Le Coran relate que, pendant que Moïse (sur lui soit la paix) était allé au Sinaï accompagné de quelques disciples et que le reste des fils d'Israël étaient restés sous la direction de Aaron (sur lui soit la paix), un homme, le "Sâmirî", invita ceux-ci à adorer un veau d'or qu'il avait fait fabriquer (Coran 20/85, 87, 7/152).
Un certain nombre d'entre eux – pas tous (cf. Bayân ul-qur'ân, 1/32, Ar-Riwâyât en note de bas de page) – tombèrent dans le piège.
"Sâmirî" étant communément traduit par "samaritain", l'objection qui est souvent faite ici est que d'une part le peuple samaritain n'existait pas encore à l'époque de Moïse ; d'autre part l'appellation "samaritain" elle-même n'a pas de sens avant les X-IXè siècles avant J.-C, période pendant laquelle Omri, roi d'Israël, fonda la ville de Samarie.
Mais en fait différents avis existent quant à ce que signifie le nom "Sâmirî" ici :
– A) le nom "Sâmirî" est une désignation qui s'applique à tout un groupe de personnes, et cet homme, nommé "Sâmîrî" dans ce passage coranique, faisait à l'origine partie de ce groupe.
Ensuite deux avis apparaissent ici :
--- A.a) ce nom signifie : "Samaritain" ; en fait les Samaritains existaient bel et bien avant la fondation de Samarie : ce sont les descendants des tribus issues de Joseph. N'ayant pas connu l'exil en Babylonie, les gens de ces tribus demeurèrent sur place, et, plus tard, les autres tribus des fils d'Israël, retournées, elles, de l'Exil babylonien, les nommèrent "Shomronim" ("habitants de Samarie"), tandis qu'eux-mêmes préfèrent se désigner comme étant les "Shamerim" ("gardiens", "observants") (islamic-awareness.org) ;
--- A.b) ce nom "Sâmirî" signifie : "d'origine sumérienne" (Abu-l-Kalâm Azâd, cité dans Qassas ul-qur'ân 1/501-502) ;
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– B) dans ce verset, ce nom "Sâmirî" renvoie non pas à un groupe de personnes mais à cet individu particulier qui a fabriqué le veau d'or :
--- B.a) soit le nom signifie : "gardien" (Traduction du Coran en anglais par Yussuf Ali, note n° 2608) ;
--- B.b) soit le nom vient d'un terme de l'égyptien ancien qui signifie : "étranger" (Ibid., note n° 2605 ; Yussuf Alî cite le Egyptian Hieroglyphic Dictionary).
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A propos de l'avis A.a : Cet avis part de la recherche selon laquelle le peuple dit "samaritain" existe depuis fort longtemps et selon laquelle les ancêtres de ce peuple étaient présents aux côtés de Moïse ; ce n'est que plus tard que, restés sur place sans avoir connu l'Exil, leurs descendants furent déconsidérés par les israélites retournés d'Exil ; il est donc faux de dire que le peuple samaritain n'existait pas durant la vie de Moïse.
Autant cette recherche est intéressante, elle ne répond cependant pas entièrement à l'objection susmentionnée. Le fait est qu'elle montre que le peuple qui serait plus tard nommé "samaritain" existait déjà – elle dit qu'il est constitué des descendants des tribus issues de Joseph –, et répond donc entièrement à la première partie de l'objection ("Le peuple samaritain n'existait pas durant la vie de Moïse"). Par contre, selon notre humble compréhension, elle ne répond pas à la seconde partie de la question ("L'appellation "Samaritain" n'était alors pas connue") : elle n'établit en effet pas que, depuis l'époque de Moïse, les gens de ces tribus aient été désignés par le nom "Samaritains". Même à considérer – comme le suggère la recherche – qu'en réalité le nom n'est pas "Shomronim" ("habitants de Samarie"/ "Samaritains") mais "Shamerim" ("observants"), la question demeure de savoir quelle raison y avait-il à ce que, depuis l'époque de Moïse, les hommes appartenant aux tribus joséphoises soient désignés par ce nom spécifique, qui les distinguait du reste des fils d'Israël ?
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La même question se pose à propos de l'avis B.a : pour quelle raison cet homme a-t-il été nommé "gardien" ?
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Dans l'expectative d'une réponse à cette question, nous nous en tenons pour le moment à la préférence de Cheikh Syôhârwî, qui va à l'avis de Abu-l-Kalâm Azâd [avis A.b] : le mot "Sâmirî" signifierait dans ce verset : "originaire de Sumer".
Abu-l-Kalâm Azâd écrivait à son époque (14è siècle hégirien / XXè siècle chrétien) qu'"actuellement encore, en Irak, un restant de (ce peuple) est appelé par ce nom".
Il écrit encore : "L'habitat des tribus sumériennes fut l'Irak, mais (certains individus) étaient allés s'établir jusqu'à des contrées lointaines. L'existence de relations entre eux et l'Egypte est établie jusqu'à la fin du second millénaire avant Jésus. Il semble donc qu'un individu de ce peuple ait apporté foi en Moïse, et que, lorsque les fils d'Israël vécurent l'Exode, il partit avec eux. C'est lui que le Coran a désigné par le nom "as-Sâmirî". Le culte de la vache, du bœuf et du veau avait cours chez les Sumériens et chez les Egyptiens" (cité dans Qassas ul-qur'ân 1/501-502).
Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).