Réponse (III, suite) à des critiques formulées à propos de mon article sur "'adam ul-hukm bi mâ anzalallâh" - Ce qui est dit au sujet du Chef d'Etat et du Juge ne pourrait-il pas être dit au sujet du Chef d'Entreprise et du Chef de Famille ?

Suite de l'article II traitant de certaines critiques formulées à propos de mon écrit relatif au statut de l'action "'adam ul-hukm bi mâ anzalallâh".

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Voici un autre des éléments avancés par l'objecteur :

"Et l'auteur va jusqu'à condamner et se moquer de ceux qui ne jugent pas le père de famille ignorant lambda avec la même sévérité qu'ils le font vis-à-vis du juge."

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Réponse :

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J'ai 3 observations à faire par rapport à cette critique :

I) La première est que

… je n'ai, en formulant ce point, adopté ni un ton ni une expression de moquerie ni de condamnation.

N'importe qui peut aller vérifier en cliquant ici.

Je constate que l'objecteur émet des jugements à l'emporte-pièce. Et le moins que l'on puisse dire c'est qu'une telle attitude fait un peu désordre dans une critique destinée à mettre justement l'emphase sur le "hukm bi mâ anzalallâh".

Le "hukm bi mâ anzalallâh" ne serait-il une obligation que pour les autres, mais pas pour soi ?

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II) La seconde est que

… je n'ai pas parlé du père de famille uniquement mais de tous ceux qui disposent d'une autorité partielle, comme le chef d'entreprise, etc.

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III) La troisième est une interrogation :

Quand il s'offusque de ma remarque concernant la différence de traitement par rapport à "'adam ul-hukm bi mâ anzalallâh" entre le chef de famille, le président d'association, le chef d'entreprise, le juge du tribunal et le chef d'Etat, de quoi l'objecteur veut-il parler :

--- A) du jugement d'ordre particulier quant à leur personne précise (hukm 'alâ mu'ayyan), ce qui signifie qu'il est offusqué par mon reproche que lui et ceux qui pensent comme lui n'appliquent pas le takfîr bi-l-'ayn aux pères de famille qui disent des propos de kufr akbar avec la même sévérité qu'ils l'appliquent aux juges des tribunaux des pays musulmans qui disent des propos de kufr akbar ?

--- B) ou bien l'objecteur veut-il parler du jugement d'ordre général ('ala-l-itlâq) quant à leur action et leur propos, ne comprenant alors pas que j'ai pu dire que l'action "hukm bi mâ anzalallâh", non seulement le juge du tribunal mais aussi le chef de famille et le chef d'entreprise la font, et qu'il n'est pas compréhensible qu'on dise que cette action est acte de kufr akbar dans le cas du premier, mais pas dans celui des derniers ?

Ce sont là deux cas de figure différents, et nous allons les aborder ci-après…

--- A) Si l'objecteur veut dire que le fait même de faire "'adam-ul-hukm bi mâ anzalallâh" est un acte de kufr akbar mais qu'il est offusqué par mon reproche que, sur le plan du jugement d'ordre particulier (mu'ayyan), ceux qui appliquent ce jugement particulier au juge du tribunal ne le font pas (du moins pas avec la même sévérité) au père de famille ignorant...

... Alors je demande ceci : Pourquoi l'objecteur parle-t-il du père de famille lambda "ignorant" ?

Personnellement je n'ai nulle part parlé du "chef de famille ignorant", mais du "chef de famille" tout court, puisque, quant à l'application au niveau personnel (mu'ayyan) de la takfîr, chacun sait qu'elle ne s'applique pas à celui qui a prononcé un propos de kufr akbar s'il est ignorant, et ce qu'il soit simple père de famille, juge de tribunal ou même chef d'Etat…

A moins que l'objecteur pense que tout musulman père de famille lambda est ignorant ? Ignorant de quoi ? même des dharûriyyât ud-dîn telles que l'obligation pour une fille pubère, de porter le foulard ? (C'est l'exemple que j'avais cité dans mon article.)
Tout chef d'entreprise musulman est-il ignorant du caractère interdit des intérêts bancaires ? (J'avais cité l'exemple du recours à des transactions illicites dans mon article.)

