Après avoir quitté le Mutazilisme, Abu-l-Hassan al-Ash'arî (رحمه الله) est-il passé par 1 seule, ou bien par 2 étapes ?

I) La problématique, et le désaccord des Mutazilites avec les Sunnites :

Toute la problématique provient de la question des Actes de Dieu :
- Dieu est de toute éternité (on devrait dire : "de pré-éternité", azal) ;
- mais Ses Actes (par exemple "pardonner", "être en colère", "être content de"), se produisent vis-à-vis d'une création qui, elle, apparaît à un moment donné.

La même question se pose vis-à-vis de "la Parole de Dieu" (kalâm ullâh) : quand Dieu a parlé et que Gabriel a entendu Sa Parole et est venu retransmettre à différents prophètes ce qu'il a entendu, ces paroles de Dieu ont été dites à ce moment donné...

J'ai exposé cette problématique dans l'article : La cause du désaccord à propos des Sifât fi'liyya, entre les Atharis et les Acharites (al-Ash'ariyyûn).

Pour répondre à cette problématique, les Mutazilites ont dit que la Parole de Dieu exprime bien ce que Dieu veut dire, cependant, Dieu, forcément, crée cette parole dans un lieu, pour que les créatures l'entendent, car la parole s'entend à un moment donné. Tout ce qui est hâdith est makhlûq, disent-ils.

Pour leur part, les Salaf Sâlih disent que Dieu parle quand Il veut, et ne parle pas quand Il veut ne pas parler.
Comme l'a écrit al-Bukhârî, être "hâdith", cela n'implique pas "être makhlûq" : la parole de Dieu, Dieu la prononce à un moment donné, et Il la prononce par Sa Voix ; mais cette parole est incréée (fin de citation). Par ailleurs, si les Paroles de Dieu sont prononcées par Lui à un moment donné, Dieu a toujours parlé (آحاد كلام الله حادثة، ولكن نوعه أزلي؛ وكلام الله غير مخلوق).

-

II) Ibn Kullâb (ou : Ibn Kallâb

Ensuite est venu Ibn Kullâb (mort en 240 ou 241 a. h.) : il a proposé que la Parole de Dieu est incréée, cependant il s'agit d'un ma'nâ (qui ne s'appelle pas, alors*, "impératif affirmatif", "impératif négatif", "information"), et non pas des paroles que l'on entend. En fait, ce propos, Ibn Kullâb l'a fondé sur un principe plus général : il a dit que les Actes de Dieu ne se produisent pas de par Son Etre même. En substance : "فِعْلُ الله لا يقوم بذات الله، بل هو منفصل عن ذات الله؛ وفعل الله هو المفعول، بدليل قول الله: {هذا خلق الله}: فخلق الله هو المخلوق".
C'est sa thèse pour résoudre la problématique susmentionnée : ces Actes ne sont pas qâ'ïm bi dhât illâh mais munfasil 'anhu ta'âlâ, car le fi'l est en fait la même chose que le maf'ûl. Le ma'nâ, lui, est qâ'ïm bi dhât illâh.

(* Bien que reprenant globalement sa thèse, les Acharites ne seront pas du même avis que Ibn Kullâb sur le point précis de l'appellation dans la pré-éternité : pour eux, même alors, la Parole de Dieu s'appelle :  "impératif affirmatif", "impératif négatif", "information".)

Ce que nous venons de dire, Ibn Taymiyya le résume ainsi :
"وكان الناس قبل أبي محمد بن كلاب صنفين:
فأهل السنة والجماعة يثبتون ما يقوم بالله تعالى من الصفات، والأفعال التي يشاؤها ويقدر عليها؛
والجهمية من المعتزلة وغيرهم تنكر هذا وهذا؛
فأثبت ابن كلاب قيام الصفات اللازمة به، ونفى أن يقوم به ما يتعلق بمشيئته وقدرته من الأفعال وغيرها.
ووافقه على ذلك أبو العباس القلانسي، وأبو الحسن الأشعري وغيرهما.
وأما الحارث المحاسبي فكان ينتسب إلى قول ابن كلاب؛ ولهذا أمر أحمد بهجره.
وكان أحمد يحذر عن ابن كلاب وأتباعه. ثم قيل عن الحارث: إنه رجع عن قوله"
(Dar'u ta'ârudh il-'aql wa-n-naql, 2/6).

Comme Ibn Taymiyya l'a relaté ici, Ahmad ibn Hanbal était en profond désaccord avec la posture de ceux qui suivaient Ibn Kullâb, notamment al-Muhâssibî : "وكان أئمة السنة كأحمد وأمثاله والبخاري وأمثاله وداود وأمثاله وابن المبارك وأمثاله وابن خزيمة وعثمان بن سعيد الدارمي وابن أبي شيبة وغيرهم: متفقين على أن الله يتكلم بمشيئته وقدرته؛ ولم يقل أحد منهم إن القرآن قديم. وأول من شهر عنه أنه قال ذلك هو ابن كلاب. وكان الإمام أحمد يحذر من الكلابية؛ وأمر بهجر الحارث المحاسبي لكونه كان منهم. وقد قيل عن الحارث: إنه رجع في القرآن عن قول ابن كلاب، وإنه كان يقول: إن الله يتكلم بصوت؛ وممن ذكر ذلك عنه الكلاباذي في كتاب "التعرف لمذهب التصوف" (MF 5/533).

-

III) Abu-l-Hassan al-Ash'arî :

Abu-l-Hassan 'Alî ibn Isma'ïl al-Ash'arî est né en l'an 260 a. h. à Bassora.

