Il y a des actions que le Prophète a enseignées mais qui dont l'applicabilité est liée à la présence d'une cause (sabab) dans le monde concret : en l'absence de cette cause (sabab) dans le réel, la règle (hukm) n'est pas applicable.
Ensuite il y a d'autres actions que le Prophète a enseignées mais dont l'applicabilité est liée à la présence d'un principe motivant (manât / 'illa) dans l'objet auquel l'action est reliée : en l'absence de ce principe motivant ('illa) dans le réel, la règle (hukm) n'est pas applicable.
Mais ce que nous allons voir ci-après concerne une dimension différente : la règle que le Prophète (sur lui soit la paix) a dit de faire est applicable ; cependant, l'objectif de ce dire du Prophète est le résultat ; quant au moyen qu'il a mentionné, il peut être remplacé par un équivalent...
-
Nous ne parlons pas ici des impératifs négatifs.
Nous parlons seulement, ici, des impératifs : des demandes (talab) de faire quelque chose.
Plus encore, par rapport à la Sunna, le musulman suit le modèle du Prophète, sa façon de faire, même quand il n'y a pas d'impératif. Cela constitue la ittibâ', la ta'assî, la iqtidâ' : "suivre le modèle". Ce que nous venons de dire concerne aussi le fait de suivre le modèle du Prophète, même quand il n'a pas employé d'impératif.
-
Dans tout impératif à faire quelque chose, il y a, au-delà de l'action requise (matlûb), un objectif plus élevé à atteindre (maqsûd a'lâ).
- Cependant, parfois, la réalisation l'action requise fait partie de la réalisation totale de l'objectif à atteindre (جزءٌ من المقصود), de sorte qu'on doit pratiquer ce moyen pour réaliser complètement cet objectif et que sans la réalisation de ce moyen, l'objectif visé ne peut pas être atteint totalement.
C'est le cas avec l'impératif concernant le fait de garder la barbe : cela fait partie de la plénitude de l'apparence masculine.
- Alors que, d'autres fois, l'action stipulée dans les texte ne constitue qu'un des moyens possibles pour la réalisation de l'objectif (وسيلةٌ لأداء المقصود), et n'est pas voulu en soi : un autre moyen peut tout à fait faire l'affaire. La réalisation de l'objectif peut se faire par le moyen mentionné dans les textes, comme par un autre moyen équivalent. Il y a ici analogie : qiyâsu wassîlatin 'ala-l-wassîlat il-mansûs alayhâ, ce que l'on peut également formuler ainsi : ta'diyat us-salâhiyya li 'adâ' il-hukm, min shay'in ilâ shay'in âkhar.
C'est le cas avec l'impératif concernant le fait d'utiliser des pierres après avoir fait ses besoins : cela n'est qu'un moyen parmi tous les moyens permettant de réaliser la purification, d'autres moyens sont équivalents par rapport à l'objectif, et il n'y a pas un des éléments empêchant le recours à autre chose (éléments que nous citerons en fin d'article).
-
Ainsi, voici ce que nous avons à propos de l'utilisation de pierres :
– utiliser des pierres a été ordonné dans le hadîth et constitue donc une maslaha (échelon IV) ; car la pierre est un moyen permettant de se purifier après avoir fait ses besoins ;
– or se purifier après avoir fait ses besoins constitue une maslaha pour l'homme (échelon III) ; car cela fait partie de la fit'ra ;
– or la réalisation de la fit'ra est une maslaha (échelon II) ; car cela contribue à la réalisation du nafs ;
– or la réalisation du nafs est une maqsad parmi les maqâssid ush-shar'îa (échelon I).
Par ailleurs :
– utiliser des pierres a été ordonné dans le hadîth parce que (ma'lûl bi) la pierre est un moyen permettant de se purifier après avoir fait ses besoins (c'est la 'illa) ;
– tout autre moyen qui permet d'atteindre cet objectif (se purifier après avoir fait ses besoins) fait lui aussi entièrement l'affaire ;
– ainsi, le papier toilette, qui recèle cette 'illa ("cela permet de se purifier") fait entièrement l'affaire. Le recours à la pierre n'est pas nécessaire.
-
Par contre, voici ce que nous avons concernant la barbe :
– garder la barbe a été ordonné dans le hadîth et constitue donc une maslaha (échelon IV) ; car la barbe fait partie de la beauté et de la plénitude de l'apparence masculine ;
– or adopter ce qui fait partie de la plénitude de l'apparence masculine constitue une maslaha pour l'homme (échelon III) ; car la plénitude de l'apparence fait partie de la fit'ra ;
– or la réalisation de la fit'ra est une maslaha (échelon II) ; car cela contribue à la réalisation du nafs ;
– or la réalisation du nafs est une maqsad parmi les maqâssid ush-shar'îa (échelon I).
Ici on ne peut pas dire :
– garder la barbe a été ordonné dans le hadîth parce que la barbe est un moyen permettant d'exprimer son identité masculine ;
– tout autre moyen qui permet d'atteindre cet objectif (exprimer son identité masculine) fait lui aussi entièrement l'affaire ;
– donc, le fait de garder la barbe pour réaliser cet objectif n'est pas nécessaire : on peut, pour réaliser cet objectif, avoir simplement recours à des vêtements typiquement masculins.
On ne peut pas dire cela vu que la barbe est partie intégrante de la plénitude de l'apparence masculine, et n'est pas seulement un moyen parmi tant d'autres permettant d'exprimer son identité masculine.
-
Ibn Taymiyya écrit :
"وأيضا فالاقتداء به يكون تارة في نوع الفعل، وتارة في جنسه؛ فإنه قد يفعل الفعل لمعنى يعمُّ ذلك النوع وغيره، لا لمعنى يخصُّه؛ فيكون المشروع هو الأمر العام" :
"De plus : Suivre le modèle du (Prophète, sur lui soit la paix) :
- cela se fait parfois par la (pratique de quelque chose relevant de l') espèce [= la catégorie immédiate de laquelle relève] ce que le Prophète a fait ;
- et cela se fait d'autres fois par la (pratique d'un acte appartenant au) genre [= l'ensemble plus général duquel relève] ce que le Prophète a fait.
Car parfois, le (Prophète, sur lui soit la paix) a fait ce qu'il a fait à cause d'un principe qui englobe cette catégorie immédiate et telle autre, et non pas à cause d'un principe qui lui est spécifique. Ce qui est alors institué (mashrû') est le principe général" (Majmû' ul-fatâwâ, tome 22 p. 324).
Un peu plus loin Ibn Taymiyya écrit :
"وهذا النوع ليس مخصوصا بفعله وفعل أصحابه، بل وبكثير مما أمرهم به ونهاهم عنه. وهذا سمته طائفة من الناس: "تنقيح المناط"؛ وهو أن يكون الحكم قد ثبت في عين معينة وليس مخصوصا بها بل الحكم ثابت فيها وفي غيرها فيحتاج أن يعرف "مناط الحكم" :
"Ce type [= la pratique de ce que le Prophète a ordonné, par le recours à un moyen relevant de la même catégorie que ce que le Prophète a dûment mentionné], cela n'est pas spécifique à ce que le Prophète a fait, ou ce que ses Compagnons ont fait.
Cela concerne aussi beaucoup de ce qu'il a ordonné de faire ou interdit de faire.
Cela, un groupe de (juristes) l'ont nommé : "tanqîh ul-manât" : c'est que le hukm est établi par rapport à quelque chose de précis, (mais) ce hukm n'est pas spécifique à cette chose, elle est établie pour cette chose ainsi que pour d'autres choses qu'elles ; il faut alors distinguer le manât (pivot) du hukm" (MF 22/326).
