Certains avis et interprétations, bien qu'émis par des musulmans, constituent de la déviance (dhalâl) (laquelle est plus accentuée que la simple erreur ijtihâdî qat'î).
Or avoir une croyance constituant "déviance" constitue en soi un grand péché (kabîra).
Et ici, 2 dimensions se présentent à nous :
– La 1ère concerne l'autre monde (في الآخرة) : Dieu pardonnera-t-Il, ou au contraire pourra-t-Il tenir rigueur aux musulmans ayant adopté ce genre de croyances déviantes ?
De cela nous avons déjà parlé dans un précédent article : Le musulman qui, par ignorance, a adopté une croyance erronée ou pratiqué une action cultuelle innovée, et est mort sans se repentir de cela (puisqu'il le croyait juste), se peut-il que dans l'au-delà (في الآخرة) il soit puni pour cela par Dieu, ou cela lui sera-t-il systématiquement pardonné par Dieu ?
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– La 2nde concerne ce monde (في الدنيا) : les règles dînî applicables normalement en ce monde à ces croyances et actions fausses par les hommes de science compétents :
Cette 2nde dimension revêt, à son tour, 2 aspects :
--- Un aspect concerne l'applicabilité de sanctions (telles que le fait de boycotter, hajr, ce musulman qui professe une croyance déviante, afin de le faire revenir à l'orthodoxie) :
De cela aussi, nous avons déjà traité dans un article précédent : Et la sanction temporelle ('uqûba shar'iyya dunyawiyya), est-elle applicable à ce musulman ignorant ?
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--- L'autre aspect concerne l'applicabilité du qualificatif "déviant" (dhâll) à ce musulman qui professe une croyance déviante :
Tout musulman qui adopte un avis de dhalâl, lui appliquera-t-on le qualificatif "dhâll" / "sorti de Ahl us-sunna wa-l-jamâ'ah" ? ou bien faut-il pour cela que Iqâmat ul-hujja ait eu lieu au préalable ?
C'est de cela que nous parlons dans le présent article...
Celui qui a adopté un avis réellement "de dhalâl", le décrète-t-on systématiquement dhâll ? ou ne peut-on le faire qu'après Iqâmat ul-hujja ?
Après tout il se peut que son erreur à lui aussi a été faite sur la base d'une ignorance (jahl) ou d'une mauvaise compréhension (shub'ha mu'tabara)... Or celui qui a tient un propos de kufr akbar, on ne le décrète pas systématiquement kâfir tant que iqâmat ul-hujja n'a pas eu lieu (Le musulman qui tient un propos de kufr akbar sera-t-elle systématiquement qualifiée de "kâfir" ?). Ne serait-ce pas la même chose pour un propos de dhalâl ?
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Avant d'apporter des éléments de réponse à cette question, voici un élément de réflexion :
Ibn Hajar écrit (Fat'h ul-bârî 13/660) que :
– Mujahid est d'avis qu'il n'y aura pas de Balance le jour de la Résurrection, les passages du Coran évoquant le pesée et les balances étant des paraboles : cela désigne simplement l'établissement de la Justice. En effet, at-Tabarî écrit : "وكان مجاهد يقول: ليس ميزان، إنما هو مَثَل ضرب" (Tafsîr ut-Tabarî, sourate Al-Qâ'ri'a). Et il rapporte : "حدثنا الحسن بن يحيى، قال: أخبرنا عبد الرزاق، قال: أخبرنا الثوري، عن ابن أبي نجيح، عن مجاهد في قول الله {ونضع الموازين القسط ليوم القيامة} قال: "إنما هو مَثَل، كما يجوز الوزن كذلك يجوز الحق" (Tafsîr ut-Tabarî, sourate Al-Anbiyâ'). Or ce que Mujâhid a dit là est exactement l'avis des Mutazilites.
