Question :
Je n'étais auparavant pas musulman, et je gagnais ma vie comme vendeur d'alcool. Par la Grâce de Dieu je me suis ensuite reconverti à l'islam. Or j'ai appris que l'argent obtenu par la vente d'alcool n'est pas halal. J'ai, depuis, changé de métier. Mais aujourd'hui je me pose la question de savoir si je dois maintenant me séparer des biens que j'avais achetés auparavant avec l'argent ainsi obtenu ? ou si au moins je dois me séparer de l'argent ainsi obtenu dont j'ai conservé une partie en tant qu'économies ?
-
Réponse :
Du moment que l'argent de la vente d'alcool, c'est avant votre reconversion à l'islam que vous l'aviez reçu pour votre ancienne activité, il vous appartient, et, malgré votre reconversion à l'islam, vous n'avez nullement à vous en défaire : il est halal pour vous. Vous pouvez donc le dépenser maintenant pour acheter des biens de consommation, mobiliers et immobiliers.
Il en est de même des biens mobiliers et immobiliers que vous aviez achetés grâce à l'argent ainsi acquis.
Par contre, si un de vos anciens clients vous devait de l'argent pour achat d'alcool et ne vous avait pas encore réglé, vous ne devez plus aujourd'hui recevoir cet argent. S'il vous le remet quand même, vous devrez vous en séparer en le remettant à un nécessiteux.
Explications...
-
I) Le cas qui est le vôtre rejoint en fait la question plus générale qui est : Après la reconversion de quelqu'un à l'islam, ce qu'il avait acquis lorsque non-musulman et qui, en islam, est interdit, est-ce licite (halal) pour lui ?
La réponse est : "Cela dépend de ce dont il s'agit et de la façon dont il l'avait acquis"...
-
A) S'il s'agit d'une chose ('ayn) qui est en soi illicite (harâm li 'aynihî) en islam :
Ainsi, si quelqu'un avait acheté de nombreuses bouteilles d'alcool quand il était non-musulman, une fois reconverti à l'islam il ne doit bien sûr pas consommer cette boisson mais ne peut pas non plus en tirer profit (il ne peut par exemple pas la revendre) ; il ne peut non plus pas l'offrir à un non-musulman (cliquez ici) ; la solution théorique pour lui serait d'en faire du vinaigre (ce qui est autorisé d'après l'école hanafite, cliquez ici et ici) ; sinon il n'y a pas d'autres possibilité que de détruire cet alcool.
De même, si un zoroastrien était marié à sa propre sœur, une fois converti à l'islam, il doit se séparer d'elle : le statut "dûment mariés" ne demeure pas, puisqu'en islam un homme ne peut pas être le mari de sa propre sœur. Ce mariage était maintenu tant que ces deux personnes étaient zoroastriens, fût-ce en Dâr ul-islâm (cliquez ici), mais une fois qu'ils se sont convertis à l'islam ou que l'un d'eux s'est converti à l'islam, ce mariage devient nul.
-
B) Par contre, s'il s'agit d'une chose qui, au regard de l'islam, est en soi licite (halal fî nafsihî) mais illicite à cause de la voie par laquelle elle a été obtenue (harâm li kasbihî) :
– B.1) Si cette voie d'acquisition constitue un interdit universel, tel que voler quelqu'un qui est mu'âhid (soit le cas 1.1 dans notre autre article) :
Si, lorsque encore non-musulman, cet homme avait volé :
– une personne musulmane qui était mu'âhid avec lui (c'est-à-dire que son pays n'était pas en guerre contre celui de cette personne musulmane),
– ou une personne non-musulmane qui était d'une part mu'âhid avec lui (son pays n'était pas en guerre avec le pays de cette personne non-musulmane) et d'autre part mu'âhid avec les musulmans aussi :
cet homme aura le devoir, avant ou après sa reconversion à l'islam, de rembourser à cette personne l'argent qu'il lui a volé (cf. MF 22/10).
"فكلما تكلم أخذ بلحيته، والمغيرة بن شعبة قائم على رأس النبي صلى الله عليه وسلم، ومعه السيف وعليه المغفر، فكلما أهوى عروة بيده إلى لحية النبي صلى الله عليه وسلم ضرب يده بنعل السيف، وقال له: "أخر يدك عن لحية رسول الله صلى الله عليه وسلم"، فرفع عروة رأسه، فقال: "من هذا؟" قالوا: "المغيرة بن شعبة". فقال: "أي غدر، ألست أسعى في غدرتك؟" وكان المغيرة صحب قوما في الجاهلية فقتلهم، وأخذ أموالهم؛ ثم جاء فأسلم، فقال النبي صلى الله عليه وسلم: "أما الإسلام فأقبل، وأما المال فلست منه في شيء" (al-Bukhârî, 2581). "وأما المال فلستُ منه في شيء" أي : لا أتعرض له لكونه أخذه غدرا. ويستفاد منه: أنه لا يحل أخذ أموال الكفار في حال الأمن غدرا، لأن الرفقة يصطحبون على الأمانة، والأمانة تؤدَّى إلى أهلها مسلِما كان أو كافرا" (Fath' ul-bârî).
-
– B.2) Et s'il s'agit d'un interdit enseigné par l'islam (soit un cas autre que le 1.1 dans l'article suscité) :
Un premier exemple : Un non-musulman prêtait de l'argent à intérêt, et touchait donc cet intérêt, que sa religion d'alors considérait éthiquement licite (alors que l'islam considère cela illicite). Cet homme se convertit à l'islam ; doit-il se séparer de tout cet argent que, avant sa conversion, il avait touché en tant qu'intérêt ?
La réponse est : Non, cet argent acquis auparavant lui appartient et est entièrement licite.
Par contre, une fois converti à l'islam, conclure de nouveaux contrats à intérêt lui est bien sûr interdit, et, s'il le fait, l'argent ainsi acquis sera illicite (harâm) (cliquez ici). De même, s'il avait déjà conclu des contrats avant sa conversion mais n'avait pas encore touché l'argent de l'intérêt, une fois converti à l'islam, il ne doit pas prendre ce reliquat, qui lui est interdit.
De même, s'il vendait de l'alcool avant sa conversion à l'islam, l'argent qu'il avait déjà touché pour des ventes de ce genre lui appartient et, une fois reconverti à l'islam, il n'a pas à s'en séparer ; cependant, il doit changer d'activité maintenant converti à l'islam.
Par contre, s'il restait une somme d'argent que quelqu'un lui devait pour lui avoir acheté de l'alcool dans le passé, il ne doit pas toucher cette somme ; si la personne la lui remet, il la prendra et la donnera à un nécessiteux.
La preuve de ces deux règles se trouve, comme l'a souligné Ibn Taymiyya, dans un verset coranique. Ibn Taymiyya écrit : "Et de même en est-il pour ce que le non-musulman a fait d'actions illicites selon la religion islamique, que lui il considérait licites dans sa religion : à l'instar des transactions et prises illicites telles que transaction à intérêt, jeu de hasard, vente d'alcool et de porc, mariage sans tuteur et sans témoins, accaparement des biens de musulmans par domination, et chose semblable. Cette chose illicite, son statut devient caduc par l'islam, et elle reste pour lui comme ce qui n'a pas été interdit. (…) Ceci contrairement à ce dont ils n'avaient pas encore pris possession : après s'être convertis à l'islam, il ne leur est pas autorisé de le prendre, de cette façon illicit, tout comme ils ne peuvent pas faire une (nouvelle) transaction illicite. Ceci est établi en son lieu, à cause de cette parole de (Dieu) Elevé : "O vous qui avez apporté foi, craignez Dieu, et délaissez ce qui reste d'intérêt si vous êtes croyants" [Coran 2/278] : Il leur a ordonné de délaisser ce qui restait à la charge (d'autrui) d'intérêt (devant leur être versé), et Il ne leur a pas ordonné de se défaire de ce qu'ils avaient déjà touché" (MF 22/8).
Nous avons dit que ce converti doit maintenant changer d'activité. S'il se trouve dans une situation où il ne peut pas immédiatement abandonner cette activité car il se retrouverait à la rue, sans ressources, il doit néanmoins immédiatement chercher un autre travail, et considérer sérieusement toutes les opportunités halal qui s'offrent à lui ; et l'argent qu'il touche ainsi parce qu'il n'a immédiatement pas les moyens de faire autrement n'est pas halal, il doit s'en souvenir.
Un second exemple : un chrétien et une chrétienne se marient à l'église ; du moment qu'ils ont alors respecté les conditions spécifiées par leur religion, ils sont "mari et femme" (c'est-à-dire que la relation qu'ils auront après ce mariage ne sera pas de la fornication, et ce bien qu'ils soient toujours dans le kufr akbar), même si cette façon de conclure le mariage est telle que si un musulman et une musulmane ou un musulman et une chrétienne y avaient recours, ils ne seraient pas considérés dûment mariés (et leur relation serait considérée comme étant de la fornication). La même chose peut être dite pour un polythéiste et une polythéiste qui se marient en respectant les règles de leur religion en la matière : ils sont alors dûment mariés.
La preuve en est que Dieu dit dans le Coran au sujet de Abû Lahab : "Et sa femme, la porteuse de fagots" (Coran 111/4). Ibn ul-Qayyim souligne que s'ils n'étaient pas considérés mariés, Dieu n'aurait pas désigné la compagne de Abu Lahab par les termes : "et sa femme". La même chose peut être dite à propos de celle qui est désignée dans le Coran comme étant "la femme de Pharaon" (Coran 66/11) (voir Ahkâmu ahl idh-dhimma, pp. 308-309).
Dès lors, si des époux chrétiens se convertissent tous deux en même temps à l'islam, leur statut de "mari et femme" demeure ; il n'est pas besoin pour eux de faire un mariage "islamique" après leur conversion. (Au cas où l'épouse se convertit à l'islam et l'époux demeure chrétien, ou l'époux ne se convertit pas à l'islam en même temps que son épouse mais plus tard, il y a un grand débat entre les ulémas à ce sujet ; mais ce n'est pas l'objet de cet article.) Ibn Taymiyya écrit : "Et (le Prophète) a maintenu les gens de la période pré-islamique dans leurs mariages qui avaient été conclus dans cette période pré-islamique, bien que beaucoup de ces (mariages) sont invalides en islam. Ceci [= le maintien des mariages des non-musulmans] fait quasiment l'unanimité entre les imams connus ; ce n'est qu'à propos de certains cas qu'il existe une divergence isolée" (MF 22/8-9).
-
II) Et si, avant sa conversion à l'islam, l'homme avait tué des gens ?
-
– 1) S'il s'agissait d'une personne qui n'était pas en état de guerre contre lui :
Il est responsable de ce qu'il a fait, et sa conversion à l'islam n'effacera en rien ce qu'il a fait.
Car, certes, une fois qu'il se convertit à l'islam, tous ses péchés antérieurs lui sont pardonnés, conformément à l'information reçue par 'Amr ibn ul-Âs (que Dieu l'agrée) du Prophète (sur lui soit la paix) : "فلما جعل الله الإسلام في قلبي أتيت النبي صلى الله عليه وسلم، فقلت: "ابسط يمينك فلأبايعك." فبسط يمينه، قال: فقبضت يدي. قال: "ما لك يا عمرو؟" قال: قلت: "أردت أن أشترط." قال: "تشترط بماذا؟" قلت: "أن يغفر لي." قال: "أما علمت أن الإسلام يهدم ما كان قبله؟ وأن الهجرة تهدم ما كان قبلها؟ وأن الحج يهدم ما كان قبله؟" (Muslim, 121).
Cependant, ne sont pas pardonnés les péchés qui sont tels que d'une part ils sont relatifs aux droits des créatures et d'autre part ils étaient alors injustice du point de vue de cet homme alors incroyant aussi : vols, meurtres, etc. (contrairement aux attaques et prises de butin que cet homme, lorsque non-musulman avait faits aux musulmans avec qui il était alors en état de belligérance). Alî al-qârî écrit en commentaire de ce hadîth : "وقال بعض علمائنا: يمحو الإسلام ما كان قبله من كفر وعصيان وما ترتب عليهما من العقوبات التي هي حقوق الله. وأما حقوق العباد فلا تسقط بالحج والهجرة إجماعا، ولا بالإسلام لو كان المسلم ذميا، سواء كان الحق عليه ماليا أو غير مالي كالقصاص، أو كان المسلم حربيا وكان الحق ماليا بالاستقراض أو الشراء وكان المال غير الخمر" (Mirqât) ; "أن الإسلام" أي إسلام الحربي؛ لأن إسلام الذمي لا يسقط عنه شيئا من حقوق العباد "يهدم" بكسر الدال أي يمحو "ما كان قبله" أي السيئات" (Ibid.).
Il y a aussi ce récit en rapport avec celui qui avait enterré 8 filles vivantes pendant la Jâhiliyya, avant sa conversion à l'islam : le Prophète lui dit : "Affranchis, en compensation de chacune d'elle, un esclave" : "عن النعمان بن بشير عن عمر بن الخطاب في قوله تعالى: {وإذا الموؤدة سئلت} قال: جاء قيس بن عاصم إلى رسول الله صلى الله عليه وسلم، فقال: "يا رسول الله، إني وأدت ثماني بنات لي في الجاهلية". فقال: "أعتق عن كل واحدة منهن رقبة". قال: "إني صاحب إبل". قال: "فانحر - وفي رواية: فاهد إن شئت - عن كل واحدة بدنة" (Silsilat ul-ahâdîth is-sahîha, n° 3298). Je ne sais cependant pas si s'acquitter de cela a été obligatoire sur Qays ibn 'Âssim, ou seulement recommandé (mandûb).
-
– 2) Par contre, si sa cité était en guerre contre la cité de cette personne, et c'est dans le cadre de cette guerre, loyalement (et non après lui avoir promis la sécurité s'il se rendait), qu'il a tué cette personne, qu'il considérait son ennemi :
Alors, même si la personne qu'il avait ainsi tuée est musulmane, vu qu'il guerroyait contre les musulmans, la conversion à l'islam de cet homme à l'islam efface cela : il n'a plus le péché d'avoir tué cette personne, ni ne peut subir le talion, ni n'a le devoir de verser le dédommagement (diya).
C'est ce qui est arrivé à Wah'shî, qui avait tué Hamza pendant la bataille de Uhud, puis s'est converti à l'islam plus tard, et s'est présenté au Prophète (sur lui soit la paix).
C'est ce cas de figure (que celui qu'il avait tué ainsi au combat était musulman, ou non-musulman) qui est concerné par le verset du Coran : "وَالَّذِينَ لَا يَدْعُونَ مَعَ اللَّهِ إِلَهًا آخَرَ وَلَا يَقْتُلُونَ النَّفْسَ الَّتِي حَرَّمَ اللَّهُ إِلَّا بِالْحَقِّ وَلَا يَزْنُونَ وَمَن يَفْعَلْ ذَلِكَ يَلْقَ أَثَامًا يُضَاعَفْ لَهُ الْعَذَابُ يَوْمَ الْقِيَامَةِ وَيَخْلُدْ فِيهِ مُهَانًا إِلَّا مَن تَابَ وَآمَنَ وَعَمِلَ عَمَلًا صَالِحًا فَأُوْلَئِكَ يُبَدِّلُ اللَّهُ سَيِّئَاتِهِمْ حَسَنَاتٍ وَكَانَ اللَّهُ غَفُورًا رَّحِيمًا وَمَن تَابَ وَعَمِلَ صَالِحًا فَإِنَّهُ يَتُوبُ إِلَى اللَّهِ مَتَابًا" : "Celui qui fait cela" [= adhère au polythéisme, tue alors qu'il ne se trouve pas dans le droit de le faire - légitime défense, par exemple - et fait la fornication] "celui qui fait cela recevra une punition : le châtiment lui sera doublé le jour de la résurrection et il y demeurera perpétuellement, couvert d'ignominie. Sauf celui qui se repent, apporte foi et accomplit bonne action : car ceux-là Dieu change leurs mauvaises actions en bonnes. Et Dieu est Pardonnant, Miséricordieux" (Coran 25/68-70).
"عن منصور، عن سعيد بن جبير، قال: قال ابن أبزى: سل ابن عباس، عن قوله تعالى: {ومن يقتل مؤمنا متعمدا فجزاؤه جهنم خالدا فيها} وقوله: {ولا يقتلون النفس التي حرم الله إلا بالحق} حتى بلغ {إلا من تاب وآمن}. فسألته فقال: "لما نزلت قال أهل مكة: "فقد عدلنا بالله، وقد قتلنا النفس التي حرم الله إلا بالحق، وأتينا الفواحش"، فأنزل الله: {إلا من تاب وآمن وعمل عملا صالحا} إلى قوله {غفورا رحيما" (al-Bukhârî, 4487, Muslim, 3023). "قال يعلى: إن سعيد بن جبير أخبره عن ابن عباس رضي الله عنهما أن ناسا من أهل الشرك كانوا قد قتلوا وأكثروا، وزنوا وأكثروا، فأتوا محمدا صلى الله عليه وسلم فقالوا: "إن الذي تقول وتدعو إليه لحسن، لو تخبرنا أن لما عملنا كفارة". فنزل: {والذين لا يدعون مع الله إلها آخر، ولا يقتلون النفس التي حرم الله إلا بالحق، ولا يزنون} ونزلت {قل يا عبادي الذين أسرفوا على أنفسهم، لا تقنطوا من رحمة الله" (al-Bukhârî, 4532, Muslim, 122).
-
III) Et si, avant sa conversion à l'islam, l'homme avait négligé des actions obligatoires (telles que accomplir les prières quotidiennes) ?
A l'unanimité des ulémas, celui qui s'est converti à l'islam n'a pas à remplacer (qadhâ) les prières obligatoires qu'il n'avait pas faites quand il était non-musulman.
Il en est de même des jeûnes du ramadan, etc.
Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).