Une des Qualifications (Sifât) de Dieu est qu'Il a Deux Mains. En effet, Il a dit : "مَا خَلَقْتُ بِيَدَيّ" (Coran 38/75)

Un message que j'ai reçu par mail (de la part de quelqu'un qui est converti depuis peu à l'islam) :

"Je t'écris ce mail car lorsque j'ai consulté ton site, je suis allé dans la partie "Croyances au sujet d'Allah", et j'ai vu que tu as écrit qu'"Allah a deux mains". Tu as donc attribué au Créateur un organe. Or ceci est impossible au sujet du créateur. La croyance que tu as exposée contredit la croyance de l'islam, et contredit la raison saine.

Donc de ce fait je t'envoie avec ce mail un cours sur la croyance de l'Islam, avec les preuves, afin que tu rectifies ce que tu as écrit sur ton site internet.

J'espère que tu prendras le temps de lire ce message et de le comprendre, car la croyance c'est la chose la plus importante de l'islam, donc il faut veiller à ce qu'elle soit celle des Sunnites."

-
Réponse
:

As-salâmu 'alaykum wa rahmatullâh.

Cher frère, il serait bien que sur un sujet si délicat et si subtil, vous ne vous précipitiez pas de cette façon.

C'est Dieu qui a dit dans le Coran : "لَيْسَ كَمِثْلِهِ شَيْءٌ" : "Rien n'est semblable à Lui" (Coran 42/11). Ce verset signifie que rien ne Lui ressemble. Si rien ne Lui ressemble (c'est ce que dit ce verset), on en déduit que, parallèlement, Lui-même ne ressemble à aucune de Ses créatures. (Ces deux croyances sont exposées dans Al-'Aqîda at-tahâwiyya : "ولا شيءَ مثلُه", point 2 ; "ولا يُشبِهُ الأنامَ", point 9. Elles sont également exposées dans Al-Fiqh ul-akbar : "ولا يُشبِهُه شيءٌ من خلقه", p. 32 ; "لا يُشبِهُ شيئًا مِن خلقه", p. 31.)

Mais si Dieu a dit cela, Dieu a également, et ce toujours dans le Coran, dit, pour désigner Adam, père de l'humanité : "مَا خَلَقْتُ بِيَدَيّ" : "ce que J'ai créé de Mes Deux Mains" (Coran 38/75).

On le voit : si Dieu a dit que rien ne Lui ressemble, Il a dit aussi avoir créé Adam de Ses Deux Mains.

Dans le second passage, Dieu a employé une formulation précise : "مَا خَلَقْتُ بِيَدَيّ" : ici le terme "Mes Deux Mains" est introduit par la particule "'", après le verbe : cela désigne une Qualification (Sifa/ Wasf) qui est différente de l'Etre (Dhât) de Dieu.

De même, dans la Sunna il y a de nombreux hadîths où les deux Mains de Dieu sont évoquées : la Droite, et l'Autre :
– "يد الله ملأى لا تغيضها نفقة، سحاء الليل والنهار. وقال: أرأيتم ما أنفق منذ خلق السماء والأرض فإنه لم يغض ما فى يده، وكان عرشه على الماء. وبيده الأخرى الميزان يخفض ويرفع" : "La Main de Dieu est pleine, donneuse ; la nuit et la journée ne l'épuisent pas. Avez-vous considéré ce qu'Il a dépensé depuis qu'Il a créé les cieux et la Terre ? Cela n'a pas épuisé ce qui se trouve dans Sa Main Droite. Et Son Trône est sur l'Eau. Et dans Son autre Main se trouve la Balance ; Il élève et abaisse" (al-Bukhârî, 6976, Muslim, 993) ;
"إن المقسطين عند الله على منابر من نور عن يمين الرحمن، وكلتا يديه يمين. الذين يعدلون في حكمهم وأهليهم وما ولوا" : "Ceux qui auront été justes seront auprès de Dieu le jour de la résurrection, sur des chaires de lumière, à la droite du Miséricordieux. Et Ses Deux Mains sont Droites. (Il s'agit de) ceux qui auront été justes dans les jugements qu'ils auront rendus, à propos de leur famille, et dans les responsabilités qu'ils auront eues" (Muslim, 1827).

