I) L'adjectif "harâm" revêt deux sens (de même que le verbe "harrama") :
L'adjectif "harâm" – qui signifie "interdit" – est issu de la racine "H-R-M", qui a le sens de "empêcher" (Muf'radât ur-Râghib).
Cet adjectif "harâm" signifie à la fois "interdit" et "sacré".
Dans le Coran, on lit ainsi cet adjectif avec le premier de ces deux sens – "interdit" – dans par exemple les deux versets suivants :
"Dis : "Avez-vous considéré ce que Dieu a fait descendre pour vous de subsistance puis vous avez fait de cela du harâm et du halâl", dis : "Est-ce Dieu qui vous (en) a donné l'autorisation, ou bien inventez-vous (des choses) au sujet de Dieu ?"" (Coran 10/59).
"Et ne dites pas, à cause du fait que vos langues profèrent le mensonge : "Ceci est halâl, et ceci est harâm", forgeant le mensonge au sujet de Dieu. Ceux qui forgent au sujet de Dieu le mensonge ne réussiront point" (Coran 16/116).
Et on lit ce même adjectif avec le second sens – "sacré" – dans les versets où il est accolé avec le nom "mosquée" : "la mosquée harâm" (Coran 2/144, etc.) : cela désigne le sanctuaire de la Mecque. La même chose est avérée quand on lit : "le mois harâm" (Coran 2/217) : il s'agit du mois sacré.
Le verbe correspondant à cet adjectif, "harrama", signifie lui aussi parfois "rendre illicite", et parfois "rendre sacré".
Ainsi, avec le premier sens – "interdit" – : "... alors que Dieu a rendu licite la vente et a rendu illicite (harrama) l'intérêt" (Coran 2/275).
Et avec le second sens – "sacré" – : "... que j'adore le Seigneur de cette ville [= La Mecque], Celui qui l'a rendue sacrée (harrama-hâ), et à Qui appartient toute chose" (27/91).
En fait ces deux sens de "sacré" et d'"interdit" sont liés. En effet, car :
– tout ce qui est sacré, il est interdit de faire vis-à-vis de lui une action qui le profanerait ;
– et tout ce qui est interdit, cela est interdit parce que nuisant au caractère sacré de quelque chose.
La première affirmation ("tout ce qui est sacré, il est interdit de faire à son égard une action qui le profanerait") est évidente : la mosquée est sacrée parce qu'il y est interdit de faire certaines actions qui la profaneraient ; certaines de ces actions sont déjà interdites ailleurs mais le deviennent plus encore ici ; d'autres actions sont autorisées ailleurs mais deviennent interdites ici.
Pour ce qui est de la seconde affirmation ("tout ce qui est interdit l'est parce que cela nuit au caractère sacré de quelque chose"), cela est un peu plus complexe. En effet, ce dont il s'agit de ne pas nuire à son caractère sacré est parfois l'objet, mais d'autres fois le sujet de l'action : ainsi, s'il est interdit de manger de la chair humaine, c'est eu égard au caractère sacré de l'homme ; par contre, s'il est interdit de manger de la chair porcine, ce n'est pas eu égard au caractère sacré du porc ! D'autres fois encore, ce dont il s'agit de ne pas nuire à son caractère sacré est l'action elle-même. Nous verrons cela plus en détail plus bas, en III…
Pour le moment, quelques rappels préalables s'imposent...
– 1) Soit l'action elle-même est mauvaise en soi ; la règle première à son sujet est donc l'interdiction ; cette action ne devient autorisée, et parfois obligatoire, qu'en des circonstances particulières. C'est le cas de tuer.
– 2) Soit l'action en elle-même n'est pas mauvaise mais naturelle et nécessaire. Ensuite...
----- ... Tout dépend par rapport à qui l'homme fait cette action : faite par rapport à telle chose, cette action est bénéfique pour l'homme ; par contre, faite par rapport à telle autre chose, cette action devient nocive pour l'homme (on le comprend facilement avec l'action de manger : manger telle chose est bénéfique ; par contre, manger telle et telle chose est nocif pour l'homme, soit sur le plan physique, soit le plan mental, soit sur le plan spirituel).
----- ... Par ailleurs, il existe différents degrés quant à la noblesse des actions. Et c'est en fonction de l'échelle de leur noblesse qu'il est des actions qui sont tellement nobles que l'homme ne peut pas les entreprendre alors qu'il est occupé à faire une action de moindre noblesse ; ou que l'homme ne peut pas, pendant qu'il les fait, faire telle action de moindre noblesse ; et qu'il est des circonstances exceptionnellement importantes où l'homme ne doit pas du tout faire telle action, car la situation dans laquelle il se trouve alors est telle qu'elle requiert une action de noblesse plus élevée, et faire alors ce genre d'action c'est manquer au caractère extrêmement sacré de la situation. Un exemple : L'action de manger est noble, on l'accomplit donc par sa main droite. L'action de faire ses besoins est naturelle mais n'est pas noble (khassîs), on se rend donc dans les lieux d'aisance avec, en premier, le pied gauche, et on se purifie en utilisant la main gauche. Par ailleurs, au moment précis où on fait ses besoins naturels, on ne prononce pas le Nom de Dieu par la langue ; parfois, même lorsque en état d'impureté rituelle mineure, le Prophète a préféré ne pas prononcer le Nom de Dieu (alors que cela n'est pas interdit) et se trouver en état de pureté rituelle pour le faire (cliquez ici). De même, lorsqu'on est en état d'impureté rituelle majeure, on ne récite pas le Coran.
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II) L'adjectif "halâl" aussi revêt deux sens :
L'adjectif "halâl" signifie pour sa part "licite".
La racine "H-L-L" a le sens premier d'"ouvrir le nœud", donc de "rendre possible" ("hall ul-'uqda" : Muf'radât ur-Râghib).
Dans le Coran, on lit un terme issu de cette racine et revêtant ce sens originel d'"ouvrir", dans le verset où Dieu nous relate cette demande que le prophète Moïse (sur lui soit la paix) lui adressa : "Et fais hall d'un nœud de ma langue, afin qu'ils comprennent mon propos" (Coran 20/27-28) ; également dans le verset où Dieu évoque le fait de défaire le serment qu'on a fait (ceci lorsque c'est autre chose que ce dont on a fait le serment qui est mieux shar'an), par ces termes : "Dieu vous a prescrit la tahilla de vos serments" (Coran 66/2).
Dans le verset qui suit, le verbe "halla" signifie : "quitter l'état de sacralisation" : "Et lorsque vous devenez halal, vous (pouvez) faire la chasse" (Coran 5/2).
Avec le sens de "licite", on a le verset déjà cité plus haut : "Dis : "Avez-vous considéré ce que Dieu a fait descendre pour vous de subsistance puis vous avez fait de cela du harâm et du halâl", dis : "est-ce Dieu qui vous (en) a donné l'autorisation, ou bien inventez-vous (des choses) au sujet de Dieu ?" (Coran 10/59).
De même que les versets qui utilisent le terme "ihlâl", pour : "déclarer licite" : "alors que Dieu a rendu licite (ahalla) la vente et a rendu illicite l'intérêt" (Coran 2/275).
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III) Tout ce qui est interdit (harâm dans l'un de ses sens) pour l'homme l'est parce que causant du tort au caractère sacré (harâm dans un autre sens) de quelque chose :
– soit au caractère sacré de l'homme lui-même ;
– soit au caractère sacré de l'être/objet vis-à-vis de qui l'action aurait pu être faite ;
– soit au caractère sacré de l'action humaine par rapport à la situation :
Nous allons le voir à travers plusieurs cas de figure...
– A) Soit c'est l'homme (al-insân al-mukallaf) qui est trop sacré (tel qu'il est de façon innée, ou tel qu'il doit devenir, d'après l'idéal que Dieu veut pour lui) c'est l'homme, donc, qui est trop sacré pour qu'il fasse telle action (fi'l) vis-à-vis de tel objet ('ayn), et ce dans la mesure où faire cette action vis-à-vis de tel objet cause du tort à l'homme ou à l'idéal que l'homme doit atteindre :
Manger est une action naturelle et nécessaire. Mais il est plusieurs aliments et boissons qui sont mauvais (khabâ'ïth) pour l'homme quant à sa consommation, car cela engendrerait chez l'homme ce qui ne convient pas à son idéal. Et il est plusieurs aliments et boissons qui sont bons (tayyibât) pour l'homme quant à sa consommation, car étant profitables à son corps et/ou à son mental sans être par ailleurs nocifs pour sa spiritualité (rûhâniyya) ni pour ses mœurs (akhlâq). Dieu a donc rendu illicite (harâm) que l'homme satisfasse son besoin naturel et noble de manger par les choses de la première catégorie ; et Il a déclaré licite (halâl) que l'homme le fasse par le biais des choses de la seconde catégorie. Cliquez ici pour en savoir plus.
Gagner de l'argent une action naturelle et nécessaire. Mais il est des moyens de le faire qui sont nocifs soit pour l'homme qui les entreprendrait, soit pour la société humaine, immédiatement ou sur le long terme (c'est le cas du prêt à intérêt), et Dieu les a donc décrétés illicites (harâm).
Cliquez ici pour découvrir d'autres exemples encore : faire telle action nuirait à la réalisation de tel objectif (maqsad shar'î).
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– B) Soit c'est telle action humaine qui est trop sacrée pour que l'homme puisse la faire vis-à-vis de tel objet, qui ne la mérite pas. Cette action humaine (fi'l) très sacrée doit donc rester confinée à tel autre objet ('ayn) :
L'action humaine d'adorer est une action nécessaire et noble.
Cependant, rendre ce culte est nécessaire vis-à-vis de Dieu – et ce parce qu'Il le mérite –, et est interdit vis-à-vis d'un autre que Dieu, et ce parce que...
... Primo, cette action humaine (fi'l) est trop sacrée pour que l'homme puisse la faire vis-à-vis d'un autre que Dieu.
... Secundo, Dieu est trop Parfait en Son Etre et en Ses Attributs, et a comblé l'homme de trop de Faveurs, pour que celui-ci puisse ne pas faire cette action d'adoration vis-à-vis de Lui, ou puisse faire cette action vis-à-vis d'un autre que Lui. Entreprendre cette action vis-à-vis d'un autre que Dieu, c'est donc faire une injustice vis-à-vis de Lui.
Lire notre article consacré à ce en quoi la divinisation consiste, qui expose aussi la parole de Luqmân à son fils : "Le Shirk est une énorme injustice" : "وَإِذْ قَالَ لُقْمَانُ لِابْنِهِ وَهُوَ يَعِظُهُ يَا بُنَيَّ لَا تُشْرِكْ بِاللَّهِ إِنَّ الشِّرْكَ لَظُلْمٌ عَظِيمٌ" (Coran 31/13).
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– C) Soit c'est, inversement, tel objet qui est trop sacré pour que l'homme puisse faire telle action vis-à-vis de lui. Cette action humaine (fi'l), naturelle mais de moindre noblesse, doit donc rester confinée à autre chose que cet objet très sacré ('ayn) :
La mosquée est trop sacrée pour qu'il soit autorisé d'y uriner. Uriner est pourtant une action naturelle. Mais cela doit rester confiné à d'autres endroits qu'une mosquée, celle-ci fût-elle tapissée de cailloux (comme c'était le cas à l'époque du Prophète, sur lui soit la paix).
Le périmètre du Haram, autour de la Mecque, est trop sacré pour qu'il soit autorisé d'en couper les arbres (il est certains arbres et plantes qui font ensuite l'objet de divergence d'opinions entre les mujtahidûn : cf. Al-Mughnî 4/590-594). Pourtant couper les arbres par besoin est une action autorisée. Mais cela ne peut pas être fait dans le Haram.
La mosquée est trop sacrée pour que l'on puisse y parler des choses purement temporelles (dunyawî) (telles que proposer quelque chose à la vente, demander si personne n'a aperçu tel objet qu'on a perdu, etc.). Pourtant parler de ces choses est une action naturelle et nécessaire. Mais cela doit être fait ailleurs qu'en ce lieu.
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– D) Soit c'est telle action humaine qui est trop sacrée pour qu'il soit autorisé à l'homme de l'entreprendre pendant qu'il est occupé à faire telle autre action, naturelle mais de bien moindre noblesse ; ou pendant qu'il se trouve dans tel état, qui est naturel mais pas de la plus haute noblesse. Pendant le déroulement de la seconde action (fi'l), de moindre noblesse, et pendant qu'il se trouve en l'état (hâl) de moindre noblesse, il est donc interdit à l'homme de faire la première action (fi'l), très sacrée :
Prendre la direction de la Kaaba est une action trop sacrée pour qu'on la fasse pendant qu'on fait ses besoins naturels (il y a ensuite divergence d'opinions entre les mujtahids quant à savoir si cela est mauvais de façon inconditionnelle, ou bien seulement quand on se trouve dans un espace dégagé, avec rien entre soi et la direction de la Kaaba).
Réciter le Coran est action trop sacrée pour qu'on la fasse alors qu'on est en train de faire ses besoins naturels ; ou pendant qu'on est en état d'impureté rituelle majeure.
Accomplir la prière rituelle devant Dieu est action trop sacrée pour qu'on la fasse alors qu'on est en état d'impureté rituelle, majeure ou mineure.
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– E) Soit c'est telle action qui est trop sacrée pour que, pendant qu'il est occupé à la faire, il soit autorisé à l'homme d'entreprendre alors telle autre action également, qui est de moindre noblesse. Pendant le déroulement de la première action (fi'l), très sacrée, il est donc interdit à l'homme de faire la seconde action (fi'l), de moindre noblesse :
La prière rituelle étant un moment de conversation personnelle (munâjâ) avec Dieu, c'est une action tellement sacrée que l'homme ne peut, alors, pas manger quelque chose. Le faire annulerait la prière. Pourtant manger est une action humaine naturelle et nécessaire. Mais cela ne doit pas être fait pendant qu'on accomplit la prière, action très noble.
La prière étant un moment de conversation personnelle (munâjâ) avec Dieu, c'est une action tellement sacrée que l'homme ne peut alors pas discuter avec autrui. (Ceci est valable en tant que principe général. Car au cas où un passant court un grave danger et qu'il faut l'avertir, il faut le lui dire, mais la prière sera alors annulée. Par ailleurs, certains mujtahids sont d'avis que si celui-ci est de nature à rectifier la prière rituelle, un bref propos n'annule pas l'état de la prière.) Pourtant, discuter est une action humaine naturelle et nécessaire. Mais cela ne doit pas être fait pendant qu'on accomplit la prière, action très noble.
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– F) Soit il y a deux dimensions qui sont réunies :
--- F.A) et par ailleurs l'action humaine en question est naturelle en soi :
Le corps de toute personne autre que soi :
– d'un côté, vivre sa sexualité avec un partenaire de l'autre sexe est une action naturelle ;
– d'un autre côté, la règle première au sujet de tirer profit sexuellement du corps d'un partenaire est le caractère sacré (et ce à cause du caractère sacré de la personne humaine en général) ;
– dès lors, seul un cadre spécifique rend autorisé de tirer profit des parties intimes d'une personne précise de l'autre sexe.
En dehors de ce cadre spécifique, cela reste harâm, car :
--- d'une part l'homme est trop sacré pour avoir des relations intimes consenties avec n'importe quel partenaire (c'est ce que font la plupart des animaux) (c'est la dimension A) ;
--- d'autre part l'intimité physique des personnes tierces est trop sacrée pour que l'individu puisse en tirer profit suite à un simple consentement, sans aucune autre restriction (c'est la dimension C).
C'est bien pourquoi le Prophète a désigné le mariage (qui en islam est un contrat d'un type particulier) comme étant : "ma-s'tahlaltum bihî al-furûj" (al-Bukhârî 2572, Muslim 1418) : "ce par le moyen de quoi vous avez rendu halâl (le fait de tirer profit) des parties intimes". Il a aussi dit : "ma-s'tahlalta min farjihâ" (al-Bukhârî 5006, Muslim 1493).
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--- F.B) et par ailleurs l'action en question n'est nullement un bien en soi mais, tout au contraire, est en soi une mauvaise chose, une mafsada :
Attenter à la vie humaine :
– cela est une mauvaise chose en soi (mafsada), car le principe fondamental au sujet de la vie humaine est le caractère sacré de celle-ci : Ibn Taymiyya écrit : "Le principe originel ("al-asl") est que la vie de l'humain est protégée : celui-ci ne peut être tué que pour une raison juste" : "فإن الأصل أن دم الآدمي معصوم لا يقتل إلا بالحق" (As-Sârim, p. 104) (voir aussi Qawâ'ïd ul-ahkâm fî islâh il-anâm, Ibn Abd is-Salâm, 2/188, 199 ; 1/145, 157) ;
– seuls certains cas de nécessité font exception à cette règle (cliquez ici).
Dieu dit : "Et ne tuez pas la personne humaine, que Dieu a rendue sacrée, sauf pour la raison juste (al-haqq)" (Coran 6/151, 17/33 ; voir aussi 25/68 ; c'est, ici, une des traductions possibles de cette phrase).
En dehors de ces cas de nécessité absolue, cela reste harâm, car :
--- d'une part l'homme est trop sacré pour tuer sans raison extrême (c'est la dimension A) ;
--- d'autre part la vie humaine est trop sacrée pour que l'homme y touche – fût-ce avec le consentement et même la demande de son détenteur, dans le cadre de ce qu'on appelle aujourd'hui un suicide assisté – (c'est la dimension C).
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IV) "Halâl" ("licite") étant l'opposé de "harâm" ("illicite"), et "harâm" signifiant "sacré", il ne faudrait pas croire que ce qui est "halâl", "licite" n'a, lui, "rien de sacré" :
Le fait est que, tout au contraire, l'objet qui est licite (par rapport à une action humaine donnée) demeure malgré tout sacré. Simplement, il présente, par rapport à l'objet interdit (par rapport à telle action humaine donnée), une certaine "ouverture", la "possibilité" de faire telle action.
C'est bien parce que le caractère sacré demeure malgré cette ouverture, que l'islam ne reconnaît pas le droit d'user et d'abuser de l'objet même nous appartenant et même par rapport à l'action qu'il est licite de faire vis-à-vis de lu. Même pour la nourriture dûment halâl, il faut la consommer sans gaspillage : car cette nourriture ('ayn) reste sacrée, tout comme l'action de se nourrir (fi'l ul-akl) est elle aussi sacrée. Seulement il y a une certaine ouverture qui permet de tuer des animaux dans le cadre de ses réels besoins, en prononçant le Nom de Dieu – comme pour montrer qu'on ne le fait qu'avec la permission de Dieu –, et d'en consommer ensuite la chair, mais sans excès. Par rapport à l'objet/être ('ayn) qui est halâl, licite, à côté de la permission, le caractère sacré laisse demeurer une certaine limite dans l'action.
Par contre, l'objet/être ('ayn) qui est "harâm", "illicite", ne présente, lui, pas d'ouverture de ce genre par rapport à cette même action (fi'l) : le caractère sacré de telle action humaine par rapport à l'objet, ou de la personne humaine par rapport à l'action en rapport avec cet objet, ou de cet objet par rapport à cette action, est trop accentué pour qu'une telle ouverture soit possible. Nous l'avons vu plus haut, en III.
Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).
"Halâl" signifie à la fois "ouvert" et "licite" ; en fait les deux sens sont liés. Et "Harâm" signifie à la fois "sacré" et "interdit" ; ces deux sens aussi sont liés.
I) L'adjectif "harâm" revêt deux sens (de même que le verbe "harrama") :
L'adjectif "harâm" – qui signifie "interdit" – est issu de la racine "H-R-M", qui a le sens de "empêcher" (Muf'radât ur-Râghib).
Cet adjectif "harâm" signifie à la fois "interdit" et "sacré".
Dans le Coran, on lit ainsi cet adjectif avec le premier de ces deux sens – "interdit" – dans par exemple les deux versets suivants :
"Dis : "Avez-vous considéré ce que Dieu a fait descendre pour vous de subsistance puis vous avez fait de cela du harâm et du halâl", dis : "Est-ce Dieu qui vous (en) a donné l'autorisation, ou bien inventez-vous (des choses) au sujet de Dieu ?"" (Coran 10/59).
"Et ne dites pas, à cause du fait que vos langues profèrent le mensonge : "Ceci est halâl, et ceci est harâm", forgeant le mensonge au sujet de Dieu. Ceux qui forgent au sujet de Dieu le mensonge ne réussiront point" (Coran 16/116).
Et on lit ce même adjectif avec le second sens – "sacré" – dans les versets où il est accolé avec le nom "mosquée" : "la mosquée harâm" (Coran 2/144, etc.) : cela désigne le sanctuaire de la Mecque. La même chose est avérée quand on lit : "le mois harâm" (Coran 2/217) : il s'agit du mois sacré.
Le verbe correspondant à cet adjectif, "harrama", signifie lui aussi parfois "rendre illicite", et parfois "rendre sacré".
Ainsi, avec le premier sens – "interdit" – : "... alors que Dieu a rendu licite la vente et a rendu illicite (harrama) l'intérêt" (Coran 2/275).
Et avec le second sens – "sacré" – : "... que j'adore le Seigneur de cette ville [= La Mecque], Celui qui l'a rendue sacrée (harrama-hâ), et à Qui appartient toute chose" (27/91).
En fait ces deux sens de "sacré" et d'"interdit" sont liés. En effet, car :
– tout ce qui est sacré, il est interdit de faire vis-à-vis de lui une action qui le profanerait ;
– et tout ce qui est interdit, cela est interdit parce que nuisant au caractère sacré de quelque chose.
La première affirmation ("tout ce qui est sacré, il est interdit de faire à son égard une action qui le profanerait") est évidente : la mosquée est sacrée parce qu'il y est interdit de faire certaines actions qui la profaneraient ; certaines de ces actions sont déjà interdites ailleurs mais le deviennent plus encore ici ; d'autres actions sont autorisées ailleurs mais deviennent interdites ici.
Pour ce qui est de la seconde affirmation ("tout ce qui est interdit l'est parce que cela nuit au caractère sacré de quelque chose"), cela est un peu plus complexe. En effet, ce dont il s'agit de ne pas nuire à son caractère sacré est parfois l'objet, mais d'autres fois le sujet de l'action : ainsi, s'il est interdit de manger de la chair humaine, c'est eu égard au caractère sacré de l'homme ; par contre, s'il est interdit de manger de la chair porcine, ce n'est pas eu égard au caractère sacré du porc ! D'autres fois encore, ce dont il s'agit de ne pas nuire à son caractère sacré est l'action elle-même. Nous verrons cela plus en détail plus bas, en III…
Pour le moment, quelques rappels préalables s'imposent...
– 1) Soit l'action elle-même est mauvaise en soi ; la règle première à son sujet est donc l'interdiction ; cette action ne devient autorisée, et parfois obligatoire, qu'en des circonstances particulières. C'est le cas de tuer.
– 2) Soit l'action en elle-même n'est pas mauvaise mais naturelle et nécessaire. Ensuite...
----- ... Tout dépend par rapport à qui l'homme fait cette action : faite par rapport à telle chose, cette action est bénéfique pour l'homme ; par contre, faite par rapport à telle autre chose, cette action devient nocive pour l'homme (on le comprend facilement avec l'action de manger : manger telle chose est bénéfique ; par contre, manger telle et telle chose est nocif pour l'homme, soit sur le plan physique, soit le plan mental, soit sur le plan spirituel).
----- ... Par ailleurs, il existe différents degrés quant à la noblesse des actions. Et c'est en fonction de l'échelle de leur noblesse qu'il est des actions qui sont tellement nobles que l'homme ne peut pas les entreprendre alors qu'il est occupé à faire une action de moindre noblesse ; ou que l'homme ne peut pas, pendant qu'il les fait, faire telle action de moindre noblesse ; et qu'il est des circonstances exceptionnellement importantes où l'homme ne doit pas du tout faire telle action, car la situation dans laquelle il se trouve alors est telle qu'elle requiert une action de noblesse plus élevée, et faire alors ce genre d'action c'est manquer au caractère extrêmement sacré de la situation. Un exemple : L'action de manger est noble, on l'accomplit donc par sa main droite. L'action de faire ses besoins est naturelle mais n'est pas noble (khassîs), on se rend donc dans les lieux d'aisance avec, en premier, le pied gauche, et on se purifie en utilisant la main gauche. Par ailleurs, au moment précis où on fait ses besoins naturels, on ne prononce pas le Nom de Dieu par la langue ; parfois, même lorsque en état d'impureté rituelle mineure, le Prophète a préféré ne pas prononcer le Nom de Dieu (alors que cela n'est pas interdit) et se trouver en état de pureté rituelle pour le faire (cliquez ici). De même, lorsqu'on est en état d'impureté rituelle majeure, on ne récite pas le Coran.
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II) L'adjectif "halâl" aussi revêt deux sens :
L'adjectif "halâl" signifie pour sa part "licite".
La racine "H-L-L" a le sens premier d'"ouvrir le nœud", donc de "rendre possible" ("hall ul-'uqda" : Muf'radât ur-Râghib).
Dans le Coran, on lit un terme issu de cette racine et revêtant ce sens originel d'"ouvrir", dans le verset où Dieu nous relate cette demande que le prophète Moïse (sur lui soit la paix) lui adressa : "Et fais hall d'un nœud de ma langue, afin qu'ils comprennent mon propos" (Coran 20/27-28) ; également dans le verset où Dieu évoque le fait de défaire le serment qu'on a fait (ceci lorsque c'est autre chose que ce dont on a fait le serment qui est mieux shar'an), par ces termes : "Dieu vous a prescrit la tahilla de vos serments" (Coran 66/2).
Dans le verset qui suit, le verbe "halla" signifie : "quitter l'état de sacralisation" : "Et lorsque vous devenez halal, vous (pouvez) faire la chasse" (Coran 5/2).
Avec le sens de "licite", on a le verset déjà cité plus haut : "Dis : "Avez-vous considéré ce que Dieu a fait descendre pour vous de subsistance puis vous avez fait de cela du harâm et du halâl", dis : "est-ce Dieu qui vous (en) a donné l'autorisation, ou bien inventez-vous (des choses) au sujet de Dieu ?" (Coran 10/59).
De même que les versets qui utilisent le terme "ihlâl", pour : "déclarer licite" : "alors que Dieu a rendu licite (ahalla) la vente et a rendu illicite l'intérêt" (Coran 2/275).
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III) Tout ce qui est interdit (harâm dans l'un de ses sens) pour l'homme l'est parce que causant du tort au caractère sacré (harâm dans un autre sens) de quelque chose :
– soit au caractère sacré de l'homme lui-même ;
– soit au caractère sacré de l'être/objet vis-à-vis de qui l'action aurait pu être faite ;
– soit au caractère sacré de l'action humaine par rapport à la situation :
Nous allons le voir à travers plusieurs cas de figure...
– A) Soit c'est l'homme (al-insân al-mukallaf) qui est trop sacré (tel qu'il est de façon innée, ou tel qu'il doit devenir, d'après l'idéal que Dieu veut pour lui) c'est l'homme, donc, qui est trop sacré pour qu'il fasse telle action (fi'l) vis-à-vis de tel objet ('ayn), et ce dans la mesure où faire cette action vis-à-vis de tel objet cause du tort à l'homme ou à l'idéal que l'homme doit atteindre :
Manger est une action naturelle et nécessaire. Mais il est plusieurs aliments et boissons qui sont mauvais (khabâ'ïth) pour l'homme quant à sa consommation, car cela engendrerait chez l'homme ce qui ne convient pas à son idéal. Et il est plusieurs aliments et boissons qui sont bons (tayyibât) pour l'homme quant à sa consommation, car étant profitables à son corps et/ou à son mental sans être par ailleurs nocifs pour sa spiritualité (rûhâniyya) ni pour ses mœurs (akhlâq). Dieu a donc rendu illicite (harâm) que l'homme satisfasse son besoin naturel et noble de manger par les choses de la première catégorie ; et Il a déclaré licite (halâl) que l'homme le fasse par le biais des choses de la seconde catégorie. Cliquez ici pour en savoir plus.
Gagner de l'argent une action naturelle et nécessaire. Mais il est des moyens de le faire qui sont nocifs soit pour l'homme qui les entreprendrait, soit pour la société humaine, immédiatement ou sur le long terme (c'est le cas du prêt à intérêt), et Dieu les a donc décrétés illicites (harâm).
Cliquez ici pour découvrir d'autres exemples encore : faire telle action nuirait à la réalisation de tel objectif (maqsad shar'î).
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– B) Soit c'est telle action humaine qui est trop sacrée pour que l'homme puisse la faire vis-à-vis de tel objet, qui ne la mérite pas. Cette action humaine (fi'l) très sacrée doit donc rester confinée à tel autre objet ('ayn) :
L'action humaine d'adorer est une action nécessaire et noble.
Cependant, rendre ce culte est nécessaire vis-à-vis de Dieu – et ce parce qu'Il le mérite –, et est interdit vis-à-vis d'un autre que Dieu, et ce parce que...
... Primo, cette action humaine (fi'l) est trop sacrée pour que l'homme puisse la faire vis-à-vis d'un autre que Dieu.
... Secundo, Dieu est trop Parfait en Son Etre et en Ses Attributs, et a comblé l'homme de trop de Faveurs, pour que celui-ci puisse ne pas faire cette action d'adoration vis-à-vis de Lui, ou puisse faire cette action vis-à-vis d'un autre que Lui. Entreprendre cette action vis-à-vis d'un autre que Dieu, c'est donc faire une injustice vis-à-vis de Lui.
Lire notre article consacré à ce en quoi la divinisation consiste, qui expose aussi la parole de Luqmân à son fils : "Le Shirk est une énorme injustice" : "وَإِذْ قَالَ لُقْمَانُ لِابْنِهِ وَهُوَ يَعِظُهُ يَا بُنَيَّ لَا تُشْرِكْ بِاللَّهِ إِنَّ الشِّرْكَ لَظُلْمٌ عَظِيمٌ" (Coran 31/13).
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– C) Soit c'est, inversement, tel objet qui est trop sacré pour que l'homme puisse faire telle action vis-à-vis de lui. Cette action humaine (fi'l), naturelle mais de moindre noblesse, doit donc rester confinée à autre chose que cet objet très sacré ('ayn) :
La mosquée est trop sacrée pour qu'il soit autorisé d'y uriner. Uriner est pourtant une action naturelle. Mais cela doit rester confiné à d'autres endroits qu'une mosquée, celle-ci fût-elle tapissée de cailloux (comme c'était le cas à l'époque du Prophète, sur lui soit la paix).
Le périmètre du Haram, autour de la Mecque, est trop sacré pour qu'il soit autorisé d'en couper les arbres (il est certains arbres et plantes qui font ensuite l'objet de divergence d'opinions entre les mujtahidûn : cf. Al-Mughnî 4/590-594). Pourtant couper les arbres par besoin est une action autorisée. Mais cela ne peut pas être fait dans le Haram.
La mosquée est trop sacrée pour que l'on puisse y parler des choses purement temporelles (dunyawî) (telles que proposer quelque chose à la vente, demander si personne n'a aperçu tel objet qu'on a perdu, etc.). Pourtant parler de ces choses est une action naturelle et nécessaire. Mais cela doit être fait ailleurs qu'en ce lieu.
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– D) Soit c'est telle action humaine qui est trop sacrée pour qu'il soit autorisé à l'homme de l'entreprendre pendant qu'il est occupé à faire telle autre action, naturelle mais de bien moindre noblesse ; ou pendant qu'il se trouve dans tel état, qui est naturel mais pas de la plus haute noblesse. Pendant le déroulement de la seconde action (fi'l), de moindre noblesse, et pendant qu'il se trouve en l'état (hâl) de moindre noblesse, il est donc interdit à l'homme de faire la première action (fi'l), très sacrée :
Prendre la direction de la Kaaba est une action trop sacrée pour qu'on la fasse pendant qu'on fait ses besoins naturels (il y a ensuite divergence d'opinions entre les mujtahids quant à savoir si cela est mauvais de façon inconditionnelle, ou bien seulement quand on se trouve dans un espace dégagé, avec rien entre soi et la direction de la Kaaba).
Réciter le Coran est action trop sacrée pour qu'on la fasse alors qu'on est en train de faire ses besoins naturels ; ou pendant qu'on est en état d'impureté rituelle majeure.
Accomplir la prière rituelle devant Dieu est action trop sacrée pour qu'on la fasse alors qu'on est en état d'impureté rituelle, majeure ou mineure.
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– E) Soit c'est telle action qui est trop sacrée pour que, pendant qu'il est occupé à la faire, il soit autorisé à l'homme d'entreprendre alors telle autre action également, qui est de moindre noblesse. Pendant le déroulement de la première action (fi'l), très sacrée, il est donc interdit à l'homme de faire la seconde action (fi'l), de moindre noblesse :
La prière rituelle étant un moment de conversation personnelle (munâjâ) avec Dieu, c'est une action tellement sacrée que l'homme ne peut, alors, pas manger quelque chose. Le faire annulerait la prière. Pourtant manger est une action humaine naturelle et nécessaire. Mais cela ne doit pas être fait pendant qu'on accomplit la prière, action très noble.
La prière étant un moment de conversation personnelle (munâjâ) avec Dieu, c'est une action tellement sacrée que l'homme ne peut alors pas discuter avec autrui. (Ceci est valable en tant que principe général. Car au cas où un passant court un grave danger et qu'il faut l'avertir, il faut le lui dire, mais la prière sera alors annulée. Par ailleurs, certains mujtahids sont d'avis que si celui-ci est de nature à rectifier la prière rituelle, un bref propos n'annule pas l'état de la prière.) Pourtant, discuter est une action humaine naturelle et nécessaire. Mais cela ne doit pas être fait pendant qu'on accomplit la prière, action très noble.
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– F) Soit il y a deux dimensions qui sont réunies :
--- F.A) et par ailleurs l'action humaine en question est naturelle en soi :
Le corps de toute personne autre que soi :
– d'un côté, vivre sa sexualité avec un partenaire de l'autre sexe est une action naturelle ;
– d'un autre côté, la règle première au sujet de tirer profit sexuellement du corps d'un partenaire est le caractère sacré (et ce à cause du caractère sacré de la personne humaine en général) ;
– dès lors, seul un cadre spécifique rend autorisé de tirer profit des parties intimes d'une personne précise de l'autre sexe.
En dehors de ce cadre spécifique, cela reste harâm, car :
--- d'une part l'homme est trop sacré pour avoir des relations intimes consenties avec n'importe quel partenaire (c'est ce que font la plupart des animaux) (c'est la dimension A) ;
--- d'autre part l'intimité physique des personnes tierces est trop sacrée pour que l'individu puisse en tirer profit suite à un simple consentement, sans aucune autre restriction (c'est la dimension C).
C'est bien pourquoi le Prophète a désigné le mariage (qui en islam est un contrat d'un type particulier) comme étant : "ma-s'tahlaltum bihî al-furûj" (al-Bukhârî 2572, Muslim 1418) : "ce par le moyen de quoi vous avez rendu halâl (le fait de tirer profit) des parties intimes". Il a aussi dit : "ma-s'tahlalta min farjihâ" (al-Bukhârî 5006, Muslim 1493).
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--- F.B) et par ailleurs l'action en question n'est nullement un bien en soi mais, tout au contraire, est en soi une mauvaise chose, une mafsada :
Attenter à la vie humaine :
– cela est une mauvaise chose en soi (mafsada), car le principe fondamental au sujet de la vie humaine est le caractère sacré de celle-ci : Ibn Taymiyya écrit : "Le principe originel ("al-asl") est que la vie de l'humain est protégée : celui-ci ne peut être tué que pour une raison juste" : "فإن الأصل أن دم الآدمي معصوم لا يقتل إلا بالحق" (As-Sârim, p. 104) (voir aussi Qawâ'ïd ul-ahkâm fî islâh il-anâm, Ibn Abd is-Salâm, 2/188, 199 ; 1/145, 157) ;
– seuls certains cas de nécessité font exception à cette règle (cliquez ici).
Dieu dit : "Et ne tuez pas la personne humaine, que Dieu a rendue sacrée, sauf pour la raison juste (al-haqq)" (Coran 6/151, 17/33 ; voir aussi 25/68 ; c'est, ici, une des traductions possibles de cette phrase).
En dehors de ces cas de nécessité absolue, cela reste harâm, car :
--- d'une part l'homme est trop sacré pour tuer sans raison extrême (c'est la dimension A) ;
--- d'autre part la vie humaine est trop sacrée pour que l'homme y touche – fût-ce avec le consentement et même la demande de son détenteur, dans le cadre de ce qu'on appelle aujourd'hui un suicide assisté – (c'est la dimension C).
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IV) "Halâl" ("licite") étant l'opposé de "harâm" ("illicite"), et "harâm" signifiant "sacré", il ne faudrait pas croire que ce qui est "halâl", "licite" n'a, lui, "rien de sacré" :
Le fait est que, tout au contraire, l'objet qui est licite (par rapport à une action humaine donnée) demeure malgré tout sacré. Simplement, il présente, par rapport à l'objet interdit (par rapport à telle action humaine donnée), une certaine "ouverture", la "possibilité" de faire telle action.
C'est bien parce que le caractère sacré demeure malgré cette ouverture, que l'islam ne reconnaît pas le droit d'user et d'abuser de l'objet même nous appartenant et même par rapport à l'action qu'il est licite de faire vis-à-vis de lu. Même pour la nourriture dûment halâl, il faut la consommer sans gaspillage : car cette nourriture ('ayn) reste sacrée, tout comme l'action de se nourrir (fi'l ul-akl) est elle aussi sacrée. Seulement il y a une certaine ouverture qui permet de tuer des animaux dans le cadre de ses réels besoins, en prononçant le Nom de Dieu – comme pour montrer qu'on ne le fait qu'avec la permission de Dieu –, et d'en consommer ensuite la chair, mais sans excès. Par rapport à l'objet/être ('ayn) qui est halâl, licite, à côté de la permission, le caractère sacré laisse demeurer une certaine limite dans l'action.
Par contre, l'objet/être ('ayn) qui est "harâm", "illicite", ne présente, lui, pas d'ouverture de ce genre par rapport à cette même action (fi'l) : le caractère sacré de telle action humaine par rapport à l'objet, ou de la personne humaine par rapport à l'action en rapport avec cet objet, ou de cet objet par rapport à cette action, est trop accentué pour qu'une telle ouverture soit possible. Nous l'avons vu plus haut, en III.
Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).