Son père était sunnite et attaché au hadîth, mais il décède alors alors que son fils est encore jeune.
Sa mère se remarie alors avec al-Jubâ'ï, célèbre savant mutazilite. C'est ce qui explique que 'Alî al-Asha'rî sera formé à l'école Mutazilite.

Abu-l-Hassan al-Ash'arî acquiert de grandes compétences dans cette école, et il écrit même sur le sujet. D'une intelligence remarquable, al-Ash'arî n'est cependant pas satisfait de certains propos de l'I'tizâl (le Mutazilisme). Des débats avec al-Jubâ'ï, suivis d'une insatisfaction par rapport aux croyances apprises jusqu'à présent, enfin des invocations à Dieu et un rêve le font quitter le Mutazilisme à l'âge de 40 ans.

Il adhère dès lors à l'orthodoxie sunnite.

Il apprend les hadîths auprès de as-Sâjî à Bassora. Plus tard, à Bagdad, il approfondira encore ses connaissances en hadîths.

Al-Ash'arî se met désormais à contredire ouvertement les thèses mutazilites dans des débats contradictoires (munâzarât). Il écrit également plusieurs ouvrages, dont les plus célèbres sont : Maqâlât ul-islâmiyyîn ; Rissâla ilâ ahl ith-thughr ; Al-Luma' ; Al-Ibâna...

Il meurt en l'an 324.

-

IV) Après s'être repenti du Mutazilisme, Abu-l-Hassan al-Ash'arî est-il passé par 1 ou bien par 2 étapes ? A-t-il pris de Ibn Kullâb certaines croyances ?

Il y a divergence entre les spécialistes sur le sujet.

En fait, deux débats existent ici, avec à chaque fois 2 avis divergents.

Le premier débat porte sur la question de savoir quelles croyances  al-Ash'arî professait-il à la fin de sa vie ?
Il y a eu 2 réponses à cette question :
avis A) "A la fin de sa vie, al-Ash'arî professait pleinement les croyances dites "athariyya"" ;
avis B) "A la fin de sa vie, al-Ash'arî professait des croyances qui ne sont pas les croyances mutazilites, mais qui ne sont pas totalement non plus ce qui est désigné comme étant "la 'aqîda athariyya"".

-
Le second débat porte précisément sur la question de savoir si, après son repentir du Mutazilisme, al-Ash'arî est passé par 1 seule ou bien par 2 étapes ?
Il y a eu, ici aussi, 2 réponses à cette question :
avis 1) "Après l'étape mutazilite, al-Ash'arî est passé par seulement 1 étape" ;
avis 2) "Après l'étape mutazilite, al-Ash'arî est passé par encore 2 étapes".

-
Le croisement entre ces deux débats (avec, à chaque fois, 2 options) nous donne en tout 4 avis :

Après avoir abandonné le Mutazilisme et ses croyances...

1.A) Al-Ash'arî a directement adopté, et ce jusqu'à la fin de sa vie, les croyances dites aujourd'hui : "la 'aqîda athariyya". C'est ce qu'affirme Fârûq Dussûqî ;

1.B) Al-Ash'arî a directement adopté, et ce jusqu'à la fin de sa vie, des croyances qui ne sont plus les croyances mutazilites, mais qui ne sont pas totalement non plus ce qui est désigné aujourd'hui comme étant "la 'aqîda athariyya". C'est globalement ce qu'affirment les Acharites ainsi que Ibn Taymiyya et Ibn ul-Qayyim ;

2.A) Al-Ash'arî a dans un premier temps adopté des croyances qui ne sont plus les croyances mutazilites, mais qui ne sont pas totalement non plus ce qui est désigné comme étant "la 'aqîda athariyya" ; puis il a délaissé ces croyances pour professer jusqu'à la fin de sa vie les croyances dites aujourd'hui "athariyya". C'est ce qu'affirme Ibn ul-Uthaymîn (cf. Shar'h ul-qawâ'ïd il-muthlâ, p. 236), et c'est ce que az-Zubaydî relate de Ibn Kathîr ;

2.B) Al-Ash'arî a dans un premier temps adopté les croyances dites : "la 'aqîda athariyya" ; puis il a délaissé ces croyances pour professer jusqu'à la fin de sa vie des croyances qui ne sont pas les croyances mutazilites, mais qui ne sont pas totalement non plus ce qui est désigné aujourd'hui comme étant "la 'aqîda athariyya". C'est ce qu'affirme Zâhid al-Kawtharî.

Ces 4 avis sont extraits de l'excellente thèse de doctorat "Mawqifu Ibn Taymiyya min al-ashâ'ira", par Abd ur-Rahmân al-Mahmûd (pp. 341-342).

-

V) L'avis de Ibn Taymiyya et Ibn ul-Qayyim est donc que Abu-l-Hassan al-Ash'arî, lorsqu'il a quitté le Mutazilisme, est passé ensuite par une seule période : il est revenu aux croyances des Salaf Sâlih, mais mêlées avec l'avis de Ibn Kullâb à propos des Sifât fi'liyya :

Ibn Taymiyya écrit :
"وأما الأشعري وأئمة أصحابه فإنهم مثبتون لها [أي الصفات الخبرية]، يردون على من ينفيها أو يقف فيها، فضلاً عمن يتأولها.
وأما مسألة قيام الأفعال الاختيارية به، فإن ابن كلاب والأشعري وغيرهما ينفونها، وعلى ذلك بنوا قولهم في مسألة القرآن. وبسبب ذلك وغيره تكلم الناس فيهم في هذا الباب بما هو معروف في كتب أهل العلم، ونسبوهم إلى البدعة وبقايا بعض الاعتزال فيهم، وشاع النزاع في ذلك بين عامة المنتسبين إلى السنة من أصحاب أحمد وغيرهم"
(Dar'u ta'ârudh il-'aql wa-n-naql, 2/18).

