Substance d'une objection (faite amicalement lors d'une discussion) :
Tu as relevé qu'on peut adopter les éléments 'âdî, car la règle première à leur sujet est la permission. Certes. Mais il y a à mon sens une nuance importante à apporter à cette règle. Il y a un Hadîth où le Prophète (sur lui la paix) a demandé de ne pas adopter la façon de saluer de certains non musulmans, ajoutant : "Leur salut se fait par la tête et la main." Regarde : dans ce Hadîth-ci, le Prophète a dit aux musulmans de garder la façon de faire qu'il leur a enseignée et de ne pas en adopter une autre.
On ne peut donc pas, même en pays non musulman, adopter les formes culturelles qui sont données localement à un acte (par exemple manger) quand elles sont différentes de ce qui est relaté du Prophète dans nos textes : soit qu'il est relaté qu'il a fait cet acte de telle façon précise (par exemple qu'il mangeait assis par terre et non sur une chaise face à une table, et qu'il mangeait avec ses doigts et non avec un ustensile) ou qu'il a parlé de tel moyen pour faire cet acte (par exemple qu'il a dit : "Mangez en utilisant la main droite et ne mangez pas en utilisant la main gauche", où l'on voit que si son objectif était de préconiser l'usage de la droite et non de la gauche pour manger, indirectement il a quand même employé le mot "main", ce qui entraine qu'on ne peut pas manger en utilisant une cuillère, ni des fourchettes comme cela se fait en Europe, ni des baguettes comme cela se fait en Chine.
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Réponse :
Premièrement) Des gestes et des paroles mentionnés dans nos textes :
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A) Ce qui est relaté comme étant un geste fait par le Prophète (sur lui la paix) :
Dans nos textes il est effectivement relaté que le Prophète (sur lui soit la paix) a fait telles et telles choses de telle façon. Cela suffit-il à dire qu'il est alors systématiquement impossible de les accomplir d'une façon différente ? De même, il est relaté dans nos textes que le Prophète n'a jamais fait telle et telle choses. Cela suffit-il pour que l'on conclue qu'il est répréhensible – voire même interdit – de faire ces choses ?
Il me semble que le propos doit être nuancé…
En effet :
– il y a l'action que le Prophète a faite et dont le principe comme la forme sont ta'abbudî ;
– mais il y aussi l'action que le Prophète a faite de telle façon mais dont le principe est ta'abbudî alors que sa forme est 'âdî (lam yaz'har fîhi qasd ul-qurba) : l'action, en son principe, peut être soit recommandée, soit fortement conseillée, soit quasi-obligatoire, soit obligatoire ; par contre, la forme de l'action, elle, est 'âdî ;
– il y a encore l'action que le Prophète a fait par pure habitude, soit personnelle, soit de son groupe (les Quraysh, ou les Arabes) : c'est une action 'âdî : par exemple le fait de porter le turban ;
– il y a enfin l'action que le Prophète a fait, en son principe comme en sa forme, de façon fortuite (bi-l-ittifâq) : par exemple se lever ici, s'asseoir là, s'allonger sous tel arbre.
C'est bien pourquoi, au sein de l'école hanafite, on dit ceci :
"Parmi les actes que le Prophète a fait :
- il y en a qui sont obligatoires,
- d'autres qui sont obligatoires de façon complémentaire,
- d'autres qui sont recommandés,
- et d'autres qui sont purement autorisés"
("Af'âlu rassûl-illâh sallallâhu 'alayhi wa sallama arba'a : mubâh, wa mustahabb, wa wâjib, wa fardh" : Nûr ul-anwâr p. 217, Muntakhab al-Hussâmî p. 84 ; ce principe a également été cité dans Mirqât ul-mafâtîh, 8/287).
- en fait il y a encore un cinquième caractère dont relèvent certains actes du Prophète : ils sont mandûb mu'akkad.
(Il faut savoir qu'il est par ailleurs des actes que le Prophète a faits et qui relèvent de ses spécificités à lui – khussûssiyyât –, qu'il n'est pas permis à un musulman de faire, comme le nombre d'épouses qu'il avait en même temps.)
Cette applicabilité de tout l'éventail des caractères juridiques aux actes et faits du Prophète est d'importance, car on peut remarquer qu'il est certains frères et soeurs qui ont certes compris qu'il y a des règles coraniques à propos desquelles il faut prendre en compte le contexte, qu'il est d'autres règles coranique qui, malgré la présence d'un impératif, n'expriment qu'une recommandation ("fa-ktubûh"), voire même une permission ("wa idhâ halaltum fa-stâdû"), mais qui, dès qu'ils sont en présence d'un geste relaté du Prophète, cessent d'utiliser leur raison et se mettent à dire : "C'est une sunna, et si on aime le Prophète on pratique ses sunnas, sinon ça veut dire qu'on ne l'aime pas", et dès qu'ils voient un geste fait d'une façon différente de celle du Prophète, disent : "Yé khilâf-é sunnat hé" ("Ceci est contraire à la sunna")... Voilà une bien curieuse façon de procéder : pourquoi la raison fonctionne-t-elle à propos des versets coraniques mais non pas au sujet des hadîths relatant des façons de faire du Prophète ? Pourquoi s'abstient-on bien d'employer un "Yé khilâf-é qur'ân hé" à propos de celui qui ne pratique pas un impératif coranique classé comme n'exprimant qu'une autorisation, mais ne comprend-on pas que la phrase "Yé khilâf-é sunnat hé" est plus que simplificatrice quand elle est utilisée dès que quelqu'un fait un acte dont la forme n'a pas été faite par le Prophète ?
