Question :
Bonjour.
Je me suis converti à l'islam suite à des recherches personnelles. Ma question porte sur ceux de mes ancêtres qui n'avaient pas eu, comme nous l'avons aujourd'hui, la possibilité de découvrir d'autres façons de percevoir les choses, et qui invoquaient donc non seulement Dieu mais aussi d'autres que Lui, parce qu'ils pensaient sincèrement que cela revenait à pratiquer ce que Jésus avait apporté sur terre.
Qu'est-ce que l'islam dit à propos de la façon dont leurs croyances et leurs actes seront considérés dans l'autre monde ?
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Réponse :
Il existe ici 2 questions :
--- Qu'est-ce que l'islam dit qu'il adviendra dans l'autre monde à celui aucun message d'aucun prophète n'était parvenu ?
--- Qu'est-ce que l'islam dit qu'il adviendra dans l'autre monde à celui à qui un message ancien était parvenu, mais pas le message le plus récent ?
Votre question correspond à la seconde.
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Ci-après 3 cas différents, tous liés à cette seconde question :
– Cas A) le cas des personnes qui connaissaient l'ancien message, parvenu jusqu'à eux, mais qui reconnaissaient ne pas y adhérer, ayant collectivement opté pour du polycultisme (قوم كانوا غير متمسكين برسالة سماوية، وقد علموها في الجملة) ;
– Cas B) le cas des personnes qui adhéraient à un ancien message qui a été globalement conservé dans son authenticité de façon satisfaisante (قوم كانوا متمسكين برسالة ما زالت صحيحة في الجملة) ;
– Cas C) le cas des personnes qui adhéraient à un ancien message qui a, dans sa doctrine même, subi des transformations conséquentes, mais qui était malgré cela présenté comme "le message de tel prophète" (par exemple "de Jésus") (قوم كانوا متمسكين برسالة تغيّرتْ تغيّرًا كبيرًا).
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– Cas A) Le cas des personnes qui connaissaient l'ancien message, demeuré globalement dans son authenticité, mais qui reconnaissaient ne pas y adhérer, ayant collectivement opté pour du polycultisme (قوم كانوا غير متمسكين برسالة سماوية، وقد علموها في الجملة) :
Entre le moment où l'idolâtrie s'était répandue chez eux, et la prédication du prophète Muhammad (sur lui soit la paix) leur étant directement adressée, les Arabes Adnanites étaient ainsi des hommes à qui le message d'un prophète de Dieu était parvenu.
– D'un côté, Ismaël (sur lui soit la paix) était leur ancêtre ; or Dieu dit de lui qu'il était un messager prophète, et qu'il ordonnait à sa famille d'effectuer la prière rituelle et de s'acquitter de l'aumône : "وَاذْكُرْ فِي الْكِتَابِ إِسْمَاعِيلَ إِنَّهُ كَانَ صَادِقَ الْوَعْدِ وَكَانَ رَسُولًا نَّبِيًّا وَكَانَ يَأْمُرُ أَهْلَهُ بِالصَّلَاةِ وَالزَّكَاةِ وَكَانَ عِندَ رَبِّهِ مَرْضِيًّا" (Coran 19/54-55) ; or encore, la famille de Ismaël habitait La Mecque. D'ailleurs, Dieu dit aussi : "وَلَقَدْ بَعَثْنَا فِي كُلِّ أُمَّةٍ رَّسُولاً أَنِ اعْبُدُواْ اللّهَ وَاجْتَنِبُواْ الطَّاغُوتَ" : "Et Nous avons suscité dans chaque peuple (au moins) un messager (leur disant) : "Adorez Dieu et préservez-vous de tout tâghût"" (Coran 16/36).
– D'un autre côté, Dieu dit à Son prophète Muhammad (sur lui soit la paix), au sujet des Arabes Adnanites : "وَمَا آتَيْنَاهُمْ مِنْ كُتُبٍ يَدْرُسُونَهَا وَمَا أَرْسَلْنَا إِلَيْهِمْ قَبْلَكَ مِنْ نَذِيرٍ" : "(...) et Nous ne leur avions pas envoyé d'avertisseur avant toi" (Coran 34/44) ; et Il dit pareillement à Son Prophète, évoquant le peuple de celui-ci : "لِتُنْذِرَ قَوْمًا مَا أَتَاهُمْ مِنْ نَذِيرٍ مِنْ قَبْلِكَ" : "afin que tu avertisses des gens à qui aucun avertisseur n'était venu avant toi" (Coran 28/46, 32/3) ; "لِتُنْذِرَ قَوْمًا مَّا أُنذِرَ آبَاؤُهُمْ فَهُمْ غَافِلُونَ" : "afin que tu avertisses des gens dont les pères n'ont pas été avertis, et qui sont donc insouciants" (Coran 36/6) ("يعني بهم: العرب" : Tafsîr Ibn Kathîr) : depuis longtemps, ces gens n'avaient reçu aucun Messager, aucun avertisseur recevant le Wah'y de la part de Dieu. Dieu dit encore : "(...) Ou bien est-ce que leur serait venu ce qui n'était pas venu à leurs ancêtres premiers ? (...)" : "أَفَلَمْ يَدَّبَّرُوا الْقَوْلَ أَمْ جَاءهُم مَّا لَمْ يَأْتِ آبَاءهُمُ الْأَوَّلِينَ أَمْ لَمْ يَعْرِفُوا رَسُولَهُمْ فَهُمْ لَهُ مُنكِرُونَ أَمْ يَقُولُونَ بِهِ جِنَّةٌ" (Coran 23/68-70) : ici Il demande la raison pouvant avoir amené beaucoup d'Arabes Adnanites à ne pas croire en le message du Coran, et dit - c'est l'un des commentaires - que ne leur est pourtant pas venu un message contredisant ce qui était venu à leurs ancêtres anciens, eux qui avaient reçu le message de Ismaël : "أَمْ جاءَهُمْ ما لَمْ يَأْتِ آباءَهُمُ الْأَوَّلِينَ} معناه أن النبوّة ليست ببدع فينكرونها، بل قد جاءت آباؤهم الأولين، فقد كانت النبوة لنوح وإبراهيم وإسماعيل وغيرهم" (Tafsîr Ibn Juzayy) ; "وقيل: إنه أتى آباءهم الأقدمين رسل أرسلهم الله إليهم - كما هي سنة الله سبحانه في إرسال الرسل إلى عباده -، فقد عرف هؤلاء ذلك، فكيف كذبوا هذا القرآن" (Fat'h ul-Qadîr). (Shu'ayb - sur lui soit la paix - avait bien exercé sa mission sur le sol d'Arabie après l'époque de Ismaël, mais avait été suscité à son peuple les Madianites ainsi qu'aux gens de al-Ayka seulement, et pas aux Arabes Adnanites.)
– Or le prophète Muhammad (sur lui soit la paix) a dit que son père était dans le Feu : "عن أنس، أن رجلا قال: يا رسول الله، أين أبي؟ قال: "في النار"، فلما قفى دعاه، فقال: "إن أبي وأباك في النار" (Muslim, 203). En commentaire, an-Nawawî souligne que cela implique bien que le message de Abraham et d'autres prophètes étaient bien parvenus à celui-ci : "وفيه أن من مات في الفترة على ما كانت عليه العرب من عبادة الأوثان، فهو من أهل النار. وليس هذا مؤاخذة قبل بلوغ الدعوة، فإن هؤلاء كانت قد بلغتهم دعوة إبراهيم وغيره من الأنبياء - صلوات الله تعالى وسلامه عليهم" (Shar'hu Muslim, 3/79).
De même, questionné au sujet de Abdullâh ibn Jud'ân - que le Prophète (sur lui soit la paix) avait rencontré (c'est d'ailleurs lui l'instigateur du hilf ul-fudhûl), mais il est mort avant la ba'tha muhammadiyya -, le Prophète avait dit ce qui suit : "Aïcha (que Dieu l'agrée) questionna : "Messager de Dieu, dans la Jâhiliyya, Ibn Jud'ân entretenait les liens familiaux et donnait à manger au pauvre. Est-ce que cela lui sera utile (dans l'autre monde) ? - Cela ne lui sera pas utile*, car pas un jour il n'avait dit : "Seigneur, pardonne-moi mes péchés au jour du Compte"**" : ''عن عائشة قلت: "يا رسول الله، ابن جدعان كان في الجاهلية يصل الرحم، ويطعم المسكين، فهل ذاك نافعه؟" قال: "لا ينفعه، إنه لم يقل يوما: رب اغفر لي خطيئتي يوم الدين" (Muslim, 214) ; * "pas utile" signifie ici : "pas utile pour être source de récompenses pour lui dans le Paradis, car son kufr akbar sera la cause de son admission dans la Géhenne perpétuelle ; néanmoins, cela lui sera utile dans la mesure où il y aura un châtiment moindre que celui qui, en sus du kufr akbar, aura fait quantité de mauvaises actions" ; ** cela exprime qu'il ne croyait pas en l'autre monde et en la résurrection.
– Cela contrairement à Zayd ibn 'Amr ibn Nufayl al-Qurashî : le Prophète (sur lui soit la paix) l'avait vu auparavant, mais il n'a lui non plus pas connu la ba'tha muhammadiyya : or il n'adorait pas d'idole et se disait sur la forme de religion de Abraham.
– Contrairement, aussi, à al-Qiss ibn Sâ'ïda al-Iyâdî, que le prophète Muhammad (sur lui soit la paix) a peut-être vu à la foire de Ukâz avant la ba'tha : lui aussi était monothéiste (voir de nombreux récits existant à son sujet in Al-Bidâya wa-n-Nihâya, 2/266-275).