" وهذا كما أن أقواما ابتدعوا: "أن حروف القرآن ليست من كلام الله وأن كلام الله إنما هو معنى قائم بذاته هو الأمر والنهي والخبر." وهذا الكلام فاسد بالعقل الصريح والنقل الصحيح؛ فإن المعنى الواحد لا يكون هو الأمر بكل مأمور والخبر عن كل مخبر ولا يكون معنى التوراة والإنجيل والقرآن واحدا. وهم يقولون: "إذا عبر عن ذلك الكلام بالعربية صار قرآنا وإذا عبر عنه بالعبرية صار توراة." وهذا غلط، فإن التوراة يعبر عنها بالعربية ومعانيها ليست هي معاني القرآن والقرآن يعبر عنه بالعبرية وليست معانيه هي معاني التوراة. وهذا القول أول من أحدثه ابن كلاب ولكنه هو ومن اتبعه عليه كالأشعري وغيره يقولون مع ذلك: "إن القرآن محفوظ بالقلوب حقيقة متلو بالألسن حقيقة مكتوب في المصاحف حقيقة" (MF 8/423-424).

De la Ibâna, Ibn Taymiyya regrette certaines argumentations : "وهذا الكلام، وإن كان أصله من المعتزلة، فقد دخل في كلام [المثبتين للصفات، حتى في كلام] المنتسبين إلى السنة الخاصة: المنتسبين إلى الحديث والسنة. وهو موجود في كلام كثير من أصحاب مالك والشافعي وأبي حنيفة وأحمد وغيرهم. وهذا من الكلام الذي بقي على الأشعري من بقايا كلام المعتزلة. فإنه خالف المعتزلة لما رجع عن مذهبهم في أصولهم التي اشتهروا فيها بمخالفة [أهل] السنة، كإثبات الصفات والرؤية، وأن القرآن غيرمخلوق، وإثبات القدر، وغير ذلك من مقالات أهل السنة والحديث، وذكر في كتاب "المقالات" أنه يقول بما ذكره عن أهل السنة والحديث. وذكر في "الإبانة" أنه يأتم بقول الإمام أحمد. قال: "فإنه الإمام الكامل، والرئيس الفاضل، الذي أبان [الله] به الحق، وأوضح به المنهاج، وقمع به بدع المبتدعين، وزيغ الزائغين، وشك الشاكين". وقال: "فإن قال قائل: قد أنكرتم قول الجهمية والمعتزلة والقدرية [والمرجئة]". واحتج في ضمن ذلك بمقدمات سلمها للمعتزلة، مثل هذا الكلام. فصارت المعتزلة [وغيرهم من أهل الكلام] يقولون: "إنه متناقض في ذلك." وكذلك سائر أهل السنة والحديث يقولون: "إن هذا تناقض، وإن هذه بقية بقيت عليه من كلام المعتزلة." وأصل ذلك هو هذا الكلام. وهو موجود في كلام كثير من أصحاب أحمد والشافعي ومالك، وكثير من هؤلاء يخالف الأشعري في مسائل، وقد [وافقه] على الأصل الذي ترجع إليه تلك المسائل، فيقول الناس في تناقضه كما قالوه في تناقض الأشعري، وكما قالوه في تناقض المعتزلة وتناقض الفلاسفة. فما من طائفة فيها نوع يسير من مخالفة السنة المحضة والحديث إلا ويوجد في كلامها من التناقض بحسب ذلك" (Minhâj us-sunna, 2/227 - 1/293-294 dans l'édition que je possède).

Voici un passage de Al-Ibâna où on voit en effet que al-Ash'arî semble bel et bien être de l'avis de Ibn Kullâb, selon lequel Kalâm ulllâh est un ma'nâ qâ'ïm bi dhât illâh, et non pas qu'Allah parle quand Il veut par des paroles qu'Il dit l'une après l'autre : "فلما كان الله عز وجل لم يزل عالما؛ إذ لم يجز أن يكون لم يزل بخلاف العلم موصوفا، استحال أن يكون لم يزل بخلاف الكلام موصوفا؛ لأن خلاف الكلام الذي لا يكون معه كلام: سكوت أو آفة، كما أن خلاف العلم الذي لا يكون معه علم: جهل أو شك أو آفة. ويستحيل أن يوصف ربنا جل وعلا بخلاف العلم؛ ولذلك يستحيل أن يوصف بخلاف الكلام من السكوت والآفات. فوجب لذلك أن يكون لم يزل متكلما، كما وجب أن يكون لم يزل عالما" (Al-Ibâna, point n° 91).

Malgré cela, Ibn Taymiyya dit que celui des Acharites qui adhère au contenu de la Ibâna, celui-là est compté parmi les "ahl us-sunna" : "وأما من قال منهم بكتاب "الإبانة" (الذي صنفه الأشعري في آخر عمره) ولم يظهر مقالة تناقض ذلك، فهذا يعد من أهل السنة" (MF 6/359-360).

