Entre ceux de la Umma qui adhèrent à l'orthodoxie : diversité ou division

(Note : le propos qui va suivre parle de diversité dans le cadre de l'orthodoxie, et non d'acceptation de la diversité avec les déviances.)

Vivre ensemble avec ses différences est l'un des défis classique qu’a à relever tout groupement d’êtres humains… Depuis le plus petit groupement jusqu’au plus grand ; et à commencer par la cellule familiale, où les différences de vues et d’opinions peuvent parfois engendrer de véritables crises entre mari et femme, ou entre parents et enfants (les fameux conflits de générations). A l’échelle d’un pays, où se côtoient une infinité d’êtres humains, avec pour chacun une façon de penser et d’agir différente de l’autre, le défi est plus grand encore. La Communauté musulmane, composée elle aussi d’une multitude d’éléments, ne fait pas exception à la règle.

Ainsi, aussi réjouissant soit le fait que chaque musulman et chaque musulmane désirent ardemment agir pour la progression de leur religion, il n’y a qu’à ouvrir les yeux et regarder autour de soi pour remarquer les multiples facettes d’expression de ce désir ; quelle formidable diversité ! et que de façons de penser, d’opinions et de méthodes différentes !

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Dans le domaine des efforts pour le bien des autres :

Il s'agit de comprendre que nous sommes en présence de plusieurs méthodes, actives sur le terrain.
Dès lors, deux alternatives s’offrent à nous :
- soit on se cramponne au mouvement qu’on a choisi, en rejetant tous les autres, et en les fustigeant plus ou moins selon qu’ils nous concurrencent ou non ;
- soit on agit dans ce mouvement tout en respectant ceux qui en ont choisi un autre qui est conforme à l'orthodoxie de l'islam ; on se garde bien de relever leurs défauts en oubliant les nôtres (la paille dans l’œil du voisin et la poutre dans le nôtre) ; et on espère de tout cœur que Dieu fasse progresser Sa religion par tous les mouvements conformes à l'authenticité et qui sont en présence sur le terrain. On agit donc avec union dans la diversité.

Car diversité n’est pas division, et ne devrait pas y conduire… S’il fallait employer une image actuelle pour décrire notre situation, nous dirions que servir la religion, c’est se diriger sur une même autoroute menant à une même destination, mais comportant plusieurs voies se trouvant côte à côte. Ou encore que c’est un magnifique château, où chacun apporte sa pierre… Aucun des mouvements agissant pour le bien des autres ne devrait se considérer comme seul indispensable, ni comme seul efficace. Nous devrions tous, au contraire, donner préférence à la coopération et à la collaboration, et fermer définitivement la porte à la rivalité. Alors nos efforts prendront tout leur sens, apporteront leurs fruits avec la permission de Dieu, et feront naître cette force de la foi et de la pratique dont nous avons tous tant besoin.

Il serait dommage qu’au lieu de considérer ces efforts comme complémentaires et d’agir en conséquence vis-à-vis d’eux, nous nous mettions à créer des rivalités et des factions, réduisant ainsi considérablement l’énergie produite par la somme de ces efforts dans la Voie de Dieu…

Au sein des musulmans existent des caractères différents, des qualités différentes, des capacités différentes, et des teintes différentes. Qui est très intelligent, qui l’est moins… Qui est riche, qui est pauvre… L’un est doué pour l’organisation théorique, moins doué sur le terrain, tandis que l’autre est un véritable meneur d’hommes, mais a besoin d’un théoricien… Celui-ci est profondément versé dans les sciences religieuses, mais a besoin de celui-là, spécialiste en sciences temporelles (humaines, techniques, etc.), pour, qu’ensemble, ils élaborent la voie optimale pour un sujet donné… Ce savant religieux-ci n’a pas son pareil dans le domaine des hadîths, mais n’égale pas celui-là dans le domaine des fatwas…
Arriver à agir tous ensemble pour Dieu, en tirant le meilleur parti des spécialités et des qualités de chacun, est le défi que les musulmans devront relever aujourd’hui et demain. Tout dépendra pour ce faire de notre attitude vis-à-vis de celui qui est quelque peu différent de notre Moi : serons-nous capables d’accepter autrui avec sa façon de voir ? Ou voudrons-nous ne regarder que notre Moi et ce que nous, nous faisons ?

