Commentant le qualificatif "rabbânî", al-Bukhârî écrit : "ويقال: الرباني الذي يربي الناس بصغار العلم قبل كباره" : "On dit que le Rabbânî, c'est celui qui éduque les gens par les petites choses du 'ilm [= les choses les plus évidentes du 'ilm] avant les grandes [= les choses subtiles du 'ilm]" (cité par al-Bukhârî ta'lîqan, kitâb ul-'ilm, bâb n° 10). D'après l'une des interprétations, il s'agit bien de "والمراد بصغار العلم ما وضح من مسائله، وبكباره ما دق منها" (Fat'h ul-bârî 1/213).
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A) Un écrit de ash-Shâtibî sur le sujet :
Ash-Shâtibî écrit :
"اعلم أن القواعد الكلية هي الموضوعة أوَّلًا والذي نزل بها القرآن على النبي صلى الله عليه وسلم بمكة.
ثم تبعها أشياء بالمدينة كملت بها تلك القواعد التي وضع أصلها بمكة".
"Sache que les règles générales (al-qawâ'ïd al-kulliyya) (sont) ce qui fut posé d'abord ; (il s'agit de) ce que le Coran (contient dans sa partie) qui descendit sur le Prophète à la Mecque.
Puis des choses les suivirent à Médine, par lesquelles ces règles, dont le fondement fut posé à la Mecque, furent complétées."
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Ce bref exposé d'introduction, ash-Shâtibî le détaille immédiatement, ensuite, comme suit :
"وكان أولها الإيمان بالله ورسوله واليوم الآخر.
ثم تبعه ما هو من الأصول العامة؛ كالصلاة وإنفاق المال، وغير ذلك، ونهى عن كل ما هو كفر أو تابع للكفر، كالافتراءات التي افتروها من الذبح لغير الله تعالى، وما جعل لله وللشركاء الذين ادعوهم افتراء على الله، وسائر ما حرموه على أنفسهم، أو أوجبوه من غير أصل مما يخدم أصل عبادة غير الله. وأمر مع ذلك بمكارم الأخلاق كلها كالعدل والإحسان والوفاء بالعهد، وأخذ العفو والإعراض عن الجاهل والدفع بالتي هي أحسن والخوف من الله وحده والصبر والشكر، ونحوها، ونهى عن مساوئ الأخلاق من الفحشاء والمنكر والبغي، والقول بغير علم والتطفيف في المكيال والميزان والفساد في الأرض والزنا والقتل والوأد، وغير ذلك مما كان سائرا في دين الجاهلية.
وإنما كانت الجزئيات المشروعات بمكة قليلة والأصول الكلية كانت في النزول والتشريع أكثر.
ثم لمّا خرج رسول الله صلى الله عليه وسلم إلى المدينة واتسعت خطة الإسلام كملت هنالك الأصول الكلية على تدريج كإصلاح ذات البين والوفاء بالعقود، وتحريم المسكرات، وتحديد الحدود التي تحفظ الأمور الضرورية، وما يكملها، ويحسنها ورفع الحرج بالتخفيفات والرخص، وما أشبه ذلك. وإنما ذلك كله تكميل للأصول الكلية."
"La première (chose) fut la foi en Dieu, en Son Messager, et en le Jour dernier.
Puis la suivit ce qui relève des règles générales. Comme le fait de prier, le fait de dépenser le bien, et autre chose. Et tout ce qui constitue du kufr ou suit le kufr fut interdit, comme les mensonges qu'ils avaient faits [au sujet de Dieu] : égorger (un animal) pour autre que Dieu et pour les associés qu'ils prétendaient (que Dieu a), mentant au sujet de Dieu, ainsi que tout ce qu'ils s'étaient interdits ou rendu obligatoire sans fondement (venant de Dieu), de ce qui servait le principe d'adorer autre que Dieu. Avec cela furent ordonnées toutes les nobles mœurs (makârim ul-akhlâq), comme l'équité, la bienfaisance, la fidélité à la promesse, le fait de pardonner, le fait de se détourner de l'ignorant et de repousser (l'injustice) par le mieux, le fait de ne craindre que Dieu, la patience, la reconnaissance, et chose semblable. Et furent interdites toutes les mauvaises mœurs, comme la turpitude, ce qui est (reconnu universellement) comme mal, l'injustice, le fait de parler alors qu'on ne sait pas, le fait de frauder dans la mesure ou le poids, le fait de répandre le mal sur terre, l'adultère, l'assassinat, l'enterrement (d'enfants) vivants, et autres choses parmi ce qui avait cours dans le dîn de la jâhiliyya.