J'avoue ne pas comprendre pourquoi l'objecteur fait pareille distorsion de mon propos…

Par contre, si l'objecteur veut parler du fait que le père de famille et le chef d'entreprise sont ignorants des développements de la Loi de Dieu, alors je lui demande ceci : Est-il impossible qu'un juge de tribunal et un chef d'Etat dans un pays musulman soient, eux, ignorants des mêmes développements ? Pourquoi la nuance qui est faite par rapport aux premiers (le chef de famille et le chef d'entreprise) ne pourrait-elle jamais être faite pour les seconds (juge de tribunal et chef d'Etat) ?

Ibn Taymiyya écrit que ce qui est le plus connu dans l'école de Ahmad ibn Hanbal et de la généralité des imams de la Sunna est que le propos jahmite de la négation des Attributs de Dieu constitue un propos de kufr akbar (Majmû' ul-fatâwâ 12/485, 487). Or chacun sait que Ahmad ibn Hanbal avait été emprisonné sous les califes mutazilites al-Mâmûn et al-Mu'tassim, pour qu'il proclame son adhésion à leur croyance relative au Coran – et qui est commune à celle des jahmites – et qu'il avait refusé de le faire. Pourtant, plus tard, il avait demandé à Dieu de pardonner à ceux qui lui avait fait ce tort ; s'il les considérait kâfir bi kufr akbar, il n'aurait pas fait cette invocation en leur faveur.

Voici le propos exact de Ibn Taymiyya sur le sujet : "L'imam Ahmad ibn Hanbal, par exemple, a eu affaire aux jahmites qui ont invité à (professer la croyance du) caractère créé du Coran et de la négation des Attributs du Miséricordieux. Ils l'ont éprouvé ainsi que les autres ulémas de son temps. Les croyants et les croyantes qui ne les ont pas approuvés dans la profession de la croyance jahmite, ils les ont éprouvés par les coups, l'emprisonnement, l'assassinat, la mise à l'écart des responsabilités ("wilâyât"), la cessation du versement des prestations ("arzâq"), le rejet du témoignage, et la non libération des mains de l'ennemi. De sorte que beaucoup de détenteurs de l'autorité de ce temps parmi les jahmites, comme les walîs, les qâdhis et autres, faisaient la takfîr de toute personne qui n'était pas jahmite, ne les approuvant pas à propos de la négation des Attributs, comme le fait de dire que le Coran est créé, et rendaient à son sujet le jugement qu'ils rendent à propos du kâfir : ils ne lui confiaient donc aucune responsabilité ("wilâya"), ne le libéraient pas d'un ennemi, ne lui donnaient rien de la Bayt ul-mâl, n'acceptait de lui aucun témoignage, aucune fatwa, aucune relation de hadîth ; et ils mettaient à l'épreuve les gens au moment de la wilâya, du témoignage, de la libération de l'emprisonnement, et autre chose. Celui qui professait (la croyance en) le caractère créé du Coran, ils rendaient à son sujet le jugement (qu'il est porteur) de la foi ; et celui qui ne professait pas cela, ils ne rendaient pas à son sujet le jugement des gens de la foi. Et celui qui invitait à autre chose que la profession de la croyance jahmite, ils le tuaient, ou le frappaient et l'emprisonnaient. Or on sait que cela est plus grave ("aghlaz") que le fait de professer (personnellement) la croyance jahmite : inviter vers un propos est plus grand que le professer ; récompenser celui qui tient ce propos et sanctionner celui qui le délaisse est plus grand que seulement y inviter ; et punir par la mort celui qui tient ce propos est plus grand que punir cela par les coups.Or ensuite l'imam Ahmad a fait des invocations pour le Calife et autre que lui parmi ceux qui l'avaient frappé et emprisonné ; il a invoqué le Pardon de Dieu pour eux et les a affranchis de ce qu'ils lui avaient fait subir d'injustice et d'invitation à (dire) le propos qui est du kufr. S'ils avaient apostasié de l'islam, invoquer le pardon de Dieu pour eux n'aurait pas été autorisé, car invoquer le pardon divin pour les kuffâr n'est pas autorisé d'après le Coran, la Sunna et le Consensus.

