On entend parfois certains soufis dire qu’il existerait, auprès de "certains saints musulmans", une "connaissance cachée et mystérieuse", contredisant parfois la connaissance que présentent le Coran et les hadîths (nommée alors "apparente"). Cette connaissance cachée, disent-ils, peut être acquise "directement de Dieu dans le cœur", par la piété, les rêves ou l'illumination (ishrâq). La connaissance du Coran et des hadîths, poursuivent ces personnes, serait une "connaissance livresque", alors que cette autre connaissance serait reçue directement de Dieu dans le cœur par ces saints hommes qui n'auraient, dès lors, plus besoin de suivre Coran et hadîths. Autrement dit, pour établir qu’est-ce qui est obligatoire, permis et interdit en différents domaines de la vie (par exemple l’alimentation ou l’habillement), il n’y aurait plus besoin de se référer aux textes du Coran et des hadîths du Prophète (sur lui la paix), mais il suffirait d'"entrer en contact" avec Dieu par le moyen du cœur.
Tout cela est-il vrai ?
En fait non : il n'y a pas de connaissance cachée en islam. Et les musulmans n'ont pas besoin d'aller chercher directement auprès de Dieu les normes pour leur vie sur terre, car celles-ci leur ont été communiquées par la révélation. En effet, le Prophète Muhammad (sur lui la paix) a déjà laissé aux musulmans ce dont ils ont besoin en matière de sources : "Je vous ai laissé sur une religion qui est claire : la nuit est comme le jour" (Ibn Mâjah) ; "J’ai laissé parmi vous 2 choses, grâce auxquelles vous ne vous égarerez jamais : le Livre de Dieu, et ma Sunna" (al-Hâkim).
Certes, en islam, certaines règles concernent l’extérieur de la vie de l’homme (ses actions, aussi bien vis-à-vis de Dieu que vis-à-vis des créatures), tandis que d’autres règles concernent l’intérieur de la vie de l’homme (son cœur). Mais ces dimensions extérieure et intérieure figurent toutes deux dans le Coran et les Hadîths.
Certes, les règles concernant les nouveautés d'aujourd'hui ne sont pas toujours explicitement mentionnées dans le Coran ni dans les Hadîths. Mais il est possible de procéder à une analogie à partir de ce qui y est explicitement mentionné, et ce sur la base des principes (illa) issus du Coran (Livre de Dieu) et des Hadîths. C’est ainsi qu’on établit ce qui est obligatoire, ce qui est recommandé, ce qui reste permis, ce qui est déconseillé, et ce qui est interdit. Le Prophète (sur lui la paix) n'avait-il pas demandé à Mu'âdh : "Comment jugeras-tu ?" "Je jugerai selon le Livre de Dieu" avait répondu Mu'âdh. "Et si tu ne trouves pas dans le Livre de Dieu ?" "Je jugerai alors selon les Hadîths du Messager de Dieu." "Et si tu ne trouves pas dans les Hadîths du Messager de Dieu ?" "Alors je ne manquerai pas à faire un effort pour dégager une opinion." avait répondu Mu'âdh. "Louange à Dieu qui a guidé le messager de son Messager jusqu'à ce qu'agrée le Messager de Dieu" avait alors dit le Prophète. (Ce hadîth est rapporté entre autres par at-Tirmidhî et Abû Dâoûd ; si sa chaîne de transmission est faible, son contenu est cependant approuvé par les dires et la pratique des Compagnons du Prophète. Cf. A'lâm ul-muwaqqi'în, Ibn ul-Qayyim, 1/49-50.)
Certes, certains ulémas ont parfois des divergences de compréhension (fahm, fiqh) à propos de certains textes du Coran et des hadîths, mais ces divergences ne sont valables que si elles s'effectuent à l'intérieur des textes du Coran et des Hadîths, et non pas hors des textes de ces 2 sources.
Pour prouver l'existence d'une "connaissance cachée" auprès de certains musulmans, on évoque parfois les références suivantes :
– la parole de Abû Hurayra déclarant qu'il a mémorisé du Prophète deux récipients de connaissance mais n'en a diffusé qu'un seul ;
– le hadîth : "Demande la fatwa à ton cœur" ;
– le hadîth parlant de l'inspiration que peuvent recevoir des pieux musulmans ;
– le passage du Coran qui relate la rencontre de Moïse et de al-Khidhr ;
– la célèbre expression "'ilm ladunnî" ("connaissance venant d'auprès de Dieu").
Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).