Ibn Taymiyya écrit (in MF 20/33-36) que :
– il est relaté de Mujâhid et Abû Sâlih que "Dieu ne sera pas vu dans l'au-delà" [ce qui est l'avis des Mutazilites] ;
– d'autres parmi les Salaf et les Khalaf ont nié que les péchés se produisent par la volonté de Dieu, croyant que cela implique que Dieu aime les péchés [ce qui, de nouveau, est l'avis des Mutazilites].
Si dès qu'un âlim se référant réellement à la Sunna et à la Jamâ'ah fait 1 ou 2 erreurs qui l'a (ou l'ont) conduit à adopter le même avis que ceux qui sont réellement égarés (firaq dhâlla), cela entraîne qu'on lui applique le nom "dhâll" et qu'on le traite de "sorti de ahl us-sunna wa-l-jamâ'ah", il faudrait traiter Mujâhid et ces autres Salaf de "dhâll"... Qui serait assez sot pour faire pareille chose ?
On voit bien que les choses ne sont pas aussi simples.
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Comment faire, alors ?
Ash-Shâtibî a écrit :
"وذلك أن هذه الفرق إنما تصير فرقا بخلافها للفرقة الناجية في معنى كلي في الدين وقاعدة من قواعد الشريعة، لا في جزئي من الجزئيات. إذ الجزئي والفرع الشاذ لا ينشأ عنه مخالفة يقع بسببها التفرق شيعا؛ وإنما ينشأ التفرق عند وقوع المخالفة في الأمور الكلية، لأن الكليات تقتضي عددا من الجزئيات غير قليل، وشاذها في الغالب أن لا يختص بمحل دون محل ولا بباب دون باب" :
"Ces groupes déviants ne deviennent groupes déviants que par le fait de contredire le groupe sauvé dans un principe général du dîn et de la sharî'a, et pas dans un point individuel" (Al-I'tissâm, 2/200).
Et, ailleurs :
"المسألة الخامسة عشرة أنه قال عليه الصلاة والسلام: «كلها في النار إلا واحدة» وحتم ذلك. وقد تقدم أنه لا يعد من الفرق إلا المخالف في أمر كلي وقاعدة عامة" :
"Il a déjà été dit que n'est compté parmi les groupes déviants que celui qui contredit dans un principe général" (Ibid., 2/256).
"ويجري مجرى القاعدة الكلية: كثرة الجزئيات؛ فإن المبتدع إذا أكثر من إنشاء الفروع المخترعة عاد ذلك على كثير من الشريعة بالمعارضة.
كما تصير القاعدة الكلية معارضة أيضا.
وأما الجزئي فبخلاف ذلك، بل يُعَدُّ وقوع ذلك من المبتدع له كالزلة والفلتة" :
"Et est considéré comme un principe général : la quantité de points individuels : car lorsque celui qui innove produit en quantité des Furû' inventées, cela entraîne l'opposition à une grande partie de la Shar'.
Comme la règle générale devient opposée elle aussi.
Quant au point individuel, il est différent de cela : le fait que (un point individuel) soit produit de la part de celui qui l'a innové, cela est considéré comme une erreur" (Ibid., 2/201).
Ash-Shâtibî dit qu'une ou quelques erreur(s) individuelles (juz'î), de la part d'un savant qui s'attache à la Sunna et à la Jamâ'ah, sera(seront) décrite(s) comme étant une(des) "zalla" et "falta" ; et que son auteur ne fera pas partie des groupes déviants (firaq dhâlla) seulement à cause de cela (cf. Al-I'tisâm, 2/201). Par contre, si ces erreurs deviennent très nombreuses, là effectivement la personne cesse de faire partie des sunnites.
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– Ash-Shâtibî parle ici de la quantité d'erreurs de dhalâl (et non d'erreurs ijtihâdî). Et il dit que celui qui adhère réellement aux principes des Ahl us-Sunna wa-l-Jamâ'a et a fait seulement une ou deux erreurs de ce type, dit-il, ne devient pas dhâll.
