Il y a ici deux dimensions qui sont distinctes :
– la première est que Dieu élise, choisisse une chose (ikhtiyâr / istifâ') ;
– la seconde est que Dieu accorde une bénédiction à une chose (mubâraka).
Quant au "fait que Dieu accorde une faveur à une chose" ("tafdhîl"), et qui est aussi mentionné dans les textes, cela peut désigner la première ou la seconde de ces deux dimensions. En effet, "le tafdhîl d'une chose par Dieu" est :
– soit la même chose que "le choix de cette chose par Dieu" (ikhtiyâr) ;
– soit la bénédiction que Dieu a accordée à cette chose (mubâraka).
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Exemples de faveurs particulières (tafdhîl) accordées à un lieu ou un moment :
Ibn 'Abd is-Salâm rappelle que la faveur (tafdhîl) que Dieu a accordée à des lieux ou des moments est de deux types :
– d'ordre temporel, dunyawî : ainsi, telle terre est plus fertile que telle autre ; telle des quatre saisons est plus agréable ou plus propice à la récolte de fruits que telle autre (bien que les quatre saisons soient toutes nécessaires) ;
– d'ordre religieux, dînî : ainsi, tel lieu est tel que certaines actions cultuelles y sont instituées alors qu'elles ne le sont pas en les autres lieux : ainsi, on ne peut effectuer la circumambulation cultuelle qu'autour de la Kaaba ; on ne peut toucher de façon cultuelle que les coins de la Kaaba ; tel lieu est tel que certaines bonnes actions, ou toutes les bonnes actions, y étant accomplies ont une valeur démultipliée : ainsi, la prière rituelle accomplie dans la grande mosquée de la Mecque, dans celle de Médine ou dans celle de Jérusalem valent tant et tant de fois plus que la même prière rituelle accomplie ailleurs. Tel moment est tel que certaines actions cultuelles y sont instituées alors qu'elles ne le sont pas ailleurs : ainsi, le jeûne obligatoire n'est institué que pendant le mois de ramadan. (Cf. Qawâ'ïd ul-ahkâm fî islâh il-anâm, 1/62-63.)
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Quand Dieu a choisi un lieu ou un moment, celui-ci est-il semblable aux autres lieux ou moments ?
Quand Dieu a choisi un lieu pour être "Sa Maison" (c'est le cas du lieu précis où se trouve la Kaaba, dans la ville de la Mecque, et du lieu précis où se trouve Bayt ul-maqdis, dans la ville de Jérusalem) :
– est-ce seulement un choix de la part de Dieu, ce lieu étant par ailleurs totalement similaire à tout autre lieu ?
– ou bien est-ce ce que le choix de ce lieu est dû au fait que celui-ci renferme des propriétés que les autres lieux n'ont pas ?
De même, quand Dieu a choisi un moment pour telle action (tel que le jour du vendredi, ou le mois de ramadan) :
– est-ce seulement un choix de la part de Dieu, ce moment étant par ailleurs totalement similaire à tout autre moment ?
– ou bien est-ce que Dieu a choisi ce moment parce que celui-ci renferme des propriétés que les autres moments n'ont pas ?
– Ibn 'Abd is-Salâm est du premier avis.
– Ibn ul-Qayyim du second.
Ibn 'Abd is-Salâm écrit : "Sache que les lieux et les moments sont tous égaux ; (certains lieux et moments) n'ont été favorisés que par ce qui se produit en eux, et non pas par des qualités intrinsèques à eux. La faveur qui est la leur n'est due qu'à la faveur et la grâce que Dieu accorde à Ses serviteurs en ces (lieux et moments)" (Qawâ'ïd ul-ahkâm fî islâh il-anâm, 1/62). Ceci, poursuit Ibn 'Abd is-Salâm, exactement comme en langue arabe on dit : "nahârun sâ'ïmun" : "une journée jeûneuse", pour dire en fait : "une journée pendant laquelle les hommes jeunent" (Ibid., 1/68). Pareillement, quand il est dit d'un moment qu'il est pieux ou sacré, c'est parce que ce moment a été fixé pour que les croyants y accomplissent des actions particulièrement pieuses. Mais le moment lui-même est égal aux autres moments.
