Un message que j'ai reçu :
Vous avez écrit dans un de vos articles : "Trop de gens pensent encore que "Allah" est une divinité particulière aux musulmans, différente de "Dieu" le Créateur."
Oui, tout à fait, je partage aussi ce sentiment.
Allah est très différent de l'Eternel de la Bible, d'autant plus qu'il contredit totalement son message et ses affirmations concernant Jésus Christ et ce que celui-ci représente par rapport à Dieu. Un chrétien considère Allah comme un dieu arabe, particulier aux musulmans, c'est tout à fait ça…
C'est comme Mercure, qui était particulier aux Romains, ou Zeus, qui l'était pour les Grecs. La seule différence est que les musulmans n'adorent que Allah, tandis que les Romains et les Grecs rendaient un culte non seulement à Mercure ou à Zeus mais également à d'autres choses.
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Réponse :
"Un chrétien considère Allah comme un dieu arabe, particulier aux musulmans, c'est tout à fait ça…". Vous considérez les choses comme ça. Mais "un chrétien" en général je ne sais pas, et je ne crois pas, car ce n'est pas ce que le Vatican dit (c'est un document du Vatican qui est cité dans mon article auquel vous faites allusion).
Enfin, puisque vous avez fait référence à "l'Eternel de la Bible" dans votre message, je vous relate ci-après ce que des rabbins ont écrit sur la question : les écrits qui vont suivre sont lisibles sur le site juif cheela.org. Ci-après, les numéros qui figurent entre parenthèses sont ceux où, sur ce site, on peut lire ces questions/réponses.
Le sigle [Q] a été rajouté par moi, il introduit à une Question posée par un visiteur du site.
[R] a été aussi rajouté par moi et introduit à la Réponse du rabbin.
Les gras sont également de moi).
[Q] "Chalom, je voulais vous demander : je ne comprends pas comment nous le peuple juif, nous avons le même d(ieu) que les musulmans. Une personne m'a dit que c'était la façon de le vénérer qui différenciait notre dieu du leur, et pour moi c'est incompréhensible. Merci d'avance pour la réponse" (11603).
[R] "Comment deux enfants ont-ils le même père? Les Musulmans sont de purs monothéistes, et adorent le même D'ieu que nous. J'ai du mal à comprendre le problème."
[Q] "Je ne comprends pas. Les musulmans ont un dieu qui s'appelle Allah, nous juifs, nous avons notre Dieu qui est akadoche baroukh hou, alors ils ont leur dieu et nous le nôtre, ou bien, je ne sais pas".
[R] "Aussi étrange que cela puisse paraître, c'est rigoureusement le même que nous décrivons et adorons de manière différente. Ce qui ne nous empêche pas du tout d'être persuadés que c'est nous qui sommes les détenteurs de la vraie révélation" (11616).
"Il faut faire la différence entre ceux qui prient un dieu et ceux qui prient D'ieu. Les musulmans font partie de la deuxième catégorie, puisque Allah n'est qu'un autre nom de Hachem. (…)" (29777).
"(…) Avant la venue de Mahomet qui les a délivrés de l'idolâtrie, les Arabes étaient polythéistes (…)" (20978).
[Q] "Chalom, je suppose que vous connaissez les Kelmat (10 Commandements en Arabe). Je ne comprends pas comment est ce possible de laisser ce genre de lecture à l'intérieur d'une Synagogue ! Le nom de D... est traduit par Allah ! (…)"
[R] "Non, je ne connaissais pas les kelmats avant de lire votre question, et s'il s'agit de la traduction des dix commandements en arabe, j'ai du mal à comprendre la raison de votre indignation. La Tora a été traduite pour permettre aux juifs qui ne la comprenaient plus en hébreu de l'étudier, et de savoir ce que Hachem (ou D'ieu ou Allah, ce qui signifie simplement D'ieu en arabe) exigeait d'eux. (…)" (9816).
[Q] "Ai-je le droit de dire : "Allah ou akhbar" ? et / ou "la illa illa allah" dont la traduction est : "D est grand" et "Il n'y a de D que D." ? "
[R] "A priori je ne vois pas d'interdiction à louer D'ieu en langue étrangère même si cela est le début de l'acte de foi de l'Islam. C'est peut-être justement en ne continuant pas la phrase qui parle de Mahomet que l'on marque notre rejet de l'Islam et du message de ce dernier" (27737).
[Q] "(…) "Allah" vient, étymologiquement, du polythéisme (Allah serait un dérivé du babylonien "Ilu" [devenant ilaha] attribué à la triade de Ea, Enlil et Sin qui se retrouvent sous un autre pardère dans la tradition cultuelle arabique). (…)" (11668)
[R] "(...). On retrouve aussi la racine sémitique dont vous parlez dans Eloha et Elohim.
Vous faites donc un méchant procès à de sincères croyants que les maîtres d'Israël louent pour la pureté de leur monothéisme, ce qui n'est pas le cas des croyants de la trinité – avec ou sans effigies, icônes et statues.
Pourquoi tenez-vous tant à faire des musulmans ce qu'ils ne sont pas ? Depuis longtemps nous savons que si notre débat avec l'Eglise concerne le ciel, la contestation de l'Islam contre Israël porte sur la possession de la terre et l'héritage des promesses faites à Abraham. Il ne sert à rien de déplacer artificiellement le débat. Les musulmans sont des vrais croyants du vrai Dieu. Mais ils n'en connaissent que la transcendance et non la Providence" (11762).
Par cette dernière phrase, le rabbin veut dire : ils n'en connaissent que la Ulûhiyya et pas la Rubûbiyya. Or c'est le rabbin qui ne connaît pas parfaitement la croyance musulmane en la matière : il croit que l'acceptation du destin signifie fatalisme. Alors que notre acceptation du destin n'entraîne pas que nous ne croyons pas en la Rubûbiyya d'Allah, ni que nous n'entreprenons rien parce que croyant que tout est déjà prédestiné. Au contraire, nous invoquons Allah en Lui demandant de nous accorder telle et telle choses, en Lui demandant de nous préserver de toute difficulté, enfin en Lui demandant d'éloigner de nous telle difficulté qui nous a atteint.
[Q] "(…) a t-on le droit de visiter une église ou une mosquée ? merci."
[R] "une église – non ; une mosquée – oui (peut-être aussi un temple protestant) (…)" (8997)
"L'interdiction de rentrer dans une église n'est pas liée à la présence de statues et autres images, mais à la problématique théologique de la Trinité, que de nombreux rabbins considèrent comme proche de l'idolâtrie" (19487).
"La question de savoir s'il faut considérer le catholicisme comme une forme d'idolâtrie est sujette à discussion. C'est en tout cas l'opinion de Maïmonide. (…)" (10112).
"Le dogme qui est en cause dans la Chrétienté est celui de la Trinité, qui associe à D'ieu le fils et le Saint Esprit.
Ce dogme n'existant pas en Islam, ce dernier est considéré comme un pur monothéisme. Les Musulmans considèrent Mahomet comme le plus grand des prophètes, à qui a été révélé le Coran. Même si nous ne considérons pas Mahomet comme un prophète, et considérons que sa révélation est le fruit de son imagination, cela ne signifie pas que ceux qui y croient soient idolâtres" (19559).
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L'objection faite par certains esprits très "éclairés" :
Peut-être qu'à tout cela, vous allez me faire l'objection que j'ai déjà lue et entendue ici et là : "Si Allah est le même Etre que Dieu, pourquoi alors avoir inventé un autre nom que "Dieu" ?"
Objection pas très lumineuse, mais devenue quand même classique...
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Réponse :
"Inventé" ? Rien n'a été inventé, c'est tout simplement le Nom de Dieu le Créateur en langue arabe. Vous ne pensez tout de même pas que quand la révélation du Coran et la prononciation des Hadîths se sont faites devant le public arabophone que constituaient les Compagnons du Prophète, c'est, au beau milieu d'une phrase entièrement en langue arabe, le nom "D-i-e-u" en langue française qui aurait dû être employé !
Sinon pourquoi pas "D-i-o-s" en langue espagnole ? ou encore "G-o-t-t" en allemand ? "G-o-d" en anglais ?
"Y-a-z-d-â-n" ou "K-h-u-d-â" en persan ?
Il est évident que, la révélation ayant été faite en langue arabe, c'est le Nom qui, en langue arabe, désigne Dieu le Créateur qui a dû être utilisé.
Aujourd'hui encore, dans l'île de Mayotte, dans les traductions de discours religieux adressés au public musulman (environ 95% de la population totale), on traduit "Allah" en shimaoré par : "Mouezzi-Mongou", et en shibushi par : "Zanahary".
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Une autre objection :
Il se peut encore que vous m'objectiez que ces mêmes rabbins que j'ai cités pensent aussi, par ailleurs, que Muhammad (sur lui soit la paix) n'était pas un authentique prophète de Dieu, et que du moment que je les considère dans l'erreur sur ce point, il est paradoxal que je les cite sur un autre point ("Allah est le Dieu de la Torah, "Allah" est tout simplement Son Nom en langue arabe, comme "Dieu" l'est en langue française [et "Khudâ" en langues persane et urdu]").
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Réponse :
C'est vrai, ces rabbins pensent que Muhammad (sur lui et les autres prophètes soit la paix) n'était pas un prophète de Dieu. On lit sur le même site suscité : "Pour nous Mahomet n'était pas un prophète. Il est possible qu'il ait eu des expériences mystiques, des hallucinations ou autre phénomène du genre. Pour nous un prophète est un homme à qui D'ieu s'adresse. De par son message, contradictoire de celui de Moché Rabbénou [= Moïse], Mahomet prouve qu'il n'a pas reçu la parole de D'ieu (ce qui ne l'a pas empêché de fonder une religion rigoureusement monothéiste, ainsi que je l'ai écrit dans une autre réponse)" (9117). "Nous n'avons pas grand-chose à ajouter à la biographie de Mahomet telle qu'elle est présentée avant sa révélation par l'Islam. Mais à partir du moment où l'on parle de révélation nous ne marchons plus et considérons Mahomet comme un faux prophète puisqu'il prétend remplacer la Tora. (…)" (20147).
C'est vrai qu'ils ont écrit cela aussi. Mais je vous invite ici à considérer trois choses...
La première est que ces rabbins pensent que Jésus non plus n'était pas un authentique prophète de Dieu, et qu'il n'était pas le Messie : "Jésus en tant que "Roi" a agi à l'encontre des points suscités. Il n'est donc pas Messie. Il ne peut donc pas non plus être prophète, et c'est pourquoi il a été considéré comme un imposteur par le peuple juif" (4515). Or vous, chrétiens, et nous, musulmans, croyons que Jésus est un authentique prophète de Dieu, de même qu'il était le Messie annoncé aux fils d'Israël (cliquez ici). Et nous musulmans croyons que Muhammad est un authentique prophète de Dieu, de même que le dernier messager de Dieu aux hommes.
La seconde chose est que ces deux points – concernant Jésus et concernant Muhammad – constituent un autre débat. Quand j'ai cité ces rabbins à propos de savoir si Allah est Dieu ou non, c'est parce que vous avez fait référence à la Bible ; je vous ai donc relaté ce que les rabbins du site suscité ont écrit, à savoir que "juifs et musulmans ont le même Dieu, mais le décrivent et l'adorent de façon différente."
Troisièmement, comme ces rabbins nous considèrent, nous musulmans, comme des monothéistes mais n'ayant pas la vraie foi car n'étant pas détenteurs de la vraie révélation divine, nous musulmans considérons les juifs croyants d'aujourd'hui comme des hommes adoptant globalement le monothéisme mais n'ayant pas la vraie foi, c'est-à-dire la foi en le message révélé que Dieu agrée désormais ; le fait est que le message de Moïse a été abrogé par celui de Jésus, et le message de ce dernier a lui-même été abrogé par celui de Muhammad : ceux qui, ayant eu connaissance d'un message plus récent, ont choisi de ne pas y adhérer n'ont plus la foi que Dieu agrée ; nous musulmans disons dès lors qu'ils sont dans le kufr (akbar) (on cliquera ici et ici pour en savoir plus au sujet de ce terme).
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Un dernier mot :
Comme nous l'avons vu au travers des extraits susmentionnés du site cheela.org, la majorité de ces rabbins pensent, suivant en cela Moïse Maïmonide, que les Chrétiens Trinitaires sont des polythéistes. Il faut par contre savoir que la quasi-totalité des ulémas sont, eux, d'avis que les Chrétiens Trinitaires ne sont pas des polythéistes. Effectivement, le monothéisme des Chrétiens Trinitaires – et, plus généralement, post-nicéens, c'est-à-dire ayant adopté la croyance en la divinité du Messie – n'est pas pur, car une dose certaine de polythéisme s'y trouve mélangée. Mais cette dose n'est pas telle que le résultat soit "une religion polythéiste" et que les hommes qui y adhèrent soient nommés "des polythéistes". Il y a là une nuance à bien comprendre, et qu'on découvrira en lisant l'article consacré à ce point. Ceux qui ont adopté ce mélange sont eux aussi dans le kufr (akbar), et ce avant même la venue de Muhammad (sur lui la paix) ; on pourra lire à ce sujet l'article expliquant le terme arabe "nassârâ".
Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).