I) Le signifié (معنى) qui est extrait du signifiant (le texte du Coran ou de la Sunna) (منطوق) (نصّ) peut, par le biais d'une analogie (qiyâs zannî), être appliqué à un cas autre que celui stipulé dans ce texte.
Cela relève cependant de l'application du sens d'un texte donné à un cas que ce texte n'englobe ni de façon directe, ni de façon indirecte. C'est seulement la règle (hukm) que ce texte communique à propos d'un cas précis qui a été appliquée à un autre cas, et ce parce que le principe motivant ('illa) présent dans le premier et auquel cette règle est liée, ce principe a été retrouvé dans le second aussi. Nous avons parlé de cela dans un autre article (cliquez ici).
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II) Ici nous parlerons de quelque chose de différent. Nous parlerons du sens (le signifié) que le texte induit soit directement, soit indirectement. Tous les signifiés que nous évoquerons ainsi relèvent cependant bien de ce que le texte induit (مدلولات النصّ) (contrairement au cas de l'analogie, évoqué en I).
Nous parlerons ainsi :
- de ce que le texte signifie explicitement (sarâhatan) (ci-après : 1),
- de ce qui découle de ce que le texte signifie explicitement (iltizâman) (ci-après : 2.2.1),
- de ce que le texte implique par élargissement, mais alors que l'analogie est évidente (qiyâs jalî) (ci-après : 2.2.2)...
(Il faut savoir qu'il peut cependant exister des situations où le cas concret est tel que, bien que englobé par la lettre (lafz) du texte (nass) qui induit le thème (mawdhû'), le propos (mahkûm bih) que ce texte applique (hukm) à ce thème (mawdhû') n'est pas applicable à ce cas précis, et ce parce que le principe qui motive ('illa / manât / madâr / ma'nâ) l'application de ce propos à ce thème n'est pas présent en lui. Bien que la lettre du texte l'englobe donc, la réalité induite par ce texte ne l'englobe pas. Nous avons parlé de cela dans l'article traitant de tadwîr ul-hukm ma'a dawrân il-'illa.)
(La classification qui suit est l'une des classifications pensées par des juristes. D'autres classifications existent qui sont différentes...)
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– 1) Soit ce signifié (معنى) est ce qui ressort immédiatement du texte (متبادر منه), de par le sens originel (وضعيّ) des mots composant celui-ci. C'est ce qu'on appelle : "دلالة العبارة / عبارة النصّ / الدلالة الصريحة" :
Ceci englobe :
--- le sens qui constitue l'objectif premier pour lequel ce texte a été prononcé (المعنى اللذي سيق الكلام لأجْله أصالةً) (sens qui est appelé "nass" au sens particulier du terme),
--- et le sens qui constitue l'objectif secondaire pour lequel ce texte a été prononcé (المعنى اللذي سيق الكلام لأجْله تبعًا) (sens qui est appelé "zâhir" au sens particulier du terme).
L'exemple le plus connu ici concerne le verset suivant : "الَّذِينَ يَأْكُلُونَ الرِّبَا لاَ يَقُومُونَ إِلاَّ كَمَا يَقُومُ الَّذِي يَتَخَبَّطُهُ الشَّيْطَانُ مِنَ الْمَسِّ ذَلِكَ بِأَنَّهُمْ قَالُواْ إِنَّمَا الْبَيْعُ مِثْلُ الرِّبَا وَأَحَلَّ اللّهُ الْبَيْعَ وَحَرَّمَ الرِّبَا" : "Ceux qui mangent de l'intérêt ne se lèveront [de leur tombe le jour de la résurrection] que comme celui que le Diable terrasse pour l'avoir frappé [= que comme celui qui est possédé]. Ceci parce qu'ils ont dit : "Le (bénéfice perçu sur) la vente est bien comme l'intérêt (perçu sur le prêt) !" ; alors que Dieu a déclaré licite la vente et interdit l'intérêt !" (Coran 2/275).
--- Le sens qui constitue l'objectif premier pour lequel la dernière phrase a été prononcée (المعنى اللذي سيق الكلام لأجْله أصالةً وبالذات) est de montrer la différence entre le bénéfice perçu sur une vente et l'intérêt.