Quand l'acte fait par le Prophèteest 'âdî, il relève des sunna 'âdiyya ou zâ'ïda : il est alors, d'après un avis, mandûb zâ'ïd, et d'après un autre avis, mubâh.
Par contre, au sein de ce qui est ta'abbudi, il y a ce qui est mustahbb, ce qui est mandûb mu'akkad, ce qui est wâjib, et ce qui est fardh.
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B) Ce que le Prophète (sur lui la paix) a dit de faire ou de ne pas faire :
B.a) Ce que le Prophète a interdit ou déconseillé de façon ta'abbudî :
Il y a dans nos textes des choses que le Prophète a interdit de faire, d'autres choses qu'il a déconseillé de faire. Nous sommes donc en présence de règles et de principes.
Un exemple suivra plus bas.
Ici, la contextualisation ne peut être faite que par rapport à celles d'entre ces règles qui font l'objet d'interprétations divergentes ou qui sont liees au contexte : cliquez ici, ici, et ici. De plus, s'il y a contrainte (ik'rah), ou si on se trouve dans un cas avéré de istislâh – dérogation motivée par rapport à la règle –, il devient autorisé de faire autrement que ce que disent ces règles, même consensuelles.
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B.b) Le moyen (wassîla) que le Prophète a évoqué pour accomplir une action donnée :
Il est, enfin, des textes, où le Prophète a parlé de quelque chose au détour d'un impératif, disant par exemple : "Quand l'un d'entre vous emploie telle chose, qu'il fasse ainsi".
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Deuxièmement) Un exemple pour chacun de ces trois cas :
Quelques exemples du cas A :
Le Prophète (sur lui la paix) avait une mosquée dont le sol était fait de graviers. On voit bien qu'il n'est pas impossible de relativiser la forme : on n'est pas obligé, vivant ici, de recouvrir le sol de graviers. On peut, au contraire, le recouvrir de moquette ou de tapis. Cependant, on gardera le principe :
- faire des mosquées simples, et se garder du luxe tapageur (ceci ayant d'ailleurs été spécifié en tant que principe ta'abbudî dans des Hadîths) ;
- se garder également de faire des mosquées au-dessus des capacités d'auto-financement de la communauté musulmane, ou susceptibles d'absorber une énorme partie de ses disponibilités financières au détriment d'autres actions, autrement prioritaires.
Un second exemple : Anas ibn Mâlik dit : "Le Prophète n'a jamais mangé sur une table basse ("khiwân")" (…). On questionna alors Anas : "Sur quoi mangeaient-ils donc ? – Sur des nappes (posées à même le sol) ("sufar")" (al-Bukhârî 5099).
Un jour, un musulman de l'Inde, de passage à la Réunion, et avec qui j'étais en train de prendre un repas chez quelqu'un, me dit qu'il trouvait choquant que même chez les imams de l'île on mangeait sur des tables hautes (de style européen). Je lui dis doucement : "C'est la coutume ici ("Yahân kâ 'urf hé")". Il répondit, tout aussi gentiment : "On n'a pas à adopter la coutume ; nous devons suivre les façons de faire du Prophète." Je ne répondis rien. Pourtant, pensai-je, dans certaines Dâr ul-'ulûm de l'Inde, on mange assis par terre, mais les plats posés devant soi sur des tables basses et rectangulaires (tout à fait comparables aux tables basses japonaises). Or, comme l'a relaté Anas, le Prophète n'a jamais mangé sur de telles tables (je ne parle pas ici de la question d'adopter alors telle disposition intérieure en choisissant ce genre de tables, mais de l'action elle-même de choisir ce genre de tables). Je me suis alors posé la question : pourquoi trouve-t-on normal que des musulmans indiens mangent sur des tables basses, conformément à la coutume de leur pays, mais trouve-t-on choquant que des musulmans réunionnais mangent sur des tables hautes, conformément à la coutume du leur, alors que la première comme la seconde de ces coutumes sont différentes de ce que le Prophète a fait ?