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– Pourtant :
--- dire que 'Alî est plus valeureux que Abû Bakr ou Omar, cela constitue un point individuel (juz'î), mais est bien une erreur de type dhalâl qui entraîne le tabdî' de celui qui le professe :
"أما تفضيل أبي بكر ثم عمر عَلََى عثمان وعلِيّ، فهذا متفق عليه بين أئمة المسلمين المشهورين بالإمامة في العلم والدين، من الصحابة، والتابعين، وتابعيهم" (MF 4/422) ; plus loin, à propos de ce point et d'autres points du même genre : "ولهذا كان أئمة الإسلام متفقين على تبديع من خالف في مثل هذه الأصول" (MF 4/425) ; il s'agit des points qu'il a désigné ainsi : "من الأصول التي اتفق عليها أهل العلم بسنته، كما تواترت عندهم عنه" (MF 4/425). Ibn Taymiyya veut dire ici que affirmer que 'Alî a plus de mérite (fadhl) que Abû Bakr et Omar, cela contredit tellement de paroles connues du Prophète (sur lui soit la paix) que cela constitue un propos d'égarement ;
--- de même, renier la légitimité du califat de 'Uthmân avant celui de 'Alî, cela ne constitue qu'un point individuel (juz'î) mais est bien un propos de dhalâl qui rend dhâll celui qui le professe :
"مع أن بعض أهل السنة كانوا قد اختلفوا في عثمان وعلي رضي الله عنهما (بعد اتفاقهم على تقديم أبي بكر وعمر) أيهما أفضل:
فقدَّمَ قومٌ عثمان وسكتوا أو ربعوا بعلي؛
وقدَّم قوم عليا؛
وقوم توقفوا.
لكن استقر أمر أهل السنة على تقديم عثمان. وإن كانت هذه المسألة (مسألة عثمان وعليّ) ليست من الأصول التي يضلّل المخالف فيها عند جمهور أهل السنة.
لكن المسألة التي يضلّل المخالف فيها، هي مسألة الخلافة" (MF 3/153).
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– Comment articuler alors ce que ash-Shâtibî a dit (lorsqu'il a fait cette claire distinction – dans le fait de dire de quelqu'un qu'il est devenu déviant et a quitté les Ahl us-Sunna wa-l-Jamâ'ah – entre un principe général et un point individuel, juz'î) avec ce que Ibn Taymiyya a dit (les deux points individuels, juz'î, suscités étant des avis de dhalâl, et celui qui adopte l'un d'eux est qualifié de "dhâll") ?
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– Voici une proposition de réponse : Peut-être que ash-Shâtibî fonde cette différence sur la question de la diffusion et de l'évidence de la question (shuhra, ma'a sahûlat il-fahm).
Si on retient cette possibilité, il faut alors détailler les différents cas comme suit :
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– B.B.B.2) La vérité relative à cet avis est d'un niveau qat'î : dans ce cas :
--- B.B.B.2.1) soit l'avis erroné est tel qu'il repose sur ce qui, en soi, constitue un ijtihâd au sens shar'î du terme, même si l'avis juste est su de façon qat'î : l'erreur est alors une khata' ijtihâdî qat'î.
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--- B.B.B.2.2) soit l'avis erroné ne repose pas sur ce qui constitue, en soi, un ijtihâd au sens shar'î du terme, et ce car la vérité est présente de façon très diffusée dans les textes :
----- B.B.B.2.2.1) et l'erreur est de dhalâl :
------- B.B.B.2.2.1.a) si la vérité est en soi très diffusée dans les textes (mash'hûr jiddan), facile à comprendre, et aucun autre texte n'existe qui induirait un propos différent : alors la personne qui contredit cette vérité et professe donc ce dhalâl :
- même si iqâmat ul-hujja n'a pas eu lieu, cette personne est qualifiée de "dhâll".
Cependant, tant que iqâmat ul-hujja n'a pas eu lieu, les règles liées à cette appellation ("dhâll") ne sont pas applicables à cette personne (de même, s'il y a plus de mafsada à appliquer ces règles, elles ne seront pas applicables).
Par exemple la personne déclare illégitime le califat de (ne serait-ce) 'Uthmân avant celui de 'Alî.