De même, les lieux qui ont été choisis pour être des mosquées dans toutes les cités du monde sont devenus particulièrement sacrés (au point qu'il est interdit d'y faire certaines actions qu'il est autorisé de faire ailleurs) suite au choix que des musulmans ont fait de consacrer (waqf) ces lieux comme mosquées. Mais ce n'est pas que ces lieux avaient au préalable une particularité, qui a fait que ces musulmans les ont choisis pour être des mosquées. Pareillement, les deux lieux que Dieu a choisis et a nommés "Sa Maison", sont devenus extrêmement importants suite au Choix que Dieu a fait de les consacrer en tant que tels ; mais ce n'est pas que ces lieux avaient au préalable une particularité qui a fait que Dieu les a choisis pour les consacrer.
Plus loin, Ibn 'Abd is-Salâm écrit : "Le fait d'avoir confié [= conféré] à des lieux et des moments ces vertus (fadhâ'ïl) est comme le fait d'avoir confié aux prophètes et aux messagers le prophétat et le message : ce n'est que pure générosité de la part de Dieu. C'est pourquoi (Dieu relate que) les messagers dirent à leur peuple : "Nous ne sommes que des humains comme vous, mais Dieu accorde une faveur (yamunnu) à qui Il veut parmi Ses serviteurs" [Coran 14/11]. Il en est de même de toutes les qualités nobles : (Dieu) le Pourvoyeur – Pureté à Lui et Elevé – ne les a pas placées dans qui Il a voulu parmi Ses serviteurs à cause de quelque chose [présent en eux] qui l'aurait requis et demandé ; c'est là la faveur (fahdl) de Dieu, Il la donne à qui Il veut" (Ibid., 1/70).
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Ibn ul-Qayyim est de l'avis exactement opposé : "Les êtres (dhât) des (choses) que (Dieu) a choisies (ikhtiyâr) et élues (isitfâ') – parmi les objets, les lieux, les personnes et autres choses – comportent des qualités (sifât) que les autres (choses) n'ont pas. C'est à cause de ces (qualités) que Dieu a élu ces (choses). Et c'est Lui – Pureté à Lui – qui a favorisé (tafdhîl) ces (choses) en leur conférant ces qualités [à cause desquelles, ensuite, Il les a élues]. (...) Ceci est donc Son action de créer (khalq). Et cela est Son choix (ikhtiyâr). "Et Dieu crée ce qu'Il veut et choisit (ce qu'Il veut)" [Coran 28/67]. Combien est évident le caractère erroné d'un avis qui implique que le lieu de la Maison Sacrée soit égal à tous les autres lieux, que la dhât de la Pierre noire soit égale à toutes les pierres de la Terre, que la dhât (personne) de l'Envoyé de Dieu soit égale à la personne d'autre que lui, et que la faveur ne soit due qu'à des choses qui sont externes à la dhât et (externe) aux sifât intrinsèques !" (Zâd ul-ma'âd 1/53). Quant aux autres mosquées du monde n'est pas comparable aux deux lieux suscités (ni même à la mosquée du Prophète à Médine) (cf. MF 27/54).
Chez Ibn ul-Qayyim aussi, bien sûr, c'est finalement la Volonté (mashî'a) de Dieu qui est déterminante : "Ceci est la faveur (fadhl) de Dieu, Il l'accorde à qui Il veut" (Coran 62/4) ; "Et Dieu crée ce qu'Il veut et choisit (yakhtâr) [ce qu'Il veut]. Le choix (al-khiyara) ne revient pas à eux" (Coran 28/67). Cependant, chez Ibn ul-Qayyim, cette décision de Dieu de choisir une chose précise, cela implique qu'en amont Il crée des qualités particulières en cette chose ; qu'Il la bénit.
En d'autres termes, d'après Ibn ul-Qayyim, lorsque Dieu informe les hommes qu'Il a choisi (ikhbâr un-nâss bi-l-ikhtiyâr) telle et telle choses (cela peut-être un être humain, un lieu ou un moment), cela implique :
– primo que Dieu avait – depuis avant – prédestiné (taqdîr) que ces choses seraient choisies : ce choix relève purement de "la faveur (fadhl) de Dieu, qui l'accorde à qui Il veut" ;
– secundo que – suite à cette prédestination, décidée par pure favorisation – Dieu a créé (khalq) en ces choses des qualités particulières (Il les a donc bénies, mubâraka), afin qu'elles soient à la hauteur du Choix qui a été prédestiné à leur sujet ;
– tertio que c'est ensuite seulement que Dieu informe les hommes qu'Il a choisi (ikhbâr un-nâss bi-l-ikhtiyâr) ces choses.
