فأما إذ وسع الله فالصلاة في الثوبين أزكى" :
Il est relaté que Ubayy ibn Kaab dit un jour : "Faire la prière vêtu d'un seul vêtement est sunna : nous le faisions en compagnie du Prophète et cela ne nous était pas reproché."
Mais il est relaté que Ibn Mas'ûd dit alors : "Cela c'est seulement lorsque les gens disposaient de peu de vêtements. Mais lorsque Dieu a accordé davantage de possibilités, il est mieux de faire la prière en portant deux vêtements" (Zawâ'id ul-musnad : cité dans Mishkât ul-massâbîh, 771, dha'îf d'après al-Albânî).
Ce que ce propos relaté de Ibn Mas'ûd signifie c'est que prier en n'étant vêtu que d'un seul vêtement (izâr, à la façon des Arabes anciens), cela est certes autorisé (mashrû') (donc B.1), mais n'est pas requis, "غير مأمور به" (pas B.2). Car les Compagnons n'avaient fait ainsi que li 'âridh : ils étaient pauvres. Ce qui est requis, c'est de prier en étant vêtu d'un complet (hulla : izâr wa ridâ') (sauf, de nouveau, en cas d'extrême pauvreté).
Cependant, prier en n'étant vêtu que d'un seul vêtement (izâr), cela demeure en soi autorisé (jâ'ïz) (donc B.1), et ce même si on dispose de plus de vêtements : Jâbir l'a fait plus tard (bayânan li-l-jawâz), alors que l'aisance matérielle était venue : "صلى جابر في إزار قد عقده من قبل قفاه، وثيابه موضوعة على المشجب. قال له قائل: "تصلي في إزار واحد؟" فقال: "إنما صنعت ذلك ليراني أحمق مثلك! وأينا كان له ثوبان على عهد النبي صلى الله عليه وسلم" (al-Bukhârî, 345).
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Cela est également valable pour tout hadîth (A.1) qui relate que le Prophète (sur lui soit la paix) a fait telle chose, alors même que, dans tel autre hadîth, il a défendu de le faire : des ulémas ayant expliqué le premier hadîth comme ayant été fait pour exposer que le contenu du second reste autorisé (بيانًا للجواز) et n'induisant qu'un caractère "légèrement déconseillé" (مكروه تنزيهًا), pratiquer le premier hadîth demeure "sunna" au sens de "institué" en toute circonstance (B.1), mais n'est pas "sunna" au sens de "requis" (B.2).
Ainsi en est-il du cas suivant...
– La règle normale est que le Prophète (sur lui soit la paix) s'asseyait pour uriner : "عن عائشة، قالت: "من حدثكم أن النبي صلى الله عليه وسلم كان يبول قائما فلا تصدقوه؛ ما كان يبول إلا قاعدا". وفي الباب عن عمر، وبريدة. حديث عائشة أحسن شيء في الباب وأصح. وحديث عمر إنما روي من حديث عبد الكريم بن أبي المخارق عن نافع عن ابن عمر عن عمر، قال: رآني النبي صلى الله عليه وسلم أبول قائما، فقال: "يا عمر، لا تبل قائما"، فما بلت قائما بعد". وإنما رفع هذا الحديث عبد الكريم بن أبي المخارق، وهو ضعيف عند أهل الحديث؛ ضعفه أيوب السختياني وتكلم فيه. وروى عبيد الله عن نافع عن ابن عمر قال: قال عمر: "ما بلت قائما منذ أسلمت"، وهذا أصح من حديث عبد الكريم. وحديث بريدة في هذا غير محفوظ. ومعنى النهي عن البول قائما على التأديب لا على التحريم. وقد روي، عن عبد الله بن مسعود، قال: "إن من الجفاء أن تبول وأنت قائم" (at-Tirmidhî, 12).
Quant à ce qui est relaté par Hudhayfa : "عن حذيفة، قال: "أتى النبي صلى الله عليه وسلم سباطة قوم، فبال قائما. ثم دعا بماء فجئته بماء فتوضأ" (al-Bukhârî, 222, 223, 224, etc., Muslim, 273), cela a été fait :
--- soit bayanan li-l-jawâz (uriner debout étant seulement "légèrement déconseillé") ;
--- soit li 'âridh ('udhr) (FB 1/430).