La réponse me semble être la suivante (wallâhu a'lam) : les musulmans de l'Inde ont, depuis longtemps, intégré à leur culture certaines coutumes de leur pays, même si celles-ci sont différentes de celles du Prophète (cliquez ici) : ils soulignent à juste titre que la forme de ce que le Prophète a fait est seulement mubâh, car purement 'âdî. Mais si jusqu'aujourd'hui ils regardent les coutumes européennes – je parle bien de celles qui constituent des éléments purement 'âdî, soit les cas A et B.b – avec une extrême méfiance, c'est parce que c'est par le biais de la colonisation de leur pays qu'ils furent mis en contact avec elles : celles-ci furent donc perçues non seulement comme non autochtones et "étrangères" à la culture indienne, mais aussi comme "les coutumes de l'envahisseur". Or, il est notoire que sauf si on décide de ne faire plus qu'un avec lui et d'adhérer à sa religion ou à sa civilisation, adopter les coutumes du conquérant est une trahison : c'est là un principe connu et reconnu, et l'adopter comme posture est non seulement normal, c'est même ce qu'implique la sagesse. Et puis, même aujourd'hui alors que l'Inde n'est plus colonisée et qu'il n'y a plus d'envahisseur, quel besoin y a-t-il, alors que l'Inde est un pays oriental, que les musulmans qui y sont établis adoptent des coutumes européennes, forcément "étrangères" ? Aucun. Ce serait un renoncement aux traditions de son pays pour celles d'un pays étranger. Ce serait un manque de confiance en soi. Ce serait faire preuve d'un complexe d'infériorité.
Par contre, pour les musulmans qui ont émigré de l'Inde et se sont installés par exemple en France, où ils ont vu leurs enfants naître, où ceux-ci ont eu des enfants qui eux-mêmes sont devenus aujourd'hui parents, les choses sont différentes : eux ne vivent pas en pays oriental mais bien en Europe. Pourquoi eux ne pourraient-ils pas suivre la même voie que leurs ancêtres ont suivie par rapport aux coutumes indiennes ? Dans leur cas, le fait de ne pas pouvoir adopter les éléments purement 'âdî dont nous parlions n'est pas applicable. C'est bien cette différence que Cheikh Thânwî a faite : à la question d'un musulman de l'Inde lui demandant si, une fois à Londres, on pouvait porter les vêtements européens, il répondit en faisant la différence entre le cas de l'Inde et celui de l'Angleterre : "Là-bas il n'y a aucun problème à les porter ("Wahân pehennâ kutch haraj nahîn")" (Imdâd ul-fatâwâ, 4/345, cité dans Halâl wa harâm, p. 197).
Plus encore, si adopter le code culturel du conquérant est une trahison et celui de l'étranger un abandon de soi, adopter celui du pays où l'on a réalisé une installation que l'on perçoit en l'état des choses comme définitive, c'est faire preuve d'intelligence.
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Deux exemples du cas B.a :
Le Prophète a interdit de manger ou de boire dans un récipient en or ou en argent. Un jour, Hudhayfa, un de ses Compagnons, présent à Ctésiphon, demanda à boire. Le serviteur lui apporta un verre en argent. Il refusa d'utiliser celui-ci, rappelant la règle énoncée par le Prophète à ce sujet (al-Bukhârî, 5309, Muslim, 2067). Voyez : la règle demeure applicable malgré le fait que la coutume, en Perse, était de donner aux notables à boire dans des récipients faits en argent.
Aujourd'hui, on a coutume, dans certains pays, d'utiliser sa main gauche pour manger. Or le Prophète a défendu qu'on utilise sa main gauche pour manger ou boire : cela est soit interdit, soit déconseillé (Mirqât ul-mafâtîh 8/162, Fat'h ul-bârî 9/647-648). La force des mots employés par le Prophète quand il a défendu de le faire semble indiquer le premier de ces deux avis comme plus pertinent : cela est interdit ("عن ابن عمر أن رسول الله صلى الله عليه وسلم قال: لا يأكلن أحد منكم بشماله، ولا يشربن بها، فإن الشيطان يأكل بشماله، ويشرب بها" : "Et qu'aucun de vous ne mange ni ne boive de la main gauche ; car le Diable mange et boit de la main gauche" : Muslim, 2020.
"عن سلمة بن الأكوع أن رجلا أكل عند رسول الله صلى الله عليه وسلم بشماله، فقال: "كل بيمينك." قال: "لا أستطيع." قال: "لا استطعت!" ما منعه إلا الكبر. قال: فما رفعها إلى فيه" : Mangeant en compagnie du Messager de Dieu, un homme utilisa pour ce faire sa main gauche. Le Prophète lui dit : "Mange de ta main droite." Il répondit : "Je ne peux pas" : ce fut par orgueil qu'il ne se conforma pas en acte à l'injonction du Prophète. Le Prophète lui dit alors : "Que tu ne puisses plus !" Il ne put ensuite plus lever sa main droite jusqu'à sa bouche : Muslim 2021).
Mais même si on retenait l'avis selon lequel cela est seulement déconseillé, il serait toujours nécessaire de considérer ('aqîda) que le fait de manger avec sa main gauche est déconseillé (puisque c'est un élément ta'abbudî ; or "عقيدة استحبابه: واجبة" : lire le point 2.d de notre article). Même alors on ne pourrait donc que continuer à dire qu'il est déconseillé de manger en utilisant la main gauche.