-
Ibn Taymiyya veut dire ici que, par rapport à l'action que le Prophète (sur lui soit la paix) a faite ta'abbudan ou a dit de faire ta'abbudan, et par rapport à laquelle il faut suivre son modèle ("التأسِّي به" / "الاقتداء به") :
- la règle originelle est de pratiquer ce que le Prophète a fait ou dit de faire, en ayant recours à la chose particulière, c'est-à-dire au moyen exact, à laquelle il a eu recours ou qu'il a mentionnée : "الاقتداء برسول الله صلى الله عليه وسلم في عين ما فعله أو ذكره" ;
- parfois, il est également possible de suivre le modèle du Prophète (sur lui soit la paix) par le recours à non pas forcément l'exacte chose qu'il a utilisée ou dit d'utiliser, mais par le recours à l'une des choses qui relèvent de l'espèce (c'est-à-dire de l'ensemble immédiat, de la catégorie immédiate) à laquelle appartient le moyen auquel le Prophète a eu recours ou qu'il a mentionné : "الاقتداء برسول الله صلى الله عليه وسلم في نوع ما فعله أو ذكره" ;
- parfois (moins souvent), à cause d'une raison particulière liée au contexte dans lequel on vit, il se peut que suivre le modèle du Prophète (sur lui soit la paix), cela se fasse par le recours à l'une des choses qui relèvent du genre (c'est-à-dire de la catégorie plus générale, laquelle est située au-dessus de la catégorie immédiate) auquel appartient le moyen auquel le Prophète a eu recours ou qu'il a mentionné (cette catégorie générale regroupant cette catégorie immédiate ainsi que d'autres catégories du même niveau) : "الاقتداء برسول الله صلى الله عليه وسلم في جنس ما فعله أو ذكره".
-
A) Quelques exemples où il est possible d'avoir recours à une chose appartenant à la même espèce (نوع) que le moyen figurant dans le texte de la Sunna :
-
Pour se purifier après les besoins naturels, faut-il utiliser systématiquement la pierre (parce que c'est ce que la Sunna a évoqué), ou bien toute autre chose que la pierre qui réalise le même objectif peut-il être utilisé ?
Par quel moyen se purifier ?
Le Prophète (sur lui soit la paix) a dit : "Dix (actions) font partie de la fit'ra", et il a énuméré parmi celles-ci : "le fait de (se purifier) par l'eau (après avoir fait ses besoins)" (Muslim, 261). Ceci évoque la nécessité de se purifier après avoir fait ses besoins.
Par quel moyen se purifier ?
--- Il y a la pierre : Le Prophète (sur lui soit la paix) a dit :
- "عن عائشة، أنّ رسول الله صلى الله عليه وسلم قال: "إذا ذهب أحدكم إلى الغائط، فليذهب معه بثلاثة أحجار يستطيب بهن، فإنها تجزئ عنه" : "Lorsque l'un d'entre vous part faire ses besoins, qu'il emporte avec lui trois pierres, par lesquelles il se purifiera ; cela sera suffisant" (Abû Dâoûd, 40) ;
- "عن خزيمة بن ثابت، قال: سئل رسول الله صلى الله عليه وسلم عن الاستطابة، فقال: "بثلاثة أحجار ليس فيها رجيع" (Abû Dâoûd, 41) ;
- "عن عبد الله، قال: خرج النبي صلى الله عليه وسلم لحاجته، فقال: "التمس لي ثلاثة أحجار." قال: فأتيته بحجرين وروثة. فأخذ الحجرين، وألقى الروثة وقال: "إنها ركس" (at-Tirmidhî, 17).
--- Il est recommandé d'utiliser aussi l'eau : "عن أبي هريرة، عن النبي صلى الله عليه وسلم، قال: "نزلت هذه الآية في أهل قباء: {فيه رجال يحبون أن يتطهروا}"، قال: كانوا يستنجون بالماء، فنزلت فيهم هذه الآية" : at-Tirmidhî 3100, Abû Dâoûd 44). Est-ce que la pierre suffit dans tous les cas et l'eau est toujours seulement recommandée ? ou bien est-ce que si l'impureté dépasse une certaine surface, il faut alors obligatoirement utiliser de l'eau ? voir à ce sujet Al-Mughnî 1/207.
Par rapport à la pierre :
- Certains ulémas sont d'avis que la pierre ne peut pas être remplacée par un autre moyen, "car le Prophète a ordonné (d'utiliser) les pierres, et son ordre entraîne l'obligation" ("لأن النبي صلى الله عليه وسلم أمر بالأحجار، وأمره يقتضي الوجوب؛ ولأنه موضع رخصة ورد الشرع فيها بآلة مخصوصة، فوجب الاقتصار عليها، كالتراب في التيمم" : Al-Mughnî 1/202). Ibn Taymiyya relate cet avis ainsi : "Au sujet de la possibilité de se purifier par autre chose que les pierres il y a deux avis connus, également relatés de Ahmad : l'un d'eux est que seule la pierre est valable ; c'est l'avis retenu par Abû Bakr ibn ul-Mundhir et Abû Bakr 'Abd ul-Azîz" (Naqdu marâtib il-ijmâ', pp. 288 dans l'édition que je possède)
- L'avis de la plupart des gens de 'ilm est qu'il est possible d'utiliser la pierre ou "ce qui est équivalent à elle par rapport à l'objectif recherché" : il s'agit de "ce en quoi le principe est présent" (ما وجد فيه المعنى / ما وجدت فيه العلة), car "lorsque le texte (de la Sunna) mentionne quelque chose pour une raison qui est ma'qûl (ul-ma'nâ), il est nécessaire de faire sa ta'diya à ce en quoi ce ma'nâ est présent. Or le ma'nâ, ici, c'est le fait de faire disparaître l'impureté. Et cela se réalise par autre chose que la pierre, comme cela se réalise par la pierre" ("ولأنه متى ورد النص بشيء لمعنى معقول، وجب تعديته إلى ما وجد فيه المعنى؛ والمعنى هاهنا: إزالة عين النجاسة، وهذا يحصل بغير الأحجار كحصوله بها؛ وبهذا يخرج التيمم؛ فإنه غير معقول. ولا بد أن يكون ما يستجمر به منقيا، لأن الإنقاء مشترط في الاستجمار. فأما الزلج كالزجاج والفحم الرخو وشبههما مما لا ينقي، فلا يجزئ لأنه لا يحصل منه المقصود" : Al-Mughnî 1/202).
-
L'impératif, présent dans la Sunna, de se huiler la chevelure avec l'huile d'olive :
Le Prophète (sur lui soit la paix) a dit : "عن عمر بن الخطاب قال: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: كلوا الزيت وادَّهِنوا به، فإنه من شجرة مباركة" : "Mangez de l'huile (d'olive) et enduisez-vous en, car elle provient d'un arbre béni (= l'olivier)" (at-Tirmidhî, 1851) : il s'agit de s'en enduire la chevelure (Faydh ul-qadîr), le corps (Mirqât ul-mafâtîh).
Dès lors :
- Faire ce que le Prophète a dit de faire, en ayant recours au moyen exact qu'il a indiqué, cela revient à se huiler la chevelure par le moyen de l'huile d'olive elle-même. Il s'agit alors de "الاقتداء برسول الله صلى الله عليه وسلم في عين ما فعله أو ذكره".
- En Inde, on voit de nombreux ulémas faire ce que le Prophète a dit de faire en employant un moyen différent de celui que le Prophète a indiqué, mais qui appartient au même ensemble que celui que le Prophète a, lui, utilisé. Et cet ensemble est : "l'huile". Ces ulémas s'enduisent les cheveux d'huile de noix de coco (celle-ci étant davantage disponible en Inde). Il s'agit là de "الاقتداء برسول الله صلى الله عليه وسلم في نوع ما فعله أو ذكره".
