Il arrive, à propos de certains points, qu'il y ait des Hadîths contenant un impératif ou bien un impératif négatif.
Une façon qu'ont certains mujtahids de procéder est de se fonder uniquement sur la présence d'un impératif affirmatif ou négatif, et de dire : quand il y a un impératif, celui-ci induit forcément une obligation, et quand il y a un impératif négatif, celui-ci communique obligatoirement une interdiction. Les zahirites sont connus pour pratiquer cette méthode d'interprétation.
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Une autre méthode, retenue par d'autres mujtahids, est de se référer également au niveau d'importance – qu'il s'agit bien sûr de rechercher dans les références musulmanes elles-mêmes, et non d'établir d'après sa seule idée personnelle – de l'acte que la règle du Hadîth concerne : cet acte relève-t-il d'une maslaha de niveau "dharûrî", "hâjî" ou bien "tahsînî" ? (Cf. Nazariyyat ul-maqâssid 'inda-l-imâm-ish-shâtibî, p. 227.)
Un impératif employé dans un hadîth à propos d'une règle qui ne relève en réalité que des "tahsîniyyât" ne peut pas induire le même caractère que l'impératif employé à propos d'une règle qui relève pour sa part des "hâjiyyât". En fait, lorsqu'un impératif négatif figure dans les hadîths à propos d'un acte donné, mais que cet acte ne relève que des "tahsîniyyât", l'impératif n'induira qu'un caractère de "mak'rûh tanzîhî".
Par contre, si un tel impératif frappe un acte qui est de niveau "hâjiyyât", alors les ulémas en extrairont un caractère de "mak'rûh 'alâ wajh it-ta'kîd", ou de "mak'rûh tahrîmî", voire même de "harâm".
Quant à l'impératif qui frappe un acte relevant des "dharûriyyât", il se traduira par un caractère "harâm", et sera l'indice que cet acte constitue un péché grave ("kabîra min al-kabâ'ïr").
Ash-Shâtibî écrit ainsi : "Les impératifs et les impératifs négatifs sont, sur le plan de la lettre, d'un même niveau quant à l'indication de nécessité. La distinction, parmi eux, entre ce qui constitue un impératif d'obligation et (ce qui constitue un impératif) de recommandation, et entre ce qui constitue un impératif négatif d'interdiction et (ce qui constitue un impératif) induisant un caractère déconseillé, cela ne peut se faire sur la base des textes que pour certains cas, et non la plupart. Nous ne pouvons obtenir cette distinction qu'en recherchant le contenu, en considérant les massâlih et (en nous posant la question : ) dans quel degré [dharûrî, hâjî ou tahsînî] cela tombe-t-il ?" (Al-Muwâfaqât 2/140).
Il écrit également : "Les péchés, il en est parmi eux qui sont petits et il en est qui sont grands. On sait cela [= la distinction entre les petits et les grands péchés] [également] par (la considération pour) le fait que leur occurrence est dans les "dharûriyyât", les "hâjiyyât" ou les "tahsîniyyât". Si (les interdits) touchent aux "dharûriyyât", alors ils constituent les plus grands des péchés graves ("a'zam ul-kabâ'ïr") ; s'ils touchent aux "tahsîniyyât", alors ils sont sans doute de moindre gravité ; et s'ils touchent aux "hâjiyyât", alors ils sont d'un degré intermédiaire entre les deux. Ensuite chacun de ces [trois] niveaux [dharûriyyât / hâjiyyât / tahsîniyyât] possède un complément ; il n'est pas possible que le complément soit du même degré que ce qu'il complète" (Al-I'tissâm 2/38). (Note : les actions de caractère "mak'rûh tanzîhî" sont en-deçà des petits péchés (as-saghâ'ïr), lesquels consistent en des actions de caractère "mak'rûh tahrîmî" : cliquez ici.)
