Comme tout musulman, tu veilles à ce que la viande bovine, ovine, de volaille, etc. que tu consommes soit bien halal. Parfois il y a une divergence "sâ'ïgh" entre les ulémas quant à savoir si elle est halal ou pas, cette viande de volaille dont l'animal a été abattu de telle façon (par exemple après un léger étourdissement par légère électronarcose, dont il est prouvé qu'elle ne tue pas la volaille avant le dhab'h), ou bien dans telle et telle circonstances (par exemple sur une chaîne où les animaux sont abattus un à un, par une lame qui est mise en mouvement ininterrompu par une machine, laquelle est activée ou désactivée par le geste d'une personne appuyant sur un interrupteur, cette personne prononçant la tasmiya seulement lorsqu'elle active la machine : Ibâdât aur tchand ahamm jadîd massâ'ïl, pp. 245-246).
Mais tu fais partie de ceux qui disent alors : "Il faut agir selon l'avis qui présente le plus de précaution (ahwat) ! Sinon on se retrouve dans des cas qui sont douteux. Même si je ne peux pas dire que cette viande est non-halal mutlaqan, et ce à cause de la divergence "sâ'ïgh", je m'abstiens quand même d'en manger, et je déconseille à tous ceux et toutes celles que je connais de le faire." D'autres frères et soeurs n'ont pas la même approche par rapport à certains de ces points où "li-l-ikhtilâf massâgh", eux sont plus souples sur ces points, tu respectes leur façon de faire mais demeures malgré tout dubitatif ("Est-ce vraiment là toute la taqwâ, comme il le faut ?").
Mon frère, fais-tu également attention à ne pas manger une viande non-halal d'un tout autre ordre, mais sur le caractère interdit de laquelle il n'y a pas de divergence d'avis : la chair de ton frère ?
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I) Dieu dit dans le Coran : "يَا أَيُّهَا الَّذِينَ آمَنُوا اجْتَنِبُوا كَثِيرًا مِّنَ الظَّنِّ إِنَّ بَعْضَ الظَّنِّ إِثْمٌ وَلَا تَجَسَّسُوا وَلَا يَغْتَب بَّعْضُكُم بَعْضًا أَيُحِبُّ أَحَدُكُمْ أَن يَأْكُلَ لَحْمَ أَخِيهِ مَيْتًا فَكَرِهْتُمُوهُ وَاتَّقُوا اللَّهَ إِنَّ اللَّهَ تَوَّابٌ رَّحِيمٌ" : "O vous qui avez apporté foi ! Préservez-vous beaucoup de conjecturer ; certaines conjectures sont des péchés. N'épiez pas. Et ne médisez pas l'un de l'autre ; l'un de vous aimerait-il manger la chair de son frère, mort ? [non] vous détesteriez cela ! Soyez pieux [taqwâ] vis-à-vis de Dieu. Dieu est Celui qui accepte beaucoup le repentir, Miséricordieux" (Coran 49/12).
La comparaison qu'a faite ce verset entre "médire son frère" et "manger la chair du corps de son frère" est due au fait que :
- dans les deux cas on "mange" quelque chose de lui : son corps physique dans le premier cas ; sa "dignité" (traduction approximative de "عِرْض", "'irdh") dans le second ;
- dans les deux cas on lui cause un tort ;
- et dans les deux cas il ne peut pas se défendre ; parce qu'il est mort dans le premier cas ; parce qu'il est absent dans le second (cf. Bayân ul-qur'ân).