-
Pour le brossage des dents : Faut-il utiliser systématiquement la branchette "siwâk" (parce que c'est ce que la Sunna a évoqué), ou bien toute autre chose qui réalise le même objectif peut-il être utilisé ?
Le Prophète (sur lui soit la paix) a fortement recommandé le siwâk.
En fait littéralement le terme "siwâk" désigne tout à la fois :
- "la branchette de bois tendre par laquelle on se frotte les dents" (c'est avec ce sens que le terme a été employé dans le hadîth : "قصه على سواك") ;
- "l'action de se frotter les dents pour les nettoyer" (comme dans le hadîth : "لولا أن أشق على أمتي لأمرتهم بالسواك عند كل صلاة").
An-Nawawî écrit ainsi : "قال أهل اللغة: السواك بكسر السين وهو يطلق على الفعل وعلى العود الذي يتسوك به، وهو مذكر". Ensuite, employant le terme dans le second sens, il écrit : "وهو في اصطلاح العلماء: استعمال عود أو نحوه في الأسنان لتذهب الصفرة وغيرها عنها؛ والله أعلم" (Shar'h Muslim).
En tous cas, le Prophète ne s'est brossé les dents que par le moyen de la branchette susmentionnée, qui est en fait la racine du bois de l'arak ou araq (Salvadora persica).
La recommandation que le Prophète a faite peut-elle être acquise par un autre moyen, permettant lui aussi de se brosser les dents ?
Ce débat est très ancien : les ulémas d'il y a des siècles évoquaient l'utilisation de tissu ou autre.
- Certains ulémas disent que, pour pratiquer la Sunna, il s'agit d'utiliser forcément une branchette en bois ('ûd).
- D'autres ulémas (et c'est ce que Ibn Qudâma a qualifié de "avis correct") disent que l'objectif étant de se nettoyer les dents, autant on atteint cet objectif, autant l'utilisation d'un moyen est correcte.
"وإن استاك بأصبعه أو خرقة،
فقد قيل: لا يصيب السنة، لأن الشرع لم يرد به، ولا يحصل الإنقاء به حصوله بالعود.
والصحيح أنه يصيب بقدر ما يحصل من الإنقاء، ولا يترك القليل من السنة للعجز عن كثيرها. والله أعلم" (Al-Mughnî 1/113).
-
- Personnellement je suis d'avis que :
--- utiliser un morceau de "أراك" ("Salvadora persica"), cela relève de "suivre le modèle du Prophète (que Dieu le bénisse et le salue) en ayant recours à exactement le moyen exact (عين) que celui qu'il a utilisé et mentionné" ;
--- utiliser une branchette d'un autre arbre (pourvu qu'il ne fasse de tort ni aux dents ni aux gencives ni à la santé), cela relève de "suivre le modèle du Prophète (que Dieu le bénisse et le salue) en ayant recours à un moyen qui appartient à la même espèce (نوع) [= la même catégorie immédiate] que celle à laquelle appartient le moyen qu'il a utilisé et mentionné". J'ai vu cela en Inde, au Gujarat, où c'étaient des branchettes d'un autre arbre que de nombreux musulmans (y compris Cheikh Ab'râr Ahmad, l'un de mes professeurs) utilisaient quotidiennement : le "margousier" (appelé : "neem" en urdu / hindi / gujarati) ;
--- et utiliser un morceau de tissu, ou bien une brosse à dents fabriquée industriellement, cela relève de : "suivre le modèle du Prophète (que Dieu le bénisse et le salue) en ayant recours au moyen qui appartient au même genre (جنس) [= la même catégorie supérieure] que celui auquel appartient le moyen qu'il a utilisé et mentionné".
Cela permet donc également d'atteindre le même objectif, qui est de se nettoyer les dents. Cependant, cela est moins naturel, moins "bio", que la branchette de Salvadora Persica, et que par ailleurs cela ne recèle pas la totalité des bienfaits sanitaires que cette branchette recèle. Cela est donc seulement : "presque équivalent" à la branchette de Salvadora Persica, et non pas "équivalent" à celle-ci.
-
Pour compter le nombre de formules d'évocations que l'on récite : Faut-il systématiquement le faire sur ses doigts (parce que c'est ce que la Sunna a évoqué), ou bien tout autre moyen qui réalise le même objectif peut-il être utilisé ?
Abdullâh ibn 'Amr relate qu'il a vu le Prophète (sur lui soit la paix) comptabiliser le tasbîh par sa main (Abû Dâoûd 1502, at-Tirmidhî 3486). Le Prophète a également dit à des musulmanes : "Faites le tasbîh, le tahlîl et le taqdîs, et ne soyez pas insouciantes de sorte que vous oubliez la miséricorde (divine). Comptez sur les phalanges, car elles seront questionnées, on les fera parler" (Abû Dâoûd 1501, at-Timidhî 3583, hadîth hassan d'après al-Albânî).
Peut-on alors compter les formules d'évocation sur des cailloux, ou sur les grains d'un chapelet ? Il faut savoir que, d'après al-Albânî, les hadîths mentionnant l'utilisation de cailloux pour ce faire ne sont pas authentiques.
En fait :
- D'après certains ulémas, parmi lesquels al-Albânî, il faut compter sur ses doigts et non pas sur des cailloux pour réaliser la Sunna en la matière.
- D'après d'autres ulémas, parmi lesquels Ibn ul-'Uthaymîn, l'objectif étant de comptabiliser le nombre de formules que l'on récite, tout moyen permettant de réaliser cet objectif permet de réaliser la Sunna en la matière. Simplement, étant donné que le fait de les compter par ses doigts est naturel et permet ce que le hadîth susmentionné évoque ("car elles seront questionnées, on les fera parler"), le recours à des cailloux ou à un chapelet est d'un second niveau, moindre que le recours aux doigts (fin de citation). On peut formuler ceci en disant que le recours au chapelet est "presque équivalent" au recours aux doigts.
Pour plus de détails sur ce point, veuillez consulter notre article : Les formules d'évocation, le Prophète (sur lui la paix) les comptabilisait-il par le moyen de noyaux, d'un chapelet (sub'ha) ? Est-ce alors interdit de le faire ?
-
Pour nettoyer le récipient dans lequel le chien a mis la gueule : Faut-il utiliser systématiquement de la terre (parce que c'est ce que la Sunna a évoqué), ou bien toute autre chose qui réalise le même objectif fait-elle l'affaire ?
Le Prophète (sur lui soit la paix) a dit : "Si le chien met la gueule dans le récipient de l'un d'entre vous, alors qu'il le lave 7 fois, la première avec de la terre" (Muslim 279).
On retrouve ici, chez par exemple les Hanbalites, les 2 avis susmentionnés (plus un 3ème : on ne peut avoir recours à un équivalent que si on ne peut pasle faire avec de la terre) :
"فإن جعل مكان التراب: غيره، من الأشنان والصابون والنخالة ونحو ذلك، أو غسله غسلة ثامنة، فقال أبو بكر: فيه وجهان:
أحدهما: لا يجزئه؛ لأنه طهارة أمر فيها بالتراب، فلم يقم غيره مقامه، كالتيمم؛ ولأن الأمر به تعبد غير معقول، فلا يجوز القياس فيه.
والثاني: يجزئه؛ لأن هذه الأشياء أبلغ من التراب في الإزالة، فنصه على التراب تنبيه عليها؛ ولأنه جامد أمر به في إزالة النجاسة، فألحق به ما يماثله، كالحجر في الاستجمار.