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------- B.B.B.2.2.1.b) si la vérité est en soi (fî nafsihî) très diffusée dans les textes (mash'hûr jiddan) et également suffisamment aisée à comprendre (sahl ul-fahm), mais la présence d'un autre texte la contredisant apparemment (soit un texte pas authentique mais ayant été cru tel, soit un texte authentique mais contredisant tellement de textes disant chose différente qu'on devait faire sa ta'wîl à lui de façon à ce qu'il corresponde aux autres textes), la présence de cet autre texte a induit un degré moindre que le a : alors la personne qui contredit cette vérité et professe donc ce dhalâl tout en se réclamant des Ahl us-sunna wa-l-jamâ'ah :
- si iqâmat ul-hujja a eu lieu, cette personne sera qualifiée de "dhâll" et cessera de faire partie des Ahl us-sunna wa-l-jamâ'ah ;
- par contre, tant que iqâmat ul-hujja n'a pas eu lieu, cette personne n'est pas qualifiée de "dhâll". Son propos est donc de dhalâl, mais tant que iqâmat ul-hujja n'a pas eu lieu, elle n'est pas qualifiée de "dhâll".
Par exemple, sur la base du hadîth dit "de l'oiseau", la personne accorde une plus grande valeur à 'Alî par rapport à Abû Bakr et à Omar : "عن أنس بن مالك قال: كان عند النبي صلى الله عليه وسلم طير فقال: "اللهم ائتني بأحب خلقك إليك يأكل معي هذا الطير"؛ فجاء علي فأكل معه" (at-Tirmidhî, 3721).
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------- B.B.B.2.2.1.c) par contre, si c'est sur un point où la vérité est très diffusée dans les textes (mash'hûr jiddan) mais où la question est relativement complexe et nuancée (daqîq ul-fahm), et cela parce qu'il existe plusieurs textes des deux côtés, et l'erreur a été de ne considérer qu'un seul de ces deux groupes de textes, et de complètement délaisser l'autre groupe : alors :
------------ si la personne fait de nombreuses erreurs de ce type, alors elle acquiert une posture de dhalâl (et elle se retrouve donc dans l'un des cas suscités : a ou b) ;
------------ par contre, tant que la personne n'a fait qu'une ou deux erreurs de ce type :
- même si iqâmat ul-hujja a eu lieu, elle ne sera pas qualifiée de "dhâll". Par ailleurs, en ce qui la concerne précisément, on qualifiera cela de "zalla de sa part" plutôt que de "erreur qat'î de dhalâl de sa part".
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----- B.B.B.2.2.2) et l'erreur est alors de kufr akbar :
Cela car la vérité que l'avis contredit fait partie des umûr ma'lûma min ad-dîn bi-dh-dharûra.
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En résumé :
Cet avis fût-il à propos d'un point individuel, avoir émis un avis de dhalâl, cela entraîne le tadhlîl de la personne lorsque :
--- lorsque le point est de type B.B.B.2.2.1.a (la vérité est en soi très connue (mash'hûr jiddan), facile à comprendre, et aucun autre texte n'existe qui induirait un propos différent) ; l'émission de cet avis de dhalâl entraîne alors systématiquement le tadhlîl, avant même iqâmat ul-hujja ;
--- lorsque le point est de type B.B.B.2.2.1.b (la vérité est en soi (fî nafsihî) très diffusée dans les textes (mash'hûr jiddan) et également suffisamment aisée à comprendre (sahl ul-fahm) ; cependant, la présence d'un autre texte présentant chose apparemment différente (soit un texte pas authentique mais ayant été cru tel, soit un texte authentique mais contredisant tellement de textes disant chose différente qu'on devait faire sa ta'wîl à lui de façon à ce qu'il corresponde aux autres textes) a induit un degré moindre que le a) : l'émission de cet avis de dhalâl entraîne alors la tadhlîl après iqâmat ul-hujja seulement.