-
Voici un point que as-Sijzî regrette lui aussi chez Abu-l-Hassan al-'Ash'arî (où on voit sa croyance atharî être demeurée teinté d'une problématique mutazilî) : c'est au sujet du fait de voir Dieu dans l'autre monde :
"وقال الأشعري: "إنّ الله سبحانه يُرى يوم القيامة على الحقيقة"، وأظهر الرد على من أنكرها؛ وأفصح في بعض كتبه أنه يُرى بالأبصار. وقال في موضع آخر: "لا تختص الرؤية بالبصر، ولا تكون عن مقابلة، لأنّ ما يُرى مقابَلة كان جسمًا". فهو إذا قال: "إنه يُرى بالأبصار"، لم يجز في العقل أن تكون عن غير مقابلة؛ وإن قال: "إنّ الرؤية لا تختص البصر"، عاد إلى قول المعتزلة، وصارت الرؤية في معنى العلم الضروري؛ وقد حكي عن بعض متأخريهم أنه قال: "لولا الحياء من مخالفة شيوخنا، لقلتُ إنّ الرؤية هي العلم لا غير".
وهكذا قالوا في سماع موسى عليه السلام كلام الله سبحانه: "إنه لم يخص الأذن". وإذا لم يخص بزعمهم الأذن، لم يكن سماعًا، لأن هذه البنية مجبولة على أنها لا تُسمَع إلا بالأذن.
والمقابلة لا تقتضي التجسيم كما زعموا، لأن المرئيات في الشاهد لا تَخرُج عن أن تكون جسماً أو عرضاً على أصلهم، والله سبحانه باتفاقنا مرئي، وليس بجسم* ولا عرض؛ وإذا صح ذلك، جاز أن يُرى عن مقابلة، ولا يجب أن يكون جسماً. وقد نص مالك بن أنس - رحمه الله - وغيره من الأئمة - رحمهم الله - على أنّ الله سبحانه يُرى يوم القيامة بالأبصار"
(Rissâlat us-Sijzî ilâ ahli Zabîd). (* Ibn Taymiyya dit que sur ce point il faut faire tafsîl plutôt que d'affirmer ou de faire la négation.)

-
Ibn Taymiyya écrit :
"والأشعري وأمثاله برزخ بين السلف والجهمية: أخذوا من هؤلاء كلاما صحيحا، ومن هؤلاء أصولا عقلية ظنوها صحيحة وهي فاسدة.
فمن الناس مَن مال إليه من الجهة السلفية.
ومن الناس مَن مال إليه من الجهة البدعية الجهمية، كأبي المعالي وأتباعه"
(MF 16/471).

-
Cela est dû, écrit Ibn Taymiyya, au fait que al-Ash'arî "avait une connaissance détaillée du 'ilm ul-kalâm et une connaissance globale de la Sunna" :
"انتصر للمسائل المشهورة عند أهل السنة التي خالفهم فيها المعتزلة، كمسألة "الرؤية" و "الكلام" وإثبات "الصفات" ونحو ذلك؛ لكن كانت خبرته بالكلام خبرة مفصلة، وخبرته بالسنة خبرة مجملة؛ فلذلك وافق المعتزلة في بعض أصولهم التي التزموا لأجلها خلاف السنة، واعتقد أنه يمكنه الجمع بين تلك الأصول وبين الانتصار للسنة؛ كما فعل في مسألة الرؤية والكلام والصفات الخبرية وغير ذلك" (MF 12/204-205).

"وهذا مما مدح به الأشعري؛ فإنه بيَّن من فضائح المعتزلة وتناقض أقوالهم وفسادها ما لم يبينه غيره؛ لأنه كان منهم، وكان قد درس الكلام على أبي علي الجبائي أربعين سنة، وكان ذكيا، ثم إنه رجع عنهم، وصنف في الرد عليهم. ونصر في الصفات طريقة ابن كلاب، لأنها أقرب إلى الحق والسنة من قولهم؛ ولم يعرف غيرها، فإنه لم يكن خبيرا بالسنة والحديث وأقوال الصحابة والتابعين وغيرهم وتفسير السلف للقرآن. والعلم بالسنة المحضة إنما يستفاد من هذا" (Minhâj us-Sunna, 5/276-277).

"وهو دائما ينصر، في المسائل التي فيها النزاع بين أهل الحديث وغيرهم، قول أهل الحديث؛ لكنه لم يكن خبيرا بمآخذهم، فينصره على ما يراه هو من الأصول التي تلقاها عن غيرهم؛ فيقع في ذلك من التناقض ما ينكره هؤلاء وهؤلاء.
كما فعل في مسألة الإيمان ونصر فيها قول جهم، مع نصره للاستثناء؛ ولهذا خالفه كثير من أصحابه في الاستثناء كما سنذكر مأخذه في ذلك واتبعه أكثر أصحابه على نصر قول جهم في ذلك. ومن لم يقف إلا على كتب الكلام ولم يعرف ما قاله السلف وأئمة السنة في هذا الباب؛ فيظن أن ما ذكروه هو قول أهل السنة؛ وهو قول لم يقله أحد من أئمة السنة"
(MF 7/120).

Ibn Taymiyya écrit : "Ceux d'entre les ahl ul-kalâm comme les Ash'arites – ainsi que ceux qui les ont suivis de hanbalite, shafi'ite, malikite etc. – qui ont fait du Maf'ûl la même chose que le Fi'l, ne les amenés à cela que le fait qu'ils fuient "qiyâm ul-hawâdith bi-l-qadîm" et "tasalsul ul-hawâdith"" (Ar-Radd 'ala-l-mantiqiyyîn, p. 190).

-

VI) L'évolution des Acharites postérieurs :

Abu-l-Hassan al-Ash'arî enseignait d'appréhender les termes "Yad", "Waj'h", "'Ayn" tels quels, et de ne pas les comprendre dans un sens figuré ; c'est ce qu'il écrivait dans ses livres. Il appréhendait également "Istawâ" et "'Uluww" en leur sens premier, sans en faire une interprétation par recours au sens figuré.