--- Le sens qui constitue l'objectif secondaire (المعنى اللذي سيق الكلام لأجْله تبعًا وبالعرض) est de dire que le bénéfice perçu sur la vente est licite, alors que l'intérêt est illicite.
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– 2) Soit les choses ne sont pas ainsi : ce signifié (معنى) ressort de façon moins explicite du texte, de par ce que la raison extrait, après un effort, des mots de celui-ci :
Il y a alors 2 cas...
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--- 2.1) Ce signifié (معنى) est lié avec les mots mêmes de ce texte, car la validité complète du texte en dépend. En effet, les mots composant le texte impliquent un autre mot pour la validité de la phrase du point de vue shar'î ; la raison a donc eu l'obligation de penser cet autre mot, celui-ci précisant ou nuançant le signifié total. C'est ce qu'on appelle : "دلالة الاقتضاء / اقتضاء النصّ". Le fait est que : "هذا المدلول، لفظه مقدَّر في الكلام، تتوقف عليه صحة الكلام شرعًا" :
Dieu dit : "حُرِّمَتْ عَلَيْكُمْ أُمَّهَاتُكُمْ وَبَنَاتُكُمْ وَأَخَوَاتُكُمْ" : "Vous sont interdites vos mère, fille, sœur…" (Coran 4/23). Cette formulation veut évidemment dire : "Vous est interdit le mariage avec vos mère, fille, sœur…".
D'autres exemples peuvent être plus complexes et plus ardus à résoudre : "رُفِعَ عن امتي الخطأ و النسيان وما استكرهوا عليه" : "L'erreur, l'oubli et la contrainte ont été enlevés de ma Umma" a dit le Prophète (sur lui soit la paix). Qu'est-ce qui a "été enlevé" alors : seulement le péché auprès de Dieu, ou bien le péché ainsi que l'applicabilité de la règle temporelle ? Ce texte signifie-t-il que toute action faite à cause d'une de ces trois raisons n'entraîne aucun péché auprès de Dieu, même si la règle temporelle, elle, est bel et bien applicable ? ou bien signifie-t-il que la règle temporelle elle-même n'est alors pas applicable ?
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--- 2.2) La validité du texte ne dépend pas d'un mot sous-entendu, dont ce signifié serait le sens ; mais, contrairement au cas 1, ici c'est de façon implicite que le signifié ressort du texte :
Il y a alors 2 sous-cas...
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----- 2.2.1) Ce signifié (معنى) constitue le lâzim du / ce qui est impliqué par le sens pour lequel la phrase a été prononcée. C'est ce qu'on appelle : "دلالة الإشارة / إشارة النصّ". Le fait est que : "هذا المدلول: معنًى لازم خفيّ للمعنى الذي سيق الكلام لأجْله" :
Un verset coranique dit : "فَالآنَ بَاشِرُوهُنَّ وَابْتَغُواْ مَا كَتَبَ اللّهُ لَكُمْ وَكُلُواْ وَاشْرَبُواْ حَتَّى يَتَبَيَّنَ لَكُمُ الْخَيْطُ الأَبْيَضُ مِنَ الْخَيْطِ الأَسْوَدِ مِنَ الْفَجْرِ ثُمَّ أَتِمُّواْ الصِّيَامَ إِلَى الَّليْلِ" : "Maintenant vous pouvez avoir des relations intimes avec votre épouse – et rechercher (ainsi) ce qui a été prédestiné pour vous – et manger et boire, jusqu'à ce que le fil blanc se distingue à vos [yeux] du fil noir, c'est-à-dire l'aube. Puis complétez le jeûne jusqu'à la nuit" (Coran 2/187). Ce verset a pour objectif d'enseigner les limites temporelles du jeûne : ce dernier commence avec l'aube, moment à partir duquel il devient interdit de manger, de boire et d'avoir des relations intimes, et dure jusqu'au début de la nuit (il s'agit du coucher du soleil). Entre le coucher du soleil et l'aube, par contre, il est autorisé de manger, boire et d'avoir des relations intimes avec son épouse. C'est là le sens pour communiquer lequel ce verset (conformément à la circonstance de révélation relatée à son sujet, et qui est qu'au début de l'islam, c'était depuis le moment que l'on s'était endormi la nuit qu'il devenait interdit de manger, de boire et d'avoir des relations intimes). Un autre point découle cependant de ce sens, et en constitue donc le corollaire : dire qu'il est permis d'avoir des relations intimes jusqu'à avant l'aube, cela implique qu'il est aussi permis de se trouver, au moment de l'aube – donc alors que le jeûne a déjà débuté – en état de grande impureté due à ces relations intimes (janâba). Cet état de janâba qui avait été occasionné depuis avant le début du jeûne ne gêne donc pas la validité du jeûne, contrairement au même état occasionné volontairement pendant le jeûne (il annule alors celui-ci), et contrairement à l'état de haydh, même ayant débuté avant le commencement du jeûne (le jeûne est alors impossible). L'autorisation de débuter le jeûne en état de janâba constitue un signifié de type 2.2.1 de ce verset.