Il y a d'autres hadîths où le Prophète (sur lui soit la paix) a dit que Dieu a fait (ou fera) ainsi avec Sa Main Droite, et ainsi avec Son Autre Main :
– "فقال الله له ويداه مقبوضتان: "اختر أيهما شئت". قال: "اخترت يمين ربى، وكلتا يدى ربى يمين مباركة". ثم بسطها فإذا فيها آدم وذريته فقال أى رب ما هؤلاء فقال هؤلاء ذريتك" ; dans ce hadîth, où il est fait mention du moment qui a suivi la création de Adam, il est dit : "Alors Dieu lui dit, alors que Ses Deux Mains étaient fermées : "Choisis celle que tu veux." Il dit : "J'ai choisi la Main Droite de mon Seigneur. Et les Deux Mains de mon Seigneur sont Droites." Ensuite Il l'ouvrit. Voilà qu'il s'y trouvait Adam et sa descendance. (Adam) demanda : "Seigneur, que sont ceux-là ?" (Dieu) dit : "Ceux-là sont ta descendance"" (rapporté par at-Tirmidhî, 3368).

On voit bien que, dans ces hadîths, le recours au sens allégorique est impossible : Dieu a bien Deux Mains. C'est là une de Ses Sifât.

-
Dire que Dieu a Deux Mains, cela n'implique pas dire que Dieu a des organes !

Alors, oui, j'ai dit que Dieu a "Deux Mains". Mais, cher frère, montrez-moi où j'ai écrit, comme vous l'affirmez, que Dieu a un ou des "organe(s)" (en arabe : "عضو", ou : "جارحة") ?

Dire que Dieu a "Deux Mains", ce n'est pas Lui attribuer un "عضو", c'est Lui attribuer une "صفة", une Qualification.

Ibn Taymiyya fut convoqué en l'an 705 de l'hégire par le gouverneur résidant à Damas, sur ordre du roi résidant en Egypte, pour un débat contradictoire (munâzara) au sujet des croyances qu'ils professe au sujet de Dieu. Il relate lui-même les faits. Sont appelés : les juges de Damas, leurs suppléants, les muftis et les maîtres soufis (mashâ'ïkh) (MF 3/160-161). A un moment donné, sur questionnement de l'un de ses contradicteurs, Ibn Taymiyya explique qu'il emploie au sujet de Dieu les Sifât que Lui-même a employés à Son Sujet ou que le Prophète a employés à Son Sujet, sans tomber dans le tamthîl ("semblable à telle chose") ni le takyîf ("le comment..."). "L'un des grands opposants, relate Ibn Taymiyya, dit alors : "A ce moment là, il serait autorisé de dire : "هو جسم لا كالأجسام" ("Il est un Corps, pas comme les corps") ! " Moi et certain des vertueux présents lui dîmes alors : "Ce qui a été dit c'est qu'on qualifie Dieu de ce dont Il s'est qualifié Lui-même, ou de ce dont Son Messager, qu'Il le bénisse et le salue, L'a qualifié. Or dans le Coran et la Sunna il n'y a pas que Dieu est un Corps, de sorte que cette question soit impliquée"" (Majmû' ul-fatâwâ, 3/168).

Essayez quelque peu de comprendre la nuance : le terme "organe" renvoie à un corps matériel, alors que le terme "Main" renvoie à un concept plus vaste que ce qui est matériel et/ou corporel.

Ibn Taymiyya écrit ainsi de ceux qui appréhendent la formule "Deux Mains de Dieu" au sens figuré :
"La réalité de leur propos est qu'[ils croient que les termes] par quoi Dieu S'est qualifié, n'en est compris (yu'qalu) [à propos de Dieu] que ce qui en est compris à propos des quelques créatures que nous voyons, comme les corps des humains.
Or ceci est une extrême ignorance. Car parmi les créatures [mêmes] il en est que nous n'avons pas vues, comme les anges, les djinns, et même nos âmes"
(Majmû' ul-fatâwâ 6/433-434). En effet, Dieu a dit au sujet des anges : "alors que les anges tendent leurs mains [ou : bras]" (Coran 6/93). On croit bien, suivant ce que dit ce verset, que les anges ont des mains. Pourtant on n'en connaît pas la réalité. Quand c'est là ce qui est valable pour les anges, qui sont des créatures, que dire alors de Dieu, qui est le Créateur, Lui à qui rien ne ressemble ?