Ce sont ensuite certains ulémas ash'arites postérieurs qui ont proposé la ta'wîl au sujet de ces Attributs (MF 12/203).

Il s'agit surtout de :
- Abd ul-Qâhir al-Baghdâdî ;
- Abu-l-Ma'âlî al-Juwaynî ;
- al-Ghazâlî ;
- ar-Râzî.

"Il n'y a pas de doute quant au fait que le propos de Ibn Kullâb, de al-Ash'arî, et de qui est semblable à eux parmi ceux qui affirment l'existence des Sifât, n'est pas le propos des Jahmites, ni même celui des Mutazilites. Au contraire, ces (personnages) ont (écrit) des ouvrages réfutant (les avis) des Jahmites et des Mutazilites et exposant l'égarement de qui fait la négation [des Sifât] ; tantôt (ces gens) font la takfîr des Jahmites et des Mutazilites, et tantôt ils font leur tadhlîl. (...) Ibn Kullâb – le imam des Ash'arites – a davantage contredit Jahm et est plus proche des Salaf que al-Ash'arî lui-même [ne l'est].
Et al-Ash'arî est plus proche des Salaf que al-qâdhî Abû Bakr al-Bâqillânî.
Et al-qâdhî Abû Bakr al-Bâqillânî et ses semblables sont plus proches des Salaf que Abu-l-Ma'âlî et ses disciples ; car ces derniers ont fait la négation des Sifât telles que al-Istiwâ', al-Waj'h et al-Yadayn, puis ont divergé quant à savoir s'ils feraient la ta'wîl ou la tafwîdh, laissant deux avis ou deux voies. (...)"
(MF 12/202-203).

-

Cette évolution s'explique ainsi :

Nous l'avons vu, al-Ash'arî avait repris certains principes des Mutazilites, mais tout en donnant préférence à ce que la Sunna disait, et donc en contredisant ce que les principes qu'il avait repris impliquaient. Certains Acharites postérieurs, eux, vont donner à ces principes leur "droit", et donc affirmer ce qu'ils impliquent :

"ولكن [الأشعري] سلم لهم [أي للمعتزلة] أصولاً وافقهم عليها، مثل تسليمه لهم صحة طريق الأعراض مع طولها، ومثل إثباته للصانع بهذه الطريق التي هي من جنسها، وبنى ذلك على إثبات الجوهر الفرد.

فلزم من تسليمه ذلك لهم: لوازم، أراد أن يجمع بينها وبين ما أثبته من الرؤية وإثبات الكلام والصفات والعلو لله تعالى. فقال جمهور طوائف العقلاء من أهل السنة والحديث وغيرهم، ومن المعتزلة والفلاسفة وغيرهم: أن هذا مناقضة مخالفة لصريح المعقول.
ولهذا قال من قال: بقيت عليه بقية من الاعتزال، وقالوا: إنه وافقهم على بعض أصولهم التي بنوا عليها قولهم كهذا الأصل.

وهذا ما ذكره أبو نصر السجزي في الإبانة قال: حكى محمد بن عبد الله المغربي المالكي (وكان فقيهاً صالحاً، عن الشيخ أبي سعيد البرقي وهو من شيوخ فقهاء المالكيين ببرقة)، عن أستاذ خلف المعلم (كان من فقهاء المالكيين) قال: "أقام الأشعري أربعين سنة على الاعتزال، ثم أظهر التوبة فرجع عن الفروع وثبت على الأصول." قال أبو نصر: "وهذا كلام خبير بمذهب الأشعري وغوره.

قلت: ليس مراده بــ"الأصول": ما أظهروه من مخالفة السنة؛ فإن الأشعري مخالف لهم فيما أظهروه من مخالفة السنة، كمسألة الرؤية والقرآن والصفات؛ ولكن: أصولهم الكلامية العقلية التي بنوا عليها الفروع المخالفة للسنة.

مثل هذا الأصل الذي بنوا عليه حدوث العالم وإثبات الصانع، فإن هذا أصل أصولهم، كما قد بينا كلام أبي الحسين البصيري وغيره في ذلك، وأن الأصل الذي بنت عليه المعتزلة كلامهم في أصول الدين هو هذا الأصل الذي ذكره الأشعري. لكنه مخالف لهم في كثير من لوازم ذلك وفروعه.

وجاء كثير من أتباع المتأخرين، كأتباع صاحب الإرشاد، فأعطوا الأصول التي سلمها للمعتزلة حقَّها من اللوازم، فوافقوا المعتزلة على موجبها، وخالفوا شيخهم أبا الحسن وأئمة أصحابه: فنفوا الصفات الخبرية، ونفوا العلو، وفسروا الرؤية بمزيد علم لا ينازعهم فيه المعتزلة، وقالوا: ليس بيننا وبين المعتزلة خلاف في المعنى، وإنما خلافهم مع المجسمة. وكذلك قالوا في القرآن: "إن القرآن الذي قالت به المعتزلة إنه مخلوق، نحن نوافقهم على خلقه، ولكن ندعي ثبوت معنى آخر وأنه واحد قديم." والمعتزلة تنكر تصور هذا بالكلية.

وصارت المعتزلة والفلاسفة مع جمهور العقلاء يشنعون عليهم بمخالفتهم لصريح العقل ومكابرتهم للضروريات.وسبب ذلك تسليمهم لهم صحة تلك الأقوال التي ذكر الأشعري أنها مبتدعة في الإسلام.