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Deux exemples du cas B.b :
Le Prophète a dit : "Lorsque l'un d'entre vous utilise la pierre [pour se purifier après ses besoins], qu'il en utilise un nombre impair" (al-Bukhârî 159, Muslim 237) (il est recommandé d'utiliser aussi de l'eau : at-Tirmidhî 3100, Abû Dâoûd 44). Dira-t-on qu'étant donné que le terme "pierre" figure dans ce hadîth, on ne peut prétendre pratiquer la Sunna et, parallèlement, avoir recours à un autre moyen ?
Non, bien sûr. Agir en fonction de cette parole du Prophète se fera par le moyen de la pierre si on vit dans le même contexte que celui où le Prophète vivait ; mais agir en fonction de cette parole du Prophète se fera par le moyen du papier toilette si on vit dans un contexte comme le nôtre. Ce n'est absolument pas trahir le modèle du Prophète que de procéder à ce genre de recours au principe et de relativisation de la forme mentionnée.
Le même principe peut être appliqué par les musulmans qui le veulent à propos d'autres éléments du même genre, qui sont relatés en tant que mots prononcés par le Prophète dans une phrase. Le Prophète a certes parlé du "siwâk" ; mais est-on obligé, pour pratiquer l'ordre qu'il a donné, d'employer le siwâk même, ou bien peut-on avoir recours à un autre moyen permettant de remplir le même objectif ? Certains ulémas sont du second avis.
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Troisièmement) On me fait ici l'objection suivante : "Si les choses sont comme tu dis, pourquoi, alors, le Prophète a-t-il dit qu'il faut garder la formule musulmane de la salutation, et ne pas se saluer par un geste de la main ? C'est la preuve que dès qu'il y a une façon précise de faire qui est mentionnée dans nos textes, on ne peut pas adopter une autre façon de faire conduisant au même résultat, sinon on tombe dans l'imitation (tashabbuh") !"
Ce hadîth, où le Prophète a demandé de ne pas adopter la façon de saluer de certains non-musulmans, ajoutant : "Leur salut se fait par la tête et la main", est rapporté par an-Nassâ'ï, et sa chaîne de transmission est de bonne qualité d'après Ibn Hajar (Fath' ul-bârî 11/24). Dans tant d'autres hadîths, le Prophète a en effet enseigné que la salutation se faisait verbalement (ces Hadîths sont bien connus). Dans ce hadîth-ci, il a donc enjoint les musulmans de garder la façon de faire qu'il leur a enseignée et de ne pas prendre celle de non-musulmans.
Peut-on généraliser le principe et dire que les éléments 'âdî ne peuvent pas être adoptés s'il y a quelque chose de mentionné dans nos textes, et que, par voie de conséquence, il n'existe pas une catégorie de sunnas dites 'âdiyya et seulement mubâh ?
Non.
En fait l'analogie entre la formule du salâm et les autres formules ou formes de salutation est impossible, vu que des ulémas ont émis comme avis que si un hadîth interdit au musulman de saluer le premier un non-musulman par la formule du salâm, en revanche il demeure autorisé de le saluer le premier par une autre formule de politesse (cliquez ici) : aucune autre formule n'est donc équivalente au salâm.
Par ailleurs, la formule de salutation constitue une sunna dont la forme est mu'ayyan.
La preuve en est d'une part qu'il y a une relation où 'Imrân ibn Hussayn dit qu'avant la venue de l'islam, ils disaient "An'am-Allâhu bika 'aynan !" et "An'im sabâhan !", mais que l'islam, une fois venu, leur défendit d'utiliser ces formules (Abû Dâoûd, 5227). Le commentaire 'Awn ul-ma'bûd relate que c'est apparemment parce qu'il s'agissait de la formule de salutation de la période pré-islamique (fin de citation).
C'est à cause de cette réalité que, en commentaire du passage du verset qui dit : "(...) Et ne dites pas de celui qui vous lance le salâm : "Tu n'es pas croyant" (...)" (Coran 4/94), al-Alûssî écrit : il s'agit de celui qui "vous salue par la salutation de l'islam ; son opposé est la salutation de la jâhiliyya, comme "An'im sabâhan" et "Hayyâkallâh"" (Rûh ul-ma'ânî).
D'autre part, des ulémas ont écrit qu'il ne fallait pas rajouter dans la formule de salutation des termes tels que "wa maghfiratuh", "wa ridhwânuh" etc. (car les Hadîths qui en parlent ne sont pas authentiques) et qu'il fallait s'en tenir à ceux établis de façon authentique du Prophète ("As-salâmu 'alaykum" / "As-salâmu 'alaykum wa rahmatullâh" / "As-salâmu 'alaykum wa rahmatullâhi wa barakâtuh") (cf. Fath' ul-bârî 11/9 ; voir aussi Zâd ul-ma'âd 2/417-418). De même, le Prophète a dit : "Lâ taqul : "'alayka-s-salâm", fa inna "'alayka-s-salâm" tahiyyat-ul-mawtâ" (at-Tirmidhî 2722, Abû Dâoûd 4084), parole que des ulémas ont interprétée comme signifiant qu'il est déconseillé de même inverser la formule du salam quand on salue le premier (Fat'h ul-bârî 11/7).