En fait la posture de l'orthodoxie sunnite (qui est celle des Salaf) implique une capacité de la raison humaine à une certaine largesse de perception, cette raison humaine acceptant d'employer tel terme (dûment employé dans les textes des sources) pour décrire quelque chose de l'Invisible, et de reconnaître le sens que ce terme a dans la langue des humains, tout en ne circonscrivant pas la réalité de cette chose à la réalité des créatures, connues. Donc de faire l'effort d'élargir sa conception et de s'élever par rapport au monde qui est visible pour elle pendant cette vie terrestre.

-
Voici maintenant ce que at-Tirmidhî a écrit :

At-Tirmidhî, auteur du Jâmi' Sunan, a rapporté ce hadîth du Prophète (sur lui soit la paix) : "Dieu accepte l'aumône et la prend dans Sa Main Droite, puis la fait grandir (yurabbî-hâ) pour l'un d'entre vous, comme l'un d'entre vous fait grandir son poulain. Au point qu'une bouchée [donnée en aumône] devient comme [le mont] Uhud" (hadîth n° 662).

Puis at-Tirmidhî écrit :
"وقد قال غير واحد من أهل العلم فى هذا الحديث وما يشبه هذا من الروايات من الصفات ونزول الرب تبارك وتعالى كل ليلة إلى السماء الدنيا قالوا: قد تثبت الروايات فى هذا ويؤمن بها ولا يتوهم ولا يقال كيف. هكذا روى عن مالك وسفيان بن عيينة وعبد الله بن المبارك، أنهم قالوا فى هذه الأحاديث: أمِرُّوها بلا كيف. وهكذا قول أهل العلم من أهل السنة والجماعة. وأما الجهمية فأنكرت هذه الروايات وقالوا هذا تشبيه.
وقد ذكر الله عز وجل فى غير موضع من كتابه اليد والسمع والبصر؛ فتأولت الجهمية هذه الآيات ففسَّروها على غير ما فسَّر أهل العلم، وقالوا: إن الله لم يخلق آدم بيده. وقالوا: إن معنى اليد ها هنا القوة.
وقال إسحاق بن إبراهيم: "إنما يكون التشبيه إذا قال يد كيد أو مثل يد أو سمع كسمع أو مثل سمع. فإذا قال سمع كسمع أو مثل سمع فهذا التشبيه. وأما إذا قال كما قال الله تعالى يد وسمع وبصر ولا يقول كيف ولا يقول مثل سمع ولا كسمع، فهذا لا يكون تشبيها؛ وهو كما قال الله تعالى فى كتابه: "ليس كمثله شىء وهو السميع البصير."

"Au sujet de ce hadîth et ce qui est semblable à cela parmi les [autres] relations (riwâyât) (relatives) aux Attributs et à la descente de Dieu – Béni et Elevé soit-Il – chaque nuit jusqu'au ciel le plus bas, plus d'une personne de science a dit : "Les relations sont établies à ce sujet : on y apporte foi et on n'imagine pas, ni on ne dit : "comment"." Ainsi a-t-il été relaté de Mâlik, de Sufyân ibn 'Uyayna et de Abdullâh ibn ul-Mubârak, qu'ils ont dit au sujet de ces hadîths : "Faites-les passer sans dire "comment"". Et ainsi est le propos des gens de science parmi les gens de la Sunna et de la Jamâ'ah. Par contre, les Jahmites ont réfuté ces relations et ont dit : "Cela constitue de la tashbîh".

Dieu a mentionné en plus d'un endroit de Son Livre : la Main, l'Entendement et la Vue. Les Jahmites ont alors fait une interprétation de ces versets, et les ont commentés d'une autre façon que les gens de science les ont commentés. Ils ont dit : "Dieu n'a pas créé Adam par Sa Main" ; et ils ont dit : "Le sens de "al-Yad" ici est : "la Force"".