Ces paroles et actions venant de lui [= Ahmad] et d'autres imams indiquent explicitement qu'ils n'ont pas déclaré kâfir les jahmites précis ("al-mu'ayyanîn") qui disaient : "Le Coran est créé, et Dieu ne sera pas vu dans l'Au-delà".

Or il est rapporté de Ahmad ce qui indique qu'à cause de (ce genre de propos) il a déclaré kâfir des gens précis ("mu'ayyanîn").

Dès lors
Soit il y a deux avis qui sont relatés de lui sur cette question – ceci est discutable ("fîhi nazar").
Soit on considérera l'affaire comme devant être nuancée ("ala-t-tafsîl") et on dira donc (ceci) :
- celui qui a été déclaré kâfir [par Ahmad] de façon personnelle ("bi 'aynih"), c'est parce qu'il y avait eu établissement de la preuve que les conditions pour la takfîr étaient réunies et que les mawâni' de la takfîr étaient enlevées ;
-  et celui qu'il [= Ahmad] n'a pas déclaré kâfir de façon personnelle, c'est parce que cela n'était pas réalisé à son sujet, et ce malgré le fait que, de façon générale, il [= Ahmad] ait prononcé la takfîr (du propos)
"
(Majmû' ul-fatâwâ 12/488-489).

Ibn Taymiyya penche vers la seconde explication. Cela se trouve d'ailleurs étayé par ce qu'il a écrit et qui figure en MF 7/618. Ceci signifie que le propos disant que le Coran est la parole de Dieu mais créée [car Dieu ne peut émettre une parole] et que Dieu ne voit pas est un propos de kufr akbar, mais que al-Mu'tassim, le Calife lui-même, autrement dit le Chef de l'Etat, qui le professait et y invitait les gens, n'a pourtant pas été considéré par Ahmad ibn Hanbal comme étant kâfir (bi-t-ta'yîn).

Ceci révèle deux choses :
premièrement : on voit bien qu'on ne peut pas dire que, contrairement au père de famille et au chef d'entreprise, le juge du tribunal ou le chef d'Etat du pays musulman ne peuvent pas être ignorants d'une ignorance qui est prise en considération dans la question de takfîr bi-l-'ayn ;
deuxièmement : si on retient l'explication pour laquelle Ibn Taymiyya semble pencher, elle implique qu'on ne pourrait pas dire que la iqâmat ul-hujja consiste en le simple fait d'avoir énoncé une fois ou quelques fois la vérité avec les arguments puisés du Coran et de la Sunna mais qu'il faut plus que cela. Le fait est que Ibn Taymiyya dit ici que Ahmad ibn Hanbal a considéré que qiyâm ul-hujja il n'y avait pas eu par rapport au Calife et à ceux qui l'avaient emprisonné – et c'est ce qui fait que, au niveau précis et personnel, il ne les pas déclarés kâfir et a donc fait invocation de pardon divin en leur faveur – ; or Ahmad ibn Hanbal avait, devant le Calife, sa cour et les savants mutazilites qui l'orientaient – parmi lesquels Ibn Abî Dâoûd –, énoncé plusieurs fois la vérité et les arguments sur lesquels elle se fondait (voir le récit que Ibn Kathîr a fait des assemblées qui ont eu lieu sur le sujet in Al-Bidâya wa-n-nihâya, 10/363-365 ; on y lit notamment ceci : "Thumma ahdharûhu fi-l-yawm ith-thânî, wa nâzarûhu aydhan fi-l-yawm ith-thâlith ; wa fî dhâlika kullihî ya'lû sawtuhû 'alayhim wa taghlibu hujjatuhû hujjatahum" ; et, plus loin : "Fa lammâ lam yaqum ma'ahû hujjatun, 'adalû ila-s'ti'mâli jâh il-khalîfa (…)"). Il faudrait approfondir davantage ce dernier point ; nous en parlons dans un autre article.