فأما الغسلة الثامنة فالصحيح أنها لا تقوم مقام التراب؛ لأنه إن كان القصد به تقوية الماء في الإزالة فلا يحصل ذلك بالثامنة؛ لأن الجمع بينهما أبلغ في الإزالة، وإن وجب تعبدا امتنع إبداله والقياس عليه.
وقال بعض أصحابنا: إنما يجوز العدول إلى غير التراب عند عدمه، أو إفساد المحل المغسول به، فأما مع وجوده وعدم الضرر فلا؛ وهذا قول ابن حامد" (Al-Mughnî 1/65).
-
B) Des exemples où l'exercice suscité n'est pas possible :
Le fait de garder la barbe :
Le Prophète (sur lui soit la paix) a dit : "Dix (actions) font partie de la fit'ra", et il a énuméré parmi celles-ci : "garder la barbe" (Muslim, 261).
Ce n'est pas, ici, que cet impératif de garder la barbe est en fait motivé par (ma'lûl bi) le seul objectif de distinguer l'homme de la femme, ou le musulman du non-musulman. Et donc que cet objectif peut être réalisé par des moyens, autres que la barbe. Se laisser la barbe ne serait dès lors plus nécessaire.
Non.
Ici, le principe motivant ('illa) de l'impératif de garder la barbe a été exprimé par le Prophète (sur lui soit la paix) : se laisser la barbe fait partie des actions humaines de la fit'ra (la nature humaine originelle). La barbe est donc partie intégrante de la beauté et de la plénitude de l'apparence masculine (min jamâl il-fuhûl). Et celle-ci serait incomplète sans la barbe.
-
La formule de salutation entre musulmans :
Le Prophète (sur lui soit la paix) a enseigné que la salutation entre musulmans se faisait verbalement, par la formule : "As-salâmu 'alaykum" / "As-salâmu 'alaykum wa rahmatullâh" / "As-salâmu 'alaykum wa rahmatullâhi wa barakâtuh" (les Hadîths sont bien connus).
Et il a demandé de ne pas adopter la façon de saluer de certains non-musulmans, ajoutant : "Leur salut se fait par la tête et la main" (an-Nassâ'ï : chaîne de transmission de bonne qualité d'après Ibn Hajar : Fath' ul-bârî 11/24). Le musulman gardera donc, pour saluer son coreligionnaire, la salutation verbale.
Par ailleurs, même la formule de salutation entre musulmans est une sunna dont la forme est mu'ayyan : une autre formule ne peut pas être qualifiée d'"équivalente". La preuve en est d'une part qu'il y a une relation où 'Imrân ibn Hussayn dit qu'avant la venue de l'islam, ils disaient "An'am-Allâhu bika 'aynan !" et "An'im sabâhan !", mais que l'islam, une fois venu, leur défendit d'utiliser ces formules (Abû Dâoûd, 5227). Le commentaire 'Awn ul-ma'bûd relate que c'est apparemment parce qu'il s'agissait de la formule de salutation de la période pré-islamique (fin de citation). C'est à cause de cette réalité que, en commentaire du passage du verset qui dit : "(...) Et ne dites pas de celui qui vous lance le salâm : "Tu n'es pas croyant" (...)" (Coran 4/94), al-Alûssî écrit : il s'agit de celui qui "vous salue par la salutation de l'islam ; son opposé est la salutation de la jâhiliyya, comme "An'im sabâhan" et "Hayyâkallâh"" (Rûh ul-ma'ânî).
D'autre part, des ulémas ont écrit qu'il ne fallait pas rajouter dans la formule de salutation des termes tels que "wa maghfiratuh", "wa ridhwânuh" etc. (car les Hadîths qui en parlent ne sont pas authentiques) et qu'il fallait s'en tenir à ceux établis de façon authentique du Prophète ("As-salâmu 'alaykum" / "As-salâmu 'alaykum wa rahmatullâh" / "As-salâmu 'alaykum wa rahmatullâhi wa barakâtuh") (cf. Fath' ul-bârî 11/9 ; voir aussi Zâd ul-ma'âd 2/417-418). De même, le Prophète a dit : "Lâ taqul : "'alayka-s-salâm", fa inna "'alayka-s-salâm" tahiyyat-ul-mawtâ" (at-Tirmidhî 2722, Abû Dâoûd 4084), parole que des ulémas ont interprétée comme signifiant qu'il est déconseillé de même inverser la formule du salam quand on salue le premier (Fat'h ul-bârî 11/7).
Ces deux réalités font que la façon islamique de se saluer est déterminée (mu'ayyan) dans nos textes.
Or quand nos textes font valoir qu'il existe un moyen précis et déterminé pour réaliser tel objectif, on ne peut avoir recours à un autre moyen, estimant qu'il permet de parvenir au même résultat. S'agissant d'une sunna dont la forme est mu'ayyan, on ne peut donc pas en relativiser la forme instituée – dire verbalement "As-salâmu 'alaykum" – et adopter une autre coutume – par exemple saluer un musulman d'un simple signe de la tête alors qu'on n'est pas éloigné de lui –, en disant parvenir à l'objectif – saluer – par le biais d'un autre moyen.
-
L'ensemble des moyens particuliers pour réaliser un besoin humain reconnu, cela constitue la diversité culturelle de l'humanité. (Ceci est affirmé en tant que constat, et non pour dire que chacun de ces moyens serait bon, puisque nous musulmans pensons que ce que la Shar' nous a communiqué constitue la vérité et recèle ce qui est bien pour les hommes. Cependant, même en pays musulman, Dâr ul-islâm, les autorités ne peuvent pas interdire aux adeptes d'une autre religion de vivre l'universel par un moyen différent de celui communiqué par la Shar' : lire notre article traitant de cela : y est exposé ce principe avec ses nuances.)
Cependant, le musulman a son moyen particulier de vivre l'universel.
- L'existence d'un consensus (ijmâ') établi quant à un des moyens existant empêche la possibilité de pratiquer l'analogie plus haut évoquée. Pour en savoir plus, lire un autre article.
- D'autres cas de figure empêchent également ce genre d'analogie. Nous en avons parlé dans un article sur l'analogie, ainsi que dans l'article sur la question de l'imitation de non-musulmans (cf. le point 3.2.2.3.).
Voici la synthèse de ces empêchements (mawâni') :
Le moyen qui a été mentionné dans les textes, le remplacer par un autre moyen, qui paraît être son équivalent, cela est impossible si le moyen ayant été stipulé dans les textes est tel que :
– a) Dieu dans le Coran, ou bien le Prophète (que Dieu le bénisse et le salue) dans la Sunna, a lui-même explicitement affirmé que ce moyen stipulé dans les textes des sources islamiques, ce moyen est la moyen déterminé (al-wassîlat ul-mu'ayyana) pour réaliser l'objectif de la règle. C'est le cas en ce qui concerne la formule de salutation présente dans les textes islamiques : il a été explicitement dit dans le hadîth que c'est cette formule que le musulman doit employer pour saluer son coreligionnaire ;
– b) il n'a pas été dit explicitement dans les textes (Coran et Sunna) que ce moyen est le moyen déterminé, mais :
------- b.1) ce moyen stipulé dans les textes constitue quelque chose de purement cultuel (ta'abbudî mahdh) ; l'analogie ne peut donc pas avoir cours ;
------- b.2) ce moyen stipulé dans les textes n'est pas quelque chose de purement cultuel, il est au contraire ta'abbudî ma'qûl ul-ma'nâ, cependant aucun autre moyen n'existe qui soit équivalent au moyen ayant été évoqué dans les textes (lâ yûjadu lahû nazîr) ;
------- b.3) ou bien le moyen figurant dans les textes des sources islamiques constitue le moyen distinctif de l'islam (shi'âr ul-muslimîn). C'est ce qui fait que la salutation par un seul signe de main n'est pas autorisée pour remplacer la salutation par la formule "As-salâmu 'alaykum" (nous avions évoqué ce point dans un autre article) ;
------- b.4) ou bien chacun des autres moyens permettant de réaliser le même objectif est le symbole d'un groupe de kufr akbar (shi'âr li naw'in min al-kufr) ;
------- b.5) ou bien le moyen stipulé dans les textes a été présenté par tous les ulémas sunnites (ijmâ' ul-'ulamâ') comme étant le moyen déterminé (al-wassîlat ul-mu'ayyana) pour réaliser l'objectif qu'a cette règle ;
-------- b.6) (peut-être existe-t-il d'autres indices ?).
Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).
Etc.
Suivre la Sunna du Prophète (sur lui soit la paix), cela se fait parfois par le recours au moyen exact qu'il a utilisé / mentionné. Mais d'autres fois, cela peut se faire par le recours à un autre moyen, permettant de réaliser le même objectif : il s'agit d'"équivalents" ou de "presque équivalents" (ما وجد فيه المعنى / ما وجدت فيه العلة) - Exemples d'équivalents ou "presque équivalents" Universels (4/5) (تعدية الصلاحية)
Il y a des actions que le Prophète a enseignées mais qui dont l'applicabilité est liée à la présence d'une cause (sabab) dans le monde concret : en l'absence de cette cause (sabab) dans le réel, la règle (hukm) n'est pas applicable.
Ensuite il y a d'autres actions que le Prophète a enseignées mais dont l'applicabilité est liée à la présence d'un principe motivant (manât / 'illa) dans l'objet auquel l'action est reliée : en l'absence de ce principe motivant ('illa) dans le réel, la règle (hukm) n'est pas applicable.
Mais ce que nous allons voir ci-après concerne une dimension différente : la règle que le Prophète (sur lui soit la paix) a dit de faire est applicable ; cependant, l'objectif de ce dire du Prophète est le résultat ; quant au moyen qu'il a mentionné, il peut être remplacé par un équivalent...
-
Nous ne parlons pas ici des impératifs négatifs.
Nous parlons seulement, ici, des impératifs : des demandes (talab) de faire quelque chose.
Plus encore, par rapport à la Sunna, le musulman suit le modèle du Prophète, sa façon de faire, même quand il n'y a pas d'impératif. Cela constitue la ittibâ', la ta'assî, la iqtidâ' : "suivre le modèle". Ce que nous venons de dire concerne aussi le fait de suivre le modèle du Prophète, même quand il n'a pas employé d'impératif.
-
Dans tout impératif à faire quelque chose, il y a, au-delà de l'action requise (matlûb), un objectif plus élevé à atteindre (maqsûd a'lâ).
- Cependant, parfois, la réalisation l'action requise fait partie de la réalisation totale de l'objectif à atteindre (جزءٌ من المقصود), de sorte qu'on doit pratiquer ce moyen pour réaliser complètement cet objectif et que sans la réalisation de ce moyen, l'objectif visé ne peut pas être atteint totalement.
C'est le cas avec l'impératif concernant le fait de garder la barbe : cela fait partie de la plénitude de l'apparence masculine.
- Alors que, d'autres fois, l'action stipulée dans les texte ne constitue qu'un des moyens possibles pour la réalisation de l'objectif (وسيلةٌ لأداء المقصود), et n'est pas voulu en soi : un autre moyen peut tout à fait faire l'affaire. La réalisation de l'objectif peut se faire par le moyen mentionné dans les textes, comme par un autre moyen équivalent. Il y a ici analogie : qiyâsu wassîlatin 'ala-l-wassîlat il-mansûs alayhâ, ce que l'on peut également formuler ainsi : ta'diyat us-salâhiyya li 'adâ' il-hukm, min shay'in ilâ shay'in âkhar.
C'est le cas avec l'impératif concernant le fait d'utiliser des pierres après avoir fait ses besoins : cela n'est qu'un moyen parmi tous les moyens permettant de réaliser la purification, d'autres moyens sont équivalents par rapport à l'objectif, et il n'y a pas un des éléments empêchant le recours à autre chose (éléments que nous citerons en fin d'article).
-
Ainsi, voici ce que nous avons à propos de l'utilisation de pierres :
– utiliser des pierres a été ordonné dans le hadîth et constitue donc une maslaha (échelon IV) ; car la pierre est un moyen permettant de se purifier après avoir fait ses besoins ;
– or se purifier après avoir fait ses besoins constitue une maslaha pour l'homme (échelon III) ; car cela fait partie de la fit'ra ;
– or la réalisation de la fit'ra est une maslaha (échelon II) ; car cela contribue à la réalisation du nafs ;
– or la réalisation du nafs est une maqsad parmi les maqâssid ush-shar'îa (échelon I).
Par ailleurs :
– utiliser des pierres a été ordonné dans le hadîth parce que (ma'lûl bi) la pierre est un moyen permettant de se purifier après avoir fait ses besoins (c'est la 'illa) ;
– tout autre moyen qui permet d'atteindre cet objectif (se purifier après avoir fait ses besoins) fait lui aussi entièrement l'affaire ;
– ainsi, le papier toilette, qui recèle cette 'illa ("cela permet de se purifier") fait entièrement l'affaire. Le recours à la pierre n'est pas nécessaire.
-
Par contre, voici ce que nous avons concernant la barbe :
– garder la barbe a été ordonné dans le hadîth et constitue donc une maslaha (échelon IV) ; car la barbe fait partie de la beauté et de la plénitude de l'apparence masculine ;
– or adopter ce qui fait partie de la plénitude de l'apparence masculine constitue une maslaha pour l'homme (échelon III) ; car la plénitude de l'apparence fait partie de la fit'ra ;
– or la réalisation de la fit'ra est une maslaha (échelon II) ; car cela contribue à la réalisation du nafs ;
– or la réalisation du nafs est une maqsad parmi les maqâssid ush-shar'îa (échelon I).
Ici on ne peut pas dire :
– garder la barbe a été ordonné dans le hadîth parce que la barbe est un moyen permettant d'exprimer son identité masculine ;
– tout autre moyen qui permet d'atteindre cet objectif (exprimer son identité masculine) fait lui aussi entièrement l'affaire ;
– donc, le fait de garder la barbe pour réaliser cet objectif n'est pas nécessaire : on peut, pour réaliser cet objectif, avoir simplement recours à des vêtements typiquement masculins.
On ne peut pas dire cela vu que la barbe est partie intégrante de la plénitude de l'apparence masculine, et n'est pas seulement un moyen parmi tant d'autres permettant d'exprimer son identité masculine.
-
Ibn Taymiyya écrit :
"وأيضا فالاقتداء به يكون تارة في نوع الفعل، وتارة في جنسه؛ فإنه قد يفعل الفعل لمعنى يعمُّ ذلك النوع وغيره، لا لمعنى يخصُّه؛ فيكون المشروع هو الأمر العام" :
"De plus : Suivre le modèle du (Prophète, sur lui soit la paix) :
- cela se fait parfois par la (pratique de quelque chose relevant de l') espèce [= la catégorie immédiate de laquelle relève] ce que le Prophète a fait ;
- et cela se fait d'autres fois par la (pratique d'un acte appartenant au) genre [= l'ensemble plus général duquel relève] ce que le Prophète a fait.
Car parfois, le (Prophète, sur lui soit la paix) a fait ce qu'il a fait à cause d'un principe qui englobe cette catégorie immédiate et telle autre, et non pas à cause d'un principe qui lui est spécifique. Ce qui est alors institué (mashrû') est le principe général" (Majmû' ul-fatâwâ, tome 22 p. 324).
Un peu plus loin Ibn Taymiyya écrit :
"وهذا النوع ليس مخصوصا بفعله وفعل أصحابه، بل وبكثير مما أمرهم به ونهاهم عنه. وهذا سمته طائفة من الناس: "تنقيح المناط"؛ وهو أن يكون الحكم قد ثبت في عين معينة وليس مخصوصا بها بل الحكم ثابت فيها وفي غيرها فيحتاج أن يعرف "مناط الحكم" :
"Ce type [= la pratique de ce que le Prophète a ordonné, par le recours à un moyen relevant de la même catégorie que ce que le Prophète a dûment mentionné], cela n'est pas spécifique à ce que le Prophète a fait, ou ce que ses Compagnons ont fait.
Cela concerne aussi beaucoup de ce qu'il a ordonné de faire ou interdit de faire.
Cela, un groupe de (juristes) l'ont nommé : "tanqîh ul-manât" : c'est que le hukm est établi par rapport à quelque chose de précis, (mais) ce hukm n'est pas spécifique à cette chose, elle est établie pour cette chose ainsi que pour d'autres choses qu'elles ; il faut alors distinguer le manât (pivot) du hukm" (MF 22/326).
-
Ibn Taymiyya veut dire ici que, par rapport à l'action que le Prophète (sur lui soit la paix) a faite ta'abbudan ou a dit de faire ta'abbudan, et par rapport à laquelle il faut suivre son modèle ("التأسِّي به" / "الاقتداء به") :
- la règle originelle est de pratiquer ce que le Prophète a fait ou dit de faire, en ayant recours à la chose particulière, c'est-à-dire au moyen exact, à laquelle il a eu recours ou qu'il a mentionnée : "الاقتداء برسول الله صلى الله عليه وسلم في عين ما فعله أو ذكره" ;
- parfois, il est également possible de suivre le modèle du Prophète (sur lui soit la paix) par le recours à non pas forcément l'exacte chose qu'il a utilisée ou dit d'utiliser, mais par le recours à l'une des choses qui relèvent de l'espèce (c'est-à-dire de l'ensemble immédiat, de la catégorie immédiate) à laquelle appartient le moyen auquel le Prophète a eu recours ou qu'il a mentionné : "الاقتداء برسول الله صلى الله عليه وسلم في نوع ما فعله أو ذكره" ;
- parfois (moins souvent), à cause d'une raison particulière liée au contexte dans lequel on vit, il se peut que suivre le modèle du Prophète (sur lui soit la paix), cela se fasse par le recours à l'une des choses qui relèvent du genre (c'est-à-dire de la catégorie plus générale, laquelle est située au-dessus de la catégorie immédiate) auquel appartient le moyen auquel le Prophète a eu recours ou qu'il a mentionné (cette catégorie générale regroupant cette catégorie immédiate ainsi que d'autres catégories du même niveau) : "الاقتداء برسول الله صلى الله عليه وسلم في جنس ما فعله أو ذكره".
-
A) Quelques exemples où il est possible d'avoir recours à une chose appartenant à la même espèce (نوع) que le moyen figurant dans le texte de la Sunna :
-
Pour se purifier après les besoins naturels, faut-il utiliser systématiquement la pierre (parce que c'est ce que la Sunna a évoqué), ou bien toute autre chose que la pierre qui réalise le même objectif peut-il être utilisé ?
Par quel moyen se purifier ?
Le Prophète (sur lui soit la paix) a dit : "Dix (actions) font partie de la fit'ra", et il a énuméré parmi celles-ci : "le fait de (se purifier) par l'eau (après avoir fait ses besoins)" (Muslim, 261). Ceci évoque la nécessité de se purifier après avoir fait ses besoins.
Par quel moyen se purifier ?
--- Il y a la pierre : Le Prophète (sur lui soit la paix) a dit :
- "عن عائشة، أنّ رسول الله صلى الله عليه وسلم قال: "إذا ذهب أحدكم إلى الغائط، فليذهب معه بثلاثة أحجار يستطيب بهن، فإنها تجزئ عنه" : "Lorsque l'un d'entre vous part faire ses besoins, qu'il emporte avec lui trois pierres, par lesquelles il se purifiera ; cela sera suffisant" (Abû Dâoûd, 40) ;
- "عن خزيمة بن ثابت، قال: سئل رسول الله صلى الله عليه وسلم عن الاستطابة، فقال: "بثلاثة أحجار ليس فيها رجيع" (Abû Dâoûd, 41) ;
- "عن عبد الله، قال: خرج النبي صلى الله عليه وسلم لحاجته، فقال: "التمس لي ثلاثة أحجار." قال: فأتيته بحجرين وروثة. فأخذ الحجرين، وألقى الروثة وقال: "إنها ركس" (at-Tirmidhî, 17).
--- Il est recommandé d'utiliser aussi l'eau : "عن أبي هريرة، عن النبي صلى الله عليه وسلم، قال: "نزلت هذه الآية في أهل قباء: {فيه رجال يحبون أن يتطهروا}"، قال: كانوا يستنجون بالماء، فنزلت فيهم هذه الآية" : at-Tirmidhî 3100, Abû Dâoûd 44). Est-ce que la pierre suffit dans tous les cas et l'eau est toujours seulement recommandée ? ou bien est-ce que si l'impureté dépasse une certaine surface, il faut alors obligatoirement utiliser de l'eau ? voir à ce sujet Al-Mughnî 1/207.
Par rapport à la pierre :
- Certains ulémas sont d'avis que la pierre ne peut pas être remplacée par un autre moyen, "car le Prophète a ordonné (d'utiliser) les pierres, et son ordre entraîne l'obligation" ("لأن النبي صلى الله عليه وسلم أمر بالأحجار، وأمره يقتضي الوجوب؛ ولأنه موضع رخصة ورد الشرع فيها بآلة مخصوصة، فوجب الاقتصار عليها، كالتراب في التيمم" : Al-Mughnî 1/202). Ibn Taymiyya relate cet avis ainsi : "Au sujet de la possibilité de se purifier par autre chose que les pierres il y a deux avis connus, également relatés de Ahmad : l'un d'eux est que seule la pierre est valable ; c'est l'avis retenu par Abû Bakr ibn ul-Mundhir et Abû Bakr 'Abd ul-Azîz" (Naqdu marâtib il-ijmâ', pp. 288 dans l'édition que je possède)
- L'avis de la plupart des gens de 'ilm est qu'il est possible d'utiliser la pierre ou "ce qui est équivalent à elle par rapport à l'objectif recherché" : il s'agit de "ce en quoi le principe est présent" (ما وجد فيه المعنى / ما وجدت فيه العلة), car "lorsque le texte (de la Sunna) mentionne quelque chose pour une raison qui est ma'qûl (ul-ma'nâ), il est nécessaire de faire sa ta'diya à ce en quoi ce ma'nâ est présent. Or le ma'nâ, ici, c'est le fait de faire disparaître l'impureté. Et cela se réalise par autre chose que la pierre, comme cela se réalise par la pierre" ("ولأنه متى ورد النص بشيء لمعنى معقول، وجب تعديته إلى ما وجد فيه المعنى؛ والمعنى هاهنا: إزالة عين النجاسة، وهذا يحصل بغير الأحجار كحصوله بها؛ وبهذا يخرج التيمم؛ فإنه غير معقول. ولا بد أن يكون ما يستجمر به منقيا، لأن الإنقاء مشترط في الاستجمار. فأما الزلج كالزجاج والفحم الرخو وشبههما مما لا ينقي، فلا يجزئ لأنه لا يحصل منه المقصود" : Al-Mughnî 1/202).
-
L'impératif, présent dans la Sunna, de se huiler la chevelure avec l'huile d'olive :
Le Prophète (sur lui soit la paix) a dit : "عن عمر بن الخطاب قال: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: كلوا الزيت وادَّهِنوا به، فإنه من شجرة مباركة" : "Mangez de l'huile (d'olive) et enduisez-vous en, car elle provient d'un arbre béni (= l'olivier)" (at-Tirmidhî, 1851) : il s'agit de s'en enduire la chevelure (Faydh ul-qadîr), le corps (Mirqât ul-mafâtîh).
Dès lors :
- Faire ce que le Prophète a dit de faire, en ayant recours au moyen exact qu'il a indiqué, cela revient à se huiler la chevelure par le moyen de l'huile d'olive elle-même. Il s'agit alors de "الاقتداء برسول الله صلى الله عليه وسلم في عين ما فعله أو ذكره".
- En Inde, on voit de nombreux ulémas faire ce que le Prophète a dit de faire en employant un moyen différent de celui que le Prophète a indiqué, mais qui appartient au même ensemble que celui que le Prophète a, lui, utilisé. Et cet ensemble est : "l'huile". Ces ulémas s'enduisent les cheveux d'huile de noix de coco (celle-ci étant davantage disponible en Inde). Il s'agit là de "الاقتداء برسول الله صلى الله عليه وسلم في نوع ما فعله أو ذكره".
-
Pour le brossage des dents : Faut-il utiliser systématiquement la branchette "siwâk" (parce que c'est ce que la Sunna a évoqué), ou bien toute autre chose qui réalise le même objectif peut-il être utilisé ?
Le Prophète (sur lui soit la paix) a fortement recommandé le siwâk.
En fait littéralement le terme "siwâk" désigne tout à la fois :
- "la branchette de bois tendre par laquelle on se frotte les dents" (c'est avec ce sens que le terme a été employé dans le hadîth : "قصه على سواك") ;
- "l'action de se frotter les dents pour les nettoyer" (comme dans le hadîth : "لولا أن أشق على أمتي لأمرتهم بالسواك عند كل صلاة").
An-Nawawî écrit ainsi : "قال أهل اللغة: السواك بكسر السين وهو يطلق على الفعل وعلى العود الذي يتسوك به، وهو مذكر". Ensuite, employant le terme dans le second sens, il écrit : "وهو في اصطلاح العلماء: استعمال عود أو نحوه في الأسنان لتذهب الصفرة وغيرها عنها؛ والله أعلم" (Shar'h Muslim).
En tous cas, le Prophète ne s'est brossé les dents que par le moyen de la branchette susmentionnée, qui est en fait la racine du bois de l'arak ou araq (Salvadora persica).
La recommandation que le Prophète a faite peut-elle être acquise par un autre moyen, permettant lui aussi de se brosser les dents ?
Ce débat est très ancien : les ulémas d'il y a des siècles évoquaient l'utilisation de tissu ou autre.
- Certains ulémas disent que, pour pratiquer la Sunna, il s'agit d'utiliser forcément une branchette en bois ('ûd).
- D'autres ulémas (et c'est ce que Ibn Qudâma a qualifié de "avis correct") disent que l'objectif étant de se nettoyer les dents, autant on atteint cet objectif, autant l'utilisation d'un moyen est correcte.
"وإن استاك بأصبعه أو خرقة،
فقد قيل: لا يصيب السنة، لأن الشرع لم يرد به، ولا يحصل الإنقاء به حصوله بالعود.
والصحيح أنه يصيب بقدر ما يحصل من الإنقاء، ولا يترك القليل من السنة للعجز عن كثيرها. والله أعلم" (Al-Mughnî 1/113).
-
- Personnellement je suis d'avis que :
--- utiliser un morceau de "أراك" ("Salvadora persica"), cela relève de "suivre le modèle du Prophète (que Dieu le bénisse et le salue) en ayant recours à exactement le moyen exact (عين) que celui qu'il a utilisé et mentionné" ;
--- utiliser une branchette d'un autre arbre (pourvu qu'il ne fasse de tort ni aux dents ni aux gencives ni à la santé), cela relève de "suivre le modèle du Prophète (que Dieu le bénisse et le salue) en ayant recours à un moyen qui appartient à la même espèce (نوع) [= la même catégorie immédiate] que celle à laquelle appartient le moyen qu'il a utilisé et mentionné". J'ai vu cela en Inde, au Gujarat, où c'étaient des branchettes d'un autre arbre que de nombreux musulmans (y compris Cheikh Ab'râr Ahmad, l'un de mes professeurs) utilisaient quotidiennement : le "margousier" (appelé : "neem" en urdu / hindi / gujarati) ;
--- et utiliser un morceau de tissu, ou bien une brosse à dents fabriquée industriellement, cela relève de : "suivre le modèle du Prophète (que Dieu le bénisse et le salue) en ayant recours au moyen qui appartient au même genre (جنس) [= la même catégorie supérieure] que celui auquel appartient le moyen qu'il a utilisé et mentionné".
Cela permet donc également d'atteindre le même objectif, qui est de se nettoyer les dents. Cependant, cela est moins naturel, moins "bio", que la branchette de Salvadora Persica, et que par ailleurs cela ne recèle pas la totalité des bienfaits sanitaires que cette branchette recèle. Cela est donc seulement : "presque équivalent" à la branchette de Salvadora Persica, et non pas "équivalent" à celle-ci.
-
Pour compter le nombre de formules d'évocations que l'on récite : Faut-il systématiquement le faire sur ses doigts (parce que c'est ce que la Sunna a évoqué), ou bien tout autre moyen qui réalise le même objectif peut-il être utilisé ?
Abdullâh ibn 'Amr relate qu'il a vu le Prophète (sur lui soit la paix) comptabiliser le tasbîh par sa main (Abû Dâoûd 1502, at-Tirmidhî 3486). Le Prophète a également dit à des musulmanes : "Faites le tasbîh, le tahlîl et le taqdîs, et ne soyez pas insouciantes de sorte que vous oubliez la miséricorde (divine). Comptez sur les phalanges, car elles seront questionnées, on les fera parler" (Abû Dâoûd 1501, at-Timidhî 3583, hadîth hassan d'après al-Albânî).
Peut-on alors compter les formules d'évocation sur des cailloux, ou sur les grains d'un chapelet ? Il faut savoir que, d'après al-Albânî, les hadîths mentionnant l'utilisation de cailloux pour ce faire ne sont pas authentiques.
En fait :
- D'après certains ulémas, parmi lesquels al-Albânî, il faut compter sur ses doigts et non pas sur des cailloux pour réaliser la Sunna en la matière.
- D'après d'autres ulémas, parmi lesquels Ibn ul-'Uthaymîn, l'objectif étant de comptabiliser le nombre de formules que l'on récite, tout moyen permettant de réaliser cet objectif permet de réaliser la Sunna en la matière. Simplement, étant donné que le fait de les compter par ses doigts est naturel et permet ce que le hadîth susmentionné évoque ("car elles seront questionnées, on les fera parler"), le recours à des cailloux ou à un chapelet est d'un second niveau, moindre que le recours aux doigts (fin de citation). On peut formuler ceci en disant que le recours au chapelet est "presque équivalent" au recours aux doigts.
Pour plus de détails sur ce point, veuillez consulter notre article : Les formules d'évocation, le Prophète (sur lui la paix) les comptabilisait-il par le moyen de noyaux, d'un chapelet (sub'ha) ? Est-ce alors interdit de le faire ?