– Enfin, vous avez le cas de Waraqa ibn Nufayl : pendant la fat'ra il s'était converti au christianisme, puis, Khadîja ayant emmené le Prophète lui parler, juste après la première révélation, il crut en la ba'tha muhammadiyya ; cependant, déjà très âgé, il ne demeura vivant que très peu de temps après cet échange.
– Par contre il y a encore le cas de Umayya ibn Abi-s-Salt ath-Thaqafî : avant la ba'tha il refusait le polycultisme en vigueur chez les Arabes, et espérait le prophétat pour lui-même ; cependant, ayant connu la ba'tha muhammadiyya, il n'adhéra pas au message, car Muhammad n'était pas de la tribu Thaqîf ; ce faisant, il devint kâfir (mais sans être aussi mushrik).
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– En fait le message de Abraham et Ismaël, "le Sabéisme originel", était parvenu aux Arabes contemporains du Prophète ; le verset 36/6 signifie seulement que leurs ancêtres proches n'avaient récemment pas reçu de prophète parmi eux : Ismaël avait été suscité directement parmi eux, mais son époque était lointaine. "وقوله {ما أتاهم من نذير} أي لم يباشرهم ولا رأوه هم ولا آباؤهم العرب، وقوله تعالى: {وإن من أمة إلا خلا فيها نذير} يعم من بوشر من النذر ومن سمع به. فالعرب من الأمم التي خلت فيها النذر على هذا الوجه لأنها علمت بإبراهيم وبنيه ودعوتهم؛ وهم ممن لم يأتهم نذير مباشر لهم سوى محمد صلى الله عليه وسلم. وقال ابن عباس ومقاتل: المعنى: لم يأتهم نذير في الفترة بين عيسى ومحمد عليهما السلام" (Tafsîr Ibn 'Atiyya, sur Coran 32/3). "قوله تعالى: {لتنذر قوما ما أنذر آباؤهم}: "قوما" لا موضع لها من الإعراب عند أكثر أهل التفسير منهم قتادة، لأنها نفي، والمعنى: لتنذر قوما ما أتى آباءهم قبلك نذير. وقيل: هي بمعنى الذي، فالمعنى: لتنذرهم مثل ما أنذر آباؤهم، قاله ابن عباس وعكرمة وقتادة أيضا. وقيل: إن "قوما" والفعل مصدر، أي: لتنذر قوما إنذار آبائهم. ثم يجوز أن تكون العرب قد بلغتهم بالتواتر أخبار الأنبياء، فالمعنى: لم ينذروا برسول من أنفسهم. ويجوز أن يكون بلغهم الخبر ولكن غفلوا وأعرضوا ونسوا. ويجوز أن يكون هذا خطابا لقوم لم يبلغهم خبر نبي، وقد قال الله: {وما آتيناهم من كتب يدرسونها وما أرسلنا إليهم قبلك من نذير} وقال: {لتنذر قوما ما أتاهم من نذير من قبلك لعلهم يهتدون} أي لم يأتهم نبي. وعلى قول من قال "بلغهم خبر الأنبياء"، فالمعنى: فهم معرضون الآن متغافلون عن ذلك؛ ويقال: لا مرض عن الشيء إنه غافل عنه؛ وقيل: {فهم غافلون} عن عقاب الله. قوله تعالى: {لقد حق القول على أكثرهم} أي وجب العذاب على أكثرهم {فهم لا يؤمنون} بإنذارك. وهذا فيمن سبق في علم الله أنه يموت على كفره" (Tafsîr ul-Qurtubî, sur Coran 36/6).
Dès lors, dans "لِتُنذِرَ قَوْمًا مَّا أُنذِرَ آبَاؤُهُمْ فَهُمْ غَافِلُونَ" (Coran 36/6), "(...) et qui sont donc insouciants" signifie que, n'ayant reçu aucun prophète venu leur rappeler la véracité du message de Abraham et Ismaël, qui, lui, leur était parvenu à travers les âges, ils étaient insouciants par rapport à Dieu et à l'autre monde ; cependant, ce message était demeuré suffisamment présent dans leur culture pour qu'ils soient toujours tenus par Dieu responsables d'y croire et de le suivre, même lorsque le message le plus récent ne leur était pas encore venu.
Dieu dit encore : "فَاسْتَمْسِكْ بِالَّذِي أُوحِيَ إِلَيْكَ إِنَّكَ عَلَىٰ صِرَاطٍ مُّسْتَقِيمٍ وَإِنَّهُ لَذِكْرٌ لَّكَ وَلِقَوْمِكَ وَسَوْفَ تُسْأَلُونَ" : "(...) Et (ce Coran) constitue un rappel pour toi et pour ton peuple. (...)" (Coran 43/43-44) : ce "peuple" est, d'après un des commentaires : les Arabes ("وقيل: معناه: {وإنه لذكر لك ولقومك} أي: لتذكير لك ولقومك. وتخصيصهم بالذكر لا ينفي من سواهم" : Tafsîr Ibn Kathîr. "وَلِقَوْمِكَ} في قومه ثلاثة أقوال: أحدها: العرب قاطبة. والثاني: قريش. والثالث: جميع من آمن به" : Zâd ul-massîr).
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Ce fut 'Amr ibn Luhayy qui avait importé chez les Arabes Adnanites l'idolâtrie, et celle-ci s'était répandue dans leur société.
Cependant, cette religion polycultiste qui était devenue "le polycultisme arabe", et à laquelle ils adhéraient, les Arabes ne la présentaient ni ne la percevaient comme étant : "la religion de Abraham et de Ismaël".
Asmâ' bint Abî Bakr se souvient avoir entendu (avant l'islam) Zayd ibn 'Amr ibn Nufayl dire ainsi aux Quraysh : "Il n'y a personne qui soit sur le Dîn de Abraham excepté moi" : "عن أسماء بنت أبي بكر رضي الله عنهما، قالت: "رأيت زيد بن عمرو بن نفيل قائما مسندا ظهره إلى الكعبة يقول: "يا معاشر قريش، والله ما منكم على دين إبراهيم غيري" (al-Bukhârî, 3616).
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Et c'est ce qui fait la différence entre ce cas A, et le cas C (plus bas), où par exemple la Trinité est présentée par les chrétiens trinitariens comme étant : "la religion de Jésus, conforme aux enseignements de celui-ci".
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En fait, avant même la venue du prophète Muhammad, les Arabes Adnanites raisonnaient en substance ainsi : "Abraham et Ismaël ne rendaient effectivement le culte qu'à Dieu Seul. Cependant, nos ancêtres plus immédiats, qui étaient eux aussi des gens sages et dotés de grandes qualités, nous ont légué de rendre le culte à al-Lât, al-'Uzzâ, Manât, Hubal, et nous ont enseigné que Dieu Lui-même a élevé ceux-ci au rang de divinités ; aussi ces divinités intercèdent pour nous auprès de Dieu. Nous suivons donc nos ancêtres plus immédiats."
"وَيَقُولُونَ هَؤُلاء شُفَعَاؤُنَا عِندَ اللّهِ" : "Et ils disent : "Ceux-là sont nos intercesseurs auprès de Dieu"" (Coran 10/18). Et ce qu'ils faisaient vis-à-vis de al-Lât, al-'Uzzâ, Manât et Hubal, ils nommaient bien cela : "du culte" : "وَالَّذِينَ اتَّخَذُوا مِن دُونِهِ أَوْلِيَاء مَا نَعْبُدُهُمْ إِلَّا لِيُقَرِّبُونَا إِلَى اللَّهِ زُلْفَى" : "Et ceux qui ont pris des Awliyâ' en dehors de Lui (disent) : "Nous ne leur rendons le culte que pour qu'ils nous rapprochent de Dieu"" (Coran 39/3).
--- Etaient-ils ignorants du fait que Abraham (sur lui soit la paix) s'était élevé contre le culte des idoles dans sa cité de Harrân ?
--- Ou bien pensaient-ils que leurs ancêtres avaient institué le culte de ces idoles par maslaha, car leur situation était différente de celle de l'époque de Abraham (sur lui soit la paix) ?
--- Ou bien encore pensaient-ils que le culte que eux rendaient à leurs idoles était différent de celui que les gens de Harrân rendaient aux leurs ?
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– De même, le message de Moïse et de Jésus leur était également parvenu (suscités chez d'autres qu'eux mais dont ils côtoyaient les suiveurs).
- Certes, Dieu dit à leur sujet que, suite à la descente du Coran parmi eux, ils n'auront plus la possibilité de présenter comme excuse le propos suivant : "L'Ecriture n'a été révélée qu'à deux groupes avant nous, et nous étions insouciants de leur lecture" : "وَهَذَا كِتَابٌ أَنزَلْنَاهُ مُبَارَكٌ فَاتَّبِعُوهُ وَاتَّقُواْ لَعَلَّكُمْ تُرْحَمُونَ أَن تَقُولُواْ إِنَّمَا أُنزِلَ الْكِتَابُ عَلَى طَآئِفَتَيْنِ مِن قَبْلِنَا وَإِن كُنَّا عَن دِرَاسَتِهِمْ لَغَافِلِينَ أَوْ تَقُولُواْ لَوْ أَنَّا أُنزِلَ عَلَيْنَا الْكِتَابُ لَكُنَّا أَهْدَى مِنْهُمْ فَقَدْ جَاءكُم بَيِّنَةٌ مِّن رَّبِّكُمْ وَهُدًى وَرَحْمَةٌ فَمَنْ أَظْلَمُ مِمَّن كَذَّبَ بِآيَاتِ اللّهِ وَصَدَفَ عَنْهَا سَنَجْزِي الَّذِينَ يَصْدِفُونَ عَنْ آيَاتِنَا سُوءَ الْعَذَابِ بِمَا كَانُواْ يَصْدِفُونَ" (Coran 6/155-157). Al-Baydhâwî souligne que la TaNaK et l'Evangile étaient à cette époque les seules deux Ecritures révélées antérieurement à avoir été suffisamment conservées et à être connues : "إِنَّما أُنْزِلَ الْكِتابُ عَلى طائِفَتَيْنِ مِنْ قَبْلِنا} اليهود والنصارى، ولعل الاختصاص في "إِنَّما" لأنّ الباقيَ المشهورَ حينئذ من الكتب السماوية لم يكن غَيْرَ كتبهم" (Tafsîr ul-Baydhâwî). Ath-Thânwî souligne que l'insouciance des Arabes d'alors par rapport au contenu de la Tanak et de l'Evangile n'était pas due au fait que les textes de ces écritures étaient dans une autre langue que l'arabe (car la traduction peut toujours en faire connaître le contenu), mais au fait que ni les juifs ni les chrétiens ne s'étaient souciés de prêcher le monothéisme parmi les Arabes (Bayân ul-Qur'ân, tome 3 p. 138).