مع أنه يمكن بيان أن قول الأشعري وأصحابه أقرب إلى صحيح المعقول من قول المعتزلة، كما يمكن أن يبين أن قول المعتزلة أقرب إلى صريح المعقول من قول الفلاسفة. لكن هذا يفيد أن هذا القول أقرب إلى المعقول وإلى الحق، لا يفيد أنه هو الحق في نفس الأمر" (Dar'u ta'ârudh il-'aql wa-n-naql, 7/236-239).

Un propos voisin est visible in Bayânu Talbîs il-Jahmiyya, 2/170-172 (Al-Waj'h ur-râbi'a 'ashara).

-

VII) C'est ce qu'expose le propos qui dit qu'il y a eu, chez al-Ash'arî, "un petit quelque chose de jahmisation" :

Ibn Taymiyya expose ce propos ainsi :
"انتصر للمسائل المشهورة عند أهل السنة التي خالفهم فيها المعتزلة، كمسألة "الرؤية" و "الكلام" وإثبات "الصفات" ونحو ذلك؛ لكن كانت خبرته بالكلام خبرة مفصلة وخبرته بالسنة خبرة مجملة؛ فلذلك وافق المعتزلة في بعض أصولهم التي التزموا لأجلها خلاف السنة واعتقد أنه يمكنه الجمع بين تلك الأصول وبين الانتصار للسنة؛ كما فعل في مسألة الرؤية والكلام والصفات الخبرية وغير ذلك.
(...)
فلما كان في كلامه شوب من هذا وشوب من هذا، صار يقول من يقول: "إن فيه نوعا من التجهم.
وأما من قال: "إن قوله قول جهم"، فقد قال الباطل.
ومن قال: "إنه ليس فيه شيء من قول جهم"، فقد قال الباطل.
والله يحب الكلام بعلم وعدل وإعطاء كل ذي حق حقه وتنزيل الناس منازلهم" :
"Vu qu'il y a eu dans ses propos un mélange de ceci et un mélange de cela, s'est mis à dire celui qui s'est mis à dire : "Il y a eu chez lui un quelque chose de jahmisation".
Quant à celui qui a dit : "Le propos de (al-Ash'arî) est celui de Jahm", celui-là a dit faux.
Et celui qui a dit : "Il n'y a rien chez lui de jahmisation", celui-là a dit faux.
Dieu aime la parole qui est dite sur la base d'une connaissance, d'une honnêteté, du fait de donner à chacun ce qui lui revient et d'accorder aux hommes la place qui leur revient"
(MF 12/204-205).

-
Voici un passage de Al-Fatâwâ al-kub'râ existe où Ibn Taymiyya expose qu'il existe différents degrés de cette "jahmisation" :

"وكذلك الجهمية على ثلاث درجات:

فشرها: الغالية الذين ينفون أسماء الله وصفاته؛ وإن سمَّوه بشيء من أسمائه الحسنى، قالوا: "هو مجاز." [يمثلهم: الكأس رقم "5" في اللوحة الموجودة تحت.] فهو في الحقيقة عندهم ليس بحي ولا عالم ولا قادر ولا سميع ولا بصير ولا متكلم ولا يتكلم.
(...)

والدرجة الثانية من التجهم: هو تجهم المعتزلة ونحوهم، الذين يقرون بأسماء الله الحسنى في الجملة، لكن ينفون
صفاته؛ وهم أيضا لا يقرون بأسماء الله الحسنى كلها على الحقيقة، بل يجعلون كثيرا منها على المجاز.
[يمثلهم: الكأس رقم "4" في اللوحة.]

وهؤلاء هم الجهمية المشهورون.

وأما الدرجة الثالثة: فهم الصفاتية المثبتون، المخالفون للجهمية، لكن فيهم نوع من التجهم، كالذين يقرون بأسماء الله وصفاته في الجملة، لكن يردون طائفة من أسمائه وصفاته الخبرية، أو غير الخبرية، ويتأولونها (كما تأول الأولون صفاته كلها.

ومن هؤلاء مَن يقر بصفاته الخبرية الواردة في القرآن دون الحديث، كما عليه كثير من أهل الكلام والفقه وطائفة من أهل الحديث.
ومنهم مَن يقر بالصفات الواردة في الأخبار أيضا في الجملة، لكن مع نفي وتعطيل لبعض ما ثبت بالنصوص وبالمعقول، وذلك كأبي محمد بن كلاب ومن اتبعه.

وفي هذا القسم يدخل أبو الحسن الأشعري وطوائف من أهل الفقه والكلام والحديث والتصوف؛ [ويمثلهم: الكأس رقم "2".] وهؤلاء: إلى أهل السنة المحضة [اللذين يمثلهم: الكأس رقم "1" أقرب منهم إلى الجهمية والرافضة والخوارج والقدرية. (لكن انتسب إليهم طائفة هم إلى الجهمية أقرب منهم إلى أهل السنة المحضة.) فإن هؤلاء ينازعون المعتزلة نزاعا عظيما فيما يثبتونه من الصفات أعظم من منازعتهم لسائر أهل الإثبات فيما ينفونه.
وأما المتأخرون
[ويمثلهم: الكأس رقم "3"] فإنهم والوا المعتزلة وقاربوهم أكثر وقدموهم على أهل السنة والإثبات، وخالفوا أوليهم. ومنهم من يتقارب نفيه وإثباته"
(Al-Fatâwâ al-kub'râ, 6/371-372 dans l'édition que je possède).

-
On peut illustrer cela par cette planche (de ma composition), avec plusieurs verres :

A

Le verre n° 1 représente la Sunna pure : il ne s'y trouve que de l'eau pure.