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--- B) Et si l'objecteur veut parler du jugement d'ordre général ('ala-l-itlâq) à propos de l'action "'adam ul-hukm bi mâ anzalallâh" et veut dire qu'il est offusqué du fait que j'ai pu dire j'ai pu dire qu'il est incompréhensible qu'on dise que l'action "hukm bi ghayri mâ anzalallâh" soit acte de kufr akbar de la part du juge du tribunal, mais qu'on ne le dise pas à propos de l'action du père de famille rendant un jugement à propos de ses enfants...

... Alors je propose ceci : un père de famille musulman mais "ignorant lambda" (pour reprendre la formule de l'objecteur) organise un concours d'écriture entre ses deux enfants. Ensuite, quand il annonce le gagnant, il déclare meilleur l'écrit dont il sait pertinemment qu'il n'est pas le meilleur, parce qu'intérieurement il préfère tel enfant sur tel autre et veut ainsi le favoriser.  Ce père de famille a fait un péché majeur : celui d'avoir sciemment été injuste dans le jugement qu'il a rendu. Mais a-t-il fait aussi acte de kufr akbar, car ayant rendu un jugement injuste ("hukm bi ghayri mâ anzalallâh") ?

Si l'objecteur répond que ce "père de famille" n'a rendu là aucun jugement qui soit comparable à celui du juge du tribunal par rapport au verset du Coran "Wa man lam yahkum bi mâ anzalallâhu fa ulâ'ïka hum ul-kâfirûn" et par rapport au hadîth du Prophète disant : "Les juges sont de trois types : deux seront dans le feu, et un au paradis. Quant à celui qui sera au paradis, c'est un homme qui a connu la vérité et a rendu le jugement selon celle-ci ; et (puis) il y a un homme qui a connu la vérité et a été injuste dans le jugement (qu'il a rendu), lui sera dans le feu ; (enfin) il y a un homme qui a procédé au jugement entre les hommes sur la base d'une ignorance, lui sera dans le feu" (Abû Dâoûd, 3573 ; voir également at-Tirmidhî, 1322)...

... Alors je réponds que, tout au contraire, ce "père de famille" :
----- 1) a bel et bien rendu un jugement,
----- 2) et "n'a pas jugé selon ce que Dieu a révélé" ("lam yahkum bi mâ anzalallâh").

Démonstration de ces deux points :

----- 1) Ce père de famille a bel et bien rendu un hukm, un jugement :