- Et, certes, les juifs et chrétiens ne s'étaient pas souciés d'entreprendre la Da'wa vis-à-vis des Arabes.
- Cependant, les Arabes avaient entendu la globalité du message, et, souligne ath-Thânwî, cela était suffisant pour qu'il soit obligatoire sur eux de chercher, au moins au sujet du Tawhîd, à en savoir plus (Bayân ul-Qur'ân, tome 3 p. 138) [afin de ne pas tomber dans le Kufr ul-I'râdh]. D'ailleurs certaines tribus arabes s'étaient converties au judaïsme (Dhû Nuwâs au Yémen), d'autres au christianisme (au Yémen aussi, ainsi que dans le Nord) ; cet argument n'aurait donc pas constitué une excuse suffisante pour les Arabes polycultistes le jour du Jugement.
De toutes façons, vu que le message de Abraham et de Ismaël était toujours présent dans leur mémoire, ils furent responsables du Tawhîd ullâh dans l'autre monde. Ath-Thânwî écrit que c'est seulement que Dieu dit ici avoir voulu qu'ils ne puissent même pas avancer l'argument sus-cité (Bayân ul-Qur'ân, tome 3 p. 139) : "قطع إمكانيّة احتجاجهم بهذا".
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Lorsque plus tard, les Arabes polycultistes reçurent la prédication du prophète Muhammad, ceux qui n'y crurent pas ne dirent pas que ce à quoi ce dernier voulait qu'ils reviennent était autre chose que la forme de religion de Abraham, mais qu'ils ne voyaient pas la nécessité de revenir à cette forme de religion, vu que d'après eux Dieu agréait leur forme de religion aussi, mise en place par leurs ancêtres plus proches : "وَقَالُوا لَوْ شَاء الرَّحْمَنُ مَا عَبَدْنَاهُم مَّا لَهُم بِذَلِكَ مِنْ عِلْمٍ إِنْ هُمْ إِلَّا يَخْرُصُونَ أَمْ آتَيْنَاهُمْ كِتَابًا مِّن قَبْلِهِ فَهُم بِهِ مُسْتَمْسِكُونَ بَلْ قَالُوا إِنَّا وَجَدْنَا آبَاءنَا عَلَى أُمَّةٍ وَإِنَّا عَلَى آثَارِهِم مُّهْتَدُونَ" (Coran 43/20-22) ; "وَإِذَا فَعَلُواْ فَاحِشَةً قَالُواْ وَجَدْنَا عَلَيْهَا آبَاءنَا وَاللّهُ أَمَرَنَا بِهَا قُلْ إِنَّ اللّهَ لاَ يَأْمُرُ بِالْفَحْشَاء أَتَقُولُونَ عَلَى اللّهِ مَا لاَ تَعْلَمُونَ قُلْ أَمَرَ رَبِّي بِالْقِسْطِ" (Coran 7/28-29).
Ils argumentèrent même en disant au sujet du prophète Muhammad (sur lui soit la paix) ce que Dieu relate d'eux en ces termes : "C'est un magicien, un grand menteur ; a-t-il fait de la pluralité des êtres adorés : un seul adoré ? Cela est chose très étrange" ; et : "Marchez, et restez fermes sur vos dieux ; c'est là chose qui est voulue. Nous n'avons pas entendu cela dans la dernière religion ; cela n'est qu'invention" : "وَعَجِبُوا أَن جَاءهُم مُّنذِرٌ مِّنْهُمْ وَقَالَ الْكَافِرُونَ هَذَا سَاحِرٌ كَذَّابٌ أَجَعَلَ الْآلِهَةَ إِلَهًا وَاحِدًا إِنَّ هَذَا لَشَيْءٌ عُجَابٌ وَانطَلَقَ الْمَلَأُ مِنْهُمْ أَنِ امْشُوا وَاصْبِرُوا عَلَىٰ آلِهَتِكُمْ إِنَّ هَذَا لَشَيْءٌ يُرَادُ مَا سَمِعْنَا بِهَذَا فِي الْمِلَّةِ الْآخِرَةِ إِنْ هَذَا إِلَّا اخْتِلَاقٌ" (Coran 38/4-7) : "hâdhâ", "cela", désigne ici le fait de ne plus considérer "digne d'adoration" que Dieu le Créateur des cieux et de la terre, et "la dernière religion", "milla âkhira" désigne (d'après l'un des commentaires) : "la forme de religion des Nassârâ" (dans la mesure où cette milla avait connu comme rajouts ce qu'elle a connu : cf. infra le cas C). Ils voulaient dire : "Même les Nassârâ, qui croient eux aussi aux prophètes Abraham, Moïse, Jésus et qui sont des gens très bien, avec des érudits, des livres prophétiques tels que l'Evangile, invoquent Marie ainsi que des saints de leur accorder telle chose, car ceux-ci intercèdent pour eux auprès de Dieu. Pourquoi devrions-nous donc croire en ce que Muhammad dit, et délaisser l'adoration des dieux subalternes auxquels nos ancêtres nous ont enseigné de rendre le culte afin justement que ceux-ci intercèdent pour nous auprès de Dieu le Créateur des cieux et de la terre ?"
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A la veille de l'islam, en Arabie, seuls les juifs ne rendaient le culte qu'à Dieu Seul, ainsi que quelques personnes isolées appelées "hanîf", à l'instar de Zayd ibn 'Amr ibn Nufayl (dont nous avons parlé plus haut) ; peut-être également (s'il y en avait alors à l'intérieur de la péninsule arabique) des "judéo-chrétiens".
Comme Muhammad (sur lui soit la paix) ne se présentait pas comme un adhérant au judaïsme ni au christianisme, les polycultistes arabes le qualifièrent de "Sabéen".
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– Cas B) Le cas des personnes qui adhéraient à un ancien message ayant été globalement conservé dans son authenticité de façon satisfaisante (قوم كانوا متمسكين برسالة ما زالت صحيحة في الجملة) :
Avant la venue du prophète Muhammad (que Dieu le bénisse et le salue), il y avait des juifs ainsi que des chrétiens qui étaient sur la croyance orthodoxe.
Le Coran dit :
"ذَلِكَ بِأَنَّهُمْ كَانُواْ يَكْفُرُونَ بِآيَاتِ اللّهِ وَيَقْتُلُونَ الأَنبِيَاء بِغَيْرِ حَقٍّ ذَلِكَ بِمَا عَصَوا وَّكَانُواْ يَعْتَدُونَ. لَيْسُواْ سَوَاء. مِّنْ أَهْلِ الْكِتَابِ أُمَّةٌ قَآئِمَةٌ يَتْلُونَ آيَاتِ اللّهِ آنَاء اللَّيْلِ وَهُمْ يَسْجُدُونَ يُؤْمِنُونَ بِاللّهِ وَالْيَوْمِ الآخِرِ وَيَأْمُرُونَ بِالْمَعْرُوفِ وَيَنْهَوْنَ عَنِ الْمُنكَرِ وَيُسَارِعُونَ فِي الْخَيْرَاتِ وَأُوْلَئِكَ مِنَ الصَّالِحِينَ وَمَا يَفْعَلُواْ مِنْ خَيْرٍ فَلَن يُكْفَرُوْهُ وَاللّهُ عَلِيمٌ بِالْمُتَّقِينَ" :
"Cela à cause du fait qu'ils reniaient les signes de Dieu et tuaient des prophètes. Cela à cause de leur désobéissance et du fait qu'ils transgressaient.
Ils ne sont pas (tous) pareils. Parmi les Gens du livre [= les juifs] il y a une communauté droite qui récite les versets de Dieu aux heures de la nuit, en se prosternant. Ils croient en Dieu et au Jour dernier, ordonnent le bien, interdisent le mal et accourent vers les bonnes œuvres. Ce sont des gens de bien. Le bien qu'ils font, cela ne leur sera pas renié. Et Dieu sait ceux qui sont pieux" (Coran 3/112-115).
Abû Zahra écrit que ces versets 113-115 parlent (eux aussi, à l'instar du verset 112) de juifs qui ont vécu avant la venue du prophète Muhammad, ou qui ont vécu après mais à qui le message n'est pas du tout parvenu :
"وعندي أن الآية الكريمة: في أهل الكتاب الماضين الذين استقاموا على الحق ولم يدركوا عصر النبي صلى الله عليه وسلم.
وذلك لأن القرآن الكريم تكلم عن ماضي أهل الكتاب وحاضرهم. فحاضرهم كان سوء [بسبب كفره بالرسول]. وذكر ماضيهم: فبيّن أن بعضه كان سوء؛ وكان منهم أمة مقتصدة؛ فهذه الأوصاف: في الأمة المقتصدة التي مضت. ويصح أن تطلق على المخلصين من أهل الكتاب الذين لم يبلغوا دعوة الإسلام، وكان فيهم إخلاص للحق وطلب له وإجابة لداعيه إن دعوا إليه، ويكونون داخلين بالقياس على الماضين" (Zahrat ut-tafâssîr).