-
Pour nettoyer le récipient dans lequel le chien a mis la gueule : Faut-il utiliser systématiquement de la terre (parce que c'est ce que la Sunna a évoqué), ou bien toute autre chose qui réalise le même objectif fait-elle l'affaire ?
Le Prophète (sur lui soit la paix) a dit : "Si le chien met la gueule dans le récipient de l'un d'entre vous, alors qu'il le lave 7 fois, la première avec de la terre" (Muslim 279).
On retrouve ici, chez par exemple les Hanbalites, les 2 avis susmentionnés (plus un 3ème : on ne peut avoir recours à un équivalent que si on ne peut pasle faire avec de la terre) :
"فإن جعل مكان التراب: غيره، من الأشنان والصابون والنخالة ونحو ذلك، أو غسله غسلة ثامنة، فقال أبو بكر: فيه وجهان:
أحدهما: لا يجزئه؛ لأنه طهارة أمر فيها بالتراب، فلم يقم غيره مقامه، كالتيمم؛ ولأن الأمر به تعبد غير معقول، فلا يجوز القياس فيه.
والثاني: يجزئه؛ لأن هذه الأشياء أبلغ من التراب في الإزالة، فنصه على التراب تنبيه عليها؛ ولأنه جامد أمر به في إزالة النجاسة، فألحق به ما يماثله، كالحجر في الاستجمار.
فأما الغسلة الثامنة فالصحيح أنها لا تقوم مقام التراب؛ لأنه إن كان القصد به تقوية الماء في الإزالة فلا يحصل ذلك بالثامنة؛ لأن الجمع بينهما أبلغ في الإزالة، وإن وجب تعبدا امتنع إبداله والقياس عليه.
وقال بعض أصحابنا: إنما يجوز العدول إلى غير التراب عند عدمه، أو إفساد المحل المغسول به، فأما مع وجوده وعدم الضرر فلا؛ وهذا قول ابن حامد" (Al-Mughnî 1/65).
-
B) Des exemples où l'exercice suscité n'est pas possible :
Le fait de garder la barbe :
Le Prophète (sur lui soit la paix) a dit : "Dix (actions) font partie de la fit'ra", et il a énuméré parmi celles-ci : "garder la barbe" (Muslim, 261).
Ce n'est pas, ici, que cet impératif de garder la barbe est en fait motivé par (ma'lûl bi) le seul objectif de distinguer l'homme de la femme, ou le musulman du non-musulman. Et donc que cet objectif peut être réalisé par des moyens, autres que la barbe. Se laisser la barbe ne serait dès lors plus nécessaire.
Non.
Ici, le principe motivant ('illa) de l'impératif de garder la barbe a été exprimé par le Prophète (sur lui soit la paix) : se laisser la barbe fait partie des actions humaines de la fit'ra (la nature humaine originelle). La barbe est donc partie intégrante de la beauté et de la plénitude de l'apparence masculine (min jamâl il-fuhûl). Et celle-ci serait incomplète sans la barbe.
-
La formule de salutation entre musulmans :
Le Prophète (sur lui soit la paix) a enseigné que la salutation entre musulmans se faisait verbalement, par la formule : "As-salâmu 'alaykum" / "As-salâmu 'alaykum wa rahmatullâh" / "As-salâmu 'alaykum wa rahmatullâhi wa barakâtuh" (les Hadîths sont bien connus).
Et il a demandé de ne pas adopter la façon de saluer de certains non-musulmans, ajoutant : "Leur salut se fait par la tête et la main" (an-Nassâ'ï : chaîne de transmission de bonne qualité d'après Ibn Hajar : Fath' ul-bârî 11/24). Le musulman gardera donc, pour saluer son coreligionnaire, la salutation verbale.
Par ailleurs, même la formule de salutation entre musulmans est une sunna dont la forme est mu'ayyan : une autre formule ne peut pas être qualifiée d'"équivalente". La preuve en est d'une part qu'il y a une relation où 'Imrân ibn Hussayn dit qu'avant la venue de l'islam, ils disaient "An'am-Allâhu bika 'aynan !" et "An'im sabâhan !", mais que l'islam, une fois venu, leur défendit d'utiliser ces formules (Abû Dâoûd, 5227). Le commentaire 'Awn ul-ma'bûd relate que c'est apparemment parce qu'il s'agissait de la formule de salutation de la période pré-islamique (fin de citation). C'est à cause de cette réalité que, en commentaire du passage du verset qui dit : "(...) Et ne dites pas de celui qui vous lance le salâm : "Tu n'es pas croyant" (...)" (Coran 4/94), al-Alûssî écrit : il s'agit de celui qui "vous salue par la salutation de l'islam ; son opposé est la salutation de la jâhiliyya, comme "An'im sabâhan" et "Hayyâkallâh"" (Rûh ul-ma'ânî).
D'autre part, des ulémas ont écrit qu'il ne fallait pas rajouter dans la formule de salutation des termes tels que "wa maghfiratuh", "wa ridhwânuh" etc. (car les Hadîths qui en parlent ne sont pas authentiques) et qu'il fallait s'en tenir à ceux établis de façon authentique du Prophète ("As-salâmu 'alaykum" / "As-salâmu 'alaykum wa rahmatullâh" / "As-salâmu 'alaykum wa rahmatullâhi wa barakâtuh") (cf. Fath' ul-bârî 11/9 ; voir aussi Zâd ul-ma'âd 2/417-418). De même, le Prophète a dit : "Lâ taqul : "'alayka-s-salâm", fa inna "'alayka-s-salâm" tahiyyat-ul-mawtâ" (at-Tirmidhî 2722, Abû Dâoûd 4084), parole que des ulémas ont interprétée comme signifiant qu'il est déconseillé de même inverser la formule du salam quand on salue le premier (Fat'h ul-bârî 11/7).
Ces deux réalités font que la façon islamique de se saluer est déterminée (mu'ayyan) dans nos textes.
Or quand nos textes font valoir qu'il existe un moyen précis et déterminé pour réaliser tel objectif, on ne peut avoir recours à un autre moyen, estimant qu'il permet de parvenir au même résultat. S'agissant d'une sunna dont la forme est mu'ayyan, on ne peut donc pas en relativiser la forme instituée – dire verbalement "As-salâmu 'alaykum" – et adopter une autre coutume – par exemple saluer un musulman d'un simple signe de la tête alors qu'on n'est pas éloigné de lui –, en disant parvenir à l'objectif – saluer – par le biais d'un autre moyen.
-
L'ensemble des moyens particuliers pour réaliser un besoin humain reconnu, cela constitue la diversité culturelle de l'humanité. (Ceci est affirmé en tant que constat, et non pour dire que chacun de ces moyens serait bon, puisque nous musulmans pensons que ce que la Shar' nous a communiqué constitue la vérité et recèle ce qui est bien pour les hommes. Cependant, même en pays musulman, Dâr ul-islâm, les autorités ne peuvent pas interdire aux adeptes d'une autre religion de vivre l'universel par un moyen différent de celui communiqué par la Shar' : lire notre article traitant de cela : y est exposé ce principe avec ses nuances.)
Cependant, le musulman a son moyen particulier de vivre l'universel.
- L'existence d'un consensus (ijmâ') établi quant à un des moyens existant empêche la possibilité de pratiquer l'analogie plus haut évoquée. Pour en savoir plus, lire un autre article.
- D'autres cas de figure empêchent également ce genre d'analogie. Nous en avons parlé dans un article sur l'analogie, ainsi que dans l'article sur la question de l'imitation de non-musulmans (cf. le point 3.2.2.3.).
Voici la synthèse de ces empêchements (mawâni') :
Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).
Etc.