L'islam enseigne-t-il que la première femme a été créée à partir de la côte du premier homme ?

Question :

J'ai lu vos articles sur la vision de l'islam quant à l'objectif de la vie de l'Homme sur terre, vu la différence existant entre l'Homme et l'Ange [cliquez ici] et le dépit de Satan [cliquez ici], qui a provoqué sa rébellion et sa chute, et qui l'a ensuite amené à pousser Adam et Eve à manger le fruit interdit [cliquez ici]. Cependant, j'ai lu ce que l'islam enseigne quant à ce de quoi le premier homme a été créé [cliquez ici], mais vous n'avez pas dit ce qu'il en est de la première femme : l'islam dit-il lui aussi qu'elle a été créée à partir du corps de l'homme, en l'occurence de sa côte ?

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Réponse :

Il y a divergence d'avis sur ce sujet.

Des ulémas soutiennent que c'est bien le cas : Mujâhid (Tafsîr ul-Qurtubî, 5/2), al-Bukhârî etc. sont de cet avis.

Selon un autre avis, Eve n'a pas été créée à partir de la côte de Adam ni d'une autre partie de sa personne, mais d'une partie de la boue dont Adam a lui aussi été créé (note de bas de page sur Rûh ul-ma'ânî en commentaire de Coran 4/1) ; il s'agirait donc de quelque chose d'extrait (sulâla) de cette boue, comme cela a été expliqué dans l'article auquel vous faites allusion.

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Un verset du Coran :

Dieu dit dans le Coran : "O Les humains, craignez votre Seigneur, qui vous a créés d'une seule personne, et a créé de celle-ci son conjoint, et a disséminé d'eux deux beaucoup d'hommes et de femmes" (Coran 4/1).

Avant même de voir comment les tenants de ces deux avis comprennent ce verset, remarquons déjà que la formulation de ce verset soulève une première question : le pronom "vous", qui désigne "les humains" (dont mention vient d'être faite), figure dans la première affirmation ("qui vous a créés d'une seule personne"), ce qui signifie que Dieu a créé tous les humains à partir d'une seule personne. Or, en avançant dans sa lecture de cette phrase, on se rend compte un peu plus loin que, dans la troisième affirmation, il est dit que c'est à partir du premier couple que Dieu a créé les humains, hommes et femmes ("a disséminé d'eux deux beaucoup d'hommes et de femmes"). Pourquoi a-t-il donc été dit dans la première affirmation que Dieu a créé les humains à partir d'une seule personne, et dans la troisième affirmation que c'est à partir du premier couple que Dieu les a créés ?

Si on retient le premier avis cité plus haut (Eve a été créée à partir d'une côte de Adam), la réponse à cette question est évidente : Dieu a créé tous les humains à partir d'une première personne : il s'agit d'Adam, car même son épouse, la première femme, a été créée "à partir de lui" dans la mesure où elle a été créée à partir de l'une de ses côtes ; ensuite, de ce premier couple sont nés tous les humains, comme cela est dit dans la troisième affirmation.

Par contre, si on retient le second avis, le verset peut se comprendre ainsi : "O Les humains, craignez votre Seigneur, qui vous a créés à partir d'une seule personne (et ce de la façon suivante : ) Il a créé, (de l'espèce même) de cette (première personne), son conjoint ; et (alors) Il a disséminé d'eux deux beaucoup d'hommes et de femmes". "De cette (première personne)" signifierait alors : "de la même espèce qu'elle", exactement comme dans cet autre verset coranique : "Et parmi Ses signes il y a le fait qu'Il a créé pour vous, de vous-mêmes, des épouses pour que vous viviez en tranquillité auprès d'elles, et qu'Il a mis entre vous de l'amour et de la compassion. Il y a en cela des signes pour des gens qui réfléchissent" (Coran 30/21). Or l'épouse ne chaque homme n'a pas été créée à partir de sa côte, ni de sa personne ; "de vous-mêmes" signifie ici que les compagnes des hommes sont des humains, comme eux, car Dieu a créé le compagnon et sa compagne de la même espèce, ce qui constitue un bienfait supplémentaire.