C'est là une façon de considérer les choses que l'on trouve parfois chez les hanafites (puisqu'un impératif lié à ce qui reconnu par les ulémas comme constituant des seuls "âdâb" est parfois classé par ces hanafites comme étant recommandé et non obligatoire), mais souvent et surtout chez les malikites. C'est pourquoi on trouve sous la plume de Ibn ul-'Arabî l'éloge de Mâlik ibn Anas pour cette façon qu'il avait de procéder ; il écrit ainsi que certains savants comme ash-Shâfi'î "ne lisent pas les sources avec l'œil de Mâlik, ne se tournent pas vers les massâlih, ne considèrent pas les maqâssid, et se cantonnent à la littéralité et à ce qu'ils en extraient" (Ahkâm ul-qur'ân 2/125). On peut lire aussi à ce sujet ce que ar-Reyssûnî a écrit in Nazariyyat ul-maqâssid 'inda-l-imâm-ish-shâtibî, pp. 293, 227, 56, 139.
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Un premier exemple (qui en réalité va s'avérer légèrement différent) :
Le Prophète a employé un impératif négatif à propos du fait de rester debout pour boire.
Des ulémas ont écrit que rester alors debout n'est que "mak'rûh tanzîhî" (voir par exemple Ad-Durr ul-mukhtâr 1/254-256, Riyâdh us-sâlihîn, bâb 110).
Ceci est dû à la considération pour le fait que s'asseoir pour boire ne relève que des tahsîniyyât.
Mais en réalité ceci est dû, aussi et d'autre part, au fait qu'il existe des hadîths où il est clairement relaté que le Prophète lui-même a bu en restant debout : Abdullâh ibn Amr dit ainsi : "J'ai vu le Messager de Dieu boire debout et boire assis" (at-Tirmidhî 1884) (cliquez ici pour en savoir plus).
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Un second exemple (plus approprié par rapport au principe évoqué dans cet article) :
Le Prophète (sur lui la paix) a employé un impératif demandant que lorsqu'on s'habille et lorsqu'on fait les petites ablutions, on commence du côté droit : "Lorsque vous vous habillez et lorsque vous faites les ablutions, commencez par le côté droit" (Abû Dâoûd 4141).
Et cette fois il n'est nulle part relaté qu'il ait commencé par le côté gauche, exprimant ainsi que l'impératif n'a valeur que de recommandation (bayânan li jawâz il-fi'l il-âkhar).
Malgré cela, en général les ulémas disent que commencer du côté droit est seulement recommandé, car cela relève des "adâb" et des "tahsîniyyât", c'est-à-dire ne réalise pas le minimum de la maqsad à laquelle il est lié, mais ne fait qu'embellir celle-ci. Or "le principe à propos de ce qui est ainsi est seulement la recommandation".
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Rappel :
On rappelle ici que la seconde méthode d'interprétation susmentionnée revient à se référer en fait à deux choses, l'une complétant l'autre :
– d'une part au niveau de la maslaha qui entre en jeu dans le contenu du texte, comme nous l'avons vu ci-dessus ;
– mais aussi et d'autre part à la force des termes employés dans la lettre du texte : menace formulée à propos de celui qui fait le contraire, etc.
C'est pourquoi, bien que certains ulémas soient d'avis que l'utilisation de la main droite et non de la gauche pour manger est seulement recommandée, c'est l'avis qui dit que cela est obligatoire qui semble pertinent (Fat'h ul-bârî 9/647-648), vu la force des termes employés par le Prophète : "عن ابن عمر أن رسول الله صلى الله عليه وسلم قال: لا يأكلن أحد منكم بشماله، ولا يشربن بها، فإن الشيطان يأكل بشماله، ويشرب بها" : "Et qu'aucun de vous ne mange ni ne boive de la main gauche ; car le Diable mange et boit de la main gauche" (Muslim, 2020) ; "عن سلمة بن الأكوع أن رجلا أكل عند رسول الله صلى الله عليه وسلم بشماله، فقال: "كل بيمينك." قال: "لا أستطيع." قال: "لا استطعت!" ما منعه إلا الكبر. قال: فما رفعها إلى فيه : Mangeant en compagnie du Messager de Dieu, un homme utilisa pour ce faire sa main gauche. Le Prophète lui dit : "Mange de ta main droite." Il répondit : "Je ne peux pas" : ce fut par orgueil qu'il dit cela. Le Prophète lui dit alors : "Que tu ne puisses plus !" Il ne put ensuite plus lever sa main droite jusqu'à sa bouche (Muslim 2021).
Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).