Les règles détaillées furent peu nombreuses à la Mecque. Dans la descente [= révélation] et l'institution, les règles générales (al-ussûl al-kulliyya) (y) furent plus nombreuses.
Puis, lorsque le Prophète partit à Médine et que le programme (khutta) de l'islam s'y élargit, là-bas les règles générales (al-ussûl ul-kulliyya) furent complétées (kummilat) progressivement [par les règles détaillées]. Comme opérer la réconciliation [entre ceux qui sont fâchés], être fidèle aux contrats, interdire les boissons enivrantes, déterminer les peines qui préservent les choses nécessaires (dharûriyya), ce qui les complète et qui les embellit, enlever la gêne par les allègements, et ce qui ressemble à cela. Tout cela constitue ce qui a rendu complet (takmîl) les règles générales (al-ussûl al-kulliyya)" (Al-Muwâfaqât 2/95-96).
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B) Brève explication de cet écrit de ash-Shâtibî :
On voit sous la plume de ash-Shâtibî, ici, que à la Mecque les musulmans ont intiment appris, sous la direction de la révélation et dans la compagnie du Prophète :
– la foi (al-îmân d'après le sens restreint de ce terme) :
---- les croyances fondamentales (al-'aqâ'ïd) (à propos de Dieu, de Son Unicité, du Messager, du Jour dernier et de la Rétribution) ;
---- le fait de prendre connaissance, afin de s'en préserver, de toute parole et de toute action extérieure qui annule la foi (car constituant une parole ou une action extérieure de kufr akbar) ;
---- le développement de la certitude (al-yaqîn) en Dieu, Son Omnipotence, Son caractère divin, toutes Ses promesses ;
---- la spiritualité (ta'alluq ul-qalb billâh) ;
– les normes générales (ahkâm kulliyya) ; c'est-à-dire :
---- les grands devoirs dans ses actions, tant vis-à-vis de Dieu (comme le fait de prier) que vis-à-vis des hommes (comme la solidarité, l'honnêteté dans ses transactions et dans ses paroles) ou, plus généralement, des créatures ;
---- les interdits fondamentaux dans les actions ;
---- ceci a entraîné l'éducation des Compagnons au plus profond de leur être, par l'adoption des normes comportementales (makârim ul-akhlâq) ;
– parmi les règles détaillées (ahkâm tafsîliyya) : le plus important seulement ; notamment le fait que quotidiennement il y a cinq prières rituelles à effectuer, telle prière devant être constituée de tant de cycles.
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Et c'est ensuite à Médine que leur furent communiquées :
– le reste des règles détaillées (ahkâm tafsîliyya) – la grande majorité d'entre elles, en fait.
Ces règles détaillées (ahkâm tafsîliyya) constituent le prolongement, le développement, la ramification des "règles générales" (ahkâm kulliyya), ainsi que ce par quoi ces règles générales "ont été complétées" (comme l'a dit ash-Shâtibî). Ainsi, qu'est-ce qu'il est nécessaire de réciter pendant chaque posture de chaque cycle de prière, comment fait-on si on a fait une erreur pendant la prière, etc. La même chose peut être dite à propos des autres actions : l'aumône obligatoire : quel est son taux obligatoire, à qui elle peut être remise, etc.
Ce sont les éléments inculqués à la Mecque – la foi, ainsi que "les principes et règles généraux" (ahkâm kulliyya) (les grands devoirs, les interdits fondamentaux et les normes comportementales) – qui constituent la base des enseignements de l'islam, sur laquelle les règles détaillées ont ensuite été construites à Médine.
(Les règles détaillées, que nous avons appelées "ahkâm tafsîliyya", se disent aussi parfois : "ahkâm juz'iyya". Si personnellement nous avons préféré la première dénomination, c'est afin d'éviter une confusion à propos de ce terme "juz'î", qui désigne des choses différentes...)
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Que c'est depuis La Mecque que le Coran a enseigné des règles (ahkâm), cela se vérifie au travers des passages suivants :
--- un passage de sourate al-Isrâ' : "لاَّ تَجْعَل مَعَ اللّهِ إِلَهًا آخَرَ فَتَقْعُدَ مَذْمُومًا مَّخْذُولاً وَقَضَى رَبُّكَ أَلاَّ تَعْبُدُواْ إِلاَّ إِيَّاهُ وَبِالْوَالِدَيْنِ إِحْسَانًا إِمَّا يَبْلُغَنَّ عِندَكَ الْكِبَرَ أَحَدُهُمَا أَوْ كِلاَهُمَا فَلاَ تَقُل لَّهُمَآ أُفٍّ وَلاَ تَنْهَرْهُمَا وَقُل لَّهُمَا قَوْلاً كَرِيمًا وَاخْفِضْ لَهُمَا جَنَاحَ الذُّلِّ مِنَ الرَّحْمَةِ وَقُل رَّبِّ ارْحَمْهُمَا كَمَا رَبَّيَانِي صَغِيرًا رَّبُّكُمْ أَعْلَمُ بِمَا فِي نُفُوسِكُمْ إِن تَكُونُواْ صَالِحِينَ فَإِنَّهُ كَانَ لِلأَوَّابِينَ غَفُورًا وَآتِ ذَا الْقُرْبَى حَقَّهُ وَالْمِسْكِينَ وَابْنَ السَّبِيلِ وَلاَ تُبَذِّرْ تَبْذِيرًا إِنَّ الْمُبَذِّرِينَ كَانُواْ إِخْوَانَ الشَّيَاطِينِ وَكَانَ الشَّيْطَانُ لِرَبِّهِ كَفُورًا وَإِمَّا تُعْرِضَنَّ عَنْهُمُ ابْتِغَاء رَحْمَةٍ مِّن رَّبِّكَ تَرْجُوهَا فَقُل لَّهُمْ قَوْلاً مَّيْسُورًا وَلاَ تَجْعَلْ يَدَكَ مَغْلُولَةً إِلَى عُنُقِكَ وَلاَ تَبْسُطْهَا كُلَّ الْبَسْطِ فَتَقْعُدَ مَلُومًا مَّحْسُورًا إِنَّ رَبَّكَ يَبْسُطُ الرِّزْقَ لِمَن يَشَاء وَيَقْدِرُ إِنَّهُ كَانَ بِعِبَادِهِ خَبِيرًا بَصِيرًا وَلاَ تَقْتُلُواْ أَوْلادَكُمْ خَشْيَةَ إِمْلاقٍ نَّحْنُ نَرْزُقُهُمْ وَإِيَّاكُم إنَّ قَتْلَهُمْ كَانَ خِطْءًا كَبِيرًا وَلاَ تَقْرَبُواْ الزِّنَى إِنَّهُ كَانَ فَاحِشَةً وَسَاء سَبِيلاً وَلاَ تَقْتُلُواْ النَّفْسَ الَّتِي حَرَّمَ اللّهُ إِلاَّ بِالحَقِّ وَمَن قُتِلَ مَظْلُومًا فَقَدْ جَعَلْنَا لِوَلِيِّهِ سُلْطَانًا فَلاَ يُسْرِف فِّي الْقَتْلِ إِنَّهُ كَانَ مَنْصُورًا وَلاَ تَقْرَبُواْ مَالَ الْيَتِيمِ إِلاَّ بِالَّتِي هِيَ أَحْسَنُ حَتَّى يَبْلُغَ أَشُدَّهُ وَأَوْفُواْ بِالْعَهْدِ إِنَّ الْعَهْدَ كَانَ مَسْؤُولاً وَأَوْفُوا الْكَيْلَ إِذا كِلْتُمْ وَزِنُواْ بِالقِسْطَاسِ الْمُسْتَقِيمِ ذَلِكَ خَيْرٌ وَأَحْسَنُ تَأْوِيلاً وَلاَ تَقْفُ مَا لَيْسَ لَكَ بِهِ عِلْمٌ إِنَّ السَّمْعَ وَالْبَصَرَ وَالْفُؤَادَ كُلُّ أُولئِكَ كَانَ عَنْهُ مَسْؤُولاً وَلاَ تَمْشِ فِي الأَرْضِ مَرَحًا إِنَّكَ لَن تَخْرِقَ الأَرْضَ وَلَن تَبْلُغَ الْجِبَالَ طُولاً كُلُّ ذَلِكَ كَانَ سَيٍّئُهُ عِنْدَ رَبِّكَ مَكْرُوهًا ذَلِكَ مِمَّا أَوْحَى إِلَيْكَ رَبُّكَ مِنَ الْحِكْمَةِ وَلاَ تَجْعَلْ مَعَ اللّهِ إِلَهًا آخَرَ فَتُلْقَى فِي جَهَنَّمَ مَلُومًا مَّدْحُورًا" (Coran 17/22-39).
--- un passage de sourate al-An'âm : "قُلْ تَعَالَوْاْ أَتْلُ مَا حَرَّمَ رَبُّكُمْ عَلَيْكُمْ أَلاَّ تُشْرِكُواْ بِهِ شَيْئًا وَبِالْوَالِدَيْنِ إِحْسَانًا وَلاَ تَقْتُلُواْ أَوْلاَدَكُم مِّنْ إمْلاَقٍ نَّحْنُ نَرْزُقُكُمْ وَإِيَّاهُمْ وَلاَ تَقْرَبُواْ الْفَوَاحِشَ مَا ظَهَرَ مِنْهَا وَمَا بَطَنَ وَلاَ تَقْتُلُواْ النَّفْسَ الَّتِي حَرَّمَ اللّهُ إِلاَّ بِالْحَقِّ ذَلِكُمْ وَصَّاكُمْ بِهِ لَعَلَّكُمْ تَعْقِلُونَ وَلاَ تَقْرَبُواْ مَالَ الْيَتِيمِ إِلاَّ بِالَّتِي هِيَ أَحْسَنُ حَتَّى يَبْلُغَ أَشُدَّهُ وَأَوْفُواْ الْكَيْلَ وَالْمِيزَانَ بِالْقِسْطِ لاَ نُكَلِّفُ نَفْسًا إِلاَّ وُسْعَهَا وَإِذَا قُلْتُمْ فَاعْدِلُواْ وَلَوْ كَانَ ذَا قُرْبَى وَبِعَهْدِ اللّهِ أَوْفُواْ ذَلِكُمْ وَصَّاكُم بِهِ لَعَلَّكُمْ تَذَكَّرُونَ وَأَنَّ هَذَا صِرَاطِي مُسْتَقِيمًا فَاتَّبِعُوهُ وَلاَ تَتَّبِعُواْ السُّبُلَ فَتَفَرَّقَ بِكُمْ عَن سَبِيلِهِ ذَلِكُمْ وَصَّاكُم بِهِ لَعَلَّكُمْ تَتَّقُونَ" (Coran 6/151-153).
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Cette progressivité du général au particulier est entièrement comparable à un arbre qui pousse, grandit et se développe. En effet, la première pousse sort de terre pleine de vie et de promesse, mais tout en étant menue et fragile. Puis, peu à peu, elle grandit et se fortifie, jusqu'à ce qu'à un moment donné, une première ramification apparaît, avec deux pousses. Celles-ci deviennent bientôt deux rameaux. Plus tard, au même moment où le pied devient un tronc, ces deux rameaux deviennent branches. Ce qui n'était au début qu'une mince tige verte est maintenant un tronc protégé par une écorce, d'où se ramifient plusieurs branches. Des deux branches sont évidemment apparues d'autres ramifications. De chaque branche devenue vigoureuse partent maintenant plusieurs branchettes. Toutes sont différentes mais non point opposées : elles sont différentes en même temps qu'elles se rattachent toujours et nécessairement à un tronc commun. Ce tronc plonge ses racines profondément dans le sol qui l'a vu naître, et c'est de lui qu'elles s'alimentent. Le tout est garni de feuilles et de fleurs qui donne des fruits à tout instant.
(Si cela concerne principalement les normes concernant les actions humaines extérieures – et c'est ce qui nous intéresse dans cette page –, la progressivité a eu lieu pour certaines croyances aussi. Ainsi, à la Mecque, ce sont les croyances essentielles qui ont été révélées et auxquelles les Compagnons ont été éduqués. Bien des croyances assez détaillées ont été aussi révélées à la Mecque (à propos par exemple de la nature de Jésus). Cependant, certaines autres croyances, plus détaillées, n'ont été révélées qu'à Médine. Par exemple, le fait que le châtiment de la tombe menace aussi des personnes mortes avec la foi voulue, cela est une croyance que le Prophète n'a reçue qu'à Médine (Ahmad, 23379, Muslim, 584). Auparavant le Prophète savait que les personnes mortes incroyantes sont châtiées dans leur tombe, comme le dit clairement le verset révélé avant l'hégire 40/46, mais il ne savait pas que cela pouvait toucher aussi des personnes mortes avec la foi voulue. C'est seulement lors de l'éclipse de soleil que cette autre information a été révélée au Prophète, et depuis ce jour il a enseigné aux musulmans de demander à Dieu de les épargner du châtiment de la tombe (al-Bukhârî, 1002, 1007) (cf. Fat'h ul-bârî 3/299-300).)
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C) Quelques lignes de Ahmad ar-Reyssûnî (contemporain) sur le sujet :
Ar-Reyssûnî écrit : "Ce que je veux désigner par "kulliyyât" – ou encore par "kulliyyât assâssiyya" –, ce sont les principes et les règles absolument générales qui forment la socle sur lequel sont bâties, ainsi que la source de laquelle jaillissent : les lois détaillées (tafsîliyya), les devoirs pratiques et les règles d'application" (Al-Kulliyyât ul-assâssiyya li-sh-sharî'at il-islâmiyya, ar-Reyssûnî, p. 30).
Il écrit également : "Ce qu'il convient de souligner, c'est que ces règles générales, kulliyyât, ne sont pas d'un même niveau (…) ; certaines sont plus générales et englobantes, d'autres le sont moins ; il en est qui sont incluses dans d'autres ; et il en est qui se ramifient à partir d'autres.
La même chose peut être dite des règles détaillées : il existe des règles détaillées qui sont grandes, ainsi que des règles détaillées qui sont plus petites. Les grandes règles détaillées constituent parfois des règles générales pour plusieurs petites règles détaillées, qui se ramifient à partir d'elles ou sont reliées à elles" (Ibid., p. 25). Pareilles grandes règles détaillées sont donc "détaillées à un égard, générales à un autre ou à plusieurs autres égard(s)" (Ibid., p. 41).
Ailleurs, ar-Reyssûnî écrit que les règles générales qui sont les plus grandes constituent "les objectifs généraux des enseignements de l'islam" (p. 33).
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D) Un exemple concret, permettant de comprendre plus aisément cette réalité :
– La règle de la nécessité de la solidarité (takâful) entre les hommes a été révélée, rappelée et inculquée aux musulmans à la Mecque.
– De cette règle se ramifie (yatafarra'u minhu) la règle de l'interdiction de tout système où ceux qui sont pauvres restent à l'écart des retombées des richesses matérielles, celles-ci demeurant concentrées entre les mains de ceux qui sont déjà nantis (al-ijtinâb 'an kawn il-mâli dûlatan bayn al-aghniyâ' min an-nâs).
– De cette seconde règle se ramifie à son tour celle de l'interdiction du prêt à intérêt (ar-ribâ fi-l-qurûdh), car l'intérêt (ar-ribâ) contribue à créer et à faire perdurer pareil système.
– De cette troisième règle détaillée découle une autre règle, celle de l'interdiction de l'intérêt dans les ventes (ar-ribâ fi-l-buyû') : il s'agit d'une interdiction destinée à éviter un contournement de l'interdiction du prêt à intérêt (l'article dont nous venons de fournir le lien l'explique).
– Enfin, d'autres règles sont apparues à partir de la règle précédente (la quatrième) : je veux parler de l'interdiction de la muzâbana (vendre des dattes déjà cueillies contre des dattes non encore cueillies) et de celle de la muhâqala (vendre du blé en vrac contre du blé encore dans l'épi), vu que dans ces deux cas on ne peut pas vérifier que les deux quantités sont semblables et qu'on ne peut donc pas respecter l'interdiction de l'intérêt dans les ventes (cela est brièvement exposé dans l'article dont nous venons de donner le lien).
Nous avons donc ici 5 règles :
– la première est des plus générales (min al-kulliyyât il-'uzmâ, lesquelles forment les objectifs supérieurs de l'islam) ;
– la cinquième est une règle purement détaillée (tafsîlî mah'dh) (l'interdiction de la muzâbana et de la muhâqala) ;
– la troisième (l'interdiction du prêt à intérêt) est une règle qui est détaillée (tafsîlî) par rapport aux deux premières règles (les première et deuxième), mais générale (kullî) par rapport aux deux dernières (les quatrième et cinquième règles).
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E) Il nous faut appliquer à la fois les règles générales et les règles détaillées :
D'un côté, se suffire, quand on se réfère aux textes de l'islam, des règles générales seulement, sans se référer aussi aux règles détaillées présentes dans le Coran ou la Sunna, c'est faire des erreurs dans sa compréhension de l'islam. Parfois cela mène même à des croyances de kufr akbar, quand on considère la règle très générale constituant l'objectif supérieur étant seule à prendre en considération, toute façon de faire détaillée permettant de remplir cet objectif vaut bien la façon de faire tracée de façon certaine par l'islam (cliquez ici et ici pour en savoir plus). D'autres fois cela mène à des erreurs qui ne vont pas jusqu'au kufr akbar ; ainsi, l'islam enseigne l'obéissance aux parents, et c'est là une règle d'ordre général ; mais on ne peut la considérer elle seule, et l'appliquer telle quelle partout, sans exception ni nuance. Le devoir d'obéissance du fils à ses parents, par exemple, inclue-t-il le cas où ceux-ci exigent que leur fils divorce de son épouse au seul motif que celle-ci ne leur plaît pas parce qu'elle est issue d'une famille de situation financière modeste ? Non. Or il existe des parents qui ne le savent pas, et, ne connaissant que la règle générale ("Un fils doit obéissance à ses parents"), traitent de tous les noms un fils respectueux mais qui ne leur obéit pas à ce sujet et ne divorce donc pas de son épouse.
De même, se suffire, quand on vit concrètement les règles de l'islam, de vivre les croyances principales, la spiritualité et ces "principes et règles généraux" (ahkâm kuliyya) seulement, en laissant de côté les règles détaillées (ahkâm tafsîliyya) aussi – lesquelles règles ont été instituées elles aussi par la révélation venant de Dieu ou par les enseignements du Prophète –, c'est laisser inachevé et gravement incomplet l'arbre de l'islam dans sa vie : c'est se soucier du tronc et des branches, sans jamais chercher à ce que des ramifications apparaissent de ces branches, que le tout soit feuillu et que l'arbre donne des fruits. Ainsi, avoir appris la façon basique pour effectuer la prière rituelle est nécessaire, de même qu'avoir pris l'habitude de penser alors à Dieu ; mais, malgré les années qui passent, se suffire de cela sans jamais chercher à approfondir ses connaissances et risquer donc de faire des prières qui ont été annulées sans le savoir, n'est-ce pas avoir de graves manquements dans son application de ce que Dieu veut ?
A l'inverse, avoir le réflexe, quand on se réfère aux textes de l'islam, de considérer immédiatement les règles détaillées (tafsîliyya), sans se référer d'abord aux règles générales (ahkâm kuliyya) – ce qui se voit surtout dans le domaine juridique –, c'est rendre étroit le champ de la recherche quant aux problèmes qui n'ont pas été mentionnés dans les textes et qui n'y ont pas non plus d'éléments comparables ; cliquez ici pour lire un exemple sur le sujet.
Pareillement, se suffire, quand on vit concrètement les règles de l'islam, de vivre ces règles détaillées (ahkâm tafsîliyya) seulement, sans se soucier jamais ou sans se soucier suffisamment de vivre aussi la spiritualité (îmân dans l'un des sens de ce terme) et les "règles générales" (ahkâm kuliyya), c'est aussi laisser inachevé et gravement incomplet l'arbre de l'islam dans sa vie ; c'est en fait se soucier des feuilles de cet arbre tout en en négligeant les branchettes, ou encore les branches, voire même le tronc. Ainsi, appliquer les règles détaillées tout en négligeant d'appliquer aussi les règles générales dont ces lois détaillées constituent le prolongement, cela mène à des aberrations : cliquez ici pour en découvrir quelques-unes. De même, se focaliser sur les lois détaillées en négligeant complètement d'autres règles, qui sont générales, c'est aussi diminuer gravement les enseignements de l'islam : cliquez ici pour découvrir un autre article traitant de cela.
Pareillement encore, vouloir immédiatement – de la part de ceux à qui on prodigue un enseignement et une éducation, par exemple – l'application des lois détaillées, parce que celles-ci sont immédiatement visibles et palpables, sans la nécessaire observance du temps, des rythmes et des saisons, pour que la foi puisse de développer, se fortifier et enfin se ramifier, c'est demander à l'arbre de produire des feuilles et de donner des fruits alors même que son tronc n'est pas encore formé.
Il nous faut donc veiller, quand nous nous référons aux normes de l'islam relatives à une action, à appliquer les règles détaillées mais aussi les règles générales.
Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).