Muhammad, le Messager de Dieu, est le modèle de perfection humaine. Que Dieu le bénisse et le salue (صلى الله عليه وسلم).
Cependant, il y a une différence entre la perfection humaine et la perfection absolue.
La Perfection absolue appartient à Dieu, et à Lui Seul.
L'homme ne doit tendre quant à lui qu'à la perfection relative pour laquelle Dieu a créé son espèce (naw'), perfection dont Muhammad présente le modèle accompli (certains aspects, il est demandé à l'homme de faire comme le Prophète, alors que d'autres aspects de la perfection de celui-ci ne sont pas atteignables : le prophétat, l'infaillibilité dans les avis, etc.).
-
1) Il y a des attributs qui relèvent de la perfection pour l'homme, alors qu'ils seraient imperfection par rapport à Dieu :
Cela est dû au fait qu'ils relèvent de la perfection humaine, mais pas de la perfection absolue.
– Ainsi en est-il de la faim : l'homme qui n'éprouve pas la faim est malade, car cela indique un déséquilibre en lui, lui qui est ainsi fait qu'il doit manger pour vivre. La faim (modérée) relève donc de la perfection humaine, de même que le fait de pouvoir manger des choses bonnes, de même qu'ensuite, le fait de pouvoir éliminer les déchets de cette nourriture sans problème : tout cela relève de la perfection eu égard au fait que l'espèce humaine a été créée dépendante de nourriture et de boisson pour vivre.
Mais c'est le fait de vivre sans avoir besoin de se nourrir du tout qui constitue un plus haut degré de perfection. C'est pourquoi, adressant un message aux chrétiens post-nicéens, Dieu leur fait comprendre par ce qui suit que Jésus et Marie ne peuvent pas être divins : "مَّا الْمَسِيحُ ابْنُ مَرْيَمَ إِلاَّ رَسُولٌ قَدْ خَلَتْ مِن قَبْلِهِ الرُّسُلُ وَأُمُّهُ صِدِّيقَةٌ كَانَا يَأْكُلاَنِ الطَّعَامَ انظُرْ كَيْفَ نُبَيِّنُ لَهُمُ الآيَاتِ ثُمَّ انظُرْ أَنَّى يُؤْفَكُونَ" : "Le Messie fils de Marie n'est qu'un messager ; d'autres messagers ont passé avant lui. Et sa mère est une très pieuse. Ils mangeaient tous deux de la nourriture" (Coran 5/75). Et qui mange de la nourriture doit éliminer de son corps les déchets résultant de la digestion. Ceux qui sont ainsi ne peuvent donc pas être divins ! Le fait de ne pas avoir besoin de nourriture n'est cependant pas accessible à l'homme. Il n'a même pas été demandé à l'homme de faire des efforts pour tenter d'y parvenir.
– Ainsi en est-il également de pouvoir s'endormir facilement : l'homme qui n'arrive pas à s'endormir est soucieux ; s'il souffre d'insomnie permanente, c'est qu'il y a un déséquilibre chez lui. Le besoin (modéré) de sommeil relève donc de la perfection humaine, car l'espèce humaine est ainsi faite qu'elle a besoin de dormir pour vivre de façon équilibrée.
Cependant, c'est le fait de ne pas avoir besoin de sommeil du tout qui constitue un plus haut degré de perfection. C'est pourquoi Dieu dit à Son Sujet, faisant Ses propres éloges : "لاَ تَأْخُذُهُ سِنَةٌ وَلاَ نَوْمٌ" : "Ni la somnolence, ni le sommeil ne Le prennent" (Coran 2/255).
– On peut passer en revue différents aspects de "l'humanité" (ce terme signifiant, ici : "la condition humaine"), on arrive à la même conclusion. Ainsi encore, avoir de l'énergie sexuelle est une qualité chez l'homme, car l'espèce humaine a été créée ainsi.
Mais c'est le fait de ne pas avoir un tel besoin qui constitue un plus haut degré de perfection. Cela n'est cependant pas demandé à l'homme ; même si un individu de l'espèce humaine était ainsi, cela ne constituerait pas chez lui une perfection.