Is'hâq ibn Ibrâhîm a dit : "Il y a tashbih lorsqu'on dit : "Main comme une main" ou "semblable à une main", "Entendement comme un entendement" ou "semblable à un entendement". Si (quelqu'un) dit : "Entendement comme un entendement" ou "semblable à un entendement", cela est de la tashbih. Par contre, quand on dit comme Dieu Elevé a dit : "Main", "Entendement", "Vue", et qu'on ne dit pas "comment" ni qu'on ne dit "semblable à un entendement" ni "comme un entendement", cela n'est pas de la tashbîh. Cela est comme Dieu Elevé a dit dans Son Livre : "Rien n'est semblable à Lui, et Il est Celui qui Entend, Celui qui voit"" (Jâmi' ut-Tirmidhî, commentaire du hadîth n° 662).

At-Tirmidhî a également rapporté ce hadîth : "يَمِينُ الرَّحْمَنِ مَلأَى سَحَّاءُ لاَ يَغِيضُهَا اللَّيْلُ وَالنَّهَارُ قَالَ أَرَأَيْتُمْ مَا أَنْفَقَ مُنْذُ خَلَقَ السَّمَوَاتِ وَالأَرْضَ فَإِنَّهُ لَمْ يَغِضْ مَا فِى يَمِينِهِ وَعَرْشُهُ عَلَى الْمَاءِ. وَبِيَدِهِ الأُخْرَى الْمِيزَانُ يَرْفَعُ وَيَخْفِضُ" : "La Main Droite du Miséricordieux est pleine, donneuse ; la nuit et la journée ne l'épuisent pas. Avez-vous considéré ce qu'Il a dépensé depuis qu'Il a créé les cieux et la Terre ? Cela n'a pas épuisé ce qui se trouve dans Sa Main Droite. Et Son Trône est sur l'Eau. Et dans Son autre Main se trouve la Balance ; Il élève et abaisse" (hadîth n° 3045). Puis at-Tirmidhî a écrit ceci :
" وَهَذَا حَدِيثٌ قَدْ رَوَتْهُ الأَئِمَّةُ نُؤْمِنُ بِهِ كَمَا جَاءَ مِنْ غَيْرِ أَنْ يُفَسَّرَ أَوْ يُتَوَهَّمَ. هَكَذَا قَالَ غَيْرُ وَاحِدٍ مِنَ الأَئِمَّةِ مِنْهُمُ الثَّوْرِىُّ وَمَالِكُ بْنُ أَنَسٍ وَابْنُ عُيَيْنَةَ وَابْنُ الْمُبَارَكِ إِنَّهُ تُرْوَى هَذِهِ الأَشْيَاءُ وَيُؤْمَنُ بِهَا وَلاَ يُقَالُ كَيْفَ"
"Ceci est un hadîth que les imams ont rapporté. Nous (y) apportons foi comme cela est venu, sans que cela soit commenté ou imaginé. Ainsi ont dit plus d'un parmi les imams, parmi lesquels Suf'yân ath-Thawrî, Mâlik ibn Anas, Ibn 'Uyayna et Ibn ul-Mubârak : "ces choses sont citées, on y croit, et on ne dit pas "comment"" (Jâmi' ut-Tirmidhî, commentaire du hadîth n° 3045).