Dans la Sunna on trouve chose semblable : même avant la venue du prophète Muhammad (sur lui soit la paix) il était resté des Gens du Livre qui étaient dans la droiture sur le plan de la croyance. Le Prophète lui-même a dit : "وإن الله نظر إلى أهل الأرض، فمقتهم عربهم وعجمهم، إلا بقايا من أهل الكتاب، وقال: إنما بعثتك لأبتليك وأبتلي بك، وأنزلت عليك كتابا لا يغسله الماء، تقرؤه نائما ويقظان" : "Dieu avait regardé les habitants de la Terre ; Il les avait alors détestés, Arabes et non-Arabes [pour ce qu'ils croyaient et faisaient], sauf des restes parmi les Gens du Livre. Il a (alors) dit (à moi) : "Je ne t'ai suscité que pour te mettre à l'épreuve et mettre à l'épreuve par ton moyen. J'ai fait descendre sur toi un Livre que l'eau ne lavera pas, que tu réciteras endormi et éveillé"" (Muslim, 2865). Ce hadîth parle de la période précédant la venue du prophète Muhammad (sur lui soit la paix) : Arabes et non-Arabes étaient alors dans le Kufr Akbar, exceptés quelques restes parmi les Gens du Livre. Ces restes étaient :
--- des chrétiens demeurés fidèles aux enseignements de Jésus (et appelés en français : "les judéo-chrétiens"),
--- mais aussi des juifs qui n'avaient pas du tout eu connaissance du message de Jésus, et qui étaient demeurés fidèles en croyances et en pratique aux enseignements de Moïse ("إن اليهود من بنى إسرائيل ومن دخل في اليهودية من غيرهم ولم يبلغه دعوة عيسى، يصدق عليه أنه يهودي مؤمن بنبيه موسى ولم يكذب نبيا آخر بعده. فإذا أدرك بعثة نبينا وآمن به، تناوله الخبر المذكور والأجر المسطور. ومن هؤلاء: عرب نحو اليمن متهودون ولم تبلغهم دعوة عيسى" : Mirqât ul-mafâtîh, Alî al-qârî, tome 1).
Jusqu'à avant la venue du prophète Muhammad (sur lui soit la paix), il était donc resté des individus qui étaient sur une foi agréée par Dieu et faisaient le bien.
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Cependant, ces individus n'avaient plus la capacité de lancer une dynamique spirituelle pour toute l'humanité, eu égard à l'essoufflement du groupe. C'est ce qui explique que Dieu a choisi alors un peuple nouveau : les fils d'Ismaël.
Cet épuisement de leurs capacités collectives, on le trouve mentionné explicitement dans la Sunna : "عن سالم بن عبد الله، عن أبيه، أنه أخبره أنه سمع رسول الله صلى الله عليه وسلم، يقول: "إنما بقاؤكم فيما سلف قبلكم من الأمم كما بين صلاة العصر إلى غروب الشمس، أوتي أهل التوراة التوراة، فعملوا، حتى إذا انتصف النهار عجزوا، فأعطوا قيراطا قيراطا. ثم أوتي أهل الإنجيل الإنجيل، فعملوا إلى صلاة العصر، ثم عجزوا، فأعطوا قيراطا قيراطا. ثم أوتينا القرآن، فعملنا إلى غروب الشمس، فأعطينا قيراطين قيراطين. فقال أهل الكتابين: أي ربنا أعطيت هؤلاء قيراطين قيراطين، وأعطيتنا قيراطا قيراطا، ونحن كنا أكثر عملا؟ قال: قال الله عز وجل: هل ظلمتكم من أجركم من شيء؟ قالوا: لا، قال: فهو فضلي أوتيه من أشاء"" (al-Bukhârî, 532).
Pour autant, sur le plan personnel, vu qu'ils adhéraient à un message globalement conservé et non-abrogé, ils sont sauvés dans l'autre monde.
– B.a) Il s'agit de ceux qui ont vécu avant la venue du nouveau message.
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– B.b) Quant à ceux qui ont vécu après la venue du nouveau message :
–--- B.b.a) Si le nouveau message leur est parvenu mais qu'ils ont choisi (en toute liberté sociale, garantie par l'islam également) de ne pas y croire, ils sont alors dans le kufr akbar. Car, devant Dieu, ils ne peuvent plus s'en tenir à l'ancien message – celui-ci eût-il été conservé dans son authenticité –, mais sont, devant Dieu, responsables de leur prise de position par rapport au plus récent message.
C'est bien pourquoi le Coran a employé au sujet de ce genre d'hommes le terme "kufr", ce qui montre qu'il les considère comme n'ayant plus la foi que Dieu agrée : "إِنَّ الَّذِينَ يَكْفُرُونَ بِاللّهِ وَرُسُلِهِ وَيُرِيدُونَ أَن يُفَرِّقُواْ بَيْنَ اللّهِ وَرُسُلِهِ وَيقُولُونَ نُؤْمِنُ بِبَعْضٍ وَنَكْفُرُ بِبَعْضٍ وَيُرِيدُونَ أَن يَتَّخِذُواْ بَيْنَ ذَلِكَ سَبِيلاً أُوْلَئِكَ هُمُ الْكَافِرُونَ حَقًّا وَأَعْتَدْنَا لِلْكَافِرِينَ عَذَابًا مُّهِينًا" (Coran 4/150-151)
Cela d'autant plus que le Coran affirme que l'annonce de la venue du dernier Messager figure dans les Ecritures bibliques (Coran 7/157), qu'allusion à des qualités de ses Compagnons y figure aussi (Coran 48/29), que le fait qu'ils s'orienteront vers la Kaaba de la Mecque était un point connu des "hommes" (Coran 2/150), c'est-à-dire, ici, de ceux versés dans la connaissance des Ecritures, enfin qu'allusion au Coran est faite dans les Ecritures des Anciens (Coran 26/196).
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–--- B.b.b) Par contre, ceux à qui le plus récent message n'est pas du tout parvenu ne sont responsables devant Dieu que de leur adhésion à l'ancien message et de leur fidélité (au niveau des actes concrets) aux enseignements de cet ancien message : dans l'autre monde, de tels hommes ne seront bien évidemment pas responsables de la non adhésion à ce plus récent message de Dieu, puisque celui-ci ne leur était pas parvenu. C'est bien dans ce sens que Dieu dit au prophète Muhammad ce qui suit : "وَأُوحِيَ إِلَيَّ هَذَا الْقُرْآنُ لأُنذِرَكُم بِهِ وَمَن بَلَغَ" : "Et il m'a été révélé ce Coran, afin que je vous avertisse par son moyen, ainsi que ceux à qui il parviendra"" (Coran 6/19). Celui à qui il n'était pas parvenu ne sera pas donc évidemment pas sujet de responsabilité quant au fait de croire ou de ne pas croire en lui.
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–--- B.b.c) Reste le cas de celui à qui le plus récent message n'est parvenu qu'en étant complètement déformé, et c'est pourquoi la personne n'y a pas cru. Cela peut avoir été le cas du juif ayant vécu dans la période comprise entre la venue de Jésus et celle de Muhammad, à qui le message de Jésus est parvenu complètement altéré (disant qu'il a affirmé être Dieu incarné, ou encore qu'il a enseigné la Trinité), et qui, à cause de cela, n'y a donc pas apporté foi. Cela peut également être le cas d'un judéo-chrétien à qui la nouvelle du fait que Muhammad s'est prétendu prophète de Dieu parvient, mais en lui étant présenté de façon complètement fausse ("il a fait telle chose grave", "a dit telle chose grave"), et qui n'y a donc pas apporté foi à cause de cela.
Certaines des personnes se trouvant dans ce cas pourraient ne pas être considérées kâfir auprès de Dieu.
Il y a en effet sur le sujet un propos de al-Ghazâlî ayant écrit qu'une telle personne se trouve dans le même cas que celui à qui le message n'est pas parvenu : "بل أقول: إن أكثر نصارى الروم والترك في هذا الزمان تشملهم الرحمة إن شاء الله تعالى: أعني الذين هم في أقاصي الروم والترك، ولم تبلغهم الدعوة. فإنهم ثلاثة أصناف: صنف لم يبلغهم اسم محمد صلى الله عليه وسلم أصلاً، فهم معذورون. وصنف بلغهم اسمه ونعته وما ظهر عليه من المعجزات، وهم المجاورون لبلاد الإسلام والمخالطون لهم، وهم الكفار الملحدون. وصنف ثالث بين الدرجتين، بلغهم اسم محمد صلى الله عليه وسلم، ولم يبلغهم نعته وصفته، بل سمعوا أيضاً منذ الصبا أن كذاباً ملبساً اسمه محمد ادعى النبوة (كما سمع صبياننا أن كذاباً يقال له المقفع، ادعى أن الله بعثه وتحدى بالنبوة كاذباً). فهؤلاء عندي في معنى الصنف الأول، فإنهم مع أنهم سمعوا اسمه، سمعوا ضد أوصافه؛ وهذا لا يحرك داعية النظر في الطلب" (Fayssalat ut-taf'riqa bayna al-islâm wa-z-zandaqa).
Cependant, ce propos de al-Ghazâlî ne peut concerner que l'homme qui n'a pas eu la possibilité de rechercher la vérité, de questionner pour la découvrir, et au fond de lui était sincèrement à la recherche de la vérité, où qu'elle soit : "مقلد عاجز عن السؤال والعلم لا يتمكن من العلم بوجه، مريد للهدى مؤثر له محب له، غير قادر عليه ولا على طلبه لعدم من يرشده", qui dit : "يا رب لو أعلم لك ديناً خيراً مما أنا عليه لدنت به وتركت ما أنا عليه، ولكن لا أعرف سوى ما أنا عليه ولا أقدر على غيره، فهو غاية جهدى ونهاية معرفتى", et qui est comme... "كمن طلب الدين فى الفترة ولم يظفر به، فعدل عنه بعد استفراغ الوسع فى طلبه عجزاً وجهلاً" (Tarîq ul-hijratayn, p. 610).