Ce qui est "sunna" au sens B.2 du terme, "requis", c'est donc bien de s'assoir pour uriner.
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Un autre cas de figure :
Comme cela a été exposé dans cet autre article : Tous les Compagnons (رضي الله عنهم) imitaient-ils le Prophète (صلى الله عليه و سلم) dans ses moindres gestes ?, ce que le Prophète (sur lui soit la paix) a fait en tant que pure coutume ('âda), il est bien entendu mashrû' (B.1) de le faire ; cependant est-ce ma'mûr bihî (B.2), ou seulement mubâh, de le faire ? Il y a divergence d'avis sur le sujet. Je suis de l'avis que cela est seulement mubâh.
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--- Sens B.3) Le terme "Sunna" employé pour signifier : "ce qui est seulement recommandé" (par opposition à ce qui est obligatoire) :
Nous avons traité de ce sens attribué au terme "Sunna" dans notre article : Ne pas confondre le terme "sunna" présent dans certains ouvrages de Fiqh, et "la Sunna du Prophète" (sur lui soit la paix). C'est en fait l'exposé du contenu d'un ouvrage de Cheikh Abû Ghudda.
Voici un extrait de cet article :
Al-Haskafî a écrit que réciter l'intégralité du texte coranique (faire le khatm ul-qur'ân) pendant l'ensemble des salât ut-tarâwîh d'un mois de ramadan est "sunna" : "والختم مرة سُنَّةً، ومرتين فضيلة، وثلاثا أفضل" (Ad-Durr ul-mukhtâr 2/497).
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Or, certes, accomplir la salât ut-tarâwîh chaque nuit du ramadan est effectivement une sunna du Prophète.
Par contre, réaliser un khatm ul-qur'ân pendant la salât ut-tarâwîh n'est pas une sunna du Prophète (que la paix soit sur lui) (sens A du terme) !
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Certes, il est établi que pendant le mois de ramadan le Prophète faisait une révision du texte coranique jusqu'alors révélé avec l'Ange Gabriel (le hadîth est bien connu).
Mais il n'est pas dit que cela se déroulait pendant la salât ut-tarâwîh ; et pareille analogie n'est pas possible dans le domaine des 'ibâdât.
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En fait, c'est par maslaha qu'il est dit qu'il est bien de réciter en une fois l'intégralité du texte coranique durant les tarâwîh.
Lire ce que Cheikh Thânwî a écrit et fait sur le sujet en lisant notre article consacré au khatm dans les tarâwîh.Et le terme "sunna" ne désigne, ici, que le degré juridique qui est moindre que obligatoire (wâjib). Ce terme ne désigne pas, ici, ce que le Prophète (sur lui soit la paix) a institué.
Les juristes (fuqahâ') ont seulement voulu dire (al-Haskafî n'est pas le seul parmi les hanafites) qu'il est bien, il est recommandé [par maslaha] de réciter en une fois l'intégralité du texte coranique dans les salât ut-tarâwîh de tout le mois de ramadan. Cependant, ce caractère recommandé, ils ne l'ont pas extrait d'une parole ou d'une action juz'î du Prophète (sur lui soit la paix)...
C'est pour éviter cette confusion entre ces deux sens du terme "sunna" que personnellement j'emploie, pour désigner ce sens "recommandé", la formule ayant été utilisée par Cheikh Wahba az-Zuhaylî : il désigne ce que d'autres juristes appellent "sunna" (avec ce sens de "degré juridique correspondant à recommandé") par : "mandûb" / "mandûb mu'akkad" (si cela est plus accentué) (cliquez ici).
Le recours à ce terme "mandûb mu'akkad" pour désigner le caractère juridique moindre que "wâjib" permet d'éviter bien des malentendus et des confusions chez les gens : ceux-ci ne donnent plus, ensuite, une origine prophétique à une action qui n'est que le produit de la pensée des juristes (fuqahâ').
Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).