En effet, Ibn Taymiyya écrit :
"والأمانة ترجع إلى خشية الله وألا يشتري بآياته ثمنا قليلا وترك خشية الناس؛ وهذه الخصال الثلاث التي أخذها الله على كل من حكم على الناس؛ في قوله تعالى {فلا تخشوا الناس واخشون ولا تشتروا بآياتي ثمنا قليلا ومن لم يحكم بما أنزل الله فأولئك هم الكافرون} . ولهذا قال النبي صلى الله عليه وسلم {القضاة ثلاثة: قاضيان في النار وقاض في الجنة. فرجل علم الحق وقضى بخلافه فهو في النار. ورجل قضى بين الناس على جهل فهو في النار. ورجل علم الحق وقضى به فهو في الجنة} رواه أهل السنن. والقاضي اسم لكل من قضى بين اثنين وحكم بينهما، سواء كان خليفة أو سلطانا أو نائبا أو واليا؛ أو كان منصوبا ليقضي بالشرع أو نائبا له، حتى من يحكم بين الصبيان في الخطوط إذا تخايروا: هكذا ذكر أصحاب رسول الله صلى الله عليه وسلم وهو ظاهر" :
"L'honnêteté ("amâna") revient à craindre Dieu, à ne pas troquer un petit prix contre ses Signes et à cesser de craindre les gens. Ceci constitue les trois qualités que Dieu a ordonnées à toute personne qui rend un hukm (jugement) entre les gens, dans cette Parole (élevé soit-Il) : "Aussi, ne craignez pas les gens et craignez-moi. Et ne troquez pas un petit prix contre mes Signes. Et celui qui ne fait pas le Hukm entre les gens selon ce que Dieu a révélé, ceux-là sont, eux, les kafir".
Et le Prophète (sallallâhu alayhi wa sallama) a dit : "Les Qâdhi sont de trois sortes : deux seront dans le feu, un au paradis ; un homme a su la vérité et a jugé selon le contraire, il sera dans le feu ; un homme a jugé entre les gens sur la base d'une ignorance, il sera dans le feu ; et un homme a su la vérité et a jugé selon celle-ci, il sera dans le paradis]" : rapporté par les auteurs des Sunan.
"Qâdhî" est le nom de toute personne qui rend un jugement ("qadhâ wa hakama") entre deux hommes, qu'elle soit calife, sultan, vice-sultan, wâlî, ou qu'elle ait été nommée pour juger selon la Loi ("shar'"), ou nâ'ïb (d'une telle personne), jusque (la personne) qui rend le jugement entre les enfants à propos des écrits  lorsqu'ils concourent. Ainsi ont dit les Compagnons du Messager de Dieu (que la paix soit sur lui). Et ceci est évident"
(Majmu' ul-fatâwâ, 28/253-254, Rissâlat ul-Hisba). Peut-on être plus explicite ?

Il écrit également :
"{القضاة ثلاثة: قاضيان في النار وقاض في الجنة: رجل علم الحق وقضى به فهو في الجنة؛ ورجل قضى للناس على جهل فهو في النار؛ ورجل علم الحق وقضى بخلافه فهو في النار}.
فهذان القسمان كما قال: {من قال في القرآن برأيه فأصاب فقد أخطأ ومن قال في القرآن برأيه فأخطأ فليتبوأ مقعده من النار}. وكل من حكم بين اثنين فهو قاض، سواء كان صاحب حرب أو متولي ديوان أو منتصبا للاحتساب بالأمر بالمعروف والنهي عن المنكر حتى الذي يحكم بين الصبيان في الخطوط فإن الصحابة كانوا يعدونه من الحكام. ولما كان الحكام مأمورين بالعدل والعلم وكان المفروض إنما هو بما يبلغه جهد الرجل قال النبي صلى الله عليه وسلم: {إذا اجتهد الحاكم فأصاب فله أجران وإذا اجتهد فأخطأ فله أجر}"
:
"Les Qâdhî sont de trois sortes : deux seront dans le feu, un au paradis ; un homme a su la vérité et a jugé selon le contraire, il sera dans le feu ; un homme a jugé entre les gens sur la base d'une ignorance, il sera dans le feu ; et un homme a su la vérité et a jugé selon celle-ci, il sera dans le paradis]" (...)
Tout homme qui rend un jugement entre deux personnes est "qâdhî", qu'il soit chef de guerre, responsable de diwan, chargé de hisba par amr bil ma'rûf wa nahy 'an il-munkar, jusque celui qui rend le jugement entre les enfants dans les écrits ; les Compagnons le comptaient parmi les juges ("hukkâm").
Et étant donné que les hukkâm, il leur est ordonné d'être justes et de posséder la connaissance, et étant donné que seulement ce que peut atteindre l'effort de la personne est obligatoire, le Prophète (sallallâhu alayhi wa sallama) a dit : "Et lorsque le hâkim fait un effort et arrive à la vérité, il a deux récompenses, et s'il se trompe il a une récompense""
(Majmu' ul-fatâwâ, 18/170).

Le père de famille qui, après avoir examiné les écrits de ses enfants, déclare l'un meilleur que l'autre a donc bien rendu un jugement (hukm)… Dans le cas de l'exemple que nous avons cité (jugement injuste de la part de ce père de famille), il est, au niveau mutlaq, dans la catégorie : "un homme a connu la vérité et a jugé selon autre chose qu'elle" (pour ce qui est de la ta'yîn, Dieu seul décidera sur qui Il appliquera le wa'îd du Feu et à qui Il accordera Son pardon).

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----- 2) Et dans le cas de figure susmentionné, il s'agit bien, de la part de ce père de famille, d'un hukm bi ghayri mâ anzalallâh : d'un jugement qui n'est pas conforme à ce que Dieu a révélé :

Le fait est que la somme de la Loi de Dieu se veut la garante de l'établissement sur terre de ce qui est juste ('adl) ("Wa 'ala-l-hukkâm an lâ yahkumû illâ bi-l-'adl. Wa-l-'adlu huwa mâ anzalallâh" : MF 35/361).

"Al-hukkâm", cela englobe tous ceux que Ibn Taymiyya a cités comme tels dans le point 1, nous venons de le voir.

Or, dans la Loi de Dieu, il est des points à propos desquels les sources ont donné en détail ce qui est juste ('adl) (par exemple dans les affaires matrimoniales, successorales, financières…). Quelqu'un ne peut pas dire, à propos de ce genre de points, qu'il a la latitude d'élaborer lui-même ce qui est juste, sous la forme d'une règle détaillée différente de celle communiquée par Dieu ou par Son Messager, par simple référence au principe général. Ceci est impossible eu égard au fait que le "juste" ici est ce que Dieu ou Son Messager ont communiqué. Car les objectifs supérieurs de la Législation n'ont pas été communiqués de façon brute, à charge à chacun ensuite de les appliquer comme il le comprendrait dans sa vie. Ces objectifs ont été pris en considération, mais au travers de règles et de principes relevant de différentes strates :
- a) il y a la règle qui est détaillée dans les textes des sources, et qui est liée à une cause juridique ("'illa") qui en est le pivot ;
- b) cette cause juridique ('illa) est elle-même liée à une sagesse ("maqsad juz'î" / "hikma") ;
- c) et c'est cette dernière qui constitue le prolongement d'un ou de plusieurs des objectifs principaux ("maqsad min al-maqâssid al-'ulyâ").
(Parfois, entre l'objectif principal (c) et la sagesse (b) s'intercale une autre strate : celle du principe général ("maqsad 'âmm") (c'), qui concerne l'ensemble du chapitre auquel s'affilie la règle détaillée : il y a par exemple le chapitre des transactions financières, à l'intérieur duquel un certain nombre de principes généraux sont à l'œuvre ; il y a encore le chapitre des affaires familiales, où l'on rencontre, dans tous ses sous-chapitres, certains principes généraux qui sont l'œuvre et qui ne s'appliquent pas par exemple au chapitre des transactions financières (Cf. Nazariyyat ul-maqâssid, p. 7, p. 133).)

Tout ceci est vrai. Cependant, il ne faut pas oublier qu'il est d'autres points à propos desquels les sources ont seulement rappelé le principe général de devoir de justice, sans en communiquer le détail.

Ainsi, quand on procède à un examen d'élèves, être juste, c'est être impartial dans la notation, c'est se préserver de favoriser un élève sur un autre par égard à son appartenance ethnique ou religieuse. Ici aussi, c'est la Loi de Dieu qui a dit : "Et lorsque vous jugez entre les hommes, jugez selon ce qui est juste (al-'adl)" (Coran ). Etre injuste quand on note des élèves, c'est : "ne pas juger selon ce que Dieu a révélé" mais selon autre chose.

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En un mot : le père de famille susmentionné a bel et bien rendu un jugement à propos des écrits de ses enfants. Et ce jugement n'a pas été rendu selon ce que Dieu a révélé
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La question qui est donc posée à l'objecteur ici est : Ce père de famille a-t-il, en rendant pareil jugement entre ses enfants, fait acte de kufr akbar ? ou bien est-ce seulement acte de fisq asghar ?

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Un autre exemple : A l'occasion d'un divorce, ne pas juger selon la Loi de Dieu, c'est rendre, entre l'homme et la femme, un jugement qui n'est pas conforme à ce qui figure de façon détaillée (juz'î) dans le Coran et la Sunna.

Tant que le juge n'a pas dit : "La règle du Coran et de la Sunna, nous la rejetons" ou : "est injuste", mais s'est contenté de rendre un jugement qui n'est pas conforme à ce que Dieu a révélé (en disant par exemple : "Voici les modalités que vous assumerez"), nous disons que c'est un acte de péché majeur mais non de kufr akbar.

L'objecteur affirme, lui, que c'est un acte de kufr akbar (bien qu'on ne dira pas du juge précis qui a rendu ce jugement qu'il est kâfir tant qu'on n'aura pas vérifié qu'il est exempt des mawâni' ut-takfîr).

Alors nous lui posons cette question : A l'occasion d'un examen dans une école, noter de façon injuste les élèves, c'est n'avoir pas rendu le jugement entre eux selon la Loi de Dieu qui a dit : "Et lorsque vous jugez entre les gens, de juger selon l'équité" dans le Coran. La question que nous posons alors est celle-ci… Celui qui a été injuste dans sa notation des élèves n'a pas jugé entre eux selon ce que Dieu a révélé. A-t-il fait là un acte de kufr akbar ?

Si l'objecteur répond "Non", alors nous lui demandons : "Pourquoi dire du mauvais jugement rendu par le juge aux affaires matrimoniales qu'il est un acte de kufr akbar, mais ne pas dire la même chose du mauvais jugement rendu par le professeur à propos des copies d'élèves, alors que tous deux entrent dans la catégorie "hukkâm" (Ibn Taymiyya l'a dit explicitement) et que tous deux n'ont pas jugé selon ce que Dieu a révélé ?

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Un point :

Il est vrai, cependant, que celui qui a écrit une loi instituant des règles autres que celles de Dieu, celui-là a écrit un propos de kufr akbar si ces règles sont du domaine des dharuriyyât ud-dîn (même si, personnellement, on ne le décrètera pas kâfir tant qu'il n'y aura pas eu qiyâm ul-hujja, nous l'avons vu dans le point A, plus haut).

Mais dans mon article la nuance (tafsîl) qui a été relatée de Ibn Abi-l-'Izz ne concernait pas l'action d'énoncer une loi ; elle concernait seulement l'action de rendre un jugement.

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Avertissement :

Tout ce que j'ai écrit sur ce sujet ne constitue absolument pas l'expression d'une acceptation de l'état de fait présent actuellement dans les pays musulmans, mais une volonté de dire que ce n'est pas la takfîr facile qui règlera les problèmes de la non-référence à la Loi de Dieu dans ces pays.
Ce que j'ai écrit ne constitue pas non plus une approbation du fait que des autorités de ces pays musulmans pratiquent l'oppression de ceux qui agissent et demandent pacifiquement le retour à cette référence : ceci est inacceptable (je l'avais déjà écrit dans un autre article) et pour le moins paradoxal de la part de personnes qui se présentent sur la scène internationale comme des grands défenseurs des droits naturels de chaque être humain.

Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

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