Le comparant (al-mushabbah bihî) - "manger la chair du corps d'autrui" - a ensuite été repris dans la Sunna au point d'y être devenu une périphrase (kinâya) pour : "médire". Le Prophète (sur lui soit la paix) a ainsi dit : "عن أنس بن مالك، قال: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: لما عرج بي مررت بقوم لهم أظفار من نحاس يخمشون وجوههم وصدورهم، فقلت: "من هؤلاء يا جبريل؟" قال: "هؤلاء الذين يأكلون لحوم الناس ويقعون في أعراضهم" : "Lors de mon ascension, je suis passé près de gens qui avaient des ongles en cuivre [avec lesquels] ils se griffaient le visage et la poitrine. J'ai demandé : "Qui sont ces gens, ô Gabriel ?" Il m'a répondu : "Ce sont ceux qui mangeaient la chair des hommes et s'en prenaient à leur dignité"" (Abû Dâoûd, 4878 ; Riyâdh us-sâlihîn, 1524). Dans le monde de la tombe (al-barzakh), on les rétribue donc d'une façon qui correspond à leur comportement : ils égratignaient le 'irdh des gens, maintenant ils doivent s'égratigner le visage et la poitrine avec des ongles en cuivre.
Le verset 49/12 interdit 3 choses :
– conjecturer sur autrui, en pensant en mal à son sujet (سوء الظنّ), alors qu'il n'y a dans le réel aucune preuve formelle (dalîl qat'î) ni aucun indice conséquent (qarîna qawiyya, mu'tabara shar'an) de ce que l'on pense à son sujet ;
– épier (تجَسُّس) pour trouver ce qui ne va pas chez autrui ; alors que Ibn Mas'ûd disait : "Il nous a été interdit d'espionner. Par contre, si quelque chose apparaît ouvertement devant nous, nous agissons (na'khudh bih")" (Abû Dâoûd 4890) ; rester à l'affût (بالمرصاد) n'est pas très différent de cela ;
– parler du défaut d'autrui en réunion ; cela s'appelle : "le médire", en arabe : "اغتياب". "La médisance" se dit : "الغِيْبَة".
En général d'abord on pense en mal de quelqu'un (soit parce que "la tête de ce quelqu'un ne nous revient pas" ; soit parce qu'il ne fait pas partie de notre clan).
Alors on se met à guetter la moindre faute (réelle ou supposée, vu qu'il y a parfois divergence d'opinions quant au caractère de certaines actions et de certaines paroles) de sa part.
Dès qu'on a trouvé une faute ou un défaut chez lui (car à part les prophètes nul n'en est exempt), on se met à en parler devant le maximum de personnes (parfois avec l'air le plus détaché possible), histoire de le discréditer (vu que, lui ne faisant pas partie de notre clan, la réalisation parfaite et complète de nos objectifs passe par le fait de le discréditer aux yeux du maximum de gens).
Ces 3 choses sont ainsi liées chacune à l'autre, et c'est là ce qui peut expliquer que Dieu les a évoquées ensemble dans ce verset (Bayân ul-qur'ân citant Rûh ul-ma'ânî).
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II) La définition de la médisance. Qu'est-ce que médire autrui ?
Le Prophète (sur lui soit la paix) l'a définie comme suit : "وعن أبي هريرة رضي الله عنه أن رسول الله صلى الله عليه وسلم قال: "أتدرون ما الغيبة؟" قالوا: الله ورسوله أعلم، قال: "ذكرك أخاك بما يكره." قيل: أفرأيت إن كان في أخي ما أقول؟ قال: "إن كان فيه ما تقول فقد اغتبته، وإن لم يكن فيه ما تقول فقد بهته"" : "Savez-vous ce en quoi consiste la médisance ? - Dieu et Son Messager savent plus. - C'est que tu évoques ton frère par ce qu'il n'aimerait pas [entendre dire de lui]. - Qu'est-il si en mon frère se trouve (réellement) ce que je dis ? - [Justement,] si en lui se trouve ce que tu dis, tu l'as médit. Et si en lui ne se trouve pas ce que tu dis, [là] tu l'as calomnié" (Muslim, 2579 ; Riyâdh us-sâlihîn, 1521).
Pour qu'il y ait un cas de médisance avéré, il faut :
– a) qu'il s'agisse de ce que les sources de l'islam elles-mêmes considèrent comme un défaut. Car si shar'an ce n'est pas un défaut et qu'on en parle quand même en présentant cela comme un défaut (cela se voit chez ceux qui ne connaissent pas de façon suffisamment profonde le contenu des sources mais parlent quand même, et se permettent de dire du mal d'autrui à tour de bras), cela est encore plus grave qu'une médisance habituelle ;
– b) que ce défaut se trouve réellement en la personne. Car sinon, ce n'est pas de la médisance mais, comme le Prophète l'a dit, de la calomnie (بهتان). Cette dernière se produit bien plus souvent et bien plus facilement qu'on le croit, par le biais des conjectures en mal (سوء الظنّ) qu'on exprime en groupe à propos d'autrui ;
– c) que la personne n'aimerait pas entendre ce qu'on dit d'elle ;
– d) que la personne soit absente. Car si elle est présente, cela n'est pas de la médisance mais du blâme (لَمْز) (évoqué en Coran 49/11). Celui-ci peut cependant être lui aussi, en certains cas, interdit : quand il n'y a aucune nécessité à le faire ou quand la motivation est seulement d'humilier la personne (Cheikh Thânwî écrit : "Il ne faut pas déduire de cette condition de l'absence de la personne que (tenir ce même propos) en la présence (de cette personne) serait autorisé ! Le fait est que cela relèverait alors du "lamz", qui a été interdit plus haut [dans le texte coranique]" : Bayân ul-qur'ân).
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III) Il est 6 cas qui font exception à la règle normale (l'interdiction) de médire quelqu'un. Dans chacun de ces 6 cas, médire est exceptionnellement autorisé (parfois cela devient même nécessaire) :
An-Nawawî a exposé ces 6 cas de façon détaillée :
"اعلم أن الغيبة تباح لغرض صحيح شرعي لا يمكن الوصول إليه إلا بها، وهو ستة أسباب:
الأول: التظلم، فيجوز للمظلوم أن يتظلم إلى السلطان والقاضي وغيرهما ممن له ولاية، أو قدرة على إنصافه من ظالمه، فيقول: ظلمني فلان بكذا.
الثاني: الاستعانة على تغيير المنكر ورد العاصي إلى الصواب، فيقول لمن يرجو قدرته على إزالة المنكر: فلان يعمل كذا، فازجره عنه ونحو ذلك ويكون مقصوده التوصل إلى إزالة المنكر، فإن لم يقصد ذلك كان حراما.
الثالث: الاستفتاء، فيقول للمفتي: ظلمني أبي أو أخي، أو زوجي، أو فلان بكذا فهل له ذلك؟ وما طريقي في الخلاص منه، وتحصيل حقي، ودفع الظلم؟ ونحو ذلك، فهذا جائز للحاجة، ولكن الأحوط والأفضل أن يقول: ما تقول في رجل أو شخص، أو زوج، كان من أمره كذا؟ فإنه يحصل به الغرض من غير تعيين، ومع ذلك، فالتعيين جائز كما سنذكره في حديث هند إن شاء الله تعالى.
الرابع: تحذير المسلمين من الشر ونصيحتهم، وذلك من وجوه:
منها جرح المجروحين من الرواة والشهود وذلك جائز بإجماع المسلمين، بل واجب للحاجة.
ومنها: المشاورة في مصاهرة إنسان أو مشاركته أو إيداعه أو معاملته أو غير ذلك أو مجاورته، ويجب على المشاور أن لا يخفي حاله، بل يذكر المساوئ التي فيه بنية النصيحة.
ومنها: إذا رأى متفقها يتردد إلى مبتدع، أو فاسق يأخذ عنه العلم، وخاف أن يتضرر المتفقه بذلك، فعليه نصيحته ببيان حاله، بشرط أن يقصد النصيحة، وهذا مما يغلط فيه. وقد يحمل المتكلم بذلك الحسد، ويلبس الشيطان عليه ذلك، ويخيل إليه أنه نصيحة فليتفطن لذلك.
ومنها: أن يكون له ولاية لا يقوم بها على وجهها: إما بأن لا يكون صالحا لها، وإما بأن يكون فاسقا، أو مغفلا، ونحو ذلك فيجب ذكر ذلك لمن له عليه ولاية عامة ليزيله، ويولي من يصلح، أو يعلم ذلك منه ليعامله بمقتضى حاله، ولا يغتر به، وأن يسعى في أن يحثه على الاستقامة أو يستبدل به.
الخامس: أن يكون مجاهرا بفسقه أو بدعته، كالمجاهر بشرب الخمر، ومصادرة الناس، وأخذ المكس، وجباية الأموال ظلما، وتولي الأمور الباطلة، فيجوز ذكره بما يجاهر به، ويحرم ذكره بغيره من العيوب، إلا أن يكون لجوازه سبب آخر مما ذكرناه.
السادس: التعريف، فإذا كان الإنسان معروفا بلقب، كالأعمش، والأعرج، والأصم، والأعمى، والأحول، وغيرهم جاز تعريفهم بذلك، ويحرم إطلاقه على جهة التنقيص، ولو أمكن تعريفه بغير ذلك كان أولى.
فهذه ستة أسباب ذكرها العلماء وأكثرها مجمع عليه، ودلائلها من الأحاديث الصحيحة مشهورة. فمن ذلك:"
"Sache que la médisance devient autorisée pour un objectif qui est correct, reconnu par la Shar', (objectif) qu'il n'est pas possible d'atteindre sans médire.
Voici les 6 causes (rendant la médisance autorisée) :
– La 1ère est le fait de se plaindre d'une injustice subie. Il est donc autorisé à la personne qui a subi une injustice de se plaindre de celle-ci auprès du dépositaire de l'autorité exécutive, du juge et autre qu'eux disposant d'une autorité ou d'une capacité à établir la justice en la faveur de (la personne lésée) par rapport à celui qui l'a lésée, et dire alors : "Untel m'a lésé de telle façon".
– La 2nde est le fait de demander l'assistance (de quelqu'un) pour faire disparaître un mal et ramener celui qui le commet à ce qui est correct. On dira alors à celui dont on espère qu'il est capable de faire disparaître ce mal : "Untel fait ainsi, dissuade-le de faire ainsi", ou propos voisin. L'objectif doit être alors de parvenir à la disparition de ce mal. Si ce n'est pas là l'objectif, alors (dire cette parole à quelqu'un) est interdit.
– La 3ème est de demander la fatwa, de dire alors au muftî : "Mon père / mon frère / mon époux / Untel a ainsi de telle façon à mon égard. En a-t-il le droit ? [S'il n'en a pas le droit,] quel moyen ai-je pour échapper à lui / récupérer mon droit / repousser cette injustice ?" ou propos voisin. Ceci est autorisé en cas de besoin (hâja), mais ce qui recèle plus de précaution et qui est mieux est de dire [au muftî] : "Que dis-tu au sujet d'un homme / d'une personne / d'un époux qui fait ainsi et ainsi ?" Car cette [formulation] permet d'atteindre l'objectif sans avoir dit le nom [de la personne]. Malgré tout, dire le nom est autorisé, comme nous le verrons inshâ Allâh au travers du hadîth avec Hind.
– La 4ème : mettre en garde les musulmans contre un mal, et les conseiller en bien. Ceci de plusieurs façons :
--- faire la critique des transmetteurs de hadîths, ou de ceux qui viennent porter témoignage. Ceci est autorisé, voire obligatoire, à l'unanimité des musulmans, à cause du besoin (hâja) ;
--- (lors d'une) consultation à propos d'une personne en vue d'une (éventualité de) mariage / d'association / de lui confier quelque chose / d'entrer en affaire avec lui / d'aller habiter dans son voisinage / et autre que cela. Il est obligatoire à ce qui est consulté de ne alors rien dissimuler de l'état de cette personne mais de mentionner les défauts que celle-ci a [réellement], et de le faire avec une intention correcte ;
--- lorsqu'on voit quelqu'un qui recherche la science religieuse se rendre auprès d'une personne qui est innovateur ou un grand pécheur pour prendre d'elle la science et qu'on craint que le premier en retire du tort [sur le plan de l'orthodoxie ou de la droiture dans sa morale ou sa pratique], alors on doit le conseiller en lui exposant l'état de l'autre personne. La condition à cela est qu'on ait comme objectif le conseil sincère. Or en ceci on se trompe (parfois). Et parfois celui qui parle est motivé par la jalousie (al-hassad), le Diable rendant l'affaire floue sur lui et lui faisant penser que c'est un conseil sincère. Que l'on prenne conscience de cela !
--- lorsque quelqu'un dispose d'une autorité précise mais ne mène pas (les choses) comme cela se doit, soit qu'il n'a pas du tout l'aptitude à cette (fonction), soit qu'il n'y respecte pas les normes shar'î, soit qu'il délaisse le travail (devant être fait dans le cadre de cette fonction), ou chose voisine. Il est alors nécessaire d'évoquer cela devant celui qui dispose d'une autorité supérieure (à celle du premier homme), afin qu'il le limoge et confie cette (fonction) à qui est en apte ; ou afin qu'il en prenne connaissance et agisse avec cet homme comme il se doit, ne reste pas dans l'erreur à son sujet et s'efforce de le pousser à revenir à la droiture, ou nomme quelqu'un d'autre à sa place.
– La 5ème est que quelqu'un montre ouvertement son grand péché ou son innovation ; à l'instar de celui qui boit ouvertement de l'alcool, confisque les biens des gens, les grève de taxes de façon abusive, ou mène des choses complètement fausses. Il est alors autorisé d'évoquer ce qu'il fait de façon ouverte. (Mais) il reste interdit d'évoquer d'autres défauts qu'il a [par ailleurs], sauf s'il y a, pour l'autorisation de cela, une autre cause, parmi ce que nous avons mentionné.
– La 6ème : désigner la personne. Lorsque quelqu'un est connu par un surnom, tel que "le chassieux", "le boiteux", "le sourd", "l'aveugle", "celui qui louche" etc., il est autorisé de le désigner par ce moyen [à condition que cela ne soit pas fait pour le critiquer]. Cela est interdit si ce surnom lui est appliqué d'une façon qui le critique. Et [de toute façon] s'il est possible de le désigner d'une autre façon, cela est mieux.
Voilà 6 causes que les ulémas ont mentionnées. La plupart d'entre elles font l'objet d'unanimité. Les preuves dans les hadîths authentiques sont connues. Parmi cela : (...)" (Riyâdh us-sâlihîn, chapitre 244).
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III') Attention, cependant, à vérifier d'une part qu'on se trouve bien dans l'un de ces 6 cas et d'autre part que ce qu'on dit alors, on le dit vraiment de façon désintéressée. Les hommes, nous les tromperons par nos justifications : eux ne connaissent que les paroles, et sont affectés par les paroles prononcées avec art. Mais Dieu, nul ne Le trompe...
Au sein de la 4ème cause, nous avons d'ailleurs pu constater que an-Nawawî a souligné cela quand il parlé de mettre en garde (تحذير المسلمين من الشر ونصيحتهم) contre celui qui dispense la science religieuse (ومنها: إذا رأى متفقها يتردد إلى مبتدع، أو فاسق يأخذ عنه العلم، وخاف أن يتضرر المتفقه بذلك، فعليه نصيحته ببيان حاله). Il a bien précisé :
"بشرط أن يقصد النصيحة. وهذا مما يغلط فيه. وقد يحمل المتكلم بذلك الحسد، ويلبس الشيطان عليه ذلك ويخيل إليه أنه نصيحة. فليتفطن لذلك" :
"A condition qu'on ait comme objectif le conseil sincère.
Et ceci relève de ce en quoi on se trompe (parfois).
Et parfois celui qui parle [y] est poussé par la jalousie (al-hassad), le Diable rendant l'affaire floue sur lui et lui faisant croire que c'est un conseil sincère. Que l'on prenne conscience de cela !".
Or que constate-t-on aujourd'hui ?
– Que certaines personnes ne savent pas distinguer :
--- les cas où la divergence n'est que de formulation (ikhtilâf lafzî) et les cas où la divergence est réelle (ikhtilâf haqîqî) ;
--- parmi tous les cas où la divergence est réelle, les cas où la vérité est qat'î et les cas où elle est seulement zannî ;
--- parmi tous les cas où la vérité est qat'î, les cas où l'erreur constitue un propos de dhalâl et les cas où elle constitue une simple khata' ijtihâdî ;
--- les hommes qui ont des principes généraux déviants (de dhalâl), et les ulémas sunnites qui, sur un ou quelques points détaillés, ont émis sans s'en rendre compte le même avis que celui de firaq dhâlla.
(Lire notre article relatif aux catégories des divergences.)
Ces personnes confondent donc tout, et font dès lors des "mises en garde" contre tous ceux qui n'ont pas le même avis qu'elles, fût-il une simple question de niveau ijtihâdî (Nassîr ibn 'Abd il-Karîm al-'Aql a déploré cela).
An-Nawawî ainsi que son Commentaire de Sahîh Muslim ont fait eux-mêmes (de même que Ibn Hajar et son Commentaire de Sahîh ul-Bukhârî) l'objet de sévères mises en garde de la part de certaines personnes qui exagèrent (al-ghulât), chose qui a ensuite été condamnée par Ibn ul-'Uthaymîn. Ce dernier écrit dans ses Notes sur Al-Iqtidhâ (de Ibn Taymiyya) :
"المصنف [ابن تيمية] رحمه الله دائما يتكلم بعدل وإنصاف. يقول: قد يقع هذا الخطأ العظيم مغفورا لصاحبه إما لاجتهاد أخطأ فيه، أو لحسنات تمحو ما حصل منه من سيئات.
ولهذا نعرف ضلال قومٍ قالوا أو شنوا الغارة على ابن حجر رحمه الله وعلى النووي حيث أخطأا في شي نعلم من حيث نعلم من حالهما أنهما مجتهدان فيه.
حتى بلغنا أن بعض الناس يقول: "يجب أن يحرق فتح الباري، ويجب أن يحرق أيضا شرح صحيح مسلم"، لماذا؟ لأن فيهما خطأ من آلاف الصواب.وهذا ليس من العدل، بلا شك. ونحن نعلم بحسب حال هذين الرجلين أن ما وقع منهما ليس عن قصد. وليس كل واحد يقول بقول واحد من قول المذهب يصير من أصحاب المذهب؛ أرأيت لو اخترت قولاً من أقوال الشافعي وانت تنتمي إلى الحنابلة، أتكون شافعيا؟ أو مثلا: إذا أخطأ انسان وأخذ بقول من أقوال الأشعرية في مسألةٍ خطأً، نقول: ليس عنده نية إلا نية حسنة، هل نقول: هذا أشعري، يجب ان نحذر منه، يجب أن لا ناخذ منه الصواب؟ الله المستعان" (Notes de bas de page de Ibn ul-'Uthaymîn sur Iqtidhâ' us-sirât il-mustaqîm de Ibn Taymiyya, pp. 11-12).
– Et que d'autres personnes font dans le "deux poids, deux mesures". En effet, elles font des mises en garde contre tel homme qui a commis telle et telle erreurs dans les propos qu'il tient, et prennent soin de préciser (pour toute personne qui aurait pu en douter un seul instant) : "Nous n'avons rien contre cet homme personnellement, mais les erreurs qu'il fait, on ne peut pas laisser passer ! Il en va du bien du Dîn, du bien de la Umma !".
Par contre, quand c'est tel autre homme, qui dit ou fait la même chose que le premier mais qui, lui, a la chance de faire partie du même groupe qu'elles, là :
--- elles font comme si elles n'ont rien vu, rien entendu, rien remarqué ("Je n'ai rien vu, je n'ai rien entendu, je n'ai rien remarqué, donc je n'ai rien à dire !") ;
--- ou bien elles tergiversent, histoire de laisser passer du temps, pour que celui qui les a questionnées au sujet du propos du second homme passe à autre chose et oublie ("Ah bon, le Nôtre aurait dit cela ? Tu sais, il ne faut pas croire tout ce qu'on entend relater ! Il faut toujours d'abord vérifier à la source. Il faudra donc que je renseigne. En fait je verrai cela plus tard, oui, beaucoup plus tard... Là je suis débordé de travail") ;
--- ou bien elles mettent en cause la sincérité de celui qui critique le propos du second homme ("Ceux qui critiquent ce que fait le Nôtre, ils le font avec une mauvaise intention / par pure inimitié ('adâwa / dushmanî) ! Par contre nous, quand nous avons critiqué l'Autre, c'était bien sûr (comme toujours quand il s'agit de nous) avec sincérité, de façon totalement désintéressée, pour le seul bien du Dîn et de la Umma !") ;
--- ou bien elles vont jusqu'à justifier et excuser chez celui de leur groupe, la même chose que celle qu'elles ont dénoncée chez le premier, en essayant à tout prix de trouver une différence, un fâriq [qui n'en est pas un sur le plan de la Shar'] ("Il y a une subtile mais profonde différence entre le propos de l'Autre, et celui du Nôtre : l'Autre, lui, il a dit que "mettre du côté des soeurs un écran leur permettant de voir l'orateur, cela est autorisé". Ce propos est inadmissible, car contraire à ce qui est écrit dans les kutub ul-fatâwâ de tel et tel cheikhs de tel et tel pays ! L'Autre est donc un laxiste, il faut mettre les gens en garde contre lui, c'est autorisé de le médire ! Ahem... par contre, le Nôtre, lui, a seulement dit que "avoir nous aussi notre stand dans un lieu complètement mixte est autorisé, même si on sait que des dames dont le vêtement n'est pas conforme aux normes de l'islam, elles aussi y viendront". Le Nôtre a raison, il ne faut pas faire preuve de dureté excessive, voyons ! Il ne faut pas regarder seulement les kutub ul-fatâwâ écrits par des cheikhs très compétents, mais qui habitent d'autres pays ! Il faut aussi essayer de comprendre les nécessités liées au contexte du pays dans lequel nous vivons. Il faut faire la muwâzana entre la maslaha recherchée et la mafsada shar'iyya tolérable, voyons !").
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IV) Exception faite des 6 cas susmentionnés, la médisance constitue un grand péché :
Des ulémas ont en effet écrit que la médisance n'est pas un petit péché [ce qui correspond au caractère "mak'rûh tahrîmî"], elle est harâm, elle est un grand péché [exception faite des 6 cas sus mentionnés] (cf. Fat'h ul-bârî 10/577 ; voir aussi Bayân ul-qur'ân, commentaire de Coran 49/12).
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V) Si on a médit une personne hors les 6 cas autorisés, on l'a donc lésée dans ses droits (huqûq ul-'abd) :
Le Jour du Jugement, ceux qui auront lésé d'autres dans ce qui constituaient shar'an leur droit et ne se seront pas fait pardonner par eux dans ce monde, ceux-là devront les dédommager. Et le moyen de dédommagement ne sera ni pièce d'or ni pièce d'argent, mais... bonnes et mauvaises actions. Le Prophète (sur lui soit la paix) a dit : "عن أبي هريرة رضي الله عنه، قال: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "من كانت له مظلمة لأخيه من عرضه أو شيء، فليتحلله منه اليوم، قبل أن لا يكون دينار ولا درهم، إن كان له عمل صالح أخذ منه بقدر مظلمته، وإن لم تكن له حسنات أخذ من سيئات صاحبه فحمل عليه" : "Celui qui a une injustice (qu'il a commise) sur son frère, qu'elle soit relative à sa dignité sociale ('irdh) ou autre, qu'il la fasse effacer de lui aujourd'hui, avant que ne (vienne le jour où) il n'y aura plus ni pièce d'or ni pièce d'argent. Alors s'il aura quelque bonne action, on en prendra de la quantité de son injustice. Et s'il n'aura pas de bonne action, on prendra des mauvaises actions de l'autre, et cela sera chargé sur lui" (al-Bukhârî, 2317 ; Riyâdh us-sâlihîn, 208).
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VI) Il faut donc se faire pardonner par cette personne en ce monde, afin de ne pas avoir à la dédommager dans l'Autre :
– Si la personne avait eu connaissance de ce qu'on avait dit à son sujet (peut-être même qu'on avait manoeuvré habilement pour dire cela devant des hommes dont on savait qu'ils iraient le répéter à la personne concernée, histoire de "faire bouillir" celle-ci), alors, oui, il faut aller la voir et lui demander pardon. C'est ainsi que se comprend ce que an-Nawawî a mentionné dans Riyâdh us-sâlihîn, chapitre 2 (التوبة واجبة من كل ذنب. فإن كانت المعصية بين العبد وبين الله تعالى لا تتعلق بحق آدمي، فلها ثلاثة شروط: أحدها: أن يقلع عن المعصية. والثاني: أن يندم على فعلها. والثالث: أن يعزم أن لا يعود إليها أبدا. فإن فقد أحد الثلاثة لم تصح توبته. وإن كانت المعصية تتعلق بآدمي، فشروطها أربعة: هذه الثلاثة، وأن يبرأ من حق صاحبها؛ فإن كانت مالا أو نحوه رده إليه، وإن كانت حد قذف ونحوه مكنه منه أو طلب عفوه، وإن كانت غيبة استحله منها).
– Si par contre la personne n'en avait pas eu connaissance, alors il ne faut pas, pour se faire pardonner d'elle, l'informer de ce qu'on a dit sur elle et lui demander ensuite de nous pardonner, pareille démarche risquant fort de provoquer sa colère et de conduire au contraire de l'effet escompté (Dalîl ul-fâlihîn li turuqi Riyâdh is-sâlihîn, Muhammad ibn 'Allân ; Zâd ul-muttaqîn fî shar'hi Riyâdh is-sâlihîn, Ibn ul-'Uthaymîn). En pareil cas, comme l'ont dit Ibn Taymiyya et d'autres ulémas, il faut que le médisant :
- primo demande à Dieu d'accorder Son Pardon à la personne qu'il a médite,
- et secundo fasse les éloges de cette personne devant les mêmes personnes que celles devant qui il l'avait médite ("وهذه المسألة فيها قولان للعلماء - هما روايتان عن الإمام أحمد - وهما: هل يكفي في التوبة من الغيبة الاستغفار للمغتاب، أم لا بد من إعلامه وتحليله؟
والصحيح أنه لا يحتاج إلى إعلامه، بل يكفيه الاستغفار له وذكره بمحاسن ما فيه في المواطن التي اغتابه فيها؛ وهذا اختيار شيخ الإسلام ابن تيمية وغيره. والذين قالوا: "لا بد من إعلامه"، جعلوا الغيبة كالحقوق المالية. والفرق بينهما ظاهر: فإنّ الحقوق المالية ينتفع المظلوم بعود نظير مظلمته إليه، فإن شاء أخذها وإن شاء تصدق بها؛ وأما في الغيبة فلا يمكن ذلك ولا يحصل له بإعلامه إلا عكس مقصود الشارع صلى الله عليه وسلم؛ فإنه يوغر صدره ويؤذيه إذا سمع ما رمى به، ولعله يهيج عداوته ولا يصفو له أبدا. وما كان هذا سبيله فإن الشارع الحكيم صلى الله عليه وسلم لا يبيحه ولا يجوزه، فضلا عن أن يوجبه ويأمر به" : Al-Wâbil us-sayyib, Ibn ul-Qayyim, pp. 189-190).
Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).