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Quant à la distinction faite par ash-Shâtibî entre "un ou quelques points individuels" et "tout un principe général" (ou "une quantité de points individuels") par rapport au fait de qualifier la personne de "dhâll", cette distinction concernerait peut-être seulement :
--- les points individuels de type B.B.B.2.2.1.c (l'erreur s'est produite à propos d'un point où la vérité est très diffusée dans les textes (mash'hûr jiddan) mais où la question est relativement complexe et nuancée (daqîq ul-fahm), et cela parce qu'il existe plusieurs textes des deux côtés, et l'erreur a été de ne considérer qu'un seul de ces deux groupes de textes, et de complètement délaisser l'autre groupe (et c'est ce qui fait que l'erreur est de dhalâl)).
En effet :
----- de celui qui fait une ou seulement quelques erreurs de ce type, on ne fait pas la tadhlîl même après iqâmat ul-hujja ;
----- par contre, de celui qui fait de nombreuses erreurs de ce type, on fait tadhlîl après iqâmat ul-hujja.
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Quelques exemples :
– Erreur de type B.B.B.2.2.1.a :
Ceux qui déclarent illégitimes le califat de Abû Bakr, Omar et 'Uthmân :
--- leur erreur pourra leur être pardonnée par Dieu s'il est avéré (et Lui sait tout) qu'ils n'avaient réellement pas eu les moyens de connaître la vérité ;
--- cependant, même si iqâmat ul-hujja n'a pas eu lieu, ils seront qualifiés de dhâll.
Cela constitue le cas où la vérité est en soi très connue (mash'hûr jiddan), et aucun autre texte n'existe qui induirait un propos différent (B.B.B.2.2.1.a).
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– Erreur de type B.B.B.2.2.1.b :
Certains hommes se réclamant de la Sunna et de la Jamâ'ah ont (à l'instar des Chiites) dit eux aussi que 'Alî est le plus valeureux de tous les Compagnons (et est donc plus valeureux que Abû Bakr et Omar aussi), mais ils ne l'ont dit que parce qu'ils ont cru que le hadîth dit "de l'oiseau" (où il est dit que c'est 'Alî l'homme [parmi les Compagnons] qui est le plus aimé de Dieu) était authentique (alors qu'il ne l'est pas), et qu'ils n'ont pas eu connaissance des nombreux autres hadîths, réellement authentiques eux, qui montrent que Abû Bakr et Omar sont plus aimés de Dieu que 'Alî.
C'est après iqâmat ul-hujja qu'il seraient qualifiés de "dhâll".
Cette erreur là constitue le cas où la vérité est en soi (fî nafsihî) très diffusée dans les textes (mash'hûr jiddan) et également suffisamment aisée à comprendre (sahl ul-fahm) ; cependant, la présence d'un autre texte la contredisant apparemment (soit un texte pas authentique mais ayant été cru tel, soit un texte authentique mais contredisant tellement de textes disant chose différente qu'on devait faire sa ta'wîl à lui de façon à ce qu'il corresponde aux autres textes) a induit un degré moindre (B.B.B.2.2.1.b).
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– Erreurs de type B.B.B.2.2.1.c :
– Ibn Taymiyya écrit ainsi que certains Salaf ont eu le même avis que celui des Mutazilites :
"وكما أنكر طائفة من السلف والخلف أن الله يريد المعاصي، لاعتقادهم أن معناه أن الله يحب ذلك ويرضاه ويأمر به. وأنكر طائفة من السلف والخلف أن الله يريد المعاصي، لكونهم ظنوا أن الإرادة لا تكون إلا بمعنى المشيئة لخلقها وقد علموا أن الله خالق كل شيء، وأنه ما شاء كان وما لم يشأ لم يكن والقرآن قد جاء بلفظ الإرادة بهذا المعنى وبهذا المعنى لكن كل طائفة عرفت أحد المعنيين وأنكرت الآخر" (MF 20/33-36).
Qui donc traiterait ces Salafs de "dhâll" ?
Même cet avis qu'ils ont émis sera qualifié, par respect pour eux, seulement de "zalla".