Ces deux réalités font que la façon islamique de se saluer est déterminée (mu'ayyan) dans nos textes.
Or quand nos textes font valoir qu'il existe un moyen précis et déterminé pour réaliser tel objectif, on ne peut avoir recours à un autre moyen, estimant qu'il permet de parvenir au même résultat. S'agissant d'une sunna dont la forme est mu'ayyan, on ne peut donc pas en relativiser la forme instituée – dire verbalement "As-salâmu 'alaykum" – et adopter une autre coutume – par exemple saluer un musulman d'un simple signe de la tête alors qu'on n'est pas éloigné de lui –, en disant parvenir à l'objectif – saluer – par le biais d'un autre moyen.
Maintenant pourquoi nos sources ont-elles voulu que pour se saluer entre musulmans on n'ait recours qu'à ce moyen précis ?
D'une part parce que le Prophète a rapporté que Dieu a dit à Adam : "Ecoute attentivement la salutation qu'ils te feront : car il s'agit de ta salutation et de la salutation de ta descendance" (al-Bukhârî, Muslim, 2841).
D'autre part c'est la salutation de l'islam ("tahiyyat ul-islâm") et c'en est donc un shi'âr ; la preuve en est que le Prophète a déterminé quelles sont les personnes avec qui on peut et on doit – devoir de degré mustahabb – employer cette formule pour saluer en premier, et quelles sont les personnes avec qui on ne doit pas l'employer pour saluer en premier. Or, lorsque la forme mentionnée dans nos textes est une shi'âr (ou lorsque l'"autre forme" est une shi'âr non-musulmane), on ne peut ni délaisser la première ni adopter la seconde.
Il est vrai que des non-musulmans aussi se saluent de cette façon – notamment les juifs. Cependant, le fait de saigner l'animal pour le rendre licite est aussi shi'âr de l'islam, et pourtant les juifs aussi abattent l'animal de cette façon. Le fait que quelque chose soit mu'ayyan parce que moyen voulu pour les musulmans et constituant un de leurs shi'âr n'est pas remis en cause par le fait que d'autres aussi l'emploient.
Quand nos sources ont fixé un moyen précis pour réaliser tel objectif, cela indique qu'aucun autre moyen ne peut le remplacer, et que cet autre moyen permettra peut-être d'acquérir quelque chose de ce que le moyen fixé visait, mais non pas tout ce qu'il visait et comportait.
On ne peut ainsi avoir délaisser l'inhumation et avoir recours à l'incinération, au prétexte que l'objectif étant seulement de dissimuler, pour sauvegarder la dignité humaine, la putréfaction des cadavres humains des yeux des vivants, le second moyen vaut bien le premier. Le fait est que l'inhumation est le moyen fixé (mu'ayyan) pour remplir cet objectif, et ce d'autant plus qu'elle remplit également un second objectif, plus symbolique mais tout aussi important, et évoqué par le Coran : c'est de la terre que Dieu a créé notre corps, c'est à la terre qu'Il les fait retourner tels quels (et non après avoir été brûlés par le feu), et c'est de la terre qu'Il nous fera sortir pour être jugés...
Pareillement, la salutation par le salâm n'est pas seulement une salutation, ni même seulement une invocation en faveur de celui à qui elle est adressee : elle emploie pour ce faire un des Noms de Dieu : le Prophète a, dans un célèbre Hadîth, dit : "Le salâm est un des Noms de Dieu, qu'Il a placé sur la terre..."
Tout cela explique pourquoi on ne peut pas relativiser la forme que le Prophète a enseignée et pratiquée – dire verbalement "As-salâmu 'alaykum" – et adopter une autre coutume – par exemple saluer un musulman d'un simple signe de la tête alors qu'on n'est pas éloigné de lui –, en disant considérer le principe – saluer – et relativiser la forme. C'est ce qui explique pourquoi le Prophète a, dans ce Hadîth, enjoint de rester fidèle à la façon de saluer qu'il a enseignée dans d'autres Hadîths, et de ne pas adopter d'autres moyens.
La même chose est valable pour d'autres moyens présents dans nos sources et qui relèvent du même cas de figure : on ne peut pas adopter d'autres moyens que l'on supposerait capables de remplir le même objectif.
Mais il ne s'agit pas d'en déduire que pour tout moyen c'est ce principe qui est applicable.
