L'argent ne devient pas harâm (c'est-à-dire : non-halâl) de la même façon que la chair du porc est harâm. En effet, le qualificatif "harâm" (non-halâl) ne s'applique pas à ces deux choses de la même façon :
– l'alcool, de même que la chair du bœuf n'ayant pas été abattu de la façon voulue sont harâm en soi ; ils sont dits : "harâm fî nafsihî", ou encore : "harâm li wasfihî" ;
– la monnaie, elle, demeurent bien sûr halâl en soi, et elle est donc dite "halâl fî nafsihî". Quand on se questionne quant à savoir si l'argent dont on dispose est halal ou non, c'est uniquement dans la mesure où une somme d'argent est parfois illicite d'utilisation pour une ou quelques personne(s) précise(s) seulement, et ce à cause d'un caractère propre à ces personnes, ou à cause de la façon dont cette ou ces personne(s) a(ont) acquis cette somme d'argent.
On dit donc que la monnaie est "halâl fî nafsihî" mais peut en même temps devenir "harâm li kasbihî" / "harâm li shakhsin mu'ayyanin, bi sababi tarîqi kasbihî".
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Ci-dessous 4 cas de figure où l'argent dont Zayd prend possession (qabdh) n'est pas halal (ou pas toujours halal) pour lui :
Il est à noter que la distinction entre les cas numérotés ci-après "1", "2" et "3" a été faite en référence au principe synthétique proposé par l'école hanafite en matière de validité ou d'invalidité des transactions illicites, principe qui a été exposé dans un autre article. Je vous prie donc de lire celui-ci avant de continuer, afin de prendre connaissance de ce que les juristes hanafites nomment : "transaction bâtil" (c'est le cas numéroté "1" ci-après) ; "transaction fâssid" (cas 2) ; et "transaction mak'rûh tahrîmî" (cas 3).
Il faut également savoir que, pour les règles qui sont exposées ci-après, certaines sont telles qu'il existe à leur sujet des avis divergents chez l'ensemble des ulémas mujtahidûn (mukhtalaf fîhâ). Cependant, alors que dans d'autres articles j'ai l'habitude d'exposer différents avis existant chez différents mujtahidûn, ci-après je n'exposerai que des avis existant au sein de l'école hanafite.
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Cas 0) Zayd utilise de l'argent appartenant à quelqu'un d'autre, sans son consentement :
Zayd ne devient bien évidemment pas propriétaire de la somme d'argent qu'elle a ainsi volée. Et cette somme d'argent n'est bien entendu pas licite (pas halal) pour Zayd.
(Le terme "vol" a été ici utilisé avec son sens large, équivalent en arabe à "ghasb", lequel a un sens plus vaste que le terme "sariqa", lequel désigne uniquement le fait de dérober de façon cachée quelque chose qui est gardé : cf. Al-Hidâya 2/356 ; Al-Mughnî 7/31, 12/323, 408.)
De même, on ne peut pas percevoir, de la part des fonds publics du pays où l'on vit, une somme d'argent que l'on ne mérite pas au vu des règlements du pays, car ceux-ci la réservent à ceux qui sont dans le besoin alors qu'on ne se trouve pas dans une situation qui correspond à ce qui est spécifié, et qu'on n'obtient donc cette aide que par mensonge. Un tel argent a été obtenu par vol (ghasb).
Si on l'avait perçu par ignorance ou par manque de piété, on doit le rendre lui-même (si les billets qu'on a reçus sont toujours auprès de nous) ou on doit rendre la même somme d'argent (si on avait déjà dépensé les billets reçus) aux institutions qui nous l'ont versé. Si cela n'est pas possible parce que risquant d'entraîner les graves complications que l'on devine bien, on donnera la même somme d'argent à des nécessiteux (d'autres institutions publiques, ou des institutions caritatives font aussi l'affaire, du moment que leurs dépenses sont faites en accord avec nos principes).
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Un point qui est à noter ici est que l'école hanafite (contrairement à l'école shafi'ite) est d'avis que la monnaie est fongible (ghayr muta'ayyan). Le fait est que si tout bien matériel est utilisé directement, l'argent a cette particularité que la seule utilisation qui puisse en être faite est de le dépenser afin d'obtenir en échange un bien de consommation. La monnaie constitue donc seulement un moyen d'échange. N'étant ainsi pas consomptible, elle est systématiquement fongible (ghayr muta'ayyan).
Dès lors, imaginez que, voulant acheter la voiture que mon voisin vend, je lui propose en contrepartie 4 billets de 500 euros précis que je lui désigne, et que nous tombons tous deux d'accord sur cela. En tant qu'acheteur réglant par de la monnaie, je peux tout à fait, ensuite, au moment de régler au vendeur (mon voisin) son dû, remplacer – fût-ce sans obtenir un nouvel accord de sa part – les 4 billets de 500 euros que je lui avais désignés par 4 autres billets de 500 euros. Je peux même les remplacer – toujours sans besoin d'un nouvel accord de sa part – par 10 billets de 200 euros chacun : le vendeur ne peut pas refuser, car l'essentiel est que la somme convenue (2 000 euros) lui soit versée, vu que l'argent est fongible et non-déterminé.
Par contre, le vendeur ne peut pas remplacer la voiture à propos de laquelle nous avons conclu la vente par une autre voiture semblable (il faudrait pour cela l'annulation du contrat conclu entre nous, suivi d'un nouveau contrat, d'un nouvel accord) : la raison en est que ce bien là est pour sa part déterminé.
Cela est vrai. Cependant, de cette règle générale (et normale) à propos de la monnaie, l'école hanafite exclut la somme d'argent qui a été dérobée (maghsûb, ce qui inclut la masrûq) et la somme d'argent qui a été confiée (mûda') : les sommes d'argent se trouvant dans ce cas sont pour leur part déterminées (muta'ayyan), dit l'école hanafite.
Ceci signifie qu'au cas où Zayd a dérobé 10 000 euros appartenant à quelqu'un d'autre (ghasb / sariqa), il doit lui restituer non pas seulement la même somme d'argent que celle qu'il lui a prise, mais les pièces et les billets mêmes qu'il lui a dérobés.
Ceci entraîne que Zayd n'a pas le droit de tirer profit de cette somme d'argent, en la dépensant pour s'acheter un bien matériel, se disant qu'il pourra de toute façon ultérieurement restituer au propriétaire le même montant. Il ne peut pas faire ainsi, même d'après l'école hanafite.
– Dès lors, si Zayd a utilisé cet argent volé pour s'acheter des biens destinés à la revente, et, ayant revendu ces biens, a réalisé un bénéfice de 8 000 euros, ce bénéfice n'est pas licite (pas halal) pour lui. Si Zayd a agi ainsi par ignorance ou sur un coup de tête, alors il doit, dès qu'il prend conscience de sa faute, donner ces 8 000 euros de bénéfice à des nécessiteux (tassaddaqa bi-r-rib'h) : c'est l'avis de Abû Hanîfa et de Muhammad ibn ul-Hassan, et c'est l'avis qui a été retenu au sein de l'école hanafite (Al-Hidâya 2/359-360. Voir aussi 2/50) (l'avis de Abû Yûssuf est contraire). Sauf si bien sûr, ayant rendu au propriétaire son argent, il lui a expliqué ce qui s'est passé et a obtenu son pardon, auquel cas Zayd peut ensuite utiliser ce bénéfice.
– Et si Zayd a utilisé l'argent volé pour s'acheter des biens destinés à son usage personnel (par exemple de la nourriture et des vêtements destinés à sa consommation), alors il a mal agi, et il devra restituer la même somme d'argent (par le biais d'autres pièces et billets, puisque les pièces et billets d'origine ne sont maintenant plus disponibles). Et ces nourriture et vêtements achetés avec cet argent volé ne sont eux non plus pas licites (pas halal) d'utilisation pour Zayd. C'est là un des deux avis* (fondés sur la position de Abû Hanîfa et Muhammad ibn ul-Hassan) ayant été mentionnés in Radd ul-muhtâr 9/278.
Zayd devra donner ces biens à un nécessiteux (sauf si bien sûr, ayant rendu au propriétaire son argent, il lui a expliqué ce qui s'est passé et a obtenu son pardon, auquel cas Zayd peut ensuite consommer ces biens).
[* Par contre d'après l'autre avis (qui est mentionné in Radd ul-muhtâr 9/277 et qui est le seul avis cité in Al-Hidâya 2/360), ces biens sont pour leur part licites d'utilisation personnelle pour Zayd, alors même que si Zayd avait revendu ces biens et avait réalisé un bénéfice, celui-ci serait illicite d'utilisation pour Zayd : nous l'avons déjà vu...]
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La même règle est valable dans le cas d'une wadî'a, c'est-à-dire d'un dépôt, de ce que quelqu'un nous a confié pour qu'on le garde pour lui : on doit restituer au propriétaire non pas seulement la somme qu'il nous a confiée pour la garder, mais bien les pièces et les billets mêmes qu'il nous a confiés.
Dès lors, si Bakr, en partance pour un long voyage, confie à Zayd la somme de 10 000 euros en lui demandant de la garder pour lui, Zayd ne peut pas, sans avoir obtenu le consentement explicite de Bakr, "emprunter" ces 10 000 euros pour ses besoins personnels, c'est-à-dire dépenser cette somme pour s'acheter des biens liés à son usage personnel, pensant ensuite restituer la même somme d'argent à Bakr.
Zayd ne peut pas, non plus, utiliser ces 10 000 euros pour faire du commerce, c'est-à-dire les dépenser pour acheter des vêtements destinés à la revente, revendre ces vêtements au prix de 18 000 euros, et, au retour de Bakr, rendre à ce dernier la somme des 10 000 euros qu'il lui avait confiée, tout en ayant fait travailler celle-ci et réalisé au passage un bénéfice de 8 000 euros. Même le bénéfice ainsi obtenu n'est pas licite (pas halal) pour Zayd, car ayant été réalisé en faisant travailler de l'argent qu'il n'avait pas le droit d'utiliser.
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Cas 1) C'est par le moyen d'un métier que Zayd gagne de l'argent. Par exemple il vend des biens matériels, réalisant un bénéfice par rapport au montant auquel il les avait achetés. Cependant, la vente que Zayd a faite tel jour était bâtil :
– Par exemple :
Zayd a obtenu en cadeau une bouteille d'alcool, et, ne pouvant la consommer parce que musulman, il a pensé bien faire en la vendant à Christian, un non-musulman, pour 15 euros (alors qu'il est interdit à un musulman non seulement de consommer mais aussi de vendre de l'alcool).
Dans ce cas, Zayd n'est pas devenu propriétaire de la somme d'argent qu'il a ainsi acquise en tant que vendeur : il doit s'en séparer en la remettant à un nécessiteux (pour ce dernier, cette somme d'argent sera par contre entièrement licite).
Etant donné que Zayd n'avait pas, ici, acheté cette bouteille d'alcool et n'avait donc investi aucun argent, la totalité du produit de la vente de cet alcool constitue pour Zayd un bénéfice : il doit donc en remettre l'intégralité à un nécessiteux, soit les 15 euros.
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– Second exemple :
Zayd a acheté une bouteille d'alcool en échange de 12 euros, puis l'a revendue à Christian, un non-musulman, pour 17 euros, réalisant ainsi un bénéfice de 5 euros.
Dans ce cas Zayd n'est pas devenu propriétaire du bénéfice (5 euros) qu'il a réalisé en revendant cette bouteille d'alcool, et il doit s'en séparer en remettant ces 5 euros à un pauvre.
Cependant, une fois le bénéfice retiré de la somme d'argent obtenue par cette vente, est-ce que Zayd peut garder le reste, c'est-à-dire l'équivalent du prix auquel il avait acheté la bouteille d'alcool, soit 12 euros ? En d'autres termes : ici est-ce seulement le bénéfice réalisé (5 euros), ou bien la totalité de la somme d'argent (17 euros) qui est illicite ? Je ne sais pas (لا أدري).
Si maintenant Christian consomme l'alcool que Zayd lui a vendu et que Zayd ne peut donc plus lui proposer de lui rendre son argent, de reprendre la bouteille d'alcool et de se débarrasser de celle-ci, que fera Zayd de la somme d'argent se trouvant en sa possession comme contrepartie de cet alcool ?
Dans le premier exemple, la totalité de la somme d'argent que Zayd en avait obtenue, et, dans le second exemple, soit la totalité de la somme d'argent (17 euros), soit seulement le bénéfice réalisé (5 euros) (j'ai dit à l'instant que je ne savais pas), cela reste illicite (pas halal) pour Zayd, qui ne peut pas utiliser cette somme d'argent mais doit s'en séparer en la donnant à un nécessiteux.
– Si maintenant Zayd (au lieu de se séparer de cet argent comme il aurait dû le faire) a utilisé cet argent illicite pour acheter un bien consomptible destiné à sa consommation personnelle (par exemple de la nourriture, ou des vêtements), alors ce bien n'est lui non plus pas licite (pas halal) pour Zayd ; il doit donner cette nourriture et ces vêtements à un nécessiteux.
– Si maintenant Zayd (au lieu de se séparer de cet argent comme il aurait dû le faire) a utilisé cet argent illicite pour acheter un vêtement destiné à la revente (payant ce vêtement 10 euros et le revendant ensuite à Salim pour 18 euros, réalisant au passage un nouveau bénéfice de 8 euros), alors ce nouveau bénéfice (8 euros) est lui aussi illicite (pas halal) pour Zayd, qui doit le donner à un nécessiteux (vu d'une part ce qui est écrit in Al-Hidâya 2/50, et d'autre part que la somme d'argent obtenue suite à une transaction bâtil est comparable à une somme d'argent maghsûb : Radd ul-muhtâr 7/247 ; elle est donc muta'ayyan, et Zayd doit s'en séparer).
"والأصل في هذا أن المال نوعان: نوع لا يتعين في عقود المعاوضات كالدراهم والدنانير؛ ونوع يتعين وهو ما سواهما.
والخبث نوعان: خبث في البدل لعدم الملك في المبدل، وخبث لفساد الملك.
فالخبث لعدم الملك يعمل في النوعين حتى أن الغاصب أو المودع إذا تصرفا في المغصوب والوديعة، وهما عرض أو نقد، وأديا ضمانهما وفضل ربح وجب التصدق به عند أبي حنيفة ومحمد؛ لأنه بدل مال الغير فيما يتعين، فيثبت فيه حقيقة الخبث؛ وفيما لا يتعين، إن لم يكن ما اشتراه به بدلَ مال الغير (لأن العقد لا يتعلق به بل بمثله في الذمة) لكنه إنما توسل إلى الربح بالمغصوب أو الوديعة، فتمكن فيه شبهة الربح بمال الغير، من حيث أنه يتعلق به سلامة المبيع (إن نقد الدراهم المغصوبة) أو تقدير الثمن (إن أشار إلى الدراهم المغصوبة ونقد من غيرها)؛ فيتصدق به؛ لأن الشبهة معتبرة كالحقيقة في أبواب الربا" (Fat'h ul-qadîr 6/434).
Cet argent, Zayd n'en était pas devenu propriétaire, et si donc il l'utilise pour acheter autre chose et fait un nouveau bénéfice en revendant cette autre chose, il s'ensuit un khubth shub'hatan dans ce nouveau bénéfice. C'est pourquoi ce nouveau bénéfice est lui aussi illicite pour Zayd.
(C'est ce qui fait la différence avec le cas parallèle que nous verrons plus bas, dans le cadre de la vente fâssid (2) : celui qui a obtenu un bénéfice par le biais d'une transaction fâssid et utilise ce bénéfice pour acheter quelque chose qu'il revend et fait un nouveau bénéfice, pour lui cela est licite : "وإذا ظهر هذا، فمن اشترى جارية بيعا فاسدا وتقابضا، فباعها [المشتري] وربح فيها، تصدق بالربح؛ وإن اشترى البائع بالثمن شيئا [فباعه] وربح فيه، طاب له الربح" (Al-'Inâya, 6/433).)
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Cas 2) C'est par le moyen d'un métier que Zayd gagne de l'argent. Cependant, la transaction que Zayd a faite tel jour et qui lui a fait obtenir cet argent était fâssid :
Nous citons ci-après deux exemples (peut-être un troisième aussi)...
– 2.1) Un premier exemple :
Zayd est vendeur. Il a vendu des vêtements à Bakr et a ainsi obtenu de l'argent, sous la forme du bénéfice qu'il a alors réalisé (il s'agit de la différence entre le prix auquel il avait acheté ces vêtements à son fournisseur et le prix auquel il les a revendus à ce Bakr). Cependant, il y avait, dans la transaction que Zayd et Bakr ont conclue, un flou interdit (gharar), ce qui entraîne que la vente que Zayd a ainsi réalisée est illicite (sur le plan moral) et est fâssid (sur le plan juridique).
– 2.2) Un second exemple :
Zayd a obtenu de l'argent de la banque, par le biais d'un emprunt à intérêt.
– 2.3) Un troisième exemple ?
Le "bénéfice" que le prêteur touche sur l'argent qu'il prête, relève-t-il lui aussi de ce cas de figure 2 ?
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– 2.1) Dans le premier exemple :
Zayd a vendu des vêtements à Bakr, et, en échange, Zayd a reçu de Bakr une somme d'argent correspondant au prix (ath-thaman) de ces vêtements vendus. Cependant il y avait dans leur transaction un flou interdit (gharar), ce qui entraîne que la vente est illicite (sur le plan moral) et est fâssid (sur le plan juridique).
– Etant donné que la transaction est fâssid, il est obligatoire à Zayd (le vendeur) comme à Bakr (l'acheteur) de l'annuler : "(و) يجب (على كل واحد منهما فسخه قبل القبض) ويكون امتناعا عنه: ابن الملك (أو بعده، ما دام) المبيع بحاله: جوهرة (في يد المشتري إعداما للفساد)، لأنه معصية فيجب رفعها: بحر .(و) لذا (لا يشترط فيه قضاء قاض)، لأن الواجب شرعا لا يحتاج للقضاء: درر .(وإذا أصر) أحدهما (على إمساكه وعلم به القاضي، فله فسخه) جبرا عليهما حقا للشرع: بزازية" (Ad-Durr ul-mukhtâr 7/290-291).
Et vu qu'il est obligatoire de l'annuler, il est interdit à Bakr (l'acheteur) de faire ce qui en empêcherait l'annulation : revendre la marchandise : "قوله: ولكل واحد من المتبايعين فسخه رفعا للفساد) أي للمعصية، فرفعه حق لله تعالى. فإن نفس العقد [الأول]: مكروه. والجري على موجبه بالتصرف في المبيع ـ تمليك أو انتفاع بوطء أو لبس أو أكل ـ : كذلك؛ أي: يكره، لما فيه من تقرير المعصية. وهي كراهة التحريم؛ والوجه أن يكون حراما، لأن الإجماع على منعه شرعا قطعي يوجب الحرمة" (Fat'h ul-qadîr, 6/426).
– Ici Zayd le vendeur deviendra propriétaire de la somme d'argent (nuqûd) convenue comme prix de ces vêtements (thaman), mais seulement à partir de l'instant où Bakr lui remettra cette somme (et non pas depuis le moment où la transaction a été conclue) (et ce à cause du fait que la transaction est fâssid).
– De même, Bakr l'acheteur deviendra propriétaire de ces vêtements, mais seulement à partir du moment où il en prendra livraison.
– La possibilité d'annuler la transaction demeure tant que Bakr se trouve en possession de ces vêtements que Zayd lui a vendus. Car si Bakr revend ces vêtements, ou les offre à une tierce personne, il n'est plus possible d'annuler cette vente fâssid, ni de la faire annuler par le qâdhî : "(فإن باعه) أي باع المشتري المشترى فاسدا (بيعا صحيحا باتا) فلو فاسدا أو بخيار لم يمتنع الفسخ (لغير بائعه) فلو منه كان نقضا للأول كما علمت (وفساده بغير الإكراه) فلو به ينقض كل تصرفات المشتري (أو وهبه وسلم أو أعتقه) أو كاتبه أو استولدها ولو لم تحبل ردها مع عقرها اتفاقا سراج (بعد قبضه) فلو قبله لم يعتق بعتقه بل بعتق البائع بأمره؛ وكذا لو أمره بطحن الحنطة أو ذبح الشاة فيصير المشتري قابضا اقتضاء فقد ملك المأمور ما لا يملكه الآمر؛ وما في الخانية على خلاف هذا إما رواية أو غلط من الكاتب كما بسطه العمادي (أو وقفه) وقفا صحيحا، لأنه استهلكه حين وقفه وأخرجه عن ملكه؛ وما في جامع الفصولين على خلاف هذا غير صحيح كما بسطه المصنف (أو رهنه أو أوصى) أو تصدق (به) نفذ البيع الفاسد في جميع ما مر وامتنع الفسخ لتعلق حق العبد به إلا في أربع مذكورة في الأشباه، وكذا كل تصرف قولي غير إجارة ونكاح وهل يبطل نكاح الأمة بالفسخ، المختار نعم السجاعي، ومتى زال المانعكرجوع هبة وعجز مكاتب وفك رهن عاد حق الفسخ لو قبل القضاء بالقيمة لا بعده" (Ad-Durr ul-mukhtâr 7/290-291).
Dès lors, si Bakr revend à Yahya ces vêtements qu'il avait achetés à Zayd, il n'est plus possible d'annuler la vente conclue entre Zayd et Bakr. A présent :
--- si c'est avant même d'avoir réglé à Zayd le prix auquel il les lui avait achetés, que Bakr a revendu à Yahya ces vêtements : il faudra bien que Bakr règle à Zayd ce qu'il lui doit pour lui avoir acheté des vêtements qu'il a déjà revendus ; cependant, Bakr ne devra alors à Zayd que le prix sur le marché (qîma), et non pas le prix convenu (thaman) (Al-Hidâya 2/49).
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– Bien que Bakr (l'acheteur) en est devenu propriétaire, il lui est illicite d'utiliser ces vêtements : "وإذا قبض المشتري المبيع برضا) عبر ابن الكمال بإذن (بائعه صريحا أو دلالة) بأن قبضه في مجلس العقد بحضرته (في البيع الفاسد) وبه خرج الباطل وتقدم مع حكمه وحينئذ فلا حاجة لقول الهداية والعناية: وكل من عوضيه مال كما أفاده ابن الكمال، لكن أجاب سعدي بأنه لما كان الفاسد يعم الباطل مجازا كما مر حقق إخراجه بذلك فتنبه (ولم ينهه) البائع عنه ولم يكن فيه خيار شرط (ملكه) (...). وإذا ملكه تثبت كل أحكام الملك إلا خمسة: لا يحل له أكله، ولا لبسه، ولا وطؤها، ولا أن يتزوجها منه البائع، ولا شفعة لجاره لو عقارا (أشباه)، وفي الجوهرة وشرح المجمع: ولا شفعة بها؛ فهي سادسة" (Ad-Durr ul-mukhtâr 7/289).
Il lui est également interdit de les revendre : "قوله: ولكل واحد من المتبايعين فسخه رفعا للفساد) أي للمعصية، فرفعه حق لله تعالى. فإن نفس العقد [الأول]: مكروه. والجري على موجبه بالتصرف في المبيع ـ تمليك أو انتفاع بوطء أو لبس أو أكل ـ : كذلك؛ أي: يكره، لما فيه من تقرير المعصية. وهي كراهة التحريم؛ والوجه أن يكون حراما، لأن الإجماع على منعه شرعا قطعي يوجب الحرمة" (Fat'h ul-qadîr, 6/426, déjà cité plus haut). Mais si Bakr (l'acheteur) revend quand même à Yahya ces vêtements (qu'il avait achetés à Zayd), sa vente sera valide (Ad-Durr ul-mukhtâr 7/290-291). Al-Bâbartî écrit : "فالمذكور في شرح الطحاوي [من عدم حل الانتفاع بالمشترَى] يحمل على عدم الطيب (...). وجواز التصرف: باعتبار أصل الملك، وهو ينفك عن صفة الحل" (Al-'Inâya, 6/428 : il voulait dire que Bakr possède le droit fî nafsihî de le revendre, et ce parce qu'il en est devenu propriétaire, même si faire cela contient un interdit li ghayrihî).
– Et si Bakr (l'acheteur) revend ces vêtements et réalise alors un bénéfice, ce bénéfice reste illicite pour lui (Bakr) : "قال: "ومن اشترى جارية بيعا فاسدا وتقابضا فباعها [وأصبح بائعًا ثانيًا] وربح فيها، تصدق بالربح" (Al-Hidâya 2/50). Il y a, se fondant sur l'avis suscité de Abû Hanîfa et Muhammad ibn ul-Hassan, une seule riwâya sur le sujet.
– Cependant, ce bénéfice illicite, si Bakr l'utilise malgré tout, et achète par son biais d'autres vêtements, et, revendant ceux-ci, réalise un second bénéfice, alors ce bénéfice là sera quant à lui licite pour Bakr. C'est le même cas que si Zayd le faisait avec son bénéfice, et c'est ce que nous allons voir ci-après...
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– Parlons maintenant de Zayd le vendeur : Comme contrepartie des vêtements que Zayd avait vendus à Bakr (par le biais de la vente fâssid), Zayd (le vendeur) a reçu de Bakr (l'acheteur) la somme d'argent fixée.
--- Le prix d'achat, c'est-à-dire l'équivalent du prix auquel Zayd avait lui-même acheté ces vêtements à son fournisseur, Zayd (le vendeur) peut le garder.
--- Mais le bénéfice qu'il a réalisé, alors ?
------ si Zayd (le vendeur) utilise ce bénéfice pour acheter de nouveaux vêtements destinés à la revente, et par la suite revend ces vêtements à Salim, réalisant au passage un second bénéfice, alors ce nouveau bénéfice sera pour sa part licite (halal) pour Zayd :
"وإذا ظهر هذا، فمن اشترى جارية بيعا فاسدا وتقابضا، فباعها [المشتري] وربح فيها، تصدق بالربح؛ وإن اشترى البائع بالثمن شيئا [فباعه] وربح فيه، طاب له الربح" (Al-'Inâya, 6/433).
"وبيانه أنه إذا باع فاسدا وقبض دراهم الثمن ثم فسخ العقد، يجب رد تلك الدراهم بعينها على المشتري، لأن الأصح تعينها في البيع الفاسد؛ فلو اشترى بها عبدا مثلا شراء صحيحا، طاب له ما ربح؛ لأنها لا تتعين في هذا العقد الثاني لكونه عقدا صحيحا، حتى لو أشار إليها وقت العقد، له دفع غيرها؛ فعدم تعينها في هذا العقد الصحيح لا ينافي كون الأصح تعينها في العقد الفاسد" (Radd ul-muhtâr 7/298-299).
C'est ce qui fait la différence avec le cas de figure équivalent, au sein du cas n° 1 (exposé plus haut), où le nouveau bénéfice restait également illicite (pas halal) pour Zayd.
--- Mais le premier bénéfice, qu'en est-il si Zayd (le vendeur) l'a utilisé pour s'acheter des biens consomptibles destinés à sa consommation personnelle, par exemple de la nourriture : celle-ci est-elle licite à consommer directement pour Zayd ?
En fait les écrits hanafites m'ont été difficiles à comprendre sur ce point précis...
------ A l'origine, cette question a été évoquée ainsi par Abû Hanîfa :
"في الجامع، فإن فيه محمدا عن يعقوب عن أبي حنيفة في رجل اشترى من رجل جارية بيعا فاسدا بألف وتقابضا وربح كل واحد منهما فيما قبض: قال: "يتصدق الذي قبض الجارية بالربح، ويطيب الربح للذي قبض الدراهم." (Fat'h ul-qadîr 6/434) ;
"صورة المسألة ما ذكره محمد في الجامع الصغير: اشترى من رجل جارية بيعا فاسدا بألف درهم وتقابضا وربح كل منهما فيما قبض: يتصدق الذي قبض الجارية بالربح، ويطيب الربح للذي قبض الدراهم اهـ" (cité dans Radd ul-muhtâr 7/298) :
Muhammad ibn ul-Hassan relate de Abû Yûssuf que Abû Hanîfa fut questionné au sujet de deux personnes [Bakr et Zayd] qui ont conclu "une vente fâssid pour un montant de 1 000 (dirhams) ; (l'acheteur et le vendeur) [Bakr et Zayd respectivement] prennent possession (de ce qui leur revient de par cette vente fâssid) ; et chacun d'eux obtient un bénéfice dans ce dont il a pris possession". Abû Hanîfa répondit que (dans ce cas) "l'acheteur [= Bakr] doit donner le bénéfice à un nécessiteux, (tandis que) pour le vendeur [= Zayd] le bénéfice est licite".
Cela s'applique à l'argent que Zayd obtient en faisant un second bénéfice.
Mais cela s'applique-t-il aussi au bien matériel que Zayd achète avec son premier bénéfice (lequel bien matériel serait alors licite pour Zayd) ?
------ Dans Al-Hidâya, on lit ceci : "قال: "ومن اشترى جارية بيعا فاسدا وتقابضا فباعها [وأصبح بائعًا ثانيًا] وربح فيها تصدق بالربح؛ ويطيب للبائع [الأول] ما ربح في الثمن". والفرق: أن الجارية مما يتعين، فيتعلق العقد بها، فيتمكن الخبث في الربح؛ والدراهم والدنانير لا يتعينان على العقود، فلم يتعلق العقد الثاني بعينها، فلم يتمكن الخبث، فلا يجب التصدق؛ وهذا في الخبث الذي سببه فساد الملك. أما الخبث لعدم الملك فعند أبي حنيفة ومحمد يشمل النوعين لتعلق العقد فيما يتعين حقيقة، وفيما لا يتعين شبهة من حيث أنه يتعلق به سلامة المبيع أو تقدير الثمن. وعند فساد الملك تنقلب الحقيقة شبهة، والشبهة تنزل إلى شبهة الشبهة؛ والشبهة هي المعتبرة، دون النازل عنها" :
Si deux personnes [par exemple Zayd et Bakr] concluent à propos d'un bien consomptible une transaction fâssid, que l'acheteur [Bakr] prend possession de ce bien, que le vendeur [Zayd] prend possession de la somme d'argent convenue, et qu'ensuite l'acheteur [Bakr] revend ce bien en faisant un bénéfice, alors : "pour le vendeur (originel) [= Zayd], le bénéfice qu'il a obtenu dans le prix convenu, cela est halal pour lui" ; tandis que le bénéfice obtenu par l'acheteur ayant revendu [= Bakr] n'est pas halal pour celui-ci (Al-Hidâya 2/50).
------ La même chose peut être lue dans Ad-Durr ul-mukhtâr (7/298).
Il est dit ici que :
- a) la vente bâtil entraîne un "khubth" :
-- haqîqatan dans le bien consomptible ;
-- shub'hatan dans la monnaie ;
- b) mais que la vente fâssid entraîne un "khubth" :
-- shub'hatan dans le bien consomptible ;
-- shub'hata shub'hatin dans la monnaie.
Or le shub'ha est pris en considération, en ce qu'il entraîne l'illicité ; mais pas le shub'hat ush-shub'ha : il n'entraîne pas l'illicité.
La vente fâssid n'entraîne donc pas de khubth dans la monnaie.
On dirait que c'est cette interprétation du propos de Abû Hanîfa qui a conduit à la riwâya de Abû Hafs ("l'argent /nuqûd obtenu lors d'une vente fâssid reste fongible").
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------ Par contre, dans Al-'Inâya, c'est seulement le second bénéfice obtenu par Zayd qui est déclaré "licite" pour lui :
"اعلم أن الأموال على نوعين: نوع لا يتعين في العقد كالدراهم والدنانير، ونوع يتعين كخلافهما. والخبث أيضا على نوعين: خبث لفساد الملك، وخبث لعدم الملك. فأما الأول فإنه يؤثر فيما يتعين دون ما لا يتعين. والثاني يؤثر فيهما جميعا.
وإذا ظهر هذا، فمن اشترى جارية بيعا فاسدا وتقابضا فباعها وربح فيها تصدق بالربح؛ وإن اشترى البائع بالثمن شيئا [فباعه] وربح فيه طاب له الربح؛ لأن الجارية مما يتعين بالتعيين، فيتعلق العقد بها، ويؤثر الخبث في الربح؛ والدراهم والدنانير لا يتعينان، فلم يتعلق العقد الثاني بعينها، فلم يؤثر الخبث فيه، لأنه لفساد الملك لا لعدمه. ومعنى عدم التعين فيها أنه لو أشار إليها وقال "اشتريت منك هذا العبد بهذه الدراهم"، كان له أن يتركها ويدفع إلى البائع غيرها، لما أن الثمن يجب في ذمة المشتري لا يتعلق بعين تلك الدراهم المشار إليها في البياعات. وهذا إنما يستقيم على الرواية الصحيحة، وهي أنها لا تتعين. لا على الأصح وهي التي تقدمت أنها تتعين في البيع الفاسد لأنها بمنزلة المغصوب؛ ومن غصب جارية وباعها بعد ضمان قيمتها فربح فيها، أو غصب دراهم وأدى ضمانها واشترى بها شيئا وباعه وربح فيه: تصدق بالربح" : "Quelqu'un [= Bakr] a acheté (une marchandise) par vente fâssid ; (acheteur et vendeur) [Bakr et Zayd respectivement] ont pris possession (de ce qui leur revenait). Puis (l'acheteur) [Bakr] a revendu cette (marchandise) et a réalisé un bénéfice par elle : il [Bakr] doit alors donner à un nécessiteux ce bénéfice. (Par contre) si le vendeur (originel) [Zayd] a, grâce à la monnaie obtenue, acheté quelque chose et a réalisé un bénéfice par ce (quelque chose), alors ce bénéfice est licite pour lui" (Al-'Inâya, al-Bâbartî, 6/433).
------ La même chose peut être lue dans Fat'h ul-qadîr :
"(قوله ومن اشترى جارية بيعا فاسدا وتقابضا فباعها) المشتري (وربح فيها تصدق بالربح؛ ويطيب لبائعه ما ربح في الثمن) الذي قبضه من المشتري إذا عمل فربح.
والأصل في هذا أن المال نوعان: نوع لا يتعين في عقود المعاوضات كالدراهم والدنانير؛ ونوع يتعين وهو ما سواهما.
والخبث نوعان: خبث في البدل لعدم الملك في المبدل، وخبث لفساد الملك.
فالخبث لعدم الملك يعمل في النوعين حتى أن الغاصب أو المودع إذا تصرفا في المغصوب والوديعة وهما عرض أو نقد وأديا ضمانهما وفضل ربح وجب التصدق به عند أبي حنيفة ومحمد؛ لأنه بدل مال الغير فيما يتعين، فيثبت فيه حقيقة الخبث؛ وفيما لا يتعين، إن لم يكن ما اشتراه به بدلَ مال الغير (لأن العقد لا يتعلق به بل بمثله في الذمة) لكنه إنما توسل إلى الربح بالمغصوب أو الوديعة، فتمكن فيه شبهة الربح بمال الغير، من حيث أنه يتعلق به سلامة المبيع (إن نقد الدراهم المغصوبة) أو تقدير الثمن (إن أشار إلى الدراهم المغصوبة ونقد من غيرها)؛ فيتصدق به؛ لأن الشبهة معتبرة كالحقيقة في أبواب الربا.
والخبث لفساد الملك: دون الخبث لعدم الملك؛ فيوجب: شبهةَ الخبث فيما يوجب فيه عدم الملك: حقيقة الخبث، وهو ما يتعين، كالجارية في مسألتنا، ويتعدى إلى بدلها؛ وشبهةَ الشبهة فيما يوجب فيه عدم الملك: الشبهة، وهو ما لا يتعين؛ وشبهة الشبهة غير معتبرة، لأن اعتبار الشبهة خلاف الأصل بالنص (وهو نهيه عن الربا والريبة)، فلا يتعدى؛ وإلا اعتبر ما دونها كشبهة شبهة الشبهة وهلم، فينسد باب التجارة، وهو مفتوح. فلذا قال: يتصدق المشتري بالربح فيها، ويطيب للبائع ما ربح في الثمن.
ولا شك أن هذا إنما هو على الرواية القائلة: إنه لا تتعين النقود في البيع الفاسد.
أما على الرواية القائلة: تتعين، فحكم الربح في النوعين كالغصب: لا يطيب" (Fat'h ul-qadîr, 6/433-434).
Ces deux autres écrits montrent que si Zayd utilise le bénéfice obtenu lors de la vente fâssid faite avec Bakr pour acheter autre chose, et, alors, fait un nouveau bénéfice, c'est ce nouveau bénéfice qui sera halal pour lui.
Mais qu'en est-il du premier bénéfice ? Si, de l'énoncé de Abû Hanîfa, on comprend que ce premier bénéfice n'est pour sa part pas licite pour Zayd, alors cette compréhension entraîne que la vente fâssid entraîne (tout comme la vente bâtil) un "khubth" :
-- haqîqatan dans le bien consomptible ;
-- shub'hatan dans la monnaie.
Et que c'est seulement quand cette monnaie a été utilisée pour une seconde transaction que le khubth passe au niveau shub'hat ush-shub'ha (lequel n'est pas pris en considération).
On dirait que c'est cette interprétation du propos de Abû Hanîfa qui a conduit à la riwâya de Abû Sulaymân ("l'argent /nuqûd obtenu lors d'une vente fâssid est déterminé").
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De quel bénéfice parlait donc Abû Hanîfa quand il disait que le "bénéfice" que le vendeur [Zayd] a obtenu dans ce dont il a pris possession est halal pour lui ?
– est-ce ce premier bénéfice obtenu par Zayd lors de la vente fâssid ? (c'est ce que semble montrer le texte de Al-Hidâya et de Ad-Durr ul-mukhtâr) ;
– ou bien est-ce seulement un second bénéfice que Zayd réalise par le fait qu'il achète, avec le premier bénéfice obtenu par la vente fâssid, un bien consomptible et qu'il revend ce bien ? (comme semble l'indiquer le texte de Al-'Inâya et de Fat'h ul-qadîr).
Je ne suis certain de rien (لا أدري).
Cependant, quand on lit que acheteur mais aussi vendeur ont le devoir d'annuler la transaction fâssid qu'ils ont conclue (cf. Ad-Durr ul-mukhtâr 7/290-291), et quand on lit que, même s'il en est devenu propriétaire, le bien consomptible (sil'a) obtenu par Bakr par une vente fâssid n'est pas halal d'utilisation personnelle pour lui (cf. Ad-Durr ul-mukhtâr 7/289), on se dit qu'il est difficile de pencher vers la première option et de dire que (même si l'argent /nuqûd obtenu lors d'une vente fâssid reste fongible, en vertu de la riwâyah de Abû Hafs, et pas de celle de Abû Sulaymân : Fat'h ul-qadîr, 6/431) l'argent obtenu par Zayd comme bénéfice de cette vente fâssid serait, pour sa part, par contre entièrement halal pour Zayd, au point qu'il n'aurait même pas à se défaire d'une somme d'argent équivalente...
Personnellement je penche donc vers la seconde option, wallâhu A'lam, celle que semble indiquer les textes de Al-'Inâya et de Fat'h ul-qadîr.
Même si on retient la riwâyah de Abû Hafs, selon laquelle l'argent obtenu dans une transaction fâssid est déterminé, cette seconde option se traduit par la nécessité de se défaire, ultérieurement, d'une somme d'argent équivalente.
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– 2.2) Dans le second exemple :
Zayd emprunte à son banquier de l'argent ; il lui fait donc un emprunt (destiné à l'investissement ou à la consommation), avec comme condition qu'il lui rendra la même somme d'argent, majorée d'un intérêt de 4 %. Cette transaction est elle aussi est illicite (sur le plan moral) et est fâssid (sur le plan juridique). Qu'en est-il donc de l'argent que Zayd a ainsi obtenu de la banque, et de l'argent qu'il obtiendra ultérieurement en faisant "travailler" cet argent obtenu de la banque ?
Zayd n'a pas entre les mains une somme d'argent (nuqûd) qu'il a dérobée, mais une somme d'argent acquise d'une façon illicite. Etant donné que la transaction est fâssid, il est obligatoire à Zayd d'annuler celle-ci.
– Et si Zayd ne l'a pas fait mais a, au contraire, dépensé cet argent pour acheter des biens destinés à sa consommation personnelle (dans le cadre d'un crédit à la consommation), alors Zayd est également fautif (âthim), mais pour ce qui est de la licité ou l'illicité de l'utilisation des biens qu'il a ainsi achetés, ce sont les mêmes questionnements que nous avons vus par rapport au premier exemple, 2.1, qui apparaissent ici.
– Et si Zayd n'a pas annulé son emprunt mais a, au contraire, utilisé cet argent pour acheter (dans le cadre d'un crédit pour investissement) des biens commerciaux (par exemple des vêtements destinés à la revente), alors Zayd est fautif (âthim), mais le bénéfice qu'il obtiendra par la revente de ces vêtements sera pour sa part licite (halal) pour lui (comme dans le premier exemple, 2.1, cité plus haut). Cela est comparable au cas de figure ainsi exposé (et déjà cité plus haut) : "وإذا ظهر هذا، فمن اشترى جارية بيعا فاسدا وتقابضا، فباعها [المشتري] وربح فيها، تصدق بالربح؛ وإن اشترى البائع بالثمن شيئا [فباعه] وربح فيه، طاب له الربح" (Al-'Inâya, 6/433) ; cependant, ici, en 2.2, il ne s'agit plus de thamanu bay'in fâssid, mais de nuqûd hussilat 'alayhâ bi 'aqdi îkâl ir-ribâ, ce qui est également interdit.
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Cas 3) C'est par le moyen d'un métier que Zayd gagne de l'argent : par exemple il vend des biens matériels, réalisant un bénéfice par rapport au montant auquel il les avait achetés. Cependant, la vente que Zayd a faite tel jour était mak'rûh tahrîmî :
Par exemple Zayd a vendu des vêtements à 'Amr, mais la transaction a eu lieu après l'appel à la prière de la prière du vendredi, pendant que tous deux demeuraient dans le magasin de Zayd (vu que s'ils avait alors été en train de se diriger alors vers la mosquée, la transaction n'aurait pas été interdite d'après l'école hanafite, lire le point 4 d'un autre de nos articles), ce qui fait que cette transaction est illicite (sur le plan moral), et dite "mak'rûh" (sur le plan juridique).
Zayd est alors devenu propriétaire du prix convenu (thaman) pour ces vêtements, dès que 'Amr et lui ont conclu la vente, avant même que 'Amr lui verse cet argent (note de bas de page n° 9 sur Al-Hidâya 2/51). Cependant, il est obligatoire à Zayd comme à Bakr d'annuler cette vente (ce qui restera possible tant que Bakr demeure en possession de ces vêtements que Zayd lui a vendus), comme al-Haskafî l'a écrit (Ad-Durr ul-mukhtâr avec Radd ul-muhtâr, 7/304-310).
– Si maintenant 'Amr revend à une tierce personne les vêtements qu'il avait achetés à Zayd, il n'est plus possible d'annuler la vente conclue entre Zayd et 'Amr. Cependant, cet argent – ou plus précisément la partie de cet argent qui constitue le bénéfice que Zayd (le vendeur) a réalisé – est-il licite d'utilisation pour Zayd ? Les possibilités évoquées dans le cas 2 s'appliquent aussi ici.
– Si maintenant Zayd a utilisé le bénéfice obtenu lors de la vente des vêtements à 'Amr, par exemple en investissant ce bénéfice dans l'achat de nouveaux vêtements (au lieu de se séparer de ce bénéfice et de le donner à un pauvre, comme il aurait dû le faire), et que Zayd a ensuite revendu à Salim ces vêtements nouvellement acquis, réalisant au passage un nouveau bénéfice, alors ce nouveau bénéfice est quant à lui licite (halal) pour Zayd, similairement à ce que nous avions vu au cas 2.
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Dans les cas de figure 1, 2 et 3, nous n'avons évoqué que le fait de gagner de l'argent par le biais d'un commerce. Mais qu'en est-il si Zayd gagne de l'argent en étant employé (ajîr khâss) ou prestataire de services (dans certains cas : ajîr khâss ; dans d'autres cas : ajîr mushtarak) ?
– Il existe le cas où cette transaction est fassid (ce qui correspond au cas 2) : c'est lorsque par exemple un flou conséquent a été laissé dans la transaction : par exemple Zayd a loué ses services de jardinage pour la journée, mais a dit à celui qui l'emploie : "Ne parlons pas du prix pour le moment. C'est ensuite qu'on verra combien je te facture ce service".
– Si, par contre, le service même que Zayd vend est interdit, alors la transaction est bâtil : c'est le cas de la prostitution, par exemple.
Ceci correspond au cas 1 cité plus haut : ce en échange de quoi on acquiert de l'argent est illicite en soi ; et on ne devient alors pas propriétaire de la somme d'argent qu'on a touchée : on doit donner celle-ci à un nécessiteux.
– Il y a enfin le cas où Zayd a pris, de celui qui l'emploie, de l'argent injustement (ceci correspond au cas 0).
Par exemple Zayd est venu travailler moins que le temps sur lequel il s'était mis d'accord, mais a menti à l'employeur en lui faisant croire qu'il avait été présent tout le temps voulu, et a donc touché plein salaire.
Ou bien Zayd était présent mais s'est adonné – sans le consentement de l'employeur – à une autre activité que celle qui était prévue dans le contrat. Une partie du salaire acquis de la sorte a donc été obtenue par vol.
Ou encore Zayd a menti à son employeur en lui faisant croire qu'il devait s'absenter une matinée pour une raison familiale grave – alors qu'il n'en était rien – et l'employeur, par bonté, l'a payé plein salaire.
L'inverse est également vrai: il y a aussi l'employeur qui fait travailler son employé plus que les horaires prévues lors du contrat (écrit ou oral), ne tolère pas qu'il décline le surplus de travail, mais ne le paie pas pour ses heures supplémentaires alors même que l'employé n'est pas d'accord au fond de lui-même pour travailler ces heures supplémentaires sans contrepartie financière.
Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).