A l'autre extrême, le verre n° 5 représente le Jahmisme pur : il est rempli de sirop pur.

Et entre ces deux on trouve 3 autres verres...

En fait (comme nous venons de le dire), le verre n° 5 représente le Jahmisme pur : il est rempli de sirop pur. Pour Ibn Taymiyya, le propos des Jahmites au sujet des Noms et Attributs de Dieu constitue du kufr akbar, comme le disait Abdullâh ibn ul-Mubârak (MF 3/350-351). Ibn Taymiyya écrit : "والمأثور عن السلف والأئمة إطلاق أقوال بتكفير الجهمية المحضة (...). وأما الخوارج والروافض ففي تكفيرهم نزاع وتردد عن أحمد وغيره. وأما القدرية الذين ينفون الكتابة والعلم فكفروهم، ولما يكفروا من أثبت العلم ولم يثبت خلق الأفعال" (MF 3/352). "وليس هذا مذهب أحمد ولا غيره من أئمة الإسلام. بل لا يختلف قوله أنه لا يكفر المرجئة الذين يقولون: الإيمان قول بلا عمل. ولا يكفر من يفضل عليا على عثمان. بل نصوصه صريحة بالامتناع من تكفير الخوارج والقدرية وغيرهم. وإنما كان يكفر الجهمية المنكرين لأسماء الله وصفاته؛ لأن مناقضة أقوالهم لما جاء به الرسول صلى الله عليه وسلم ظاهرة بينة؛ ولأن حقيقة قولهم تعطيل الخالق. وكان قد ابتلي بهم حتى عرف حقيقة أمرهم وأنه يدور على التعطيل وتكفير الجهمية مشهور عن السلف والأئمة. لكن ما كان يكفر أعيانهم. فإن الذي يدعو إلى القول أعظم من الذي يقول به؛ والذي يعاقب مخالفه أعظم من الذي يدعو فقط؛ والذي يكفر مخالفه أعظم من الذي يعاقبه! ومع هذا فالذين كانوا من ولاة الأمور يقولون بقول الجهمية: "إن القرآن مخلوق وإن الله لا يرى في الآخرة" وغير ذلك، ويدعون الناس إلى ذلك ويمتحنونهم ويعاقبونهم إذا لم يجيبوهم ويكفرون من لم يجبهم (حتى أنهم كانوا إذا أمسكوا الأسير لم يطلقوه حتى يقر بقول الجهمية: "إن القرآن مخلوق" وغير ذلك، ولا يولون متوليا ولا يعطون رزقا من بيت المال إلا لمن يقول ذلك)؛ ومع هذا فالإمام أحمد رحمه الله تعالى ترحم عليهم واستغفر لهم، لعلمه بأنهم لمن يبين لهم أنهم مكذبون للرسول ولا جاحدون لما جاء به، ولكن تأولوا فأخطئوا وقلدوا من قال لهم ذلك. وكذلك الشافعي لما قال لحفص الفرد حين قال: "القرآن مخلوق": "كفرت بالله العظيم". بين له أن هذا القول كفر ولم يحكم بردة حفص بمجرد ذلك؛ لأنه لم يتبين له الحجة التي يكفر بها" (MF 23/348-349). "ومقالات الجهمية هي من هذا النوع فإنها جحد لما هو الرب تعالى عليه ولما أنزل الله على رسوله. وتغلظ مقالاتهم من ثلاثة أوجه: أحدها: أن النصوص المخالفة لقولهم في الكتاب والسنة والإجماع كثيرة جدا مشهورة وإنما يردونها بالتحريف. الثاني: أن حقيقة قولهم تعطيل الصانع وإن كان منهم من لا يعلم أن قولهم مستلزم تعطيل الصانع، فكما أن أصل الإيمان الإقرار بالله فأصل الكفر الإنكار لله. الثالث: أنهم يخالفون ما اتفقت عليه الملل كلها وأهل الفطر السليمة كلها. لكن مع هذا قد يخفى كثير من مقالاتهم على كثير من أهل الإيمان حتى يظن أن الحق معهم لما يوردونه من الشبهات" (MF 3/354-355).

Le verre n° 4 est rempli d'eau mêlée à une quantité importante de sirop : cela représente le Mutazilisme, dont certains ulémas sunnites ont qualifié les adeptes de : "مخانيث الجهمية" (MF 5/227 ; 14/348) (ou encore de : "مخانيث الفلاسفة" (MF 6/359)). Ces ulémas voulaient dire par là que les Mutazilites sont des hybrides, ayant pris des Jahmites un greffon déplacé. Les Mutazilites ne sont pas qualifiés de sunnites (au sens particulier du terme) : évidemment pas "en soi", mais pas non plus "par rapport à"...

Le verre n° 3 représente la posture des Acharites postérieurs, qui se sont, sans s'en rendre compte, rapprochés des croyances Mutazilites, et que certains ulémas sunnites ont donc qualifiés de : "مخانيث المعتزلة" (MF 6/359 : Ibn Taymiyya précise bien : "ومرادهم: الأشعرية الذين ينفون الصفات الخبرية"). C'est par rapport aux verres n° 4 et n° 5 que ce verre n° 3 est appelé : "verre d'eau". Ceci rejoint le passage suscité de Naqdh Assâs it-taqdîs : c'est par rapport aux Mutazilites que ces Acharites sont sunnites (au sens particulier du terme).