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Une parole (hadîth) du Prophète (sur lui soit la paix) :

Par ailleurs, il existe un hadîth du Prophète, relaté par Abû Hurayra, qui se lit ainsi :
"عن أبي حازم، عن أبي هريرة رضي الله عنه، قال: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: استوصوا بالنساء، فإن المرأة خلقت من ضلع، وإن أعوج شيء في الضلع أعلاه، فإن ذهبت تقيمه كسرته، وإن تركته لم يزل أعوج، فاستوصوا بالنساء"
"Recevez (de moi) le conseil de bien agir envers les femmes. Car la femme a été créée d'une côte ; et la partie la plus recourbée de la côte est sa partie haute. Si tu te mets à la redresser, tu la brises. Et si tu la laisses, elle ne cesse d'être recourbée. Alors recevez le conseil de bien agir envers les femmes" (rapporté par al-Bukhârî, n° 3153, 4890, et Muslim, n° 1468/60).

Selon certains ulémas, ce hadîth parle de la première femme, et signifie bien que Eve a été créée de la côte de Adam. Al-Bukhârî semble être de cet avis, car dans son livre Al-Jâmi' us-sahîh, chapitre Al-anbiyâ', il a cité ce hadîth sous le n° 3153 à côté d'autres hadîths, le tout sous le point titré : "De la création de Adam et de sa descendance (…) et de la parole (de Dieu Elevé : "Et lorsque ton Seigneur dit aux Anges : je vais susciter sur la Terre un khalîfa"" (Kitâb ul-anbiyâ', bâbu khalqi Adama wa dhurriyyatihî (…) wa qawli-llâhi Ta'âlâ (…)).
Comment expliquer le fait que al-Bukhârî ait choisi de placer ce hadîth en-dessous de ce titre (tarjama), si ce n'est par le fait qu'il veut par ce biais faire allusion au fait qu'il pense que Eve a bien été créée de la côte de Adam… Ibn Hajar écrit ainsi : "Il a été dit : Il y a en cela allusion au fait que Eve a été créée de la côte – gauche – de Adam ; ou bien : de sa côte (la plus) courte" (Fat'h ul-bârî 6/444).

Il faut cependant savoir que cette même parole du Prophète, relatée toujours par Abû Hurayra, a également été rapportée ainsi :
"حدثنا عبد العزيز بن عبد الله، قال: حدثني مالك، عن أبي الزناد، عن الأعرج، عن أبي هريرة، أن رسول الله صلى الله عليه وسلم قال: المرأة كالضلع، إن أقمتها كسرتها، وإن استمتعت بها استمتعت بها وفيها عوج"
"La femme est comme la côte : si tu te mets à la redresser, tu la brises ; et si tu tires profit d'elle, tu tires profit d'elle alors qu'il s'y trouve une courbure". Ceci se lit ainsi dans Sahîh ul-Bukhârî, n° 4889.

En fait, dans Sahîh ul-Bukhârî, la première version, c'est Abû Hâzim qui la rapporte de Abû Hurayra qui rapporte le hadîth du Prophète (Sahîh ul-Bukhârî, n° 3153, 4890).
Quant à la seconde version, c'est al-A'raj qui la rapporte de Abû Hurayra qui rapporte du Prophète (Sahîh ul-Bukhârî, n° 4889).