En fait c'est là une croyance qu'ont les firaq dhâlla, mais comme ces illustres personnages l'ont dite uniquement de façon isolée et qu'elles ne sont pas aussi évidentes (car parfois la ta'wîl est possible à propos de certains textes), elles relèvent du cas où l'erreur s'est produite à propos d'un point où la vérité est très diffusée dans les textes (mash'hûr jiddan) mais où la question est relativement complexe et nuancée (daqîq ul-fahm), et cela parce qu'il existe plusieurs textes des deux côtés, et l'erreur a été de ne considérer qu'un seul de ces deux groupes de textes, et de complètement délaisser l'autre groupe (B.B.B.2.2.1.c)).
– Un autre exemple :
- Les Mutazilites ont dit que la Balance n'existe pas, car les Actions n'ont pas de corps, or ce qui n'a pas de corps ne peut pas être pesé, donc la Balance n'existe pas. C'est une Kullî qui est fausse : les actions n'ont pas de corps, car ce sont des A'râdh : c'est là leur interprétation rationaliste, qui est un principe Kullî, et qui les amenés à faire la Ta'wîl (la Balance n'en étant qu'un exemple parmi d'autres) de plusieurs Textes. Cela est du Dhalâl.
- Mujâhid a dit qu'il n'y aura pas de Balance le jour de la Résurrection, les passages du Coran évoquant le pesée et les balances étant des paraboles : cela désigne simplement l'établissement de la Justice. En effet, at-Tabarî écrit : "وكان مجاهد يقول: ليس ميزان، إنما هو مَثَل ضرب" (Tafsîr ut-Tabarî, sourate Al-Qâ'ri'a). Et il rapporte : "حدثنا الحسن بن يحيى، قال: أخبرنا عبد الرزاق، قال: أخبرنا الثوري، عن ابن أبي نجيح، عن مجاهد في قول الله {ونضع الموازين القسط ليوم القيامة} قال: "إنما هو مَثَل، كما يجوز الوزن كذلك يجوز الحق" (Tafsîr ut-Tabarî, sourate Al-Anbiyâ'). Ce que Mujâhid a dit là est exactement l'avis des Mutazilites. C'est un Juz'î erroné, mais qui ne repose pas sur le faux principe des Mutazilites ! Mujâhid a simplement fait Ta'wîl de ces textes-là, parce qu'il a pensé que c'est une Isti'âra, ou une Kinâya, comme il en existe d'autres dans le Coran et la Sunna. Ce n'est donc pas du Dhalâl en ce qui concerne Mujâhid, même s'il a dit la même chose que les Mutazilites sur ce point précis.
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Par contre, tout autre est la question de savoir si avoir émis un avis qui, en soi, est de dhalâl, est-ce que cela constitue systématiquement un péché (vu que nul ne devait ignorer un point aussi diffusé dans les textes), ou est-ce que cela peut être pardonné par Dieu (pour cause d'ignorance de la vérité, celle-ci fût-elle en soi très diffusée dans les textes) :
Et en fait cela rejoint notre article déjà évoqué : Le musulman qui, par ignorance, a adopté une croyance erronée ou pratiqué une action cultuelle innovée, et est mort sans se repentir de cela (puisqu'il le croyait juste), se peut-il que dans l'au-delà (في الآخرة) il soit puni pour cela par Dieu, ou cela lui sera-t-il systématiquement pardonné par Dieu ?
Voici un écrit de Ibn Taymiyya sur le sujet :
"فصل: والخطأ المغفور في الاجتهاد هو في نوعي المسائل الخبرية والعلمية كما قد بسط في غير موضع.
كمن اعتقد ثبوت شيء لدلالة آية أو حديث، وكان لذلك ما يعارضه ويبين المراد، ولم يعرفه. مثل من اعتقد أن الذبيح إسحاق لحديث اعتقد ثبوته أو اعتقد أن الله لا يُرَى، لقوله {لا تدركه الأبصار} ولقوله {وما كان لبشر أن يكلمه الله إلا وحيا أو من وراء حجاب}؛ كما احتجت عائشة بهاتين الآيتين على انتفاء الرؤية في حق النبي صلى الله عليه وسلم، وإنما يدلان بطريق العموم؛ وكما نقل عن بعض التابعين أن الله لا يُرَى وفسروا قوله {وجوه يومئذ ناضرة إلى ربها ناظرة} بأنها تنتظر ثواب ربها، كما نقل عن مجاهد وأبي صالح.