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Quatrièmement) Des références sur le sujet :
4.1) De la possibilité, en soi, d'adopter d'autres formes que celles relatées dans les textes tout en appliquant le principe ta'abbudî :
Ibn Taymiyya écrit : "وأيضا فالاقتداء به يكون تارة في نوع الفعل وتارة في جنسه فإنه قد يفعل الفعل لمعنى يعم ذلك النوع وغيره لا لمعنى يخصه فيكون المشروع هو الأمر العام" :
"Suivre le modèle du Prophète se fait parfois par la (mise en pratique de) l'acte du type même que celui que le Prophète a fait ("fî naw'ihî") ; et parfois cela se fait par (la mise en pratique d'un acte appartenant à) l'ensemble plus général auquel l'acte fait par le Prophète appartient ("fî jinsihî"), quand le Prophète a fait ce qu'il a fait à cause d'un principe qui n'est pas spécifique à cet acte mais est d'ordre plus général que lui : ce qui est alors légal est le principe général.
Un exemple : (…) le Prophète se huilait la chevelure : l'objectif est-il le fait même de se huiler la chevelure, ou bien est-il de bien ordonner ses cheveux ? Lorsque des musulmans vivent dans un pays humide, dont les habitants se baignent à l'eau chaude, qu'ils n'ont alors plus besoin de s'huiler la chevelure [pour garder en bon état leur chevelure] et, qu'au contraire, l'huile fait du tort à leur chevelure et à leur épiderme, ce qui sera institué les concernant sera le fait de bien ordonner leurs cheveux par le moyen qui sera le plus convenable pour eux. C'est ce second avis qui est le plus pertinent.
De même : le Prophète avait comme nourritures les dattes fraîches, les dattes sèches, le pain d'orge et autres denrées disponibles dans son pays ; suivre son modèle sera-t-il de consommer ces denrées alimentaires même, au point que le fera le musulman qui habite dans un pays où les dattes ne poussent pas et où on ne consomme pas l'orge mais le blé ou le riz etc. ? C'est [au contraire] le second avis qui est pertinent. La preuve en est que lorsque les Compagnons se furent installés dans les pays avoisinants, chacun d'eux consommait les denrées du pays et s'habillait des vêtements disponibles dans le pays, sans rechercher les denrées de Médine et ses vêtements. Si c'était l'autre solution qui était la meilleure, ils étaient ceux qui auraient le plus mérité de la choisir. (…)
De même, la plupart du temps, le Prophète et les Compagnons s'habillaient d'un pagne (izâr) et d'une houppelande (ridâ'). Serait-il mieux pour chaque musulman de porter pagne et houppelande même s'il porte une tunique ? Ou bien le mieux est-il qu'il porte un pantalon avec sa tunique, sans besoin de pagne et houppelande ? Sur ce point aussi il y a eu divergence d'avis entre les savants. Le second avis est le plus pertinent. Beaucoup de points relèvent de ce vaste chapitre" (Majmû' ul-fatâwâ 22/324-326).
Ces lignes prouvent ce que nous avons vu plus haut comme étant "le cas A".
Dans le même passage, Ibn Taymiyya poursuit en disant : "Et cela n'est pas spécifique à ce que le Prophète et ses Compagnons ont fait, mais aussi à ce qu'ils ont ordonné et interdit. C'est ce que certains juristes ont nommé : "tanqîh ul-manât" ["dégager le principe juridique"] : la règle a été établie à propos d'un point précis ; cependant elle ne lui est pas spécifique mais l'englobe lui ainsi que d'autres points ; il faut pour cela connaître le principe motivant la règle" (Majmû' ul-fatâwâ 22/326).
Ces lignes établissent quant à elles ce que nous avons décrit plus haut comme constituant "le cas B.b".
Ibn Taymiyya écrit encore : "Les activités humaines, qu'elles soient paroles ou actions, sont de deux catégories : 'ibâdât (…) et 'âdât (…). Par induction des principes des sources musulmanes, nous savons que les (actes qui relèvent de la catégorie des) 'ibâdât, qu'ils soient obligatoires ou recommandés, l'enseignement (amr) à leur sujet ne s'établit que par les sources. Mais en ce qui concerne les (actes qui relèvent de la catégorie des) 'âdât, il s'agit de ce que les hommes on pris l'habitude de faire dans leurs affaires du monde, de ce dont ils ont besoin ; et le principe est ici la permission : on ne peut donc interdire que ce que Dieu a interdit. Ceci car rendre obligatoire ou interdit relève de la législation de Dieu [et l'acceptation de celle-ci constitue l'adoration de Dieu] ; or la façon d'adorer Dieu doit avoir été enseignée par Dieu. Dès lors, ce à propos de quoi Dieu n'a rien enseigné, comment pourrait-on dire que cela est interdit ? C'est pourquoi Ahmad et d'autres juristes parmi les ahl ul-hadîth disaient : "La règle pour ce qui relève des 'ibâdât est de s'en tenir à ce qui a été spécifié dans les sources, et seul ce que Dieu a spécifié est légal ("yushra'u"). (…) Et la règle pour ce qui relève des 'âdât est la permission, et on ne peut interdire que ce que Dieu a interdit. (…)." Ceci est un principe important. Nous dirons donc : A propos de la vente, les dons, les locations, et autres actions dont les hommes ont besoin pour vivre – comme manger, boire et s'habiller –, les sources musulmanes ont énoncé d'excellents principes : elles ont interdit ce qui est mauvais, rendu obligatoire ce qui est nécessaire, déconseillé ce qui ne convient pas et recommandé ce qui est convenable : tout ceci s'applique aux types d'actes relevant des 'adât comme à leurs quantités et leurs qualités. Dès lors, les hommes peuvent vendre et louer selon les moyens qu’ils veulent, comme ils peuvent manger de la façon qu'ils veulent, dès qu’ils respectent ces principes – ce qui est interdit, ce qui est déconseillé, ce qui est recommandé [et ce qui est obligatoire]. Et quand les sources n'ont rien fixé, ils demeurent dans la permission originelle" (Al-Qawâ'ïd un-nûrâniyya al-fiqhiyya, pp. 134-135).