Le verre n° 2 représente quant à lui la posture de Ibn Kullâb et Abu-l-Hassan al-Asha'rî à propos des Sifât fi'liyya : Ibn Taymiyya dit d'eux qu'"ils ont bien en eux quelque chose de la jahmisation" (فيهم شيء من التجهم), mais également qu'"ils sont plus proches des Gens de la pure Sunna que des Jahmites" : "وهؤلاء: إلى أهل السنة المحضة، أقرب منهم إلى الجهمية والرافضة والخوارج والقدرية" (Al-Fatâwâ al-kub'râ, ci-dessus). On retrouve donc dans ce verre n° 2 une petite trace de sirop, mais ce qui domine c'est bien l'eau. Au point que ce verre n° 2 est appelé : "un verre d'eau".

-
On relève aussi dans le propos de Al-Fatâwâ al-kub'râ que ceux que j'ai représentés par les verres 2 et 3 sont tous deux qualifiés par Ibn Taymiyya de "Sifâtiyya muthbitûn, mukhâlifûna li-l-jahmiyya".

Remarquons bien que, ceux des Acharites qui font la négation des Sifât Khabariyya, Ibn Taymiyya les a qualifiés non pas de "Mu'tazila", mais de : "Makhânîth ul-Mu'tazila" !
On perçoit bien la différence entre le verre n° 2, le verre n° 3 et le verre n° 4 dans ce propos de Ibn Taymiyya :
"ثم أقرب هؤلاء الجهمية: الأشعرية يقولون: إن له صفات سبعا: الحياة والعلم والقدرة والإرادة والكلام والسمع والبصر، وينفون ما عداها. وفيهم من يضم إلى ذلك "اليد" فقط؛ ومنهم من يتوقف في نفي ما سواها
[أي ما سوى اليد]؛ وغلاتهم يقطعون بنفي ما سواها [أي ما سوى اليد].وأما المعتزلة فإنهم ينفون الصفات مطلقا ويثبتون أحكامها" (MF 6/358-359).
"ولهذا كانوا يقولون: "إن البدع مشتقة من الكفر وآيلة إليه"؛ ويقولون: "إن المعتزلة مخانيث الفلاسفة، والأشعرية مخانيث المعتزلة"؛ وكان يحيى بن عمار يقول: "المعتزلة الجهمية الذكور، والأشعرية الجهمية الإناث". ومرادهم: الأشعرية الذين ينفون الصفات الخبرية.
وأما من قال منهم بكتاب "الإبانة" (الذي صنفه الأشعري في آخر عمره
) ولم يظهر مقالة تناقض ذلك، فهذا يعد من أهل السنة" (MF 6/359-360).

-

Attention : Dire que ces grands ulémas Acharites ont "un petit quelque chose de jahmisation", cela ne signifie pas dire qu'ils sont Jahmites, ni qu'ils sont égarés.

Cela signifie seulement qu'ils ont repris, après les avoir adoucis et édulcorés, certains principes des Mutazilites. Or ces Mutazilites avaient eux-mêmes pris ces principes, après les avoir adoucis et édulcorés, des Jahmites.
Mais le résultat final, tel qu'il se présente chez les Acharites, ne fait pas d'eux des égarés (dhullâl).

C'est ce que Ibn Taymiyya expose ainsi :
"ومما ينبغي أيضا أن يعرف أن الطوائف المنتسبة إلى متبوعين في أصول الدين والكلام على درجات:
منهم من يكون قد خالف السنة في أصول عظيمة،
ومنهم من يكون إنما خالف السنة في أمور دقيقة، ومن يكون قد رد على غيره من الطوائف الذين هم أبعد عن السنة منه؛ فيكون محمودا فيما رده من الباطل وقاله من الحق؛ لكن يكون قد جاوز العدل في رده بحيث جحد بعض الحق وقال بعض الباطل؛ فيكون قد رد بدعة كبيرة ببدعة أخف منها؛ ورد الباطل بباطل أخف منه.
وهذه حال أكثر أهل الكلام المنتسبين إلى السنة والجماعة.
ومثل هؤلاء إذا لم يجعلوا ما ابتدعوه قولا يفارقون به جماعة المسلمين - يوالون عليه ويعادون -، كان من نوع الخطأ. والله سبحانه وتعالى يغفر للمؤمنين خطأهم في مثل ذلك"
(MF 3/348-349).

Ce propos s'applique entièrement aux Acharites : leurs erreurs sont des khata' sur des choses subtiles, et qui n'autorisent pas (comme nous l'avions dit explicitement dans notre autre article) le tadhlîl de leurs auteurs.

-

Par ailleurs, Ibn Taymiyya reconnaît (avec son honnêteté et sa pondération habituelles) tout le bien que Ibn Kullâb et al-Asha'rî ont apporté face aux Mutazilites et aux Jahmites 

--- "لا ريب أن قول ابن كلاب والأشعري ونحوهما من المثبتة للصفات، ليس هو قول الجهمية، بل ولا المعتزلة. بل هؤلاء لهم مصنفات في الرد على الجهمية والمعتزلة وبيان تضليل من نفاها؛ بل هم تارة يكفرون الجهمية والمعتزلة، وتارة يضللونهم" (MF 12/202).

--- "وكان أبو الحسن الأشعري لما رجع عن الاعتزال سلك طريقة أبي محمد بن كلاب. فصار طائفة ينتسبون إلى السنة والحديث من السالمية وغيرهم كأبي علي الأهوازي يذكرون في مثالب أبي الحسن أشياء، هي من افتراء المعتزلة وغيرهم عليه، لأن الأشعري بين من تناقض أقوال المعتزلة وفسادها ما لم يبينه غيره، حتى جعلهم في قمع السمسمة" (MF 5/556).

Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

Print Friendly, PDF & Email