Et ce signifié, extrait ici en tant que lâzim de ce qui constitue l'objectif du verset, constitue par ailleurs ce que dit explicitement (de type 1) un hadîth rapporté par al-Bukhârî (n° 1829) et Muslim (n° 1109).
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----- 2.2.2) Ce signifié (معنى) constitue un sens que la raison extrait du sens immédiat du texte, en tant que cas concerné lui aussi par la règle spécifiée, ou par l'inverse de la règle spécifiée. On appelle cela : "دلالة الدلالة / دلالة النصّ". Le fait est que : "هذا المدلول: معنًى ينتقل العقل إليه من المعنى المتبادر من اللفظ" :
D'après l'école shafi'ite, cette sous-catégorie se subdivise ensuite en deux : "مفهوم الموافَقة" et "مفهوم المخالَقة", qui relèvent donc tous de la "دلالة الدلالة".
C'est donc chez l'école shafi'ite que ce signifié de type 2.2.2 se subdivise en les sous-types 2.2.2.1 et 2.2.2.2 (que nous allons voir ci-dessous)...
Les hanafites, eux, ne reconnaissent que le premier de ces deux sous-types, le 2.2.2.1 (avec ses deux sous-embranchements), et considèrent donc la "دلالة الدلالة" comme étant synonyme de ce que les shafi'ites nomment : "مفهوم الموافَقة"…
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------- 2.2.2.1) Ce signifié (معنى) est tel que la raison le comprend à partir du sens immédiat du texte, ce qui fait que la règle stipulée s'applique à un cas équivalent à celui spécifié dans le texte, mais sans que cela aille jusqu'à constitue une analogie proprement dite. C'est ce qu'on appelle : "مفهوم الموافَقة". Le fait est que : "هذا المدلول: معنًى ينتقل العقل إليه من المعنى المتبادر من اللفظ، بغير اجتهاد" :
Ce type de raisonnement, que certains ulémas nomment : "قياس جليّ", "Qiyâs Jalî", se subdivise à son tour en deux sous-types : 2.2.2.2.1 et 2.2.2.2.2 :
--------- 2.2.2.2.1) Sens a fortiori : Ce signifié (معنى) est tel que la raison le comprend nécessairement, par sa seule appréhension du texte, comme méritant plus encore la règle que le cas spécifié dans le texte. C'est ce qu'on appelle : "قياس الأَوْلَى الجلىّ" ou "فحوى الخطاب". Le fait est que : "هذا المدلول: معنًى ينتقل العقل إليه من المعنى المتبادر من اللفظ: بمحض معرفته اللغة، لأنّ المسكوت عنه أولى جليًّا بالحكم من المنصوص عليه، بسبب وجود علة الحكم في المسكوت عنه أكثر من وجوده في المنصوص عليه" :
Dieu dit : "إِمَّا يَبْلُغَنَّ عِندَكَ الْكِبَرَ أَحَدُهُمَا أَوْ كِلاَهُمَا فَلاَ تَقُل لَّهُمَآ أُفٍّ وَلاَ تَنْهَرْهُمَا وَقُل لَّهُمَا قَوْلاً كَرِيمًا" : "Si l'un deux ou les deux (parents) atteignent la vieillesse auprès de toi, alors ne leur dis pas "Fff"" (Coran 17/23). Si le fils et la fille doivent s'abstenir de dire "Fff..." à leurs parents, ils doivent se préserver a fortiori de dire chose plus grave, comme les insulter. Cette considération "a fortiori" constitue le raisonnement "bi-l-awlâ". (Il est à noter que la clause de "atteindre la vieillesse" n'a pas de valeur exclusive, mais souligne seulement que c'est à cet âge que les parents deviennent d'un caractère plus difficile et qu'il faut alors redoubler de patience.)