(– Je ne parle pas ici des traits qui sont reconnus comme une petite faiblesse inhérente à l'être humain (même le Messager de Dieu n'y a pas échappé) : oublier parfois un petit quelque chose : le Prophète a oublié un jour la récitation d'un verset pendant la prière, et ce fut un de ses Compagnons qui le lui rappela ; un autre jour, il accomplit 2 cycles de prière au lieu de 4.
Non, je parle des traits qui constituent de la perfection chez l'homme.)
-
1') Et avoir la Vie, une Face et Deux Mains, alors ? Qualifier Dieu de tout cela, qui est perfection au niveau humain ou animal, ne serait-ce pas imperfection au niveau absolu ?
Non, tant que l'on précise que ces Qualifications, Dieu les possède à un niveau très différent de celui auquel les possèdent les créatures.
En fait, certes, la raison humaine ne peut pas, à elle seule, établir quels sont les Attributs de perfection absolue, pour ensuite en qualifier Dieu : la règle est de prendre connaissance de ce que le Coran et la Sunna ont dit sur le sujet et de s'y tenir (at-tawqîf). Nous avons exposé cela dans un article précédent, relatif aux termes et aux différentes nuances qu'ils véhiculent par rapport à la Perfection soit absolue, soit nuancée.
Cependant, prenant connaissance des Attributs dont Dieu (dans le Coran) ou Son Messager (dans la Sunna) a déclaré qu'Il en est Qualifié, la raison humaine ne peut que reconnaître la cohérence de ce qui a ainsi été dit.
Ibn Taymiyya écrit ainsi que [par induction (istiqrâ') on s'aperçoit que] tout Qualificatif qui a été employé au sujet de Dieu dans le Coran ou la Sunna évoque une perfection qui :
– est en soi possible,
– tout en n'impliquant aucune faiblesse (besoin de quelque chose, etc.) (MF 6/85).
-
C'est cela que l'érudit damascain a exposé dans toute une épître, Ar-Rissâla al-Akmaliyya ("الرسالة الأكملية") (MF 6/68-140).
– Ainsi, Dieu a un Nom qui est : "Le Vivant". Alors, à ceux qui disent qu'on doit faire ta'wîl de ce terme, "car Dieu ne peut pas avoir un Attribut qui serait "la vie", car dire cela c'est Le ramener au niveau des végétaux et des animaux", à ceux qui disent cela, Ibn Taymiyya répond : "Vous refusez (ce que vous considérez comme) le fait de Le faire ressembler aux vivants [de la Terre], et vous L'avez alors fait ressembler aux choses inertes ! Vous prétendez Le déclarer, ainsi, Pur des défauts, alors que vous L'avez en fait qualifié de ce qui est le plus grand des défauts !" (MF 6/89).
– Pareillement : "La Face et les Deux Mains ne sont pas comptés parmi les imperfections de quoi que ce soit qui est qualifié par cela. (Ensuite), la Face de chaque chose est selon ce à quoi elle se rapporte. (Mais en tous cas), cette (chose) en reçoit l'éloge, et pas le blâme" (MF 6/92).
– "C'est ce qui explique que Dieu est qualifié du Savoir et pas de l'ignorance ; de la Puissance et pas de l'impuissance ; de la Vie et pas de la mort ; de l'Entendement, de la Vue et de la Parole, et pas de la surdité, de la cécité et de la mutité ; du Rire et pas du pleur ; de la Joie et pas de la tristesse. Quant à la Colère avec le Contentement, et l'Aversion (bughdh) et l'Amour (hubb), (celui qui en est doté) est plus parfait que celui en qui il n'y a que le Contentement et l'Amour, et pas l'Aversion et la Colère vis-à-vis des choses qui méritent d'être blâmées et détestées" (MF 6/93-94).
En fait la Perfection ne réside pas dans le fait d'être seulement Bon, Pardonnant, Aimant, etc.
Elle réside dans le fait d'être Bon, Pardonnant, Aimant, etc., mais, parallèlement, de Détester, d'être Courroucé, de Punir, etc.