Voilà qui prouve ce que nous avons dit à propos d'une part de ce que nous avons désigné comme "le cas A" (certains actes sont liés à la coutume) et d'autre part de ce que nous avons appelé "le cas B.a" (les règles et principes orientent les choses).
Note : Se huiler la chevelure par le moyen de l'huile d'olive, c'est donc faire ce que le Prophète a fait par le biais du moyen même qu'il a employé, soit "bi aynihî" ; se huiler les cheveux par le moyen de l'huile qui est le plus utilisée dans le pays où l'on vit (par l'exemple l'huile de coco pour les musulmans indiens), c'est faire ce que le Prophète a fait par le moyen de ce qui appartient au même ensemble que celui que le Prophète a, lui, utilisé, soit "bi naw'ih" ; enfin, considérer que, vivant dans un pays froid et humide, où l'ordonnance de sa chevelure passe par d'autres moyens licites que l'huile et avoir recours à ces moyens avec l'objectif de suivre la voie que le Prophète a tracée, c'est suivre celui-ci par le moyen de ce qui appartient à la même catégorie lointaine que le moyen que le Prophète a, lui, utilisé, soit "bi jinsih". C'est ce que nous avons relaté plus haut de Ibn Taymiyya.
Certains coreligionnaires que je connais sont choqués par ce genre de raisonnement. Il suffit pourtant de réfléchir : en tant que hanafites vous pratiquez régulièrement la même chose ; chaque année, à la fin du mois de ramadan, vous donnez la sadaqat ul-fitr sous forme de monnaie, chose que le Prophète n'a jamais faite ni évoquée : il a parlé de la donner sous la forme d'orge, de dattes, de raisins secs, etc.. L'école hanbalite dit d'ailleurs qu'il faut s'acquitter de cette aumône sous la forme qu'il a évoquée ; cela rejoint le fait de suivre son modèle "bi 'aynihî". L'école malikite est d'avis que l'on peut aussi la donner par le biais d'une autre denrée alimentaire, si celle-ci est celle qui a cours dans le lieu où l'on vit ; il s'agit de suivre l'enseignement du Prophète "bi naw'ih". Enfin, l'école hanafite dit que le principe étant d'aider les pauvres, on peut très bien le faire par le biais de monnaie ; ne s'agit-il pas, ici aussi, de suivre ce que le Prophète a tracé, mais "bi jinsih" ?
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4.2) Les principes de la muwâfaqa et de la mukhâlafa :
Il reste qu'en pays musulman, à propos de ces éléments 'âdî, même mubâh en soi, il y a une certaine restriction due au principe de mukhâlafa. Cependant, en pays non-musulman, il n'y a pas cette restriction mais au contraire la possibilité (jawâz), voire même - dans le cas où il y a nécessité (hâja) - la recommandation (istihbâb) d'appliquer le principe de muwâfaqa. Cliquez ici pour lire notre article sur le sujet.
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4.3) Il n'est pas toujours évident de distinguer la forme qui est 'adî de celle qui est bel et bien ta'abbudî :
Il faut rappeler qu'il n'est pas toujours évident de distinguer les actes dont la forme est 'âdî de ceux dont la forme comme le principe sont ta'abbudî. Il faut donc systématiquement se référer aux travaux des ulémas, le consensus (ijmâ') constituant déjà une première ligne de sécurité permettant d'éviter le risque de tout relativiser.