Par contre, ce propos de al-Ghazâlî ne s'applique pas à :
----- l'homme qui a eu la possibilité de chercher pour découvrir la vérité mais ne l'a pas fait : "مقلد تمكن من العلم ومعرفة الحق، فأعرض عنه" (Tarîq ul-hijratayn, p. 609) ;
----- l'homme qui n'a pas eu la possibilité de chercher pour découvrir la vérité, mais ne s'est non plus jamais posé de questions quant à la pertinence de ce à quoi il adhérait : "مقلد عاجز عن السؤال والعلم لا يتمكن من العلم بوجه، معرض لا إرادة له، ولا يحدث نفسه بغير ما هو عليه", qui est : "راض بما هو عليه لا يؤثر غيره عليه ولا تطلب نفسه سواه", et qui est comme... "كمن لم يطلب الدين فى الفترة بل مات فى شركه، وإن كان لو طلبه، لعجز عنه" (d'après Tarîq ul-hijratayn, p. 610).
Car ces deux hommes sont pour leur part dans le Kufr ul-'i'râdh.
Ibn ul-Qayyim conclut ainsi : "ففرق بين عجز الطالب وعجز المعرض" (Ibid., p. 610).
Et par : "هذا في الجملة؛ والتعيين موكول إلى علم الله وحكمه. هذا فى أحكام الثواب والعقاب" (Ibid., p. 610).
Le hadîth est clair : le Prophète (sur lui soit la paix) a dit : "Par Celui dans la Main de qui l'âme de Muhammad se trouve, personne de cette Ummat (ud-Da'wâ) - juif ou chrétien -, n'entend parler de moi, et ensuite meurt sans avoir apporté foi en ce avec quoi j'ai été suscité, sans qu'il soit des gens du Feu" : "عن أبي هريرة، عن رسول الله صلى الله عليه وسلم أنه قال: "والذي نفس محمد بيده، لا يسمع بي أحد من هذه الأمة يهودي، ولا نصراني، ثم يموت ولم يؤمن بالذي أرسلت به، إلا كان من أصحاب النار" (Muslim, 153).
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– De même, ce propos de al-Ghazâlî ne s'applique pas non plus à :
----- l'homme à qui le message est parvenu dans une forme non dénaturée, mais qui a eu une shub'ha qui l'a amené à ne pas y adhérer : un tel homme, son cas rejoint le cas B.b.a, et il se trouve dans le Kufr ut-Takdhîb, ou dans le Kufr ush-Shakk.
Ce point-là est exposé dans l'article parlant notamment des Shubuhât ayant conduit à une conception erronée. "لأن هذه الأمة عفي لها عن الخطأ والنسيان؛ بخلاف الكافر، فإنه لا يغفر له الكفر الذي أخطأ فيه" (MF 22/14). Voir aussi MF 19/206.
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– Cas C) Le cas des personnes qui adhéraient à un ancien message ayant, dans sa doctrine même, subi des transformations conséquentes, mais qui était malgré cela présenté comme "le message de tel prophète" (par exemple "de Jésus") (قوم كانوا متمسكين برسالة تغيّرتْ تغيّرًا كبيرًا) :
Qu'adviendra-t-il dans l'autre monde, à l'homme qui, sur terre, aura adhéré à tel message, et qui n'avait pas eu connaissance d'un plus récent message divin, venu restaurer l'authentique :
– C.a) soit que le messager chargé de délivrer ce plus récent message n'était pas encore né,
– C.b.b) soit qu'il était né et avait déjà délivré son message mais que celui-ci n'était pas du tout parvenu à notre homme ?
Il faut distinguer 2 dimensions :
--- C.1) le caractère de la croyance et de l'acte erronés, en eux-mêmes ;
--- C.2) la rétribution prévue à leur sujet dans l'autre monde.
Ci-après ces 2 dimensions...
--- C.1) En soi, ces croyances erronées et ces actes déviants que cet homme aura eues et faits sont bel et bien des "bid'a mudhallila", des "kabîra", voire même du "kufr" (si les croyances sont trop éloignées du juste), même si cet homme n'avait pas eu connaissance du plus récent message venu restaurer le juste.
Le Coran emploie ainsi le terme "kufr" à propos de telles croyances :
--- "لَّقَدْ كَفَرَ الَّذِينَ قَالُواْ إِنَّ اللّهَ ثَالِثُ ثَلاَثَةٍ" (Coran 5/73) : ce verset dit que ceux qui ont la croyance de Trinité au sujet de Dieu "ont fait kufr".
--- "لَمْ يَكُنِ الَّذِينَ كَفَرُوا مِنْ أَهْلِ الْكِتَابِ وَالْمُشْرِكِينَ مُنفَكِّينَ حَتَّى تَأْتِيَهُمُ الْبَيِّنَةُ رَسُولٌ مِّنَ اللَّهِ يَتْلُو صُحُفًا مُّطَهَّرَةً فِيهَا كُتُبٌ قَيِّمَةٌ" : "Ceux qui avaient fait kufr – des Gens du Livre et des Polycultistes – n'en étaient pas à cesser jusqu'à ce que leur vienne la preuve claire : un messager de Dieu récitant des feuillets purifiés dans lesquels se trouvent écrits (des propos) droits" (Coran 98/1-3) : ce verset dit qu'il y avait des Gens du Livre qui étaient déjà kâfir avant même la venue du Prophète Muhammad (sur lui soit la paix).
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--- C.2) Mais au-delà du caractère de ces croyances et de ces actions en elles-mêmes, qu'en sera-t-il au niveau de l'applicabilité de la sanction prévue pour elles dans l'autre monde ?
Il y a plusieurs cas, exposés dans ce passage écrit par Ibn Taymiyya : "وإذا كان كذلك فمعلوم أن الحجة إنما تقوم بالقرآن على من بلغه كقوله: {لأنذركم به ومن بلغ}. فمن بلغه بعض القرآن دون بعض قامت عليه الحجة بما بلغه دون ما لم يبلغه؛ فإذا اشتبه معنى بعض الآيات وتنازع الناس في تأويل الآية، وجب رد ما تنازعوا فيه إلى الله ورسوله: فإذا اجتهد الناس في فهم ما أراده الرسول صلى الله عليه وسلم فالمصيب له أجران والمخطئ له أجر؛ فلا يمنع أن يقال ذلك في أهل الكتاب قبلنا: فمن لم يبلغه جميع نصوص الكتاب قبلنا لم تقم عليه الحجة إلا بما بلغه؛ وما خفي عليهم معناه منه فاجتهد في معرفته، فإن أصاب فله أجران وإن أخطأ فله أجر وخطأه محطوط عنه.
فأما من تعمد تحريف الكتاب لفظه أو معناه وعرف ما جاء به الرسول فعانده فهذا مستحق للعقاب.
وكذلك من فرط في طلب الحق واتباعه متبعا لهواه مشتغلا عن ذلك بدنياه.
وعلى هذا فإذا كان بعض أهل الكتاب قد حرفوا بعض الكتاب وفيهم آخرون لم يعلموا ذلك فهم مجتهدون في اتباع ما جاء به الرسول لم يجب أن يجعل هؤلاء من المستوجبين للوعيد.
وإذا جاز أن يكون في أهل الكتاب من لم يعرف جميع ما جاء به المسيح بل خفي عليه بعض ما جاء به أو بعض معانيه فاجتهد لم يعاقب على ما لم يبلغه؛ وقد تحمل أخبار اليهود الذين كانوا مع تبع والذين كانوا ينتظرون الإيمان بمحمد صلى الله عليه وسلم من أهل المدينة كابن التيهان وغيره على هذا، وأنهم لم يكونوا مكذبين للمسيح تكذيب غيرهم من اليهود" (Al-Jawâb us-sahîh, 1/271-272).
----- C.2.1) Celui qui était l'auteur des déviances apportées aux enseignements originaux du prophète le plus récent, s'exposera dans l'autre monde à la sanction prévue à cet effet (من تعمد تحريف الكتاب لفظه أو معناه وعرف ما جاء به الرسول فعانده) (Al-Jawâb us-sahîh 1/271-272) (il s'agit de la sanction prévue pour celui qui instaure délibérément une bid'a mudhallila, et de la sanction prévue pour celui qui instaure volontairement du kufr).
----- C.2.2.1) Celui qui n'était pas l'auteur de ces déviances mais qui avait découvert que déviance il y avait et qui n'avait rien fait pour s'en démarquer, celui-là aussi s'exposera dans l'autre monde à la sanction prévue à cet effet.
----- C.2.2.2.1) Celui qui n'était pas l'auteur de ces déviances et n'avait pas découvert que déviance il y avait, mais n'avait pas non plus fait les efforts dont il était personnellement capable pour rechercher la vérité (من فرط في طلب الحق واتباعه متبعا لهواه مشتغلا عن ذلك بدنياه), celui-là également s'exposera à la sanction prévue dans l'autre monde (Al-Jawâb us-sahîh 1/272).
----- C.2.2.2.2) Celui qui avait "hérité" de ces enseignements déviants et, malgré sa sincérité et un minimum d'efforts, n'avait pas su que déviance il y avait, les avis divergent quant à savoir ce qu'il adviendra de lui dans l'autre monde. En voici deux :
------- L'avis de Ibn Taymiyya est que, bien que ses croyances et / ou ses actes aient été de kufr ou de bid'a mudhallila, cet homme ne sera pas sanctionné en conséquence par Dieu dans l'autre monde, pour peu qu'il avait la sincère intention de suivre ce que le Messager dont le message lui était parvenu avait laissé, et qu'il n'avait pas manqué à chercher la vérité ("qassada-l-haqqa wa-jtahada fî talabih") (cf. Al-Jawâb us-sahîh 1/270-274). La raison en est que le plus récent message, qui avait pour vocation de rétablir le juste, ne lui était pas parvenu : l'acte est donc en soi de kufr, mais la sanction prévue pour cela dans l'autre monde est inapplicable, puisque cet homme n'avait pas été averti, alors que le Coran dit : "afin que je vous avertisse par son moyen, ainsi que ceux à qui il parviendra".
------- L'avis de Shâh Waliyyullâh est différent : "اعلم أن الحق تعالى إذا بعث رسولا في قوم، فأقام الملة لهم على لسانه، فإنه لا يترك فيها عوجا ولا أمتا. ثم إنه تمضى الرواية عنه، ويحملها الحواريون من أمته كما ينبغي برهة من الزمان. ثم بعد ذلك يخلف خلف يحرفونها، ويتهاونون فيها، فلا تكون حقا صرفا بل ممزوجا بالباطل (...)؛ وهذا الباطل منه إشراك جلي وتحريف صريح: يؤاخذون عليه على كل حال؛ ومنه إشراك خفي وتحريف مضمر: لا يؤاخذ الله بها حتى يبعث الرسول فيهم، فيقيم الحجة ويكشف الغمة، ليحيا من حي عن بينة ويهلك من هلك عن بينة" (Hujjat ullâh il-bâligha, 1/353 ; voir également 1/339). Il dit ici qu'à propos de ce qu'il avait fait conformément à ce dont il avait hérité dans la forme altérée de cet ancien message, cet homme :
– sera bien responsable, dans l'autre monde, pour avoir fait ce qui constituait un associationnisme évident (شرك أكبر واضح) et pour avoir suivi ce qui était une altération évidente ("تحريف صريح") ;
– ne sera pas sanctionné par Dieu dans l'autre monde pour ce qui constituait, par rapport à ce qui est juste, un associationnisme pas toujours évident à discerner (شرك أكبر ملتبس), et résultait d'une altération cachée ("تحريف مضمر"), dans la mesure où il n'est pas évident pour tout un chacun de comprendre que cela ne relève pas du juste et que altération il y a eu (Hujjat ullâh il-bâligha, 1/353 ; voir également 1/339).
------- Ibn Taymiyya a donc fait dépendre les choses de la bonne volonté de la personne à rechercher le juste : le simple fait que la personne était animée de la bonne volonté de rechercher la vérité et de suivre ce que le messager (dont elle avait eu connaissance du message) avait réellement enseigné et qu'elle avait fait des recherches en ce sens est suffisant pour qu'elle ne s'expose pas à la sanction dans l'autre monde, même si à nous l'altération peut paraître évidente et l'acte d'associationnisme clair.
------- Shâh Waliyyullâh, lui, a fait dépendre les choses de la nature même de l'acte et de l'altération : certaines altérations sont, dit-il, tellement évidentes par rapport au monothéisme, qu'il ne saurait y avoir d'excuse disant que telle personne était animée d'une bonne volonté et faisait des recherches mais n'a pas pu découvrir qu'altération il y avait. D'après ce 'âlim indien, si la personne avait un minimum de bonne volonté et faisait un minimum de recherches, elle saurait qu'il y a eu altération.
Il est à noter que cet avis de Shâh Waliyyullâh, relatif ici à l'homme à qui était parvenu seul un ancien message, et ce sous une forme altérée, est à certains égards voisin de l'avis hanafite relatif à l'homme à qui aucun message n'était parvenu : certains ulémas de l'école hanafite pensent en effet que cet homme-là sera responsable devant Dieu des croyances naturelles – au moins l'existence et l'unicité de Dieu – et des actes conformes aux repères moraux naturels – interdiction du vol, du meurtre, etc.
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– Ci-après quatre versets du Coran en relation avec ce cas C :
– Un verset dit que...
... celui qui avait apporté foi en le messager de son époque (par exemple Jésus, que la paix soit sur lui), puis, ayant eu connaissance du message de Muhammad (que la paix soit sur lui), y a adhéré, il lui sera donné sa récompense deux fois : "الَّذِينَ آتَيْنَاهُمُ الْكِتَابَ مِن قَبْلِهِ هُم بِهِ يُؤْمِنُونَ وَإِذَا يُتْلَىٰ عَلَيْهِمْ قَالُوا آمَنَّا بِهِ إِنَّهُ الْحَقُّ مِن رَّبِّنَا إِنَّا كُنَّا مِن قَبْلِهِ مُسْلِمِينَ أُولَٰئِكَ يُؤْتَوْنَ أَجْرَهُم مَّرَّتَيْنِ بِمَا صَبَرُوا" (Coran 28/52-54).
Ce verset signifie que sa foi première aussi lui est comptabilisée dans l'autre monde, en sus de sa foi seconde ("أُولَئِكَ} الذين آمنوا بالكتابين {يُؤْتَوْنَ أَجْرَهُمْ مَرَّتَيْنِ} أجرًا على الإيمان الأول، وأجرًا على الإيمان الثاني، {بِمَا صَبَرُوا} على الإيمان، وثبتوا على العمل" : Tafsîr us-Sa'dî).
Pour qui vaut cette promesse ?
--- Cette promesse vaut, cela est certain, pour celui qui adhérait à la Torah et à qui le message de Jésus n'était pas parvenu (nous l'avons déjà dit plus haut, en B).
--- Mais qu'en est-il du juif à qui le message de Jésus était parvenu de façon suffisante mais qui n'y avait pas cru, puis, lorsque le message de Muhammad lui est parvenu, il y a cru, et, par son biais, a cru Jésus être un vrai messager de Dieu ?
D'après l'un des deux avis : lui aussi aura double récompense, bien qu'auparavant il était kâfir (bi kufr târi') par le fait d'avoir renié Jésus.
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--- De même, cette promesse vaut, cela est certain, pour le chrétien qui croyait alors en Jésus de la façon voulue, c'est-à-dire sans les rajouts doctrinaux ultérieurs (nous l'avons déjà dit plus haut, en B).
--- Mais qu'en est-il du chrétien qui croyait jusqu'alors en Jésus, avec les croyances en l'Incarnation et la Trinité (cela eu égard au fait que la vérité ne lui était alors pas encore parvenue, et que du moment qu'il n'avait pas failli à chercher cette vérité, la part du faux lui est pardonnée) ? De façon continuelle, les Chrétiens Trinitaires sont des gens du Livre et ne sont pas considérés comme relevant de l'ensemble "Polycultistes". Ce qui nous intéresse ici c'est de savoir si un chrétien trinitarien qui se convertit à l'islam, aura lui aussi double récompense : l'une pour sa foi antérieure (comportant pourtant ces rajouts doctrinaux conséquents), et l'autre pour son adhésion à la foi islamique ?
La réponse est qu'une divergence est relatée à ce sujet par rapport au célèbre hadîth disant en substance la même chose que ce verset au sujet d'un tel homme parmi les Ahl ul-kitâb : "قال عامر الشعبي: حدثني أبو بردة، عن أبيه، قال: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "ثلاثة لهم أجران: رجل من أهل الكتاب، آمن بنبيه وآمن بمحمد صلى الله عليه وسلم؛ والعبد المملوك إذا أدى حق الله وحق مواليه؛ ورجل كانت عنده أمة فأدبها فأحسن تأديبها، وعلمها فأحسن تعليمها، ثم أعتقها فتزوجها فله أجران "، ثم قال عامر: أعطيناكها بغير شيء، قد كان يركب فيما دونها إلى المدينة" (al-Bukhârî, 97, Muslim, 154).
Abu-l-'Abbâs al-Qurtubî est d'avis que non (FB 1/252).
Pourtant 'Alî al-Qârî souligne que si on regarde le hadîth avec Héraclius, on voit que, dans l'épître qu'il lui avait adressée, le Prophète (sur lui soit la paix) lui a écrit que s'il accepte l'islam, il aura deux récompenses : "بسم الله الرحمن الرحيم، من محمد عبد الله ورسوله إلى هرقل عظيم الروم. سلام على من اتبع الهدى. أما بعد، فإني أدعوك بدعاية الإسلام، أسلم تسلم، يؤتك الله أجرك مرتين، فإن توليت فإن عليك إثم الأريسيين"؛ و{يا أهل الكتاب تعالوا إلى كلمة سواء بيننا وبينكم أن لا نعبد إلا الله ولا نشرك به شيئا ولا يتخذ بعضنا بعضا أربابا من دون الله فإن تولوا فقولوا اشهدوا بأنا مسلمون}" (al-Bukhârî, 7, Muslim, 1773). Or chacun sait que Héraclius adhérait aux doctrines de l'Incarnation et de la Trinité. Al-'Aynî écrit : "قوله: (من أهل الكتاب) اختلفوا فيه، فقال بعضهم" (cf. 'Umdat ul-qârî 2/119-120).
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Alî al-qârî écrit : "واختلف الشراح أن المراد هو النصراني؟ أو اليهودي أيضا؟ وإلى الأول جنح صاحب الأزهار، وأيده بالدلائل العقلية والنقلية. ومال غيره إلى الثاني، وأيده بمؤيدات نقلية. والخلاف مبني على أن النصرانية هل هي ناسخة لليهودية أم لا. وعلى كل فمن كذبه منهم واستمر على يهوديته، لم يكن مؤمنا بنبيه. فإن قلت: يؤيد إرادة الإنجيل وحده رواية البخاري: "فإذا آمن بعيسى ثم آمن بي فله أجران". قلت: لا يؤيده، لأن النص على "عيسى" إنما هو لحكمة هي بُعد بقاء مؤمن بموسى دون عيسى مع صحة إيمانه، بأن لم يبلغه دعوة عيسى إلى بعثة نبينا فآمن به، وهذا وإن استُبعِد وجوده لكن في حمل أهل الكتاب على ما يشمله فائدة هي أن اليهود من بنى إسرائيل ومن دخل في اليهودية من غيرهم ولم يبلغه دعوة عيسى، يصدق عليه أنه يهودي مؤمن بنبيه موسى ولم يكذب نبيا آخر بعده، فإذا أدرك بعثة نبينا وآمن به تناوله الخبر المذكور والأجر المسطور؛ ومن هؤلاء عرب نحو اليمن متهودون ولم تبلغهم دعوة عيسى لاختصاص رسالته ببني إسرائيل إجماعا دون غيرهم. فاتضح بهذا أن المراد التوراة والإنجيل كما هو المعهود ذهنا في نصوص الكتاب والسنة. ومما يصرح بالعموم الآية النازلة في عبد الله بن سلام وأشباهه، وهي: {الذين آتيناهم الكتاب من قبله هم به يؤمنون} إلى قوله: {أولئك يؤتون أجرهم مرتين} روى الطبراني من حديث رفاعة القرظي قال: "نزلت هذه الآية في وفيمن آمن بي"؛ وروى الطبراني أنها نزلت في سلمان وابن سلام؛ ولا تنافي فإن الأول كان نصرانيا والثاني كان يهوديا. (...). والمراد: "من آمن بنبيه إيمانا صحيحا، بأن يؤمن اليهودي بموسى - عليه الصلاة والسلام - قبل العلم بنسخ شرعه بالإنجيل بناء على أنه ناسخ، وإلا، فقبل نسخه بشريعتنا؛ واليهودي والنصراني بعيسى عليه الصلاة والسلام - بالنسبة لمن علم رسالته إليه - قبل نسخ شرعه بشريعتنا. وإنما قيدوا بـ"ما قبل النسخ" لأن المؤمن بنبي بعد أن بلغته دعوة غيره الناسخة له، لا أجر له على إيمانه به، لأنه لا يصدق عليه حينئذ أنه آمن بنبيه. وقيل: ويحتمل أنه لا يحتاج إلى هذا التقييد إذ لا يبعد أن يكون طرو الإيمان بنبينا - عليه الصلاة والسلام - سببا لثوابه على الإيمان السابق، كما أن الكافر إذا أسلم يثاب على حسناته السابقة في الكفر اهـ. ويؤيده عموم قوله تعالى: {يا أيها الذين آمنوا اتقوا الله وآمنوا برسوله يؤتكم كفلين من رحمته}، وكذا كتابه - عليه الصلاة والسلام - إلى هرقل: "أسلم يؤتك الله أجرك مرتين"، وقومه لم يكونوا من بني إسرائيل، وإنما دخلوا في النصرانية بعد التبديل كما صرح به شيخ الإسلام البلقيني وغيره، وهذا هو الظاهر" (Mirqât ul-mafâtîh, 1/146-147, n. é.).
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En fait, il faut ici savoir qu'un hadîth du Prophète (sur lui soit la paix) dit la même chose au sujet d'une telle personne, ainsi qu'au sujet de deux autres types de personnes : "قال عامر الشعبي: حدثني أبو بردة، عن أبيه، قال: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "ثلاثة لهم أجران: رجل من أهل الكتاب، آمن بنبيه وآمن بمحمد صلى الله عليه وسلم؛ والعبد المملوك إذا أدى حق الله وحق مواليه؛ ورجل كانت عنده أمة فأدبها فأحسن تأديبها، وعلمها فأحسن تعليمها، ثم أعتقها فتزوجها فله أجران "، ثم قال عامر: أعطيناكها بغير شيء، قد كان يركب فيما دونها إلى المدينة" (al-Bukhârî, 97, Muslim, 154).
Que signifie que chacune de ces 3 personnes a 2 récompenses ?
– Soit que chaque bonne action que cette personne fait lui est comptée double ;
– Soit que cette personne voit être inscrite à son actif 2 récompenses pour chacune de ces 2 actions citées (alors que normalement une seule bonne action devrait être inscrite pour chacune des 2 bonnes actions que cette personne a accomplie) ; et ce à cause du sacrifice consenti par chacune des 3 personnes évoquées ;
– Soit que cette personne reçoit une récompense pour la première action qu'elle a faite (alors que normalement cette première action ne rapporte pas de récompense, ou pas de récompense notoire) ; et cela à cause du fait que la première action soit est normalement faite par intérêt personnel (cas de la possession d'une esclave), soit est faite par contrainte (cas du travail fait par l'esclave), soit consiste en de la foi en un prophète mêlée à du kufr (cas du kitâbî qui était dans le kufr avant même la venue du Prophète, comme Héraclius) ; cependant, la présence de la seconde des 3 actions suscitées confère à la première des 3 actions une autre dimension, ce qui entraîne par la faveur de Dieu une récompense pour elle aussi.
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Un second passage coranique se lit ainsi :
"وَإِذْ قَالَ اللّهُ يَا عِيسَى ابْنَ مَرْيَمَ أَأَنتَ قُلتَ لِلنَّاسِ اتَّخِذُونِي وَأُمِّيَ إِلَهَيْنِ مِن دُونِ اللّهِ قَالَ سُبْحَانَكَ مَا يَكُونُ لِي أَنْ أَقُولَ مَا لَيْسَ لِي بِحَقٍّ إِن كُنتُ قُلْتُهُ فَقَدْ عَلِمْتَهُ تَعْلَمُ مَا فِي نَفْسِي وَلاَ أَعْلَمُ مَا فِي نَفْسِكَ إِنَّكَ أَنتَ عَلاَّمُ الْغُيُوبِ. مَا قُلْتُ لَهُمْ إِلاَّ مَا أَمَرْتَنِي بِهِ أَنِ اعْبُدُواْ اللّهَ رَبِّي وَرَبَّكُمْ وَكُنتُ عَلَيْهِمْ شَهِيدًا مَّا دُمْتُ فِيهِمْ فَلَمَّا تَوَفَّيْتَنِي كُنتَ أَنتَ الرَّقِيبَ عَلَيْهِمْ وَأَنتَ عَلَى كُلِّ شَيْءٍ شَهِيدٌ إِن تُعَذِّبْهُمْ فَإِنَّهُمْ عِبَادُكَ وَإِن تَغْفِرْ لَهُمْ فَإِنَّكَ أَنتَ الْعَزِيزُ الْحَكِيمُ قَالَ اللّهُ هَذَا يَوْمُ يَنفَعُ الصَّادِقِينَ صِدْقُهُمْ لَهُمْ جَنَّاتٌ تَجْرِي مِن تَحْتِهَا الأَنْهَارُ خَالِدِينَ فِيهَا أَبَدًا رَّضِيَ اللّهُ عَنْهُمْ وَرَضُواْ عَنْهُ ذَلِكَ الْفَوْزُ الْعَظِيمُ " :
"Et lorsque Dieu dira : "O Jésus fils de Marie, est-ce toi qui as dit aux gens : "Prenez-moi, ainsi que ma mère, pour deux divinités en dehors de Dieu" ?" Il dira : "Pureté à Toi ! Il ne m'appartient pas de déclarer ce que je n'ai pas le droit de dire. Si je l'avais dit, Tu l'aurais su ; Tu sais ce qu'il y a en moi, et je ne sais pas ce qu'il y a en Toi. Tu es, en vérité, Connaisseur de tout ce qui est caché. Je ne leur ai dit que ce que Tu m'as ordonné de dire, (à savoir) : "Adorez Dieu, qui est mon Pourvoyeur et votre Pourvoyeur". J'étais témoin sur eux tant que je suis resté parmi eux ; puis, lorsque Tu m'as repris, Tu étais le Surveillant sur eux, et Tu es Témoin de toute chose. Si Tu les châties, alors ce sont Tes serviteurs ; et si Tu leur pardonnes, alors Tu es le Puissant, le Sage." Dieu dira : "Ceci est le jour où la véracité servira aux véridiques. Ils auront des jardins au pied desquels les rivières coulent, dans lesquels ils demeurent éternellement. Dieu est satisfait d'eux, et ils sont satisfaits de Lui" (Coran 5/116-119).
Si on retient le commentaire selon lequel cet échange aura lieu le jour du Jugement, une question se pose ici : Le fait de diviniser Jésus et Marie constitue du Shirk Akbar ; comment donc, parlant des gens ayant fait ainsi, Jésus adressera-t-il à Dieu la parole suivante : "Si Tu les châties, alors ce sont Tes serviteurs ; et si Tu leur pardonnes, alors Tu es le Puissant, le Sage", sachant que chacun sait bien que Dieu ne pardonne pas le Shirk Akbar dont l'homme ne s'est pas repenti, et qu'Il interdit qu'on intercède auprès de Lui en faveur de celui dont on a la preuve qu'il est mort en étant Kâfir, et même de celui dont on sait, selon les apparences, qu'il est mort en étant Kâfir ?
Plusieurs réponses figurent dans les Commentaires classiques.
--- Al-Qurtubî écrit ainsi : "واختلف في تأويله فقيل: قاله على وجه الاستعطاف لهم والرأفة بهم كما يستعطف السيد لعبده؛ ولهذا لم يقل: فإنهم عصوك. وقيل: قاله على وجه التسليم لأمره والاستجارة من عذابه وهو يعلم أنه لا يغفر لكافر. وقيل: الهاء والميم في" إن تعذبهم" لمن مات منهم على الكفر، والهاء والميم في "إن تغفر لهم" لمن تاب منهم قبل الموت، وهذا حسن. وأما قول من قال: "إن عيسى عليه السلام لم يعلم أن الكافر لا يغفر له"، فقول مجترئ على كتاب الله عز وجل لأن الأخبار من الله عز وجل لا تنسخ. وقيل: كان عند عيسى أنهم أحدثوا معاصي وعملوا بعده بما لم يأمرهم به، إلا أنهم على عمود دينه، فقال: "وإن تغفر لهم ما أحدثوا بعدي من المعاصي"، وقال: "فإنك أنت العزيز الحكيم"، ولم يقل: "فإنك أنت الغفور الرحيم" على ما تقتضيه القصة من التسليم لأمره والتفويض لحكمه؛ ولو قال: "فإنك أنت الغفور الرحيم" لأوهم الدعاء بالمغفرة لمن مات على شركه، وذلك مستحيل؛ فالتقدير: "إن تبقهم على كفرهم حتى يموتوا وتعذبهم فإنهم عبادك، وإن تهدهم إلى توحيدك وطاعتك فتغفر لهم فإنك أنت العزيز الذي لا يمتنع عليك ما تريده، الحكيم فيما تفعله: تضل من تشاء وتهدي من تشاء". وقد قرأ جماعة: "فإنك أنت الغفور الرحيم"، وليست من المصحف: ذكره القاضي عياض في كتاب الشفا"" (Tafsîr ul-Qurtubî).
--- Citant az-Zamakhsharî avant de formuler sa préférence, Abû Hayyân écrit : "وقال أهل السنة: مقصود عيسى تفويض الأمور كلها إلى الله تعالى وترك الاعتراض بالكلية، ولذلك ختم الكلام بقوله: {فإنك أنت العزيز الحكيم} أي: قادر على ما تريد في كل ما تفعل لا اعتراض عليك. وقيل: لما قال لعيسى: أأنت قلت للناس الآية، علم أن قوما من النصارى حكوا هذا الكلام عنه والحاكي هذا الكفر لا يكون كافرا بل مذنبا حيث كذب وغفران الذنب جائز فلهذا قال: وإن تغفر لهم. وقيل: كان عند عيسى أنهم أحدثوا المعاصي وعملوا بعده بما لم يأمرهم به إلا أنهم على عمود دينه، فقال: وإن تغفر لهم ما أحدثوا بعدي من المعاصي؛ وهذا يتوجه على قول من قال: إن قول الله له "أأنت قلت للناس" كان وقت الرفع، لأنه قال ذلك وهم أحياء لا يدري ما يموتون عليه. وقيل: الضمير في تعذبهم عائد على من مات كافرا، وفي وإن تغفر لهم عائد على من تاب منهم قبل الموت. وقيل: قال ذلك على وجه الاستعطاف لهم والرأفة بهم، مع علمه بأن الكفار لا يغفر لهم ولهذا لم يقل لأنهم عصوك. انتهى. وهذا فيه بعد لأن الاستعطاف لا يحسن إلا لمن يرجى له العفو والتخفيف، والكفار لا يرجى لهم ذلك. والذي أختاره من هذه الأقوال أن قوله تعالى وإذ قال الله يا عيسى ابن مريم "أأنت قلت للناس" قول قد صدر، ومعنى يعطفه على ما صدر ومضى، ومجيئه بإذ التي هي ظرف لما مضى ويقال التي هي حقيقة في الماضي؛ فجميع ما جاء في هذه الآيات من "إذ قال" هو محمول على أصل وضعه؛ وإذا كان كذلك، فقول عيسى "وإن تغفر لهم" فعبر بالسبب عن المسبب لأنه معلوم أن الغفران مرتب على التوبة وإذا كان هذا القول في غير وقت الآخرة، كانوا في معرض أن يرد فيهم التعذيب أو المغفرة الناشئة عن التوبة، وظاهر قوله "فإنك أنت العزيز الحكيم" أنه جواب الشرط والمعنى فإنك أنت العزيز الذي لا يمتنع عليك ما تريده، الحكيم فيما تفعله تضل من تشاء وتهدي من تشاء" (Al-Bah'r ul-muhît).
Si ce dialogue entre Dieu et Jésus ne s'est pas déjà passé (car sinon la demande de Jésus signifierait tout simplement une demande de guidance en faveur de gens encore vivants sur Terre) mais se passera le Jour du Jugement ; et si ce n'est pas une simple formule de remise de l'affaire aux Mains de Dieu ; alors : est-ce que cela constituerait de la part de Jésus une allusion (sans demande) à l'hypothèse d'un Pardon de la part de Dieu uniquement en faveur de ceux qui avaient divinisé lui-même (Jésus) et sa mère Marie, mais qui croyaient adorer ainsi Dieu l'Unique, auxquels le message venu rétablir la Vérité n'était pas parvenu, et qui n'avaient pas eu les compétences intellectuelles suffisantes pour comprendre de par eux-mêmes qu'ils étaient alors dans le Shirk Akbar : Jésus exposerait seulement devant Dieu - sans pour autant Lui adresser de demande - le fait que : "L'affaire est entre Tes Mains : si Tu les châties, ce sont tes serviteurs qui ont commis du Shirk Akbar ; et si Tu leur pardonnes, Tu es Puissant, Sage, car ils ont été incapables de comprendre" (cela dans la mesure où le Shirk Akbar qu'ils avaient commis était du type "subtil à saisir" – cf. la distinction sus-citée – et que le vrai message ne leur était pas parvenu...). Est-ce que ce commentaire existe ? Est-il seulement possible ?
Je ne sais pas (لا أدري).
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– En tous cas, dans le verset parlant de la Trinité, on lit ceci :
"لَّقَدْ كَفَرَ الَّذِينَ قَالُوا إِنَّ اللَّهَ ثَالِثُ ثَلَاثَةٍ وَمَا مِنْ إِلَهٍ إِلَّا إِلَهٌ وَاحِدٌ وَإِن لَّمْ يَنتَهُوا عَمَّا يَقُولُونَ لَيَمَسَّنَّ الَّذِينَ كَفَرُوا مِنْهُمْ عَذَابٌ أَلِيمٌ" : "Ont fait Kufr ceux qui ont dit : "Dieu est un parmi trois". Alors qu'il n'est de divinité qu'une divinité unique. Et s'ils ne cessent pas de (dire) ce qu'ils disent, un châtiment douloureux touchera ceux d'entre eux qui ont fait Kufr" (Coran 5/73).
Le début du verset affirme que tous ceux qui adhèrent à la Trinité ont fait Kufr, alors que la dernière phrase annonce le châtiment de l'autre monde pour "ceux d'entre eux qui ont fait Kufr" : voilà qui peut paraître étrange : pourquoi seulement "ceux d'entre eux qui ont fait Kufr", alors que le début avait dit que tous ceux qui disent cela ont fait Kufr ?
En fait cette dernière phrase évoque "ceux d'entre eux qui demeurent sur cette parole de Kufr" : "و{الذين كفروا منهم} هم المقيمون على هذا القول" (Zâd ul-massîr).
Cependant, ici, dans ce verset, "un châtiment douloureux touchera ceux d'entre eux qui [demeurent sur cette parole de] Kufr" désigne-t-il :
--- "ceux d'entre eux qui, en tous temps, après avoir adhéré à cette parole de Kufr, sont demeurés sur elle jusqu'à mourir sur cette parole sans s'en être repentis, et ce car car nul n'est sensé ignorer que cela est faux" ?
--- ou bien : "ceux d'entre eux qui sont demeurés sur cette parole jusqu'à mourir sur elle sans s'en être repentis alors même qu'ils avaient la possibilité intellectuelle de comprendre par eux-mêmes - avant même d'avoir eu connaissance en le Coran - que la Trinité était une erreur, mais n'avaient rien entrepris, ou alors même que, bien qu'ils n'avaient pas d'eux-mêmes une telle capacité, le message du Coran leur était parvenu, lui qui est venu rétablir la vérité et montrer que cela est du Kufr" (cette seconde option semble correspondre à l'avis de Ibn Taymiyya plus haut cité dans le cas C...) ?
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– Dans la même sourate, on lit également ceci :
"يَا أَهْلَ الْكِتَابِ قَدْ جَاءكُمْ رَسُولُنَا يُبَيِّنُ لَكُمْ عَلَى فَتْرَةٍ مِّنَ الرُّسُلِ أَن تَقُولُواْ مَا جَاءنَا مِن بَشِيرٍ وَلاَ نَذِيرٍ فَقَدْ جَاءكُم بَشِيرٌ وَنَذِيرٌ وَاللّهُ عَلَى كُلِّ شَيْءٍ قَدِيرٌ" : "O Gens du Livre, notre messager est venu à vous, vous explicitant (les choses), et ce à un moment d'interruption de messagers ; (cela) afin que vous ne puissiez pas dire [le Jour où chacun devra rendre des Comptes] : "Ne nous était pas venu un annonciateur de bonne nouvelle, ni un avertisseur". Vous est donc venu un annonciateur et avertisseur. Et Dieu est Capable de toute chose" (Coran 5/19). Il est clair, ici, que l'éloignement par rapport à l'époque de la venue du dernier messager en date entraîne une tendance à non pas seulement un certain relâchement dans la pratique, mais aussi à l'apparition de certaines déviances dues à une mauvaise interprétation de certains enseignements du messager précédent. C'est pour apporter une réforme que Dieu a suscité un ultime messager. "المسألة الرابعة: الفائدة في بعثة محمد عليه الصلاة والسلام عند فترة من الرسل هي أن التغيير والتحريف قد تطرق إلى الشرائع المتقدمة لتقادم عهدها وطول زمانها، وبسبب ذلك اختلط الحق بالباطل والصدق بالكذب، وصار ذلك عذرا ظاهرا في إعراض الخلق عن العبادات لأن لهم أن يقولوا: "يا إلهنا عرفنا أنه لا بد من عبادتك ولكنا ما عرفنا كيف نعبد"، فبعث الله تعالى في هذا الوقت محمدا عليه الصلاة والسلام إزالة لهذا العذر، وهو {أن تقولوا ما جاءنا من بشير ولا نذير} يعني إنما بعثنا إليكