Nous vous proposons de passer en revue ci-après les différents éléments qui nous paraissent être les fondements de cette incompréhension.
1. Modernité réalisée, en Occident, contre l'ordre religieux : cause de méfiance vis-à-vis du religieux :
L'histoire de l'Europe occidentale reste marquée par son rapport au religieux. Les abus du clergé du catholicisme, dominant en Europe, ses condamnations de découvertes scientifiques, font que la modernité n'a pu se réaliser en Europe que par la séparation d'avec le religieux, restreint à la vie privée, et devenu facultatif et secondaire dans la vie de l'homme. Or les musulmans, eux, se réfèrent sans cesse à Dieu et à Sa Parole.
Première cause d'incompréhension. Incompréhension qu'il est cependant possible de dépasser en expliquant clairement la position de l'islam sur les découvertes scientifiques, la modernité, la raison, la prise en compte du contexte, etc.
Pourquoi l'Occident a-t-il adopté la laïcité ?
Les pays musulmans devraient-ils adopter la laïcité ?
Rester fidèle à la foi musulmane veut-il dire rejeter les découvertes scientifiques ?
Pourquoi éprouver, en plus de la raison, le besoin d'une révélation ?
L'ijtihâd : le raisonnement fait à partir des références
Autonomie de la raison abreuvée aux sources de la révélation
2. Grille de lecture fondée sur des concepts du christianisme, voire du catholicisme : cause de nombreux malentendus aujourd'hui :
"Du fait de l'association longue et presque exclusive de l'Europe avec le christianisme, même l'Européen agnostique a appris inconsciemment à regarder tout phénomène religieux à travers l'optique des concepts chrétiens" (Le chemin de la Mecque). Cette phrase, écrite par un Européen, Leopold Weiss (d'origine autrichienne, converti à l'islam en 1920 et ayant pris ensuite le nom de Muhammad Asad), explique de façon très satisfaisante le pourquoi de certains malentendus qui, sous une forme ou sous une autre, reviennent souvent à propos de l'islam.
Ainsi se comprend le pourquoi des questionnements adressés régulièrement aux musulmans quant à la nature de leur clergé, et de l'incompréhension qui s'ensuit face à l'absence de pareille institution en Islam. Lire mon article : Il n'y a pas de clergé en islam.
Ainsi encore se comprend la perception du voile que portent les musulmanes, vu comme "une marque de sujétion de la femme à l'homme" (ce qui est en fait ce que Paul dit du voile féminin : cf. Epitre aux Corinthiens), alors qu'en islam ce n'est qu'un vêtement destiné à dissimuler les attraits corporels de la femme des regards de ceux qui ne sont ni son mari ni ses proches parents. Lire à ce sujet mon article : Pourquoi le foulard des musulmanes choque-t-il certains Occidentaux ?
3. Vieilles images : fonds d'incompréhension et de peur :
De vieilles images fondées sur l'incompréhension subsistent dans les esprits de nombreux habitants du Vieux Continent à propos de l'islam :
- "Allah" n'est pas "Dieu" le Créateur" mais une divinité arabe, particulière aux musulmans" ;
- "Le Coran est un plagiat de la Bible" ;
- "Le jihad c'est un effort systématiquement militaire" ;
- "L'islam s'est propagé par l'épée" ;
- "La femme musulmane n'a aucun droit sinon celui d'être voilée et enfermée"
Tels sont quelques-uns des clichés enracinés dans les esprits, et à propos desquels nous musulmans avons à expliquer, encore expliquer, toujours expliquer.
Ces images remontent à plus loin, beaucoup plus loin qu'on ne le croit dans l'imaginaire collectif. Roger Du Pasquier écrit en substance : "L'Occident garde sur l'islam des opinions non seulement simplistes, mais parfois aberrantes et sans rapport avec ses réalités. On dirait qu'une vieille incompréhension trouble l'objectivité d'un certain nombre d'Européens dès qu'il est question du monde arabo-islamique..." (Préface au Chemin de La Mecque). Leopold Weiss a émis à ce sujet une idée qui fait appel à la notion, bien connue en psychologie, d'inconscient collectif. Un chercheur irlandais du nom de Erskine Childers est parvenu à la même conclusion : ces images remontent à très loin dans l'inconscient collectif.
4. Chute de l'empire soviétique : cause d'une sorte de "face à face" aujourd'hui :
"Les démocraties occidentales, orphelines de l'ennemi communiste, ne résistent pas à la tentative de voir en l'islam un nouvel empire du mal". L'auteur de ces lignes est une journaliste du magazine L'événement du jeudi (juin 1996, p. 17). Ceci parce que, à en croire Jean-Christophe Rufin, le système est tel qu'il fonctionne en se désignant à tout prix un ennemi extérieur (La dictature libérale, Jean Christophe Rufin). Privé de l'ennemi communiste, il a donc besoin de se désigner une nouvelle menace.
5. Actualité dans certains pays majoritairement musulmans : cause d'une plus grande méfiance :
L'actualité de certains pays majoritairement musulmans, où règnent parfois un absolutisme et un mépris des droits du peuple, est perçue comme "une preuve de ce que l'on pensait déjà". Au lieu de comprendre que cet absolutisme est basé sur le goût du pouvoir de certains, est opposé aux enseignements de l'islam, et opprime les mouvements du "renouveau islamique" on pense au contraire en Occident qu'il est "la conséquence de l'islam". Il est pourtant très facile de comprendre que, comme des femmes et des hommes menèrent en France une longue lutte contre l'absolutisme pour pouvoir lentement réaliser un système démocratique, des musulmanes et des musulmans protestent aujourd'hui, au nom même des principes de l'islam, contre l'absolutisme dans les pays majoritairement musulmans.
Malheureusement, on pense au contraire en Occident que "ces musulmanes et musulmans sont de dangereux agitateurs intégristes qui veulent conquérir le pouvoir. Il faut donc soutenir les pouvoirs en place, fûssent-ils des dictatures..."
Conclusion :
Les éléments évoqués ci-dessus sont des faits qu'il faut connaître afin de les dépasser, en tentant d'utiliser la meilleure communication possible. Afin d'éviter un clash of civilizations.
Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).