Sur le premier point, tout le monde est d'accord : tout Choix est bien l'expression de la pure faveur de Dieu, qui l'accorde à qui Il veut.
En revanche, c'est le second point qui fait l'objet de divergence entre ceux qui sont du même avis que celui de Ibn 'Abd is-Salâm (les Acharites) et ceux qui sont du même avis que celui de Ibn ul-Qayyim. En effet :
--- Ibn ul-Qayyim considère ce second point comme étant le corollaire (lâzim) du Choix.
--- Alors que pour Ibn 'Abd is-Salâm il n'y a rien de tel : le Choix de Dieu en faveur d'un lieu n'implique rien de particulier qui serait présent en ce lieu et pas ailleurs.
Chez Ibn ul-Qayyim, ce n'est pas que parce que tel lieu possède telles particularités que Dieu a décidé de le choisir. C'est parce que Dieu avait décidé de choisir tel lieu qu'Il a créé en ce lieu ces particularités, puis a fait savoir aux créatures qu'Il l'a choisi. Dès lors, Ibn 'Abd is-Salâm a raison quand il dit : "Il en est de même de toutes les qualités nobles : (Dieu) le Pourvoyeur – Pureté à Lui et Elevé – ne les a pas placées dans qui Il a voulu parmi Ses serviteurs à cause de quelque chose [présent en eux] qui aurait requis et demandé cela. C'est au contraire la faveur (fadhl) de Dieu, Il la donne à qui Il veut" (op. cit., 1/70). Cependant, comme on a pu s'en apercevoir au travers de l'écrit de Ibn ul-Qayyim, c'est l'inverse qui est vérifié : c'est le fait que Dieu a prédestiné qu'Il choisirait tel serviteur qui a requis et demandé qu'Il crée en ce serviteur telle et telle qualités nobles.
Les hommes, eux, ne peuvent savoir que Dieu a choisi telle et telle choses que suite à l'information (ikhbâr) que Dieu ou Son Messager leur ont donnée sur le sujet (ce qui constitue le troisième point). Ayant reçu une telle information, ils ne peuvent que considérer que ces choses dont Dieu a dit qu'Il les a choisies comportent des qualités particulières (ce qui relève du second point).
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Des exemples de lieux bénis :
Le lieu où se trouve la Kaaba recèle donc certaines particularités que n'ont pas les autres lieux ; c'est Dieu Lui-même qui, ayant choisi ce lieu pour être Sa Maison, y a créé ces particularités, puis a fait connaître à Abraham le lieu exact où cette Maison devait être bâtie pour Lui être dédié : "Et lorsque Nous indiquâmes à Abraham l'emplacement de la Maison (…)" (Coran 22/26). Ibn Kathîr est d'avis que c'est bien Abraham (et non pas Adam) qui, le premier, a bâti le premier prototype de la Kaaba (Al-Bidâya wa-n-nihâya 1/199). Ce verset signifie, selon Ibn Kathîr, que Dieu indiqua à Abraham "l'emplacement qu'Il avait fixé pour que la Kaaba y soit bâtie", et non pas "l'emplacement que, à l'époque de Adam, la Kaaba aurait occupé" (Al-Bidâya wa-n-nihâya 1/199). (Lire notre autre article : Le lieu de la Terre où est inhumé le prophète Muhammad (que Dieu le bénisse et le salue) est-il meilleur que tout autre lieu sur Terre, y compris le lieu de la Kaaba ? "Non", répond Ibn Taymiyya.)
La même chose peut être dite du lieu où se trouve Bayt ul-maqdis.
De façon plus générale qu'en ce qui concerne ces deux lieux très spécifiques, les cités de la Mecque, de Médine et de Jérusalem, de même que, de façon plus générale encore, la terre du Hedjaz et celle de Shâm recèlent elles aussi des bénédictions dînî que les autres terres n'ont pas.
Ces lieux recèlent ces particularités en soi (fî nafsihâ), de façon inhérente (sifa lâzima lahâ). Contrairement à certains autres lieux, qui, eux, sont bénis suite à une entreprise humaine (sifa 'âridha lahâ) : c'est le cas par exemples des lieux des mosquées du monde autres que les trois mosquées les plus importantes (MF 27/54 ; 31/212).
Cependant, il se peut que même les lieux qui recèlent ces particularités en soi de façon inhérente soient qualifiés, suite également à une entreprise humaine, de "lieux de mal" : il s'agit alors d'une qualification accidentelle (sifa 'âridha) : la qualification de ces lieux en "lieux de mal" n'empêche pas au même moment leur qualification en "lieux bénis de Dieu", vu que les deux qualifications ne se situent pas au même niveau : la première est "en soi", la seconde est "à cause d'une entreprise humaine".
Ainsi, la cité de la Mecque est en soi (fî nafsihâ), de façon inhérente, "la terre la meilleure et la plus aimée de Dieu". Cependant, lorsque la plupart de ses habitants s'opposèrent à la mission du Prophète (sur lui soit la paix), elle fut, à cause de cela, de façon accidentelle (sifa 'âridha), "lieu de kufr et de guerre (contre l'Islam)" ("Dâru kufr wa harb"), dont il fallait obligatoirement émigrer. C'est bien pourquoi le Prophète, s'adressant à elle, dit : "Par Dieu, tu es la meilleure terre de Dieu et la terre la plus aimée de Dieu ; si je n'avais pas dû partir de toi, je n'en serais pas parti" (at-Tirmidhî 3925) : voyez : cette cité est demeurée "terre la plus aimée de Dieu" même lorsqu'il a fallu la quitter parce que c'était l'idolâtrie qui y était puissante.
De même, la terre de Shâm est en soi, de façon inhérente, "terre sanctifiée" ("ardh muqaddassa") ; cependant, quand c'étaient des idolâtres qui la peuplaient, elle était, en même temps : "lieu de ceux qui sortent, transgressent" ("Dâr ul-fâssiqîn" : Coran 7/145 ; d'après un commentaire il s'agit de la même terre que la ardh muqaddassa) (MF 18/283 ; 27/45 ; 27/143).
Ibn Taymiyya écrit : "Le fait qu'une terre soit "Dâru kufr" ou "Dâru islâm" ou "îmân" ; ou "Dâru silm" ou "harb" ; "Dâru tâ'ah" ou "ma'ssiya" ; "Dâr ul-mu'minîn" ou "al-fâssiqîn" : ce sont des qualificatifs accidentels ('âridha), non inhérents (lâzima) : (la terre) quitte un qualificatif pour un autre ; (cela) comme un homme quitte le kufr pour l'îmân et le 'ilm ; de même l'inverse" (MF 27/45).
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Des exemples de moments bénis :
Pareillement à des lieux, il est des moments dans le Temps que nous connaissons auxquels Dieu a conféré une bénédiction (baraka) dînî, c'est-à-dire qu'ils recèlent une valeur (fadhl) dînî particulière.
Considéré en tant que jour individuel, et par rapport aux autres jours de la semaine, c'est le vendredi qui a le plus de valeur (Zâd ul-ma'âd, 1/60). Toujours considéré en tant que jour individuel, mais cette fois par rapport aux autres jours de l'année, c'est le jour de la fête du Sacrifice (10 dhu-l-hijja) qui a le plus de valeur (Ibid., 1/54, 60).
Considérée en tant que nuit individuelle, par rapport aux nuits de toute l'année, c'est la nuit d'al-Qadr qui a le plus de valeur (Ibid., 1/56).
Considéré en tant que décade, ce sont les 10 journées du début de mois de dhu-l-hijja qui ont le plus de valeur (Ibid., 1/56-57) ; mais ce sont les 10 nuits de la fin du mois de ramadan qui ont le plus de valeur (Ibid., 1/57).
Considéré en tant que mois, par rapport aux autres mois de l'année, c'est le mois de ramadan qui a le plus de valeur (Ibid., 1/56).
Le Prophète (sur lui soit la paix) a dit une fois : "Est venu à vous ramadan, un mois béni (mubârak). Dieu a rendu obligatoire pour vous le fait de jeûner. Les portes du ciel s'ouvrent pendant ce (mois), et les portes de l'enfer se ferment pendant ce (mois). Il se trouve pendant ce (mois) une nuit pour Dieu, qui est meilleure que mille mois. Celui qui est privé du bien de cette (nuit), celui-là est (vraiment) privé" (an-Nassâ'ï 2106, Ahmad). Il s'agit d'une bénédiction d'ordre religieux (baraka dîniyya), que Dieu a accordée à ce mois.
– Si quelqu'un retenait l'avis de Ibn 'Abd is-Salâm, le temps que constitue le mois de ramadan serait similaire aux autres temps ; ce temps n'a ici été déclaré "béni" que par rapport au fait que Dieu y a institué l'accomplissement des 29 ou 30 jeûnes obligatoires pendant ce mois précis. Vu que l'accomplissement de cette action conduit au Paradis, il s'agit d'une action recelant beaucoup de bien, donc une action bénie de baraka dîniyya. Le moment pendant lequel cette action est accomplie – le mois de ramadan – a donc été qualifié lui aussi de "béni" (par majâz 'aqlî). Mais sinon, la séquence de temps que constitue ce mois ne recèle en soi aucune bénédiction particulière, par rapport aux autres mois de l'année. Ceci est exactement comme le fait que Dieu, décrivant comment le peuple de 'Âd furent détruits, dit : "Nous envoyâmes contre eux un vent sifflant, en un jour de malchance continue" (54/19) ; "Nous envoyâmes contre eux un vent sifflant, en des jours malchanceux" (Coran 41/16). Les 7 jours et 8 nuits (Coran 69/6-7) que le châtiment dura ne sont pas des jours de malchance en soi, chaque année et pour toute personne : ce sont seulement les sept jours pendant lesquels 'Âd furent détruits qui furent "de malchance", et ce encore, uniquement pour les 'Âd, et dans la mesure où le châtiment tomba alors sur eux (Bayân ul-qur'ân tome 10 p. 55).
– Par contre, si on retient l'avis de Ibn ul-Qayyim, Dieu a conféré d'abord au mois de ramadan la bénédiction (baraka) particulière dont ce hadîth fait ici mention. Ensuite, parce qu'Il lui a conféré cette bénédiction particulière, Dieu a choisi ce mois pour que la première révélation du Coran y ait lieu et pour que les musulmans y accomplissent les 29 ou 30 jeûnes qu'Il voulait pour eux. Dans le Coran, Dieu dit : "O vous qui avez apporté foi, le jeûne vous a été prescrit (...) pendant un nombre compté de jours. (...) (Il s'agit de :) le mois de Ramadan, qui est tel que pendant lui le Coran a été descendu, comme orientation pour les hommes et preuves claires de la bonne direction et du discernement" (Coran 2/183-185). Cheikh Thânwî, commentant ce verset, écrit : "(Les quelques jours pendant lesquels ordre a été donné de jeûner sont) le mois de ramadan, qui est tel que (il s'y trouve une bénédiction telle que) pendant lui [c'est-à-dire pendant ce qui constitue une de ses parties, à savoir la nuit d'al-Qadr] le Coran a été descendu (…)" (Bayân ul-qur'ân tome 1 p. 104).
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Un débat sur le sujet :
Certains zahirites, étant tous opposés à l'analogie (qiyâs ut-tamthîl), ont présenté, parmi divers arguments de leur position, le fait que selon eux la Shar' a parfois communiqué deux règles (ahkâm) différentes pour deux choses qui sont pourtant semblables (mutamâthilân) : c'est la preuve, disent-ils, qu'on ne peut pas faire d'analogie. Parmi les exemples que ces ulémas ont présentés, il y a le fait que la Shar' "a accordé à certains moments et certains lieux certaines particularités qu'il n'a pas accordé à d'autres ; or tous les moments et tous les lieux sont semblables" (relaté in A'lâm ul-muwaqqi'în, 2/42).
Ibn ul-Qayyim répond à ces ulémas zahirites que la Shar' n'a jamais fait cela ; Ibn ul-Qayyim soutient fermement que si la Shar' a réellement communiqué deux règles différentes pour deux choses apparemment semblables, c'est que ces deux choses présentent, à côté de certains points communs, des différences notables. Ainsi, à propos de l'exemple cité, Ibn ul-Qayyim répond ceci : "La première prémisse ["Dieu a favorisé certains moments et certains lieux"] est correcte. (Par contre) la seconde ["Tous les moments et tous les lieux sont semblables"] est fausse : (Dieu) n'a favorisé certains (moments et lieux) par rapport à d'autres qu'à cause de particularités que (les premiers) ont et qui requerraient une particularisation. (Dieu) – Pureté à Lui – n'a jamais particularisé quelque chose sans qu'il y ait un élément particularisant. Cependant, cet élément particularisant est parfois évident et parfois subtil" (Ibid. 2/115).
Comment expliquer par exemple que le jeûne soit obligatoire le dernier jour du mois de ramadan et soit interdit le lendemain, à savoir le premier jour du mois de shawwâl, alors que ces deux jours sont tout à fait semblables ? Ibn ul-Qayyim répond : "Ces deux jours ne sont pas semblables, même s'ils ont en commun le lever et le coucher du soleil" (Ibid. 2/101).
Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).