Aïcha (que Dieu l'agrée) relate qu'une nuit, [s'étant réveillée et] ne trouvant pas [= plus] le Prophète allongé à ses côtés, elle se mit à tâtonner. Sa main finit par toucher les deux pieds du Prophète : celui-ci était en fait prosterné devant Dieu. Elle relate l'avoir entendu, alors, dire à Dieu :
"O Dieu,
- je cherche protection auprès de Ton Agrément contre Ton Courroux ;
- je cherche protection auprès de la sécurité que Tu accordes contre la punition que Tu infliges ;
- je cherche protection auprès de Toi contre Toi. (…)"
"عن الأعرج، عن أبي هريرة، عن عائشة، قالت: فقدت رسول الله صلى الله عليه وسلم ليلة من الفراش فالتمسته فوقعت يدي على بطن قدميه وهو في المسجد وهما منصوبتان وهو يقول: "اللهم أعوذ برضاك من سخطك، وبمعافاتك من عقوبتك، وأعوذ بك منك. لا أحصي ثناء عليك، أنت كما أثنيت على نفسك" (rapporté par Muslim, 486, an-Nassâ'ï, etc.).
Rechercher la protection de Dieu contre Dieu Lui-même, cela n'est possible que si on Le considère selon deux rapports différents (باعتبارين مختلفين) (MF 17/91-92 ; Muskhtasar as-sawâ'ïq il-mursala, pp. 199-200). C'est-à-dire qu'il s'agit de Dieu Lui-même, mais selon deux Attributs différents, ou même deux catégories d'Attributs différentes : on recherche la protection de Dieu en tant que Détenteur d'Attributs de Bonté contre Dieu en tant que Détenteur d'Attributs de Rigueur.
C'est ce que as-Sindî a ainsi écrit, présentant le sens de la dernière phrase suscitée : "أَعُوذ بِصِفَاتِ جَمَالِك عَنْ صِفَات جَلَالِك" (Shar'h Sunan in-Nassâ'ï, tome 1 p. 103).
C'est-à-dire : "أَعُوذ بِك من حيث أنّك متصف بصِفَاتِ الجَمَال، منك من حيث أنّك متصف بصِفَات الجَلَالِ" (lire notre article : Peut-on adresser une invocation à un Attribut de Dieu ?).
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Dans un autre hadîth on lit la formule suivante : "أَعُوذُ بِكَلِمَاتِ اللَّهِ التَّامَّةِ مِنْ غَضَبِهِ وَعِقَابِهِ وَشَرِّ عِبَادِهِ وَمِنْ هَمَزَاتِ الشَّيَاطِينِ وَأَنْ يَحْضُرُونِ" (at-Tirmidhî, 3528).
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Si Dieu est Détenteur de tous les Attributs de Perfection (صِفَات الكمال) (voir à ce sujet "الرسالة الأكملية", Ar-Rissâla al-Akmaliyya in MF 6/68-140), au sein de l'ensemble de Ses Attributs, certains se subdivisent donc en : "صِفَات الجمال" et en : "صِفَات الجلال".
– "صِفَات الجمال" ("Sifât ul-Jamâl") signifie, ici : "Attributs de Bonté". Il s'agit des Attributs tels que la Miséricorde, la Générosité, le Pardon, la Beauté, etc.
– "صِفَات الجلال" ("Sifât ul-Jalâl") , lui, signifie : "Attributs de Rigueur", tels que le Courroux, l'Orgueil, l'Elévation, la Domination, la Vengeance, etc.
Parmi la totalité des Attributs de Dieu :
– certains Attributs sont donc des "صِفَات الجمال والرحمة" ;
– et certains autres sont des "صِفَات الجلال والقهر".
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Le fait est que la Perfection ne réside pas dans le fait de seulement être Aimant, Bon, Pardonnant tout, etc.
Elle réside dans le fait d'être Aimant, Bon, Pardonnant, etc., mais, parallèlement, de Détester ce qui mérite de l'être, d'être Courroucé parfois par rapport à ce qui le mérite (tout en étant Calme d'autres fois par rapport à ce qui mérite le Courroux), de Punir certains de ceux qui le méritent (et de pardonner à certains de ceux qui méritaient d'être punis), etc. (MF 6/94).
Plus encore : la Perfection réside dans le fait que les premiers Attributs dominent et dépassent les seconds. En d'autres termes : que la Miséricorde domine et dépasse le Courroux. Et c'est ainsi qu'est Dieu : "Sa Miséricorde dépasse Son Courroux. Il l'a écrit dans un écrit qui se trouve auprès de Lui, au-dessus du Trône."
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Tous les Attributs de Dieu sont Perfection, et aucun ne constitue une quelconque imperfection. Cependant, peut-on dire que, tout en étant tous parfaits, certains ont encore plus de valeur que d'autres ?
Ibn Taymiyya répond par l'affirmative : "Les textes traitant de la plus grande valeur (fadhl) de telle Parole de Dieu par rapport à une autre, et même de la plus grande valeur (fadhl) de certains Attributs (de Dieu) par rapport à d'autres : sont nombreux" (MF 17/89). Plus loin le savant damascain écrit que la Miséricorde de Dieu a ainsi une plus grande valeur que le Courroux de Dieu, et ce eu égard au fait que le premier Attribut dépasse et domine le second (MF 17/91).
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Dans sa Rissâla Qubrusiyya (présente dans MF 28/601-630), Lettre à Sir Johan, baron croisé de l'île de Chypre, destinée à demander à celui-ci de libérer les musulmans faits prisonniers par les croisés chypriotes sur le côte syrienne, et écrite d'après Yahya Michot vers 703/1304 (Lettre à un roi croisé, p. 91), Ibn Taymiyya parle :
– de Moïse (que Dieu le bénisse et le salue) comme étant "المبعوث) بنعت الجلال و الشدّة",
– de Jésus fils de Marie (que Dieu le bénisse et le salue) comme étant "المبعوث بنعوت الجمال و الرحمة",
– et de Muhammad (que Dieu le bénisse et le salue) comme étant "الجامع بنعت الكمال", venant réaliser la synthèse entre ces deux (MF 28/602).
Ce sont là des formules équivalentes à celles que nous avons vues plus haut.
Ibn Taymiyya veut dire que :
– Moïse (que Dieu le bénisse et le salue) était détenteur à la fois d'attributs de rigueur et d'attributs de douceur, mais d'un nombre plus élevé d'attributs de rigueur que d'attributs de douceur : son être était donc dominé par les attributs de rigueur ;
– Jésus (que Dieu le bénisse et le salue) était détenteur à la fois d'attributs de rigueur et d'attributs de douceur, mais d'un nombre plus élevé d'attributs de douceur que d'attributs de rigueur : son être était donc dominé par les attributs de douceur ;
– Muhammad (que Dieu le bénisse et le salue) était détenteur à la fois des attributs de rigueur et des attributs de douceur ; son être était dominé par les attributs de douceur, surtout la patience et le pardon : par rapport à ses droits à lui, il se vengeait rarement, pardonnait le plus souvent ; par contre, par rapport aux droits de Dieu, il était intransigeant (ce qui n'empêchait pas qu'il les applique avec sagesse et prise en considération des possibilités).
Le premier type de personne est dite : "جلاليّ", le second : "جماليّ", et le troisième : "كماليّ".
Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).