–------- 2.2.2.2.2) Sens a pari : Ce signifié (معنى) est tel que la raison l'extrait du texte par "élargissement" du sens immédiat de ce texte, mais sans que cela aille jusqu'à une analogie proprement dite. C'est ce qu'on appelle : "قياس المساواة الجلىّ", ou : "لحن الخطاب" (d'après une des acceptions de la formule), ou encore : "قياس في معنى النصّ" (Ussûl ut-tashrî' il-islâmî, p. 244). Le fait est que : "هذا المدلول: معنًى ينتقل العقل إليه من المعنى المتبادر من اللفظ (في بعض الصور بالتبادر، وفي بعض الصور الأخرى بالبحث عن عدم وجود فارق مؤثر بينهما)؛ وهذا لأنّ المسكوت عنه مُساوٍ جليًّا للمنصوص عليه بالنسبة للحكم، بسبب وجود علة الحكم فيهما" :
Ainsi, un bédouin* qui avait eu des relations intimes avec son épouse pendant un jeûne du ramadan vint en parler au Prophète (sur lui soit la paix), qui lui dit qu'il devait donner une expiation (kaffâra) : affranchir un esclave, jeûner pendant deux mois, ou nourrir soixante pauvres (les références sont bien connues). Ibn Taymiyya écrit : "Il est évident que cette règle n'est pas spécifique à ce bédouin. Il est évident que ce n'est pas non plus son caractère de bédouin ou d'arabe qui est le pivot de la règle, ni même que la femme avec qui il a eu des relations intimes était son épouse" (Majmû' ul-fatâwâ 19/15-16) (* c'est dans la version rapportée par Ahmad, 10688, qu'il est stipulé qu'il s'agissait d'un bédouin). C'est-à-dire que la règle de donner cette expiation (kaffâra) n'est bien évidemment pas spécifique aux bédouins, aux arabes, ou au fait d'avoir des relations intimes avec son épouse : bien que cela ne figure pas dans ce texte, l'applicabilité de cette règle s'élargit à tout musulman qui a eu des relations intimes pendant un jeûne de ramadan avec son épouse ou avec une femme avec qui il n'est en soi pas licite d'avoir des relations intimes. Cet élargissement de la règle par rapport à la stricte lettre du texte, cela relève de ce dalâlat ud-dalâla ou maf'hûm ul-muwâfaqa, ou qiyâs jalî.
Un autre exemple : "مَا كَانَ لِلنَّبِيِّ وَالَّذِينَ آمَنُواْ أَن يَسْتَغْفِرُواْ لِلْمُشْرِكِينَ وَلَوْ كَانُواْ أُوْلِي قُرْبَى مِن بَعْدِ مَا تَبَيَّنَ لَهُمْ أَنَّهُمْ أَصْحَابُ الْجَحِيمِ" : "Le Prophète et les croyants n'ont pas à demander pardon (à Dieu) en faveur de ceux qui sont polythéistes après qu'il leur soit devenu évident qu'ils seront des gens de l'enfer" (Coran 9/113). Ce verset enseigne que l'on ne peut pas demander à Dieu la rémission des péchés d'une personne qui est morte en étant polythéiste. Le verset ne parle explicitement que des polythéistes. Mais cette règle s'applique aux autres non-musulmans, ceux qui ne sont pas polythéistes mais athées ou Gens du Livre, vu que le manât ayant été ici indiqué (être min as'hâb il-jahîm) est présent en eux aussi.
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Il y a hésitation entre des ulémas quant à savoir si la dalâla du texte (nass) sur le maf'hûm ul-muwâfaqa est de type lafziyya ou bien de type qiyâssiyya (cf. Irshâd ul-fuhul, p. 590).
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Par contre il est des cas où il peut y avoir divergence entre les mujtahidûn quant à savoir si l'élargissement relève de ce cas de dalâlat ud-dalâla (= qiyâs jalî), ou bien d'un qiyâs zannî.