Au reste, cette diversité doit-elle nous étonner lorsqu’on sait que les Compagnons eux-même y étaient sujets ? N’y avait-il pas, chez eux, d’un côté le doux Abû Bakr, de l’autre le vigoureux Umar ? Uthmân le calme et Ali l'impétueux ? l’ascète Abû Dharr, qui refusait de mettre de côté des économies, et le richissime Abd ur-Rahmân ibn 'Awf ? Ubay ibn Ka’b et Zayd ibn Thâbit n’étaient-ils pas renommés comme connaisseurs du texte coranique ? Abû Mûssâ al-Ach’arî n’était-il pas connu comme qâri ? Abdullâh ibn Abbâs comme mufassir ? Abû Hurayra comme transmetteur de hadîths ? Abdullah ibn Mas’ûd et Mu'âdh ibn Jabal comme grands faqîh ? Qays ibn Chammâs comme orateur ? Hassân ibn Thâbit comme poète ? Abdullah ibn Omar n’était-il pas, plus que tout autre, passionné pour l’imitation de chaque acte du Prophète ?… (Radhiyallahu anhum adjma’ïn.)

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Dans le domaine de la pratique :

"Le Paradis a huit portes...", a dit le Prophète (al-Bukhârî, 3084). Et par chacune de ces portes entrera une catégorie de musulmans donnée : "Celui qui faisait partie des gens de la prière sera appelé par la Porte de la Prière. celui qui faisait partie des gens de l'aumône sera appelée par la Porte de l'Aumône. Celui qui faisait partie des gens du jihâd sera appelé par la Porte du Jihâd. Celui qui faisait partie des gens du jeûne sera appelé par la Porte de Jeûne, la porte ar-Rayyân" (al-Bukhârî, 3466, Muslim, 1027).
Ici, l’expression " gens de la salât" ne désigne pas ceux qui ne feraient que la prière et négligeraient jusqu’au jeûne du Ramadan ; les termes "gens de l'aumône" n’indiquent pas non plus des personnes qui se contenteraient de donner l’aumône en laissant de côté jusqu’aux cinq prières obligatoires, ou qui accompliraient ces cinq prières quotidiennes, mais sans faire le moindre effort pour réaliser alors la concentration obligatoire… Non. D’après les explications de an-Nawawî (Shar’h Muslim, 7/116), de Ibn Hajar (Fat'h ul-bârî, 7/37) et de Alî al-Qârî (Mirqât ul-mafâtîh 4/201), il s’agit de ceux qui pratiquaient tout ce qui était obligatoire sur eux, tout en éprouvant pour un certain acte d’adoration un attachement tout particulier, au point de l’accomplir abondamment dans sa dimension facultative et d’y consacrer un temps important : la prière, l'aumône, le jeûne, le jihad (cliquez ici pour découvrir ce dont il s'agit), etc…

Comprenez-nous bien : nous n'approuvons pas une pratique partielle de ce qui est obligatoire sur un musulman donné en une situation donnée ; ce que nous disons c'est qu'il s'agit d'avoir une pratique complète de ce qui est obligatoire sur le plan individuel (fardh 'ala-l-'ayn), combinée à une spécialisation des uns et des autres dans une ou plusieurs branches, et ce par rapport à ce qui est obligatoire sur l'ensemble de la communauté et non sur chacun de ses membres (fardh 'ala-l-kifâya). Il s'agit donc pour toutes et tous d'acquérir ce qui est nécessaire en matière de croyances musulmanes correctes, de spiritualité, de pratique et d'action.

Le Prophète (la paix soit sur lui) avait dit que le Paradis a huit portes. Faudrait-il n’en accepter pour tous les frères qu’une seule ?

Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

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