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4.4) La position de Cheikh Muhammad Ilyas sur le sujet :
Il y a ici un point dont il est important de prendre connaissance : Abu-l-Hassan Alî an-Nadwî relate de Cheikh Muhammad Ilyâs – le fondateur du mouvement "Tabligh", avec qui il avait eu l'occasion de travailler ensemble dans le cadre du mouvement – que, "le dernier jour de sa vie", "il envoya par l'intermédiaire de Hâdjî Abdur-Rahmân ses recommandations à certains de ceux qui restaient à son service et qui étaient alors absents. Le point sur lequel il y insistait le plus était le fait de suivre la Sunna. (Il disait) que les terminologies ("istilâh") et la classification ("taqsîm") établies par les juristes musulmans [à propos de l'ensemble de ce qui est rapporté que le Prophète l'a fait] étaient vraies et correctes, mais qu'il fallait, sur le plan de la pratique, nécessairement pratiquer ce qui était lié au Prophète (sur lui la paix)." Il semble bien que les "classifications" et autres "terminologies" dont le Cheikh parlait étaient celles que nous avons vues plus haut… An-Nadwî poursuit par cette remarque : "L'amour pour le Prophète et la volonté de suivre son modèle étaient à un tel point chez lui ("ghalaba") que cela touchait non seulement les "'ibâdât" mais aussi les "'âdât" : son cœur voulait qu'il imite le Prophète (sur lui la paix) même dans les "'âdât" (Mawlânâ Muhammad Ilyâs aûr un kî dînî da'wat, pp. 242-243).
La position de Cheikh Ilyâs sur le sujet était donc complètement inversée par rapport à celle de Ibn Taymiyya : ce dernier a relaté les deux façons de voir les choses, mais a considéré plus pertinente celle qu'il désignait comme "la seconde opinion" sur le sujet.
Cheikh Ilyâs a lui aussi évoqué cette opinion (il y a fait allusion, nous l'avons vu) comme étant celle de juristes, mais a considéré l'autre opinion plus pertinente et a donc fait des recommandations allant dans ce sens à ses proches et à ses disciples.
On note que jamais Cheikh Ilyâs n'a dit que celui qui adhérait à cette autre opinion était un égaré, mais, bien au contraire, que les classification et terminologies des juristes à ce sujet étaient en soi correctes. Le problème est venu du fait que certains frères adhérant à son mouvement ont, eux, par manque d'approfondissement dans la compréhension des choses, fait de cette opinion la seule posture relevant de l'orthodoxie : "Si tu n'y adhères pas, tu es égaré et tes idées sont à combattre car tu menaces de propager l'égarement"…
Certains de ces frères sont même allés plus loin : pour eux suivre la Sunna consiste désormais essentiellement à manger, dormir, s'habiller comme le Prophète, et il est nécessaire de le faire si on prétend suivre le modèle du Prophète ; par contre, pour ce qui est des règles relevant du cas B.a comme adopter un bon comportement envers autrui (la question se pose surtout quand il s'agit d'un musulman qui ne participe pas au mouvement), se préserver de l'intérêt dans son commerce etc., elles relèveraient du fiqh ("maslahs") uniquement : y manquer est certes mauvais mais n'aurait aucune incidence sur son observance du modèle du Prophète. Voilà une bien curieuse inversion des valeurs...
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Cinquièmement) Un point supplémentaire : les éléments ta'abbudî sont parfois des règles détaillées, mais d'autres fois des principes, qui sont plus généraux :
Nous avons vu que dans le domaine de la façon de manger ou de la forme des vêtements à porter, du moment que l'on tient compte des éléments ta'abbudî, on peut avoir recours à d'autres formes que celles communiquées par les sunna 'âdiyya. Cependant il faut bien comprendre que ces "éléments ta'abbudî" sont constituées d'une part de règles, mais aussi, d'autre part, de principes plus généraux.
J'entends par "règle" la norme traitant d'un éléments ou d'un point particulier et précis (hukm juz'î). Et par "principe plus général", j'entends une orientation générale donnée par le Prophète (hukm kullî).
Ainsi, l'interdiction de porter la nourriture à sa bouche par le moyen de sa main gauche, de manger et de boire dans ou par le moyen d'ustensiles en or ou en argent, de manger comme un glouton, les règles de la recommandation de prononcer le Nom de Dieu au début du repas, de remercier Dieu à la fin, etc. concernent toutes des éléments particuliers (ajzâ') et constituent donc ce que j'appelle "des règles". A la différence de l'enseignement du Prophète mettant en avant la simplicité et la frugalité dans le mode et le niveau de vie du musulman, et que j'appelle "un principe général" car cet enseignement consiste en une simple orientation générale ; ici, le Prophète n'a pas détaillé qu'est-ce que la simplicité, qu'est-ce que la frugalité... En fait il est bien connu que, à la différence de celle d'une règle traitant d'un élément particulier, l'application d'un principe général n'est pas déterminée par nos textes, et se fait donc en fonction du contexte dans lequel le musulman vit.
Aussi, à côté du fait que l'on peut tenir compte – dans les éléments purement 'adî s'entend – des coutumes du pays où l'on vit, on doit aussi tenir compte des règles ta'abbudî, mais on doit aussi ne pas oublier les principes ta'abbudî. Et à propos de la façon de manger, de boire et de se vêtir, un de ces principes généraux est la simplicité, qu'il convient de vivre de façon liée au contexte.
Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).