أو من اعتقد أن الميت لا يعذب ببكاء الحي، لاعتقاده أن قوله {ولا تزر وازرة وزر أخرى} يدل على ذلك؛ وأن ذلك يقدم على رواية الراوي لأن السمع يغلط كما اعتقد ذلك طائفة من السلف والخلف.
أو اعتقد أن الميت لا يسمع خطاب الحي، لاعتقاده أن قوله {فإنك لا تسمع الموتى} يدل على ذلك.
أو اعتقد أن الله لا يعجب كما اعتقد ذلك شريح، لاعتقاده أن العجب إنما يكون من جهل السبب والله منزه عن الجهل.
أو اعتقد أن عليا أفضل الصحابة، لاعتقاده صحة حديث الطير وأن النبي صلى الله عليه وسلم قال: "اللهم ائتني بأحب الخلق إليك؛ يأكل معي من هذا الطائر".
أو اعتقد أن من جس للعدو وأعلمهم بغزو النبي صلى الله عليه وسلم فهو منافق: كما اعتقد ذلك عمر في حاطب وقال: دعني أضرب عنق هذا المنافق.
أو اعتقد أن من غضب لبعض المنافقين غضبة فهو منافق، كما اعتقد ذلك أسيد بن حضير في سعد بن عبادة وقال: إنك منافق تجادل عن المنافقين.
أو اعتقد أن بعض الكلمات أو الآيات أنها ليست من القرآن، لأن ذلك لم يثبت عنده بالنقل الثابت كما نقل عن غير واحد من السلف أنهم أنكروا ألفاظا من القرآن كإنكار بعضهم: {وقضى ربك} وقال: إنما هي ووصى ربك؛ وإنكار بعضهم قوله {وإذ أخذ الله ميثاق النبيين} وقال: إنما هو ميثاق بني إسرائيل وكذلك هي في قراءة عبد الله؛ وإنكار بعضهم {أفلم ييأس الذين آمنوا} إنما هي: أولم يتبين الذين آمنوا؛ وكما أنكر عمر على هشام بن الحكم لما رآه يقرأ سورة الفرقان على غير ما قرأها؛ وكما أنكر طائفة من السلف على بعض القراء بحروف لم يعرفوها حتى جمعهم عثمان على المصحف الإمام.
وكما أنكر طائفة من السلف والخلف أن الله يريد المعاصي، لاعتقادهم أن معناه أن الله يحب ذلك ويرضاه ويأمر به. وأنكر طائفة من السلف والخلف أن الله يريد المعاصي، لكونهم ظنوا أن الإرادة لا تكون إلا بمعنى المشيئة لخلقها وقد علموا أن الله خالق كل شيء، وأنه ما شاء كان وما لم يشأ لم يكن والقرآن قد جاء بلفظ الإرادة بهذا المعنى وبهذا المعنى لكن كل طائفة عرفت أحد المعنيين وأنكرت الآخر.
وكالذي قال لأهله: إذا أنا مت فأحرقوني: ثم ذروني في اليم فوالله لئن قدر الله علي ليعذبني عذابا لا يعذبه أحدا من العالمين.
وكما قد ذكره طائفة من السلف في قوله: {أيحسب أن لن يقدر عليه أحد} وفي قول الحواريين: {هل يستطيع ربك أن ينزل علينا مائدة من السماء} وكالصحابة الذين سألوا النبي صلى الله عليه وسلم هل نرى ربنا يوم القيامة؟ فلم يكونوا يعلمون أنهم يرونه، وكثير من الناس لا يعلم ذلك، إما لأنه لم تبلغه الأحاديث وإما لأنه ظن أنه كذب وغلط" (MF 20/33-36).
Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).