Plus encore : la Perfection réside dans le fait que les premiers Attributs dominent et dépassent les seconds ; en d'autres termes : que la Miséricorde domine et dépasse le Courroux. Et c'est ainsi qu'est Dieu : "Sa Miséricorde dépasse Son Courroux" : "Il l'a écrit dans un écrit qui se trouve auprès de Lui, au-dessus du Trône."
-
1'') Tous les Attributs de Dieu sont Perfection, et aucun ne constitue une quelconque imperfection. Cependant, peut-on dire que, tout en étant tous parfaits, certains Attributs de Dieu ont encore plus de valeur que d'autres ?
Ibn Taymiyya répond par l'affirmative : "Les textes traitant de la plus grande valeur (fadhl) de telle Parole de Dieu par rapport à une autre, et même de la plus grande valeur (fadhl) de certains Attributs (de Dieu) par rapport à d'autres : sont nombreux" (MF 17/89).
Plus loin l'érudit damascain écrit que la Miséricorde de Dieu a ainsi une plus grande valeur que le Courroux de Dieu, et ce eu égard au fait que le premier Attribut dépasse et domine le second (MF 17/91).
Il a écrit la même chose à propos de la Main Droite de Dieu, et Son Autre Main.
-
1"') Tout cela à la différence de la faim et de la soif, de désirer des nourritures et boissons bonnes (tayyibât) et du fait de pouvoir ingurgiter celles dont on s'est rendu propriétaire : tout cela est perfection chez l'homme, mais est imperfection dans l'absolu :
Ibn Taymiyya écrit : "Celui qui est en bonne santé parmi les créatures animées, qui désirent le manger et le boire, celui-là est plus parfait que celui qui, pour cause de maladie, ne désire pas la nourriture et la boisson : car (lui aussi), le fait qu'il subsiste se fait par le manger et le boire ; si on imagine alors quelqu'un qui n'en est pas capable, il est imparfait par rapport à celui qui est capable de cette perfection.
Cependant, cela implique le besoin du mangeur et du buveur pour autre chose que lui, à savoir la nourriture et la boisson qui vont entrer en lui ; et cela implique l'évacuation de quelque chose de lui : les déchets. Celui qui ne dépend pas de l'admission de quoi que ce soit en lui est plus parfait que celui qui en dépend" (MF 6/87).
-
2) A l'inverse, il est des attributs qui sont de perfection en ce qui concerne Dieu, mais sont des défauts pour l'homme.
– Le caractère divin en est un parfait exemple.
– L'omniscience en est un autre exemple.
– L'omnipotence un troisième.
Des défauts chez l'homme, ces qualités ?
Oui, dans la mesure où l'homme (ou une autre créature) qui prétendrait posséder l'un de ces Attributs mentirait. Et, de ce point de vue, bien que cet Attribut soit en soi de Perfection, prétendre qu'un autre que Dieu le possède, cela constitue un défaut.
Donc un défaut non pas parce que l'attribut serait en soi un défaut. Mais un défaut parce que prétendre qu'un être autre que Dieu le possède est un mensonge, et c'est donc qualifier cet être de ce qui ne lui convient pas (MF 6/137-141).
– C'est bien pourquoi se croire parfait et grand (الكبْر، أي عظم الشأن) est lui aussi un défaut chez l'homme ; de même qu'être excessivement content de ce qu'on est (العُجب، أي شدة سرور المرء بخصال نفسه) : Seul Dieu a le droit d'avoir ces deux traits, dans la mesure où Il est Parfait.
L'homme, étant par essence imparfait, ne peut avoir ni le premier ni le second de ces ressentis.
Quant à l'orgueil, cela est le fait d'exprimer qu'on se croit supérieur à lui (التكبر إظهار عظم الشأن) ; quand cela est fait vis-à-vis d'autrui, cela conduit à considérer autrui comme nous étant très inférieur (غمط الناس) : de nouveau, Seul Dieu a le droit d'être ainsi.
Al-'Askarî écrit : "الكبر هو إظهار عظم الشأن؛ وهو في صفات الله تعالى مدح لأن شأنه عظيم، وفي صفاتنا ذم لأن شأننا صغير، وهو أهل للعظمة ولسنا لها باهل؛ والشأن ههنا معنى صفاته التي هي في أعلى مراتب التعظيم، ويستحيل مساواة الأصغر له فيها على وجه من الوجوه. (...) الفرق بين الكبر والكبرياء أن الكبر ما ذكرناه؛ والكبرياء هي العز والملك، وليست من الكبر في شيء، والشاهد قوله تعالى {وتكون لكما الكبرياء في الأرض} يعني الملك والسلطان والعزة. وأما التكبر فهو إظهار الكبر، مثل التشجع إظهار الشجاعة، إلا أنه في صفات الله تعالى بمعنى أنه يحق له أن يعتقد أنه الكبير؛ وهو على معنى قولهم "تقدس" و"تعالى"، لا على ترفع علينا وتعظم. وقيل: المتكبر في صفاته بمعنى أنه المتكبر عن ظلم عبادة" (Al-Furûq ul-lughawiyya, p. 260).
-
3) Revenons-en à l'ensemble des attributs de perfection humaine : parmi eux :
– Il en est que l'homme a en commun avec l'animal : les trois que nous avons mentionnés plus haut relèvent de cette catégorie : la faim, l'endormissement et l'énergie sexuelle.
– D'autres attributs de perfection, l'homme les a en commun avec l'ange : par exemple la servitude vis-à-vis de Dieu (al-'ubûdiyya lillâh), qui s'exprime par le besoin de soumission à Dieu (al-khudhû' lillâh), l'élan spirituel (ar-rûhâniyya) vers Dieu.
– D'autres encore sont spécifiques à l'homme parmi toutes les créatures : Ma'rifat ullâh (Connaissance de Dieu) ou une compréhension particulière de la Grandeur et des Attributs de Dieu, par réflexion sur Ses Signes ; As-Sabr (la Patience) ou une adoration de Dieu faite malgré les tentations et malgré les difficultés liées à la vie sur Terre et en société ; Ash-Shawq, ou le désir de rencontrer l'Être aimé, Dieu (lire notre article).
– D'autres attributs sont tels qu'ils constituent de la perfection et que l'on retrouve au sujet de Dieu et au sujet de l'homme. Ils sont, en ce qui concerne Dieu, d'un niveau qu'ils ne sont pas en ce qui concerne l'homme. Cependant, ils constituent de la perfection pour Dieu comme pour l'homme. Ainsi en est-il du fait d'avoir de la miséricorde pour autrui, de pardonner à ceux qui nous ont offensés, de sanctionner celui qui le mérite réellement, etc.
C'est ce qui rend possible Al-Khilâfa (la Gérance), ou une responsabilité de l'homme par rapport à la Terre et tous ceux qui y vivent (lire un premier et un second article sur le sujet).
-
4) Nous avons donc :
– A) D'un côté les Attributs de Perfection de Dieu qui sont propres à Lui (comme le caractère divin, l'omniscience, l'omnipotence, etc.) : aucune créature ne peut les posséder.
– B) Les attributs qui sont de perfection chez Dieu et chez l'homme (comme la miséricorde, la bonté, le pardon, la sanction quand cela est nécessaire, la bonne gestion de ce dont on est responsable, etc.) mais qui sont chez Dieu d'un niveau inatteignable par l'homme.
– C) A l'autre extrême les attributs de perfection de l'homme (comme le fait de développer sa spiritualité vis-à-vis de Dieu, ressentir la faim et se nourrir, avoir besoin de dormir et dormir, avoir de l'énergie sexuelle et l'utiliser à bon escient, etc.), qui, parce qu'ils sont en fait révélateurs du besoin de quelque chose, sont imperfection pour Dieu.
-
4') Pour l'homme, il s'agit alors :
– d'attribuer à Dieu les Attributs qui Lui ont été attribués dans Son Livre (le Coran) ou dans la Sunna : les Attributs de type A et de type B ; et de mettre son être dans la perspective de servitude à Dieu qui y correspond ;
– de chercher à développer en lui-même : les attributs de type B (à l'échelle humaine toute relative) ;
– et de chercher à canaliser, tout en entretenant en lui : les attributs de type C.
Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).