Un verset du Coran dit : "فَلاَ وَرَبِّكَ لاَ يُؤْمِنُونَ حَتَّىَ يُحَكِّمُوكَ فِيمَا شَجَرَ بَيْنَهُمْ ثُمَّ لاَ يَجِدُواْ فِي أَنفُسِهِمْ حَرَجًا مِّمَّا قَضَيْتَ وَيُسَلِّمُواْ تَسْلِيمًا" : "Non, par ton Seigneur, ils ne seront pas croyants jusqu'à ce qu'ils te prennent comme arbitre à propos de leurs différends, puis qu'ils n'éprouvent en eux-mêmes aucune gêne à propos de ce que tu auras rendu comme décision et qu'ils s'y soumettent" (Coran 4/65).
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Voici tout ce passage coranique, extrait de Sourate an-Nissâ' :
"أَلَمْ تَرَ إِلَى الَّذِينَ يَزْعُمُونَ أَنَّهُمْ آمَنُواْ بِمَا أُنزِلَ إِلَيْكَ وَمَا أُنزِلَ مِن قَبْلِكَ يُرِيدُونَ أَن يَتَحَاكَمُواْ إِلَى الطَّاغُوتِ وَقَدْ أُمِرُواْ أَن يَكْفُرُواْ بِهِ وَيُرِيدُ الشَّيْطَانُ أَن يُضِلَّهُمْ ضَلاَلاً بَعِيدًا {4/60} وَإِذَا قِيلَ لَهُمْ تَعَالَوْاْ إِلَى مَا أَنزَلَ اللّهُ وَإِلَى الرَّسُولِ رَأَيْتَ الْمُنَافِقِينَ يَصُدُّونَ عَنكَ صُدُودًا {4/61} فَكَيْفَ إِذَا أَصَابَتْهُم مُّصِيبَةٌ بِمَا قَدَّمَتْ أَيْدِيهِمْ ثُمَّ جَآؤُوكَ يَحْلِفُونَ بِاللّهِ إِنْ أَرَدْنَا إِلاَّ إِحْسَانًا وَتَوْفِيقًا {4/62} أُولَئِكَ الَّذِينَ يَعْلَمُ اللّهُ مَا فِي قُلُوبِهِمْ فَأَعْرِضْ عَنْهُمْ وَعِظْهُمْ وَقُل لَّهُمْ فِي أَنفُسِهِمْ قَوْلاً بَلِيغًا {4/63} وَمَا أَرْسَلْنَا مِن رَّسُولٍ إِلاَّ لِيُطَاعَ بِإِذْنِ اللّهِ وَلَوْ أَنَّهُمْ إِذ ظَّلَمُواْ أَنفُسَهُمْ جَآؤُوكَ فَاسْتَغْفَرُواْ اللّهَ وَاسْتَغْفَرَ لَهُمُ الرَّسُولُ لَوَجَدُواْ اللّهَ تَوَّابًا رَّحِيمًا {4/64} فَلاَ وَرَبِّكَ لاَ يُؤْمِنُونَ حَتَّىَ يُحَكِّمُوكَ فِيمَا شَجَرَ بَيْنَهُمْ ثُمَّ لاَ يَجِدُواْ فِي أَنفُسِهِمْ حَرَجًا مِّمَّا قَضَيْتَ وَيُسَلِّمُواْ تَسْلِيمًا {4/65} وَلَوْ أَنَّا كَتَبْنَا عَلَيْهِمْ أَنِ اقْتُلُواْ أَنفُسَكُمْ أَوِ اخْرُجُواْ مِن دِيَارِكُم مَّا فَعَلُوهُ إِلاَّ قَلِيلٌ مِّنْهُمْ وَلَوْ أَنَّهُمْ فَعَلُواْ مَا يُوعَظُونَ بِهِ لَكَانَ خَيْرًا لَّهُمْ وَأَشَدَّ تَثْبِيتًا {4/66} وَإِذاً لَّآتَيْنَاهُم مِّن لَّدُنَّا أَجْراً عَظِيمًا {4/67} وَلَهَدَيْنَاهُمْ صِرَاطًا مُّسْتَقِيمًا {4/68} وَمَن يُطِعِ اللّهَ وَالرَّسُولَ فَأُوْلَئِكَ مَعَ الَّذِينَ أَنْعَمَ اللّهُ عَلَيْهِم مِّنَ النَّبِيِّينَ وَالصِّدِّيقِينَ وَالشُّهَدَاء وَالصَّالِحِينَ وَحَسُنَ أُولَئِكَ رَفِيقًا {4/69} ذَلِكَ الْفَضْلُ مِنَ اللّهِ وَكَفَى بِاللّهِ عَلِيمًا {4/70".
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L'événement auquel ce passage renvoie :
Ce passage coranique (4/60-65) fait allusion à un incident survenu entre Omar ibn ul-Khattâb (que Dieu l'agrée) et un Hypocrite (donc en apparence un musulman) nommé Bishr.
Bishr avait un litige avec un juif de Médine. Celui-ci, se sachant dans son bon droit, voulut faire régler le différend par Muhammad (sur lui soit la paix), sachant que celui-ci observe la justice, fût-elle à l'encontre des musulmans. Bishr, sachant qu'il n'était pas dans son droit et qu'il perdrait, refusa et demanda de porter l'affaire devant Ka'b ibn ul-Ashraf.
Mais ils finirent par se rendre tous deux auprès du Prophète. Le litige ayant été exposé devant lui, le Prophète rendit le jugement en faveur du juif.
Une fois dehors, l'Hypocrite exprima son désaccord vis-à-vis du jugement, et proposa de porter l'affaire devant Omar ibn ul-Khattâb (il pensait probablement - et il avait en cela tort - que Omar ne donnerait pas raison à un non-musulman sur un musulman : Bayân ul-qur'ân). Le juif accepta, sachant que Omar ne donnerait pas tort à un non-musulman qui était dans son droit.
Arrivés devant Omar, le juif lui exposa les faits, et lui dit que Muhammad avait déjà jugé mais que le musulman n'était pas d'accord avec son jugement. A la demande de Omar, l'Hypocrite confirma explicitement par sa langue qu'il n'était pas d'accord avec le jugement rendu par le Prophète :
"وأخرج الثعلبي عن ابن عباس في قوله {ألم تر إلى الذين يزعمون أنهم آمنوا} الآية قال: نزلت في رجل من المنافقين يقال له بشر، خاصم يهوديا؛ فدعاه اليهودي إلى النبي صلى الله عليه وسلم، ودعاه المنافق إلى كعب بن الأشرف. ثم إنهما احتكما إلى النبي صلى الله عليه وسلم. فقضى لليهودي. فلم يرض المنافق، وقال: "تعال نتحاكم إلى عمر بن الخطاب." فقال اليهودي لعمر: "قضى لنا رسول الله صلى الله عليه وسلم، فلم يرض [هذا] بقضائه." فقال [عمر] للمنافق: "أكذلك؟" قال [المنافق]: "نعم." فقال عمر: "مكانكما حتى أخرج إليكما." (...). فنزلت" (Ad-Durr ul-manthûr, 2/320).
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Que signifie le verset : "Non, par ton Seigneur, ils ne seront pas croyants jusqu'à ce qu'ils te prennent comme arbitre à propos de leurs différends, puis qu'ils n'éprouvent en eux-mêmes aucune gêne à propos de ce que tu auras rendu comme décision et qu'ils s'y soumettent" (Coran 4/65) ?
Ce verset rend nécessaire pour les musulmans (comme étant ce qui découle de leur foi même) de prendre comme références ce que le Prophète a apporté (donc le Coran et la Sunna) pour établir ce qui est permis et ce qui est interdit dans leurs affaires.
– Si un musulman a comme croyance qu'il n'est pas nécessaire de se référer aux sources de l'islam, alors à l'unanimité il a là une croyance qui contredit formellement les croyances musulmanes et qui constitue du kufr akbar.
– Mais lorsque le musulman croit bien qu'il est nécessaire de se référer aux Coran et Sunna et ne dit pas par sa langue ou sa plume que cela n'est pas nécessaire, mais que c'est dans les faits qu'il se réfère à autre chose qu'eux : fait-il alors un acte de fisq asghar (= kufr asghar / kabîra), ou bien un acte de kufr akbar ?
Cheikh Ashraf Alî Thânwî écrit qu'il ne s'agit pas d'un acte de kufr akbar.
Cheikh Thânwî explique souligne d'une part que dans ce verset il est demandé à celui qui se prétend croyant de faire 3 choses :
--- (1) tahkîmu shar' ir-rassûl ;
--- (2) 'adamu wujûdi ayyi haraj – fi-n-nafs – min hukm ish-shar' ;
--- (3) at-taslîm li hukm ish-shar'.
Et Cheikh Thânwî écrit d'autre part que :
"La tahkîm, la 'adamu [wujûd il-]haraj et la taslîm sont de 3 niveaux :
– [a] par la croyance ;
– [b] par la langue ;
– [c] par l'action.
– "Par la croyance" [a], cela consiste :
--- en le fait d'avoir comme croyance que la Loi de la shar' est la vérité [et la justice] et qu'elle a été instituée pour la tahkîm (1),
--- en le fait de ne ressentir aucune gêne en la raison [c'est-à-dire que la raison accepte cette Loi comme vraie et juste] (2),
--- et en le fait de faire la taslîm à ce niveau [= celui de la raison, qui accepte cette croyance selon laquelle la Loi est la vérité et la justice] (3).
– "Par la langue" [b], cela consiste :
--- en le fait de reconnaître ces points [que nous venons de voir à propos de la croyance] comme étant la vérité [et de ne jamais proférer de parole, verbale ou écrite, disant que ce n'est pas la vérité ou pas la justice].
– Et "par l'action" [c], cela consiste :
--- en le fait de porter l'affaire (1),
--- en le fait de ne pas entretenir de gêne [à propos du jugement rendu] (2),
--- et en le fait d'agir conformément au jugement (ayant été rendu) (3)."
Cheikh Thânwî relève ensuite que ne pas avoir le premier niveau [a] de n'importe laquelle de ces 3 choses requises (c'est-à-dire ne pas avoir la croyance requise à propos de l'une de ces trois choses : 1) tahkîm, 2) 'adamu wujûd il-haraj et 3) taslîm), cela constitue du kufr akbar.
De même, dire par sa langue [b] qu'il n'y a pas à se référer à la Loi de Dieu, ou dire que la Loi est injuste ou qu'elle est un fardeau, ou dire : "Je refuse de me soumettre à cette Loi", cela est également du kufr akbar. [Cela constitue en fait des croyances ayant été exprimées par la langue.]
Par contre, ne pas faire, au niveau de l'action seulement (sans le renier en son cœur ni par sa langue) [c], une ou plusieurs de ces trois choses demandées, cela consiste en du fisq asghar [ou kufr asghar] seulement.
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La preuve de ce dernier point :
Si quelqu'un qui se dit musulman :
--- accepte au niveau de son cœur ce qui est requis de tahkîm (1), de 'adamu wujûd il-haraj (2) et de taslîm (3),
--- exprime également par sa langue qu'il y adhère totalement ; ou, au moins, après avoir exprimé une fois par sa langue qu'il adhère totalement aux enseignements de l'islam, ne dit pas par sa langue qu'il réfute tel enseignement,
--- et, en action se réfère bien, pour régler l'affaire, à la Loi de Dieu, cependant, ensuite n'agit pas selon le jugement rendu selon cette Loi de Dieu (donc 'amalan (c) ne pratique pas at-taslîm (3)),
alors tout sunnite sait qu'il fait acte de fisq asghar et non pas de kufr akbar.
C'est donc la même chose par rapport à at-tahkîm (1) 'amalan (c), mentionné également dans ce même verset :
Si un musulman accepte au niveau de son cœur (a) ce qui lui est demandé de tahkîm, de 'adamu wujûd il-haraj et de taslîm – et exprime également par sa langue (b) qu'il y adhère totalement, ou, au moins, après avoir exprimé une fois par sa langue qu'il adhère totalement aux enseignements de l'islam, ne dit pas qu'il réfute tel enseignement –, mais en action (c) porte l'affaire devant une autre Loi que celle de Dieu (donc 'amalan (c) ne pratique pas at-tahkîm), tout en croyant en son cœur que c'est la Shar' ullâh qui est juste, alors il fait de même acte de fisq asghar, et non pas de kufr akbar.
D'ailleurs, souligne Cheikh Thânwî, le verset parle explicitement d'Hypocrites (verset 61 : "alors tu vois ces Hypocrites" : al-lâmu li-l-'ahd). Or les Hypocrites non seulement se référaient en actes à une autre Loi, mais ne la croyaient pas non plus comme vérité et justice, ni telle que le musulman doive s'y référer (Bayân ul-qur'ân 2/130-131).
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Le fait, pour un musulman, de se référer en acte ('amalan (c)) à une autre loi que celle de Dieu :
– si en son cœur ce musulman sait bien que l'autre loi n'est pas la vérité mais s'y réfère quand même en acte, alors cela n'est pas acte de kufr akbar mais acte de fisq asghar ;
– par contre, si cela est accompagné par la croyance (a) du refus de considérer que la Shar' ullâh est juste ou que le musulman a l'obligation de s'y référer (comme c'était le cas des Hypocrites auxquels le verset fait explicitement allusion), alors cela est acte de kufr akbar.
Si aujourd'hui quelqu'un qui se prétend musulman a la même croyance que ces Hypocrites (et croit donc que la Loi de la Shar' ullâh n'est pas la vérité, pas la justice, ou qu'il n'est pas nécessaire de s'y référer), alors ce verset s'applique à lui dans le sens de 'admu asl il-îmân ("lâ yu'minûna" : ay : "aslan") ; bien sûr, il est fort possible que ce musulman soit ignorant, et il faut donc lui expliquer, au lieu de le traiter de "kâfir" ou de "murtadd".
Ce qu'il y a dans le cœur (a), seul Dieu le sait, à l'exclusion de tout humain. Par contre, il arrive que la langue ou la plume (b) exprime ce qui se trouve dans le cœur. Et cette expression, les humains en prennent bien sûr connaissance. C'est bien pourquoi on parle de "parole de kufr akbar".
D'ailleurs, à la demande de Omar, l'Hypocrite confirma explicitement par sa langue ce que le juif venait de dire, à savoir qu'il n'était pas d'accord avec le jugement rendu par le Prophète : "ثم إنهما احتكما إلى النبي صلى الله عليه وسلم. فقضى لليهودي. فلم يرض المنافق، وقال: "تعال نتحاكم إلى عمر بن الخطاب." فقال اليهودي لعمر: "قضى لنا رسول الله صلى الله عليه وسلم، فلم يرض [هذا] بقضائه." فقال [عمر] للمنافق: "أكذلك؟" قال [المنافق]: "نعم." فقال عمر: "مكانكما حتى أخرج إليكما" (Ad-Durr ul-manthûr, 2/320).
Pareille affirmation explicite, par la langue (b), de la part de cet homme apparemment musulman, a constitué une claire parole de kufr akbar. C'est pour cela que Omar ibn ul-Khattâb a considéré cet homme : kâfir bi kufr akbar.
Il s'est donc agi, de la part de cet homme, d'une parole (b) exprimant la croyance (a) du refus total d'un jugement rendu par le prophète Muhammad (sur lui soit la paix).
Si donc quelqu'un qui se prétend musulman dit une parole semblable ou comparable à celle que cet Hypocrite avait prononcée ("Je réfute cette règle de l'islam" (alors même qu'il s'agit d'une règle qui est ma'lûm min ad-dîn dharûratan), ce verset s'applique à lui dans le sens de 'adamu asl il-îmân ("lâ yu'minûna" : ay : "aslan"). Bien sûr, il est fort possible que ce musulman soit ignorant, et il faut donc lui expliquer au lieu de s'empresser de le traiter de "kâfir" ou de "murtadd".
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L'acte de tahâkum ilâ ghayri shar' ir-rassûl peut donc être acte de fisq asghar, comme il peut être l'expression d'une croyance de kufr akbar.
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C'est bien ce à quoi Cheikh Nâssir al-'Aql a fait allusion en ces termes : "فهذه المسألة من المسائل الخطيرة، وهي مسألة التحاكم إلى الطاغوت. والتحاكم، سواء كان جزئياً أو كلياً، لا بد أن يدخل فيه التفصيل فيمن حكم بغير ما أنزل الله أو حكَّم غير ما أنزل الله. ولا فرق بين الحكم والتحاكم من حيث التنظير العام" (Shar'h Fadhl il-islâm).
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Quant à la haraj (2) dont le verset demande aux musulmans de ne pas en "ressentir dans leur for intérieur" par rapport aux lois de l'islam, une telle gêne, ressentie par un musulman :
– constitue une parole de kufr akbar si elle consiste en l'expression, par la Langue, d'un rejet, du mépris ou du dégoût vis-à-vis d'une norme qui est ma'lûm min ad-dîn dharûratan ("Cette norme est injuste !") ;
– constitue un acte intérieur de kufr akbar si elle consiste en le rejet de, du mépris ou du dégoût, par la 'Aql, dans le for intérieur, par rapport à cette norme étant ma'lûm min ad-dîn dharûratan ;
– constitue un acte intérieur de fisq asghar (ou kufr asghar) si elle consiste en une gêne intérieure ressentie face à cette norme, gêne que d'une part le musulman ne laisse pas aller jusqu'au rejet (ou mépris) de cette norme, mais que, d'autre part, il entretient en son for intérieur (ce qui est le fait de sa 'Aql) ;
– est complètement excusée si elle consiste en une simple gêne intérieure ressentie sur le plan Tab'î face à l'énoncé de cette norme, mais que le musulman ni n'exprime par sa langue ou son geste, ni n'entretient 'Aqlan, mais qu'au contraire il s'efforce de contrebalancer intérieurement, par l'acceptation volontaire ('Aqlan) de cette norme ("Aur Tab'î tanguî ma'âf hé", écrit Cheikh Thânwî quant à ce dernier point : Bayân ul-qur'ân 2/130-131).
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Par ailleurs : Pourquoi une personne fait-elle tahkîm / tahâkum : se réfère-t-elle à un arbitre (que ce dernier soit un homme ou une loi écrite) ?
La réponse est : Pour suivre ce que cet arbitre dit ; soit pour considérer que la chose au sujet de laquelle elle s'est référée à lui est licite, ou bien est illicite, soit pour établir que le droit revient dans l'affaire à Untel ; soit encore pour établir que la démarche à suivre dans le cas présent est telle chose.
Or voici ce que Ibn Taymiyya a écrit au sujet de suivre celui qui fait des lois différentes de celles de Dieu :
"وهؤلاء الذين اتخذوا أحبارهم ورهبانهم أربابا حيث أطاعوهم في تحليل ما حرم الله وتحريم ما أحل الله: يكونون على وجهين:
أحدهما: أن يعلموا أنهم بدلوا دين الله فيتبعونهم على التبديل فيعتقدون تحليل ما حرم الله وتحريم ما أحل الله اتباعا لرؤسائهم، مع علمهم أنهم خالفوا دين الرسل؛ فهذا كفر؛ وقد جعله الله ورسوله شركا، وإن لم يكونوا يصلون لهم ويسجدون لهم؛ فكان من اتبع غيره في خلاف الدين مع علمه أنه خلاف الدين واعتقد ما قاله ذلك دون ما قاله الله ورسوله، مشركا مثل هؤلاء.
و الثاني: أن يكون اعتقادهم وإيمانهم بتحريم الحرام وتحليل الحلال ثابتا، لكنهم أطاعوهم في معصية الله كما يفعل المسلم ما يفعله من المعاصي التي يعتقد أنها معاص؛ فهؤلاء لهم حكم أمثالهم من أهل الذنوب"
"Et ces gens là qui ont pris leurs savants et leurs moines comme divinités, étant donné qu'ils les ont suivis dans le fait de déclarer licite ce que Dieu a rendu illicite et de déclarer illicite ce que Dieu a rendu licite, [le font] selon deux manières…
– L'une est qu'ils savent que [ces savants et moines] ont changé le dîn de Dieu puis qu'ils les suivent en ce changement, ayant alors comme croyance ("ya'taqidun") que ce Dieu a décrété illicite est devenu licite et que ce que Dieu a décrété licite est devenu illicite, par fait de suivre leurs chefs, tout en sachant qu'ils ont contredit le dîn des Messagers. Ceci est du kufr. Et Dieu et Son Messager l'ont déclaré du shirk, même s'ils ne prient pas et ne se prosternent pas devant eux. Aussi, celui qui suit autrui dans ce qui contredit le dîn tout en sachant que ceci est contraire au dîn, et a comme croyance ("i'taqada") ce que [cet autrui] a dit et non ce que Dieu et Son Messager ont dit, celui-là est mushrik comme ceux-là.
– La seconde est que leur croyance et leur foi soient établies quant au fait de considérer licite ce que [Dieu a décrété] licite et illicite ce que [Dieu a décrété] illicite, mais qu'ils suivent ces [prêtres et moines] dans l'(action de) désobéissance à Dieu, comme le musulman commet ce qu'il commet de péchés dont il a la croyance que ce sont des péchés. Ceux-là ont le statut de leurs semblables parmi les gens du péché (…)" (Majmû' ul-fatâwâ 7/70).
Cela alors même que celui qui déclare licite ce que Dieu a clairement déclaré illicite, ou illicite de façon absolue ce que Dieu a clairement déclaré licite (ou obligatoire), ou exprime que la règle applicable en telle circonstance est telle chose, différente de ce que Dieu a tracé de façon très claire, celui-là a tenu là un propos de kufr akbar sans que cela dépende de la croyance qu'il dit avoir (tant qu'il n'a pas tenu ce propos suite à une contrainte reconnue comme telle) : "والإنسان متى حلل الحرام - المجمع عليه - أو حرم الحلال - المجمع عليه - أو بدل الشرع - المجمع عليه - كان كافرا مرتدا باتفاق الفقهاء" (MF 3/267).
C'est de la même façon qu'il faut comprendre cet autre passage, où Ibn Taymiyya approuve le propos disant que celui qui, aujourd'hui, pratique les normes présentes dans la Torah, lui commet, vu que ces normes sont aujourd'hui abrogées, du kufr akbar : "مثل أن يقال: "نسخ هذه التوراة مبدلة لا يجوز العمل بما فيها، ومن عمل اليوم بشرائعها المبدلة والمنسوخة فهو كافر": فهذا الكلام ونحوه حق، لا شيء على قائله" (MF 35/200). Ibn Taymiyya veut ici parler de celui qui développe comme croyance ce qui s'y trouve de normes, par exemple se met à croire la consommation de la viande de chameau illicite, ou le repos du sabbat obligatoire. Cela est du kufr akbar.
On voit que "إطاعة غير الله" ,"اتباع غير الله" ,"العمل بغير ما أنزل الله" ,"الحكم بغير ما أنزل الله" ,"التحاكم إلى غير ما أنزل الله"... ont tous 2 degrés : l'un est du kufr akbar, l'autre est du fisq asghar : le fait est que tout dépend de la croyance que l'on a en faisant cette action.
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Le passage coranique suscité est donc à comprendre ainsi :
Le tahâkum ila-t-tâghût constitue un acte de kufr akbar :
--- lorsqu'il est fait par refus de la Shar' ullâh dans son ensemble, ou même d'une seule loi de la Shar' ullâh qui est ma'lûm min ad-dîn dharûratan ;
--- ou lorsqu'il est fait parce qu'on a comme croyance que cette loi est injuste (jâ'ïr) ;
-- ou lorsqu'il est fait parce qu'on a comme croyance que la loi du tâghût est meilleure (afdhal) ou égale (mussâwî) à la Shar' ullâh.
C'est ce cas qui s'est déroulé avec comme protagonistes Bishr, le juif de Médine, Ka'b ibn ul-Ashraf et Omar ibn ul-Khattâb, et c'est ce genre de cas qui est visé par le passage coranique commenté dans cet article.
Al-Jassâs al-hanafî écrit, commentant ce passage : "وفي هذه الآية دلالة على أن من رَدَّ شيئا من أوامر الله تعالى أو أوامر رسوله صلى الله عليه وسلم، فهو خارج من الإسلام؛ سواء رده من جهة الشك فيه، أو من جهة ترك القبول والامتناع من التسليم. وذلك يوجب صحة ما ذهب إليه الصحابة في حكمهم بارتداد من امتنع من أداء الزكاة (...)، لأن الله تعالى حكم بأن من لم يسلم للنبي صلى الله عليه وسلم قضاءه وحكمه فليس من أهل الإيمان" (Ahkâm ul-qur'ân, al-Jassâs). Voir aussi Al-Qawl ul-mufîd, pp. 758-759.
Si cela est fait tout en ayant comme croyance que c'est la Shar' ullâh qui est juste et en adhérant à celle-ci en croyances, alors le seul acte de tahâkum ila-t-tâghût ne constitue pas un acte de kufr akbar, mais est une kabîra. Exception faite du cas où le musulman a besoin d'y avoir recours (comme le fait que ce musulman vive dans un pays où ce n'est pas la Shar' ullâh qui est appliquée, et a besoin de porter plainte pour avoir subi un vol ou une agression physique), auquel cas l'acte de tahâkum est autorisé (jâ'ïz).
Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).
Se référer à autre chose que le Coran et la Sunna, est-ce systématiquement un acte de Kufr Akbar ? - Commentaire de Coran 4/60-70
Un verset du Coran dit : "فَلاَ وَرَبِّكَ لاَ يُؤْمِنُونَ حَتَّىَ يُحَكِّمُوكَ فِيمَا شَجَرَ بَيْنَهُمْ ثُمَّ لاَ يَجِدُواْ فِي أَنفُسِهِمْ حَرَجًا مِّمَّا قَضَيْتَ وَيُسَلِّمُواْ تَسْلِيمًا" : "Non, par ton Seigneur, ils ne seront pas croyants jusqu'à ce qu'ils te prennent comme arbitre à propos de leurs différends, puis qu'ils n'éprouvent en eux-mêmes aucune gêne à propos de ce que tu auras rendu comme décision et qu'ils s'y soumettent" (Coran 4/65).
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Voici tout ce passage coranique, extrait de Sourate an-Nissâ' :
"أَلَمْ تَرَ إِلَى الَّذِينَ يَزْعُمُونَ أَنَّهُمْ آمَنُواْ بِمَا أُنزِلَ إِلَيْكَ وَمَا أُنزِلَ مِن قَبْلِكَ يُرِيدُونَ أَن يَتَحَاكَمُواْ إِلَى الطَّاغُوتِ وَقَدْ أُمِرُواْ أَن يَكْفُرُواْ بِهِ وَيُرِيدُ الشَّيْطَانُ أَن يُضِلَّهُمْ ضَلاَلاً بَعِيدًا {4/60} وَإِذَا قِيلَ لَهُمْ تَعَالَوْاْ إِلَى مَا أَنزَلَ اللّهُ وَإِلَى الرَّسُولِ رَأَيْتَ الْمُنَافِقِينَ يَصُدُّونَ عَنكَ صُدُودًا {4/61} فَكَيْفَ إِذَا أَصَابَتْهُم مُّصِيبَةٌ بِمَا قَدَّمَتْ أَيْدِيهِمْ ثُمَّ جَآؤُوكَ يَحْلِفُونَ بِاللّهِ إِنْ أَرَدْنَا إِلاَّ إِحْسَانًا وَتَوْفِيقًا {4/62} أُولَئِكَ الَّذِينَ يَعْلَمُ اللّهُ مَا فِي قُلُوبِهِمْ فَأَعْرِضْ عَنْهُمْ وَعِظْهُمْ وَقُل لَّهُمْ فِي أَنفُسِهِمْ قَوْلاً بَلِيغًا {4/63} وَمَا أَرْسَلْنَا مِن رَّسُولٍ إِلاَّ لِيُطَاعَ بِإِذْنِ اللّهِ وَلَوْ أَنَّهُمْ إِذ ظَّلَمُواْ أَنفُسَهُمْ جَآؤُوكَ فَاسْتَغْفَرُواْ اللّهَ وَاسْتَغْفَرَ لَهُمُ الرَّسُولُ لَوَجَدُواْ اللّهَ تَوَّابًا رَّحِيمًا {4/64} فَلاَ وَرَبِّكَ لاَ يُؤْمِنُونَ حَتَّىَ يُحَكِّمُوكَ فِيمَا شَجَرَ بَيْنَهُمْ ثُمَّ لاَ يَجِدُواْ فِي أَنفُسِهِمْ حَرَجًا مِّمَّا قَضَيْتَ وَيُسَلِّمُواْ تَسْلِيمًا {4/65} وَلَوْ أَنَّا كَتَبْنَا عَلَيْهِمْ أَنِ اقْتُلُواْ أَنفُسَكُمْ أَوِ اخْرُجُواْ مِن دِيَارِكُم مَّا فَعَلُوهُ إِلاَّ قَلِيلٌ مِّنْهُمْ وَلَوْ أَنَّهُمْ فَعَلُواْ مَا يُوعَظُونَ بِهِ لَكَانَ خَيْرًا لَّهُمْ وَأَشَدَّ تَثْبِيتًا {4/66} وَإِذاً لَّآتَيْنَاهُم مِّن لَّدُنَّا أَجْراً عَظِيمًا {4/67} وَلَهَدَيْنَاهُمْ صِرَاطًا مُّسْتَقِيمًا {4/68} وَمَن يُطِعِ اللّهَ وَالرَّسُولَ فَأُوْلَئِكَ مَعَ الَّذِينَ أَنْعَمَ اللّهُ عَلَيْهِم مِّنَ النَّبِيِّينَ وَالصِّدِّيقِينَ وَالشُّهَدَاء وَالصَّالِحِينَ وَحَسُنَ أُولَئِكَ رَفِيقًا {4/69} ذَلِكَ الْفَضْلُ مِنَ اللّهِ وَكَفَى بِاللّهِ عَلِيمًا {4/70".
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L'événement auquel ce passage renvoie :
Ce passage coranique (4/60-65) fait allusion à un incident survenu entre Omar ibn ul-Khattâb (que Dieu l'agrée) et un Hypocrite (donc en apparence un musulman) nommé Bishr.
Bishr avait un litige avec un juif de Médine. Celui-ci, se sachant dans son bon droit, voulut faire régler le différend par Muhammad (sur lui soit la paix), sachant que celui-ci observe la justice, fût-elle à l'encontre des musulmans. Bishr, sachant qu'il n'était pas dans son droit et qu'il perdrait, refusa et demanda de porter l'affaire devant Ka'b ibn ul-Ashraf.
Mais ils finirent par se rendre tous deux auprès du Prophète. Le litige ayant été exposé devant lui, le Prophète rendit le jugement en faveur du juif.
Une fois dehors, l'Hypocrite exprima son désaccord vis-à-vis du jugement, et proposa de porter l'affaire devant Omar ibn ul-Khattâb (il pensait probablement - et il avait en cela tort - que Omar ne donnerait pas raison à un non-musulman sur un musulman : Bayân ul-qur'ân). Le juif accepta, sachant que Omar ne donnerait pas tort à un non-musulman qui était dans son droit.
Arrivés devant Omar, le juif lui exposa les faits, et lui dit que Muhammad avait déjà jugé mais que le musulman n'était pas d'accord avec son jugement. A la demande de Omar, l'Hypocrite confirma explicitement par sa langue qu'il n'était pas d'accord avec le jugement rendu par le Prophète :
"وأخرج الثعلبي عن ابن عباس في قوله {ألم تر إلى الذين يزعمون أنهم آمنوا} الآية قال: نزلت في رجل من المنافقين يقال له بشر، خاصم يهوديا؛ فدعاه اليهودي إلى النبي صلى الله عليه وسلم، ودعاه المنافق إلى كعب بن الأشرف. ثم إنهما احتكما إلى النبي صلى الله عليه وسلم. فقضى لليهودي. فلم يرض المنافق، وقال: "تعال نتحاكم إلى عمر بن الخطاب." فقال اليهودي لعمر: "قضى لنا رسول الله صلى الله عليه وسلم، فلم يرض [هذا] بقضائه." فقال [عمر] للمنافق: "أكذلك؟" قال [المنافق]: "نعم." فقال عمر: "مكانكما حتى أخرج إليكما." (...). فنزلت" (Ad-Durr ul-manthûr, 2/320).
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Que signifie le verset : "Non, par ton Seigneur, ils ne seront pas croyants jusqu'à ce qu'ils te prennent comme arbitre à propos de leurs différends, puis qu'ils n'éprouvent en eux-mêmes aucune gêne à propos de ce que tu auras rendu comme décision et qu'ils s'y soumettent" (Coran 4/65) ?
Ce verset rend nécessaire pour les musulmans (comme étant ce qui découle de leur foi même) de prendre comme références ce que le Prophète a apporté (donc le Coran et la Sunna) pour établir ce qui est permis et ce qui est interdit dans leurs affaires.
– Si un musulman a comme croyance qu'il n'est pas nécessaire de se référer aux sources de l'islam, alors à l'unanimité il a là une croyance qui contredit formellement les croyances musulmanes et qui constitue du kufr akbar.
– Mais lorsque le musulman croit bien qu'il est nécessaire de se référer aux Coran et Sunna et ne dit pas par sa langue ou sa plume que cela n'est pas nécessaire, mais que c'est dans les faits qu'il se réfère à autre chose qu'eux : fait-il alors un acte de fisq asghar (= kufr asghar / kabîra), ou bien un acte de kufr akbar ?
Cheikh Ashraf Alî Thânwî écrit qu'il ne s'agit pas d'un acte de kufr akbar.
Cheikh Thânwî explique souligne d'une part que dans ce verset il est demandé à celui qui se prétend croyant de faire 3 choses :
--- (1) tahkîmu shar' ir-rassûl ;
--- (2) 'adamu wujûdi ayyi haraj – fi-n-nafs – min hukm ish-shar' ;
--- (3) at-taslîm li hukm ish-shar'.
Et Cheikh Thânwî écrit d'autre part que :
"La tahkîm, la 'adamu [wujûd il-]haraj et la taslîm sont de 3 niveaux :
– [a] par la croyance ;
– [b] par la langue ;
– [c] par l'action.
– "Par la croyance" [a], cela consiste :
--- en le fait d'avoir comme croyance que la Loi de la shar' est la vérité [et la justice] et qu'elle a été instituée pour la tahkîm (1),
--- en le fait de ne ressentir aucune gêne en la raison [c'est-à-dire que la raison accepte cette Loi comme vraie et juste] (2),
--- et en le fait de faire la taslîm à ce niveau [= celui de la raison, qui accepte cette croyance selon laquelle la Loi est la vérité et la justice] (3).
– "Par la langue" [b], cela consiste :
--- en le fait de reconnaître ces points [que nous venons de voir à propos de la croyance] comme étant la vérité [et de ne jamais proférer de parole, verbale ou écrite, disant que ce n'est pas la vérité ou pas la justice].
– Et "par l'action" [c], cela consiste :
--- en le fait de porter l'affaire (1),
--- en le fait de ne pas entretenir de gêne [à propos du jugement rendu] (2),
--- et en le fait d'agir conformément au jugement (ayant été rendu) (3)."
Cheikh Thânwî relève ensuite que ne pas avoir le premier niveau [a] de n'importe laquelle de ces 3 choses requises (c'est-à-dire ne pas avoir la croyance requise à propos de l'une de ces trois choses : 1) tahkîm, 2) 'adamu wujûd il-haraj et 3) taslîm), cela constitue du kufr akbar.
De même, dire par sa langue [b] qu'il n'y a pas à se référer à la Loi de Dieu, ou dire que la Loi est injuste ou qu'elle est un fardeau, ou dire : "Je refuse de me soumettre à cette Loi", cela est également du kufr akbar. [Cela constitue en fait des croyances ayant été exprimées par la langue.]
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La preuve de ce dernier point :
Si quelqu'un qui se dit musulman :
--- accepte au niveau de son cœur ce qui est requis de tahkîm (1), de 'adamu wujûd il-haraj (2) et de taslîm (3),
--- exprime également par sa langue qu'il y adhère totalement ; ou, au moins, après avoir exprimé une fois par sa langue qu'il adhère totalement aux enseignements de l'islam, ne dit pas par sa langue qu'il réfute tel enseignement,
--- et, en action se réfère bien, pour régler l'affaire, à la Loi de Dieu, cependant, ensuite n'agit pas selon le jugement rendu selon cette Loi de Dieu (donc 'amalan (c) ne pratique pas at-taslîm (3)),
alors tout sunnite sait qu'il fait acte de fisq asghar et non pas de kufr akbar.
C'est donc la même chose par rapport à at-tahkîm (1) 'amalan (c), mentionné également dans ce même verset :
Si un musulman accepte au niveau de son cœur (a) ce qui lui est demandé de tahkîm, de 'adamu wujûd il-haraj et de taslîm – et exprime également par sa langue (b) qu'il y adhère totalement, ou, au moins, après avoir exprimé une fois par sa langue qu'il adhère totalement aux enseignements de l'islam, ne dit pas qu'il réfute tel enseignement –, mais en action (c) porte l'affaire devant une autre Loi que celle de Dieu (donc 'amalan (c) ne pratique pas at-tahkîm), tout en croyant en son cœur que c'est la Shar' ullâh qui est juste, alors il fait de même acte de fisq asghar, et non pas de kufr akbar.
D'ailleurs, souligne Cheikh Thânwî, le verset parle explicitement d'Hypocrites (verset 61 : "alors tu vois ces Hypocrites" : al-lâmu li-l-'ahd). Or les Hypocrites non seulement se référaient en actes à une autre Loi, mais ne la croyaient pas non plus comme vérité et justice, ni telle que le musulman doive s'y référer (Bayân ul-qur'ân 2/130-131).
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Le fait, pour un musulman, de se référer en acte ('amalan (c)) à une autre loi que celle de Dieu :
– si en son cœur ce musulman sait bien que l'autre loi n'est pas la vérité mais s'y réfère quand même en acte, alors cela n'est pas acte de kufr akbar mais acte de fisq asghar ;
– par contre, si cela est accompagné par la croyance (a) du refus de considérer que la Shar' ullâh est juste ou que le musulman a l'obligation de s'y référer (comme c'était le cas des Hypocrites auxquels le verset fait explicitement allusion), alors cela est acte de kufr akbar.
Si aujourd'hui quelqu'un qui se prétend musulman a la même croyance que ces Hypocrites (et croit donc que la Loi de la Shar' ullâh n'est pas la vérité, pas la justice, ou qu'il n'est pas nécessaire de s'y référer), alors ce verset s'applique à lui dans le sens de 'admu asl il-îmân ("lâ yu'minûna" : ay : "aslan") ; bien sûr, il est fort possible que ce musulman soit ignorant, et il faut donc lui expliquer, au lieu de le traiter de "kâfir" ou de "murtadd".
Ce qu'il y a dans le cœur (a), seul Dieu le sait, à l'exclusion de tout humain. Par contre, il arrive que la langue ou la plume (b) exprime ce qui se trouve dans le cœur. Et cette expression, les humains en prennent bien sûr connaissance. C'est bien pourquoi on parle de "parole de kufr akbar".
D'ailleurs, à la demande de Omar, l'Hypocrite confirma explicitement par sa langue ce que le juif venait de dire, à savoir qu'il n'était pas d'accord avec le jugement rendu par le Prophète : "ثم إنهما احتكما إلى النبي صلى الله عليه وسلم. فقضى لليهودي. فلم يرض المنافق، وقال: "تعال نتحاكم إلى عمر بن الخطاب." فقال اليهودي لعمر: "قضى لنا رسول الله صلى الله عليه وسلم، فلم يرض [هذا] بقضائه." فقال [عمر] للمنافق: "أكذلك؟" قال [المنافق]: "نعم." فقال عمر: "مكانكما حتى أخرج إليكما" (Ad-Durr ul-manthûr, 2/320).
Pareille affirmation explicite, par la langue (b), de la part de cet homme apparemment musulman, a constitué une claire parole de kufr akbar. C'est pour cela que Omar ibn ul-Khattâb a considéré cet homme : kâfir bi kufr akbar.
Si donc quelqu'un qui se prétend musulman dit une parole semblable ou comparable à celle que cet Hypocrite avait prononcée ("Je réfute cette règle de l'islam" (alors même qu'il s'agit d'une règle qui est ma'lûm min ad-dîn dharûratan), ce verset s'applique à lui dans le sens de 'adamu asl il-îmân ("lâ yu'minûna" : ay : "aslan"). Bien sûr, il est fort possible que ce musulman soit ignorant, et il faut donc lui expliquer au lieu de s'empresser de le traiter de "kâfir" ou de "murtadd".
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Quant à la haraj (2) dont le verset demande aux musulmans de ne pas en "ressentir dans leur for intérieur" par rapport aux lois de l'islam, une telle gêne, ressentie par un musulman :
– constitue une parole de kufr akbar si elle consiste en l'expression, par la Langue, d'un rejet, du mépris ou du dégoût vis-à-vis d'une norme qui est ma'lûm min ad-dîn dharûratan ("Cette norme est injuste !") ;
– constitue un acte intérieur de kufr akbar si elle consiste en le rejet de, du mépris ou du dégoût, par la 'Aql, dans le for intérieur, par rapport à cette norme étant ma'lûm min ad-dîn dharûratan ;
– constitue un acte intérieur de fisq asghar (ou kufr asghar) si elle consiste en une gêne intérieure ressentie face à cette norme, gêne que d'une part le musulman ne laisse pas aller jusqu'au rejet (ou mépris) de cette norme, mais que, d'autre part, il entretient en son for intérieur (ce qui est le fait de sa 'Aql) ;
– est complètement excusée si elle consiste en une simple gêne intérieure ressentie sur le plan Tab'î face à l'énoncé de cette norme, mais que le musulman ni n'exprime par sa langue ou son geste, ni n'entretient 'Aqlan, mais qu'au contraire il s'efforce de contrebalancer intérieurement, par l'acceptation volontaire ('Aqlan) de cette norme ("Aur Tab'î tanguî ma'âf hé", écrit Cheikh Thânwî quant à ce dernier point : Bayân ul-qur'ân 2/130-131).
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Par ailleurs : Pourquoi une personne fait-elle tahkîm / tahâkum : se réfère-t-elle à un arbitre (que ce dernier soit un homme ou une loi écrite) ?
La réponse est : Pour suivre ce que cet arbitre dit ; soit pour considérer que la chose au sujet de laquelle elle s'est référée à lui est licite, ou bien est illicite, soit pour établir que le droit revient dans l'affaire à Untel ; soit encore pour établir que la démarche à suivre dans le cas présent est telle chose.
Or voici ce que Ibn Taymiyya a écrit au sujet de suivre celui qui fait des lois différentes de celles de Dieu :
"وهؤلاء الذين اتخذوا أحبارهم ورهبانهم أربابا حيث أطاعوهم في تحليل ما حرم الله وتحريم ما أحل الله: يكونون على وجهين:
أحدهما: أن يعلموا أنهم بدلوا دين الله فيتبعونهم على التبديل فيعتقدون تحليل ما حرم الله وتحريم ما أحل الله اتباعا لرؤسائهم، مع علمهم أنهم خالفوا دين الرسل؛ فهذا كفر؛ وقد جعله الله ورسوله شركا، وإن لم يكونوا يصلون لهم ويسجدون لهم؛ فكان من اتبع غيره في خلاف الدين مع علمه أنه خلاف الدين واعتقد ما قاله ذلك دون ما قاله الله ورسوله، مشركا مثل هؤلاء.