En commentaire du hadîth n° 2557, at-Tirmidhî a encore écrit : "وَقَدْ رُوِىَ عَنِ النَّبِىِّ صلى الله عليه وسلم رِوَايَاتٌ كَثِيرَةٌ مِثْلُ هَذَا مَا يُذْكَرُ فِيهِ أَمْرُ الرُّؤْيَةِ أَنَّ النَّاسَ يَرَوْنَ رَبَّهُمْ وَذِكْرُ الْقَدَمِ وَمَا أَشْبَهَ هَذِهِ الأَشْيَاءَ. وَالْمَذْهَبُ فِى هَذَا عِنْدَ أَهْلِ الْعِلْمِ مِنَ الأَئِمَّةِ مِثْلِ سُفْيَانَ الثَّوْرِىِّ وَمَالِكِ بْنِ أَنَسٍ وَابْنِ الْمُبَارَكِ وَابْنِ عُيَيْنَةَ وَوَكِيعٍ وَغَيْرِهِمْ أَنَّهُمْ رَوَوْا هَذِهِ الأَشْيَاءَ ثُمَّ قَالُوا: "تُرْوَى هَذِهِ الأَحَادِيثُ وَنُؤْمِنُ بِهَا وَلاَ يُقَالُ كَيْفَ." وَهَذَا الَّذِى اخْتَارَهُ أَهْلُ الْحَدِيثِ: أَنْ تُرْوَى هَذِهِ الأَشْيَاءُ كَمَا جَاءَتْ وَيُؤْمَنُ بِهَا وَلاَ تُفَسَّرُ وَلاَ تُتَوَهَّمُ وَلاَ يُقَالُ كَيْفَ. وَهَذَا أَمْرُ أَهْلِ الْعِلْمِ الَّذِى اخْتَارُوهُ وَذَهَبُوا إِلَيْهِ" :
"Et il a été relaté du Prophète, que Dieu le bénisse et le salue, des relations nombreuses comme celle-ci, en quoi est mentionnée l'affaire de la Vision - que les hommes verront leur Pourvoyeur -, et de la mention du Pied et ce qui ressemble à ces choses. La posture en cela, chez les gens du 'ilm parmi les imams, tels que Sufyân ath-Thawrî, Mâlik ibn Anas, Ibn ul-Mubârak, Ibn 'Uyayna, Wakî' et autre qu'eux, c'est qu'ils ont rapporté ces choses puis ont dit : "Ces hadîths sont rapportés, on y apporte foi, et on ne dit pas "comment"." C'est ce qu'ont choisi les gens du hadîth : que ces choses soient rapportées comme elles sont venues, qu'on y croit, qu'elles ne soient pas commentées, qu'elles ne soient pas imaginées et qu'on ne dise pas "comment". C'est là l'affaire des gens du 'ilm, qu'ils ont choisie et qu'ils ont adoptée"
(Jâmi' ut-Tirmidhî, commentaire du hadîth n° 2557).

Essayez de vous procurer une copie de ce livre Al-Jâmi' us-Sunan, de at-Tirmidhî, dans sa version originale arabe, et vérifiez que at-Tirmidhî a bien écrit ce que j'ai traduit ci-dessus. Ensuite prenez votre temps, réfléchissez par vous-même.

A moins que selon vous Is'hâq ibn Rahawayh et at-Tirmidhî aussi ont une croyance qui n'est pas celle des Sunnites ?

-

Plus tard, après avoir reçu la substance de la réponse ci-dessus, le frère m'a de nouveau écrit, pour me dire ceci :

"Quand je le pourrai, je regarderai dans le livre que tu m'as dit. Mais je te rassure, je sais bien que at-Tirmidiyy n'est pas un égaré.

Seulement le Coran a été révélé en arabe et non en français. La langue arabe est très riche, et un mot peut avoir plusieurs sens selon le contexte dans lequel il est utilisé : c'est le cas du mot "Yad". Alors, certes, dans des versets, Allah a utilisé, en arabe, le mot "Yad" à Son sujet. Mais si on veut traduire ces versets en français, il faut leur donner un sens correct, qui sied à Allah. En aucun cas il ne faut traduire le mot "Yad" qu'Allah a employé à Son Sujet par : "main".

J'aimerai que tu regardes [tel] site internet, qui a été fait par des professeurs en science de religion. Il y a beaucoup de sujet qui y sont traités, mais surtout la croyance, avec vraiment toutes les preuves que "Yadâhu" ne signifie pas : "Deux Mains de Dieu", mais "Puissance de Dieu", ou "Faveur de Dieu". Donc je t'invite à visiter ce site, dont voici le lien […]."

-
Réponse :

Non, ce n'est pas un problème de différence entre la langue arabe et la langue française.

En effet…

Ce que vous avancez maintenant comme tentative de justification de votre premier message (le terme "yad" a bien été employé au sujet de Dieu dans le Coran et les Hadîths, mais il signifie autre chose que son sens premier, qui vient à l'esprit), c'est exactement ce que at-Tirmidhî déplore de la part des Jahmites. Or c'était bien en arabe que ces Jahmites s'exprimaient !

Relisez plus attentivement son propos, que je vous ai relaté plus haut :
"قالوا: إن الله لم يخلق آدم بيده. وقالوا: إن معنى اليد ها هنا القوة"
"Les Jahmites ont dit : "Dieu n'a pas créé Adam par Sa Yad". Et ils ont dit : "Le sens de "Yad", ici, est : "Force""."

At-Tirmidhî écrit ici de façon très claire que ce qu'il reproche aux Jahmites, c'est de dire que lorsque Dieu dit dans le Coran qu'Il a créé Adam "par Ses Deux Yad", le terme "Yad" n'est pas, ici, à appréhender au sens premier et habituel qu'il possède, mais au sens de "Quwwa" ("Force").

C'est bien cela que at-Tirmidhî leur reproche :
"قالوا: إن الله لم يخلق آدم بيده. وقالوا: إن معنى اليد ها هنا القوة"
"Les Jahmites ont dit : "Dieu n'a pas créé Adam par Sa Yad". Et ils ont dit : "Le sens de "Yad", ici, est : "Force""."

Et c'est la même erreur que vous commettez à votre tour...

Que ce soit en langue arabe, en français, en anglais ou en allemand, le problème est justement cela : dans la formule coranique "Yad ullâh", le terme "Yad" doit-il être compris dans le sens premier et habituel que le terme a, ou bien doit-il être compris dans un sens figuré ?

C'est bien le sens habituel que les Jahmites réfutaient au sujet de ce terme lorsque employé au sujet de Dieu, et c'est justement ce que at-Tirmidhî leur a reproché.

Par ailleurs le site que vous citez en référence, ceux qu'il fustige principalement sont des ulémas arabes, lesquels disent, en langue arabe même"لله يدان" ; lesquels ulémas arabes disent aussi que prétendre que "يد الله" n'est pas différent de "قدرة الله"  ou de "نعمة الله", cela revient à faire la négation d'une des Sifât de Dieu.

Or ce ne sont pas seulement des ulémas arabes contemporains ou ayant vécu il n'y a pas longtemps qui disent cela. Dans Al-Fiqh ul-akbar également on peut lire ceci : "وله يد ووجه ونفس كما ذكره الله تعالى في القرآن. فما ذكره الله تعالى في القرآن من ذكر الوجه واليد والنفس فهو له صفات بلا كيف. ولا يقال: إن يده قدرته أو نعمته؛ لأن فيه إبطالَ الصفة، وهو قول أهل القدر والاعتزال" (Al-Fiqh ul-akbar, pp. 66-67 dans l'édition que je possède). Mullâ 'Alî al-Qârî écrit quant à lui : "ثم رأيتُ السلف أجمعوا على عدم تأويل اليد، و تبعهم الأشعري في ذلك. بخلاف سائر الصفات: فإن فيها خلافًا عنهم بين التأويل [أي تأويل معناها] و التفويض [أي عدم تأويل معناها و تفويض كيفها"Shar'h ul-fiqh il-akbar, p. 176). Selon 'Alî al-Qarî, donc, sur la Qualification "Deux Mains" les Pieux Prédécesseurs (Salaf) n'ont eu aucune divergence quant au fait de ne pas l'interpréter au sens figuré, alors que sur [certaines ?] autres Qualifications, la question reste ijtihâdî, et celui qui est d'un autre avis fait seulement une erreur ijtihâdî (khata' ijtihâdî : qat'î, aw zannî), mais qui ne va pas jusqu'à la déviance (dhalâl). C'est là ce que pense Mullâ 'Alî al-Qârî. (La question du  "ساق" semble en effet être seulement de niveau "ijtihâdî".) En tous cas, vous voyez que Mullâ 'Alî al-Qârî a relaté le consensus sur le fait que la Qualification "Deux Mains" aucune divergence n'est acceptable.

Vous voyez que ce n'est nullement une question de différence entre les langues française et arabe. Vous auriez dû mieux lire vous-même le site dont vous m'envoyez le lien, et vous vous seriez aperçu vous-même de la chose...

-
Cernons bien le point du débat :

A) Les formulations présentes dans les textes du Coran, tous les musulmans les répètent telles qu'elles s'y trouvent :

Tous les musulmans récitent bien ce passage tel quel : "قَالَ يَا إِبْلِيسُ مَا مَنَعَكَ أَن تَسْجُدَ لِمَا خَلَقْتُ بِيَدَيَّ أَسْتَكْبَرْتَ أَمْ كُنتَ مِنَ الْعَالِينَ" (Coran 38/75). Bien évidemment, aucun musulman ne dit qu'il s'agirait de remplacer le terme "بِيَدَيَّ" présent dans ce verset par un autre terme.
Tous les musulmans se réclamant du sunnisme font de même avec les textes de la Sunna : ils répètent donc tels quels les hadîths reproduits plus haut.

B) Le désaccord porte en fait sur le sens que l'on donne aux termes de ce genre, et, partant, sur la possibilité ou l'impossibilité d'extraire de ces formules le terme y ayant été utilisé pour l'attribuer, de façon séparée, à Dieu :

Le désaccord, à propos de la formulation "مَا خَلَقْتُ بِيَدَيّ" présente dans le verset 38/75, porte ainsi sur la question suivante :

--- Peut-on appréhender ce terme "يَدَان" avec le sens premier qu'a le terme "Yad" ? Peut-on alors extraire, de ce verset 38/75, le terme "يَدَان" comme Attribut de Dieu, et dire (fût-ce en langue arabe) : "ِلِلهِ يَدَان" ?

--- Ou bien doit-on considérer (et c'est apparemment la posture que vous partagez) que, dans ce verset 38/75 comme dans tous les versets et hadîths lui étant comparables, cette formule "مَا خَلَقْتُ بِيَدَيّ" doit être comprise au sens figuré (ma'nâ majâzî) ou en tant que simple périphrase (kinâya), en vertu de quoi on doit dire (même en langue arabe) : "En réalité, "ليست لِلهِ يَدَان حقيقةً" ! Ce n'est là qu'une expression courante en langue arabe, et Dieu l'a reprise ; elle veut seulement dire : "ce que J'ai créé" ; mais Dieu n'a pas Deux Mains" ?

Car comprendre ce terme avec ce sens figuré, cela est parfois possible dans le texte du Coran et de la Sunna.
Ainsi, le verset où Dieu dit : "أَوَلَمْ يَرَوْا أَنَّا خَلَقْنَا لَهُمْ مِمَّا عَمِلَتْ أَيْدِينَا أَنْعَامًا" (Coran 36/71), il est possible de l'interpréter ainsi : "N'ont-ils pas vu que Nous avons créé pour eux, parmi tout ce que Nous avons créé, des bestiaux". Dans ce passage, le terme "أَيْدِينَا" est majâz, et désigne "Dieu Lui-Même", "l'Etre de Dieu" (Dhât).
Dans un autre verset encore, Dieu dit : "مَنْ بِيَدِهِ مَلَكُوتُ كُلِّ شَيْءٍ". Cela peut signifier : "Qui est le détenteur de la Royauté de toute chose ?", sans que la Royauté soit quelque chose qui se trouve réellement dans la Main de Dieu (la formule "بِيَدِهِ" étant alors un kinâya pour signifier : "être détenteur de", sans que que cela soit réellement dans la main). Ce sens est possible dans la langue arabe, comme dans cet autre verset : "إَلاَّ أَن يَعْفُونَ أَوْ يَعْفُوَ الَّذِي بِيَدِهِ عُقْدَةُ النِّكَاحِ" (Coran 2/237) : il est évident que cette "عُقْدَةُ النِّكَاحِ" ne se trouve pas réellement dans la main de cet homme.

Cependant, ces deux formulations sont très différentes de celle qui se trouve dans le verset 38/75. En effet, dans ce verset 38/75, on lit : "مَا خَلَقْتُ بِيَدَيَّ" : le terme "يَدَيّ" est introduit par la particule "'", et vient après le verbe : cela désigne donc une Qualification (Sifa/ Wasf) qui est différente de l'Etre (Dhât) de Dieu : j'explique la différence en détail dans un autre article.

Wallâhu A'lam
(Dieu sait mieux).

Print Friendly, PDF & Email