Ces deux versions sont également rapportées par Muslim :
la seconde version se lit en Sahîh Muslim n° 1468/65 : "وحدثني حرملة بن يحيى، أخبرنا ابن وهب، أخبرني يونس، عن ابن شهاب، حدثني ابن المسيب، عن أبي هريرة، قال: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: إن المرأة كالضلع، إذا ذهبت تقيمها كسرتها، وإن تركتها استمتعت بها وفيها عوج" : chez Muslim, c'est Sa'îd ibn ul-Mussayyab qui rapporte ces mots de Abû Hurayra qui rapporte du Prophète.
– par contre, chez Muslim, ce que al-A'raj rapporte de Abû Hurayra rapportant lui-même du Prophète sont plutôt les mots de la première version (alors que chez al-Bukhârî les mots que al-A'raj rapporte sont ceux de la seconde version). Voici ce que, chez Muslim, al-A'raj rapporte de Abû Hurayra rapportant du Prophète :
"حدثنا عمرو الناقد، وابن أبي عمر، واللفظ لابن أبي عمر، قالا: حدثنا سفيان، عن أبي الزناد، عن الأعرج، عن أبي هريرة، قال: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: إن المرأة خلقت من ضلع لن تستقيم لك على طريقة، فإن استمتعت بها استمتعت بها وبها عوج، وإن ذهبت تقيمها، كسرتها وكسرها طلاقها"
"La femme a été créée d'une côte : elle ne se tiendra jamais pour toi droite sur un chemin. Dès lors, si tu tires profit d'elle, tu tires profit d'elle alors qu'il s'y trouve une courbure ; et si tu te mets à la redresser, tu la brises. Et la briser c'est la répudier" (rapporté par Muslim, n° 1468/59).

Nous nous trouvons donc apparemment en présence d'un cas de riwâyât bi-l-ma'nâ, et il y a donc idhtirâb quant au mot exact que le Prophète a prononcé. La première version de ce hadîth n'est donc pas qat'î de sorte qu'elle induise l'obligation d'adhérer au premier avis.

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Quel est le sens de cette comparaison de la femme avec la côte ? Et que signifie qu'elle "ne se tiendra jamais pour toi droite sur un chemin" ?

La réponse est reprise d'un autre article : C'est l'imprévisibilité du caractère féminin qui a été comparée à la courbure d'une côte. "La partie supérieure qui est la plus recourbée" évoque soit les raisonnements tenus lors de discussions de désaccords, soit la façon de parler tenus lors de telles discussions (d'après Fat'h ul-bârî 9/315). Le Prophète a voulu ici dire aux maris qu'ils devaient passer sur les raisonnements particuliers que leur épouse peut leur adresser parfois, de même que sur les propos injustifiés voire injustes qu'elle peut leur tenir parfois. Car on ne peut pas faire disparaître ces particularités du caractère féminin ; et celles-ci ont justement été mises en exergue devant les hommes pour exhorter ceux-ci à bien agir envers les femmes, exhortation citée en début, et répétée en fin de ce hadîth. Ibn Hajar écrit, en commentaire de ce hadîth : "Dans ce (hadîth) il y a la façon de gérer les femmes, en les excusant et en faisant preuve de patience sur leur courbure ; et que celui qui veut redresser cette (courbure) ne pourra vivre avec elles [al-intifâ' bi-hinna] ; (...) c'est comme si le (Prophète) avait dit : "Vivre avec elle [al-intifâ' bi-hâ] ne peut se faire qu'en faisant preuve de patience par rapport à elle"" : "وفي الحديث الندب إلى المداراة لاستمالة النفوس وتألف القلوب. وفيه سياسة النساء بأخذ العفو منهن والصبر على عوجهن وأن من رام تقويمهن فاته الانتفاع بهن مع أنه لا غنى للإنسان عن امرأة يسكن إليها ويستعين بها على معاشه؛ فكأنه قال: الاستمتاع بها لا يتم إلا بالصبر عليها" (Fat'h ul-bârî 9/315). Ce hadîth s'adresse aux hommes et met donc l'accent sur un de leurs devoirs.

Mes soeurs en islam auraient cependant tort de ne retenir que les hadîths de ce genre. Car d'autres hadîths existent qui, eux, s'adressent aux femmes et mettent l'accent sur leurs devoirs à elles : cliquez ici pour en lire quelques-uns.

Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

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