و الثاني: أن يكون اعتقادهم وإيمانهم بتحريم الحرام وتحليل الحلال ثابتا، لكنهم أطاعوهم في معصية الله كما يفعل المسلم ما يفعله من المعاصي التي يعتقد أنها معاص؛ فهؤلاء لهم حكم أمثالهم من أهل الذنوب"
"Et ces gens là qui ont pris leurs savants et leurs moines comme divinités, étant donné qu'ils les ont suivis dans le fait de déclarer licite ce que Dieu a rendu illicite et de déclarer illicite ce que Dieu a rendu licite, [le font] selon deux manières…
– L'une est qu'ils savent que [ces savants et moines] ont changé le dîn de Dieu puis qu'ils les suivent en ce changement, ayant alors comme croyance ("ya'taqidun") que ce Dieu a décrété illicite est devenu licite et que ce que Dieu a décrété licite est devenu illicite, par fait de suivre leurs chefs, tout en sachant qu'ils ont contredit le dîn des Messagers. Ceci est du kufr. Et Dieu et Son Messager l'ont déclaré du shirk, même s'ils ne prient pas et ne se prosternent pas devant eux. Aussi, celui qui suit autrui dans ce qui contredit le dîn tout en sachant que ceci est contraire au dîn, et a comme croyance ("i'taqada") ce que [cet autrui] a dit et non ce que Dieu et Son Messager ont dit, celui-là est mushrik comme ceux-là.
– La seconde est que leur croyance et leur foi soient établies quant au fait de considérer licite ce que [Dieu a décrété] licite et illicite ce que [Dieu a décrété] illicite, mais qu'ils suivent ces [prêtres et moines] dans l'(action de) désobéissance à Dieu, comme le musulman commet ce qu'il commet de péchés dont il a la croyance que ce sont des péchés. Ceux-là ont le statut de leurs semblables parmi les gens du péché (…)" (Majmû' ul-fatâwâ 7/70).
Cela alors même que celui qui déclare licite ce que Dieu a clairement déclaré illicite, ou illicite de façon absolue ce que Dieu a clairement déclaré licite (ou obligatoire), ou exprime que la règle applicable en telle circonstance est telle chose, différente de ce que Dieu a tracé de façon très claire, celui-là a tenu là un propos de kufr akbar sans que cela dépende de la croyance qu'il dit avoir (tant qu'il n'a pas tenu ce propos suite à une contrainte reconnue comme telle) : "والإنسان متى حلل الحرام - المجمع عليه - أو حرم الحلال - المجمع عليه - أو بدل الشرع - المجمع عليه - كان كافرا مرتدا باتفاق الفقهاء" (MF 3/267).
C'est de la même façon qu'il faut comprendre cet autre passage, où Ibn Taymiyya approuve le propos disant que celui qui, aujourd'hui, pratique les normes présentes dans la Torah, lui commet, vu que ces normes sont aujourd'hui abrogées, du kufr akbar : "مثل أن يقال: "نسخ هذه التوراة مبدلة لا يجوز العمل بما فيها، ومن عمل اليوم بشرائعها المبدلة والمنسوخة فهو كافر": فهذا الكلام ونحوه حق، لا شيء على قائله" (MF 35/200). Ibn Taymiyya veut ici parler de celui qui développe comme croyance ce qui s'y trouve de normes, par exemple se met à croire la consommation de la viande de chameau illicite, ou le repos du sabbat obligatoire. Cela est du kufr akbar.
On voit que "إطاعة غير الله" ,"اتباع غير الله" ,"العمل بغير ما أنزل الله" ,"الحكم بغير ما أنزل الله" ,"التحاكم إلى غير ما أنزل الله"... ont tous 2 degrés : l'un est du kufr akbar, l'autre est du fisq asghar : le fait est que tout dépend de la croyance que l'on a en faisant cette action.
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Le passage coranique suscité est donc à comprendre ainsi :
Le tahâkum ila-t-tâghût constitue un acte de kufr akbar :
--- lorsqu'il est fait par refus de la Shar' ullâh dans son ensemble, ou même d'une seule loi de la Shar' ullâh qui est ma'lûm min ad-dîn dharûratan ;
--- ou lorsqu'il est fait parce qu'on a comme croyance que cette loi est injuste (jâ'ïr) ;
-- ou lorsqu'il est fait parce qu'on a comme croyance que la loi du tâghût est meilleure (afdhal) ou égale (mussâwî) à la Shar' ullâh.
C'est ce cas qui s'est déroulé avec comme protagonistes Bishr, le juif de Médine, Ka'b ibn ul-Ashraf et Omar ibn ul-Khattâb, et c'est ce genre de cas qui est visé par le passage coranique commenté dans cet article.
Al-Jassâs al-hanafî écrit, commentant ce passage : "وفي هذه الآية دلالة على أن من رَدَّ شيئا من أوامر الله تعالى أو أوامر رسوله صلى الله عليه وسلم، فهو خارج من الإسلام؛ سواء رده من جهة الشك فيه، أو من جهة ترك القبول والامتناع من التسليم. وذلك يوجب صحة ما ذهب إليه الصحابة في حكمهم بارتداد من امتنع من أداء الزكاة (...)، لأن الله تعالى حكم بأن من لم يسلم للنبي صلى الله عليه وسلم قضاءه وحكمه فليس من أهل الإيمان" (Ahkâm ul-qur'ân, al-Jassâs). Voir aussi Al-Qawl ul-mufîd, pp. 758-759.
Si cela est fait tout en ayant comme croyance que c'est la Shar' ullâh qui est juste et en adhérant à celle-ci en croyances, alors le seul acte de tahâkum ila-t-tâghût ne constitue pas un acte de kufr akbar, mais est une kabîra. Exception faite du cas où le musulman a besoin d'y avoir recours (comme le fait que ce musulman vive dans un pays où ce n'est pas la Shar' ullâh qui est appliquée, et a besoin de porter plainte pour avoir subi un vol ou une agression physique), auquel cas l'acte de tahâkum est autorisé (jâ'ïz).
Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).