Ainsi, Dieu dans le Coran a interdit qu'après l'appel à la prière de la mi-journée du vendredi on pratique encore le commerce ("la vente") : "يَا أَيُّهَا الَّذِينَ آمَنُوا إِذَا نُودِي لِلصَّلَاةِ مِن يَوْمِ الْجُمُعَةِ فَاسْعَوْا إِلَى ذِكْرِ اللَّهِ وَذَرُوا الْبَيْعَ" : "O les croyants, lorsque est lancé l'appel pour la prière le jour du vendredi, accourez vers le rappel de Dieu et délaissez la vente" (Coran 62/9). Cette règle de l'interdiction (hurma) a été "exportée", d'après les ulémas de plusieurs écoles, à toute transaction (Al-Fiqh ul-islâmî wa adillatuh, pp. 1283-1284) ; chez les hanafites, elle a même été exportée à "tout acte qui retient la personne par rapport au déplacement vers le lieu de la prière du vendredi" (Radd ul-muhtâr 3/38). Cet "élargissement" a constitué, selon les hanafites, une "dalâlat ud-dalâla" (Ussûl ut-tashrî' il-islâmî, pp. 108-109). Par contre, selon l'école hanbalite, cet "élargissement" constitue quelque chose de "plus poussé", et est, en l'occurrence, impossible car "ma'a-l-fâriq" : l'interdiction ne concerne que la vente, et même pas la location (cf. Al-Mughnî 3/10).
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Quant au tanqîh ul-manât, c'est un outil, et c'est lui qui entre en jeu dans la dalâlatu dalâlat in-nass (conduisant alors à un qiyâs jalî), mais également pour certains cas qui relèvent en fait d'un qiyâs zannî. C'est bien pourquoi le tanqîh ul-manât s'accompagne dans certains cas d'un ijtihâd, car déterminer s'il doit y avoir élargissement, ou pas, cela n'est pas toujours évident.
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------- 2.2.2.2) Chez les shafi'ites (cela n'étant pas reconnu chez les hanafites) : Sens a contrario : Signifié (معنى) qui est tel que, du fait que le texte subordonne la règle à une clause particulière, la raison déduit du texte ce signifié en tant que règle inverse à celle spécifiée dans le texte, et applicable au cas où cette clause n'est pas présente ("مفهوم المخالَقة") :
Ceci relève de nouveau d'une considération de ta'lîl : la clause (qayd) figurant dans le texte a été interprétée comme exprimant la 'illat ul-hukm, de sorte que son absence entraîne le contraire du hukm figurant dans le texte.
Le Prophète (sur lui soit la paix) a dit : "من باع نخلا قد أبرت فثمرها للبائع، إلا أن يشترط المبتاع" : "Celui qui a acheté un dattier après qu'il ait été fécondé, les fruits de ce dattier reviendront au vendeur, sauf si l'acheteur a spécifié (le contraire)" (Bukhârî, Muslim).
Pour Abû Hanîfa comme pour ash-Shâfi'î, si les fruits étaient déjà apparus au moment de la vente de l'arbre, et que celui-ci n'est pas livré immédiatement, les fruits resteront la propriété du vendeur et, sauf mention explicite lors de la transaction, n'iront pas à l'acheteur avec l'arbre.
Par contre, les choses sont différentes quant à l'arbre fruitier dont les fruits n'étaient pas apparus avant qu'il soit vendu mais qui, au moment où il est livré, porte des fruits : pour Abû Hanîfa c'est ici encore la même règle que précédemment qui s'applique. Par contre, pour ash-Shâfi'î, ici la règle est différente : ici la règle normale est que les fruits comme l'arbre iront à l'acheteur, et seule une condition explicite du vendeur pourrait changer la donne. Le fait est que ash-Shâfi'î a eu recours au raisonnement "a contrario" et a donc considéré la clause mentionnée dans le hadîth, "après qu'il ait été fécondé", comme ayant comme objectif de faire comprendre que le cas inverse entraîne la règle inverse. Abû Hanîfa, ne reconnaissant pas le "maf'hûm ul-mukhâlafa", n'a pas fait ce raisonnement.
Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).
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A lire en complément de cet article :
- La cause et les conditions auxquelles l'applicabilité de certaines règles est liée ;
- Relativiser l'applicabilité d'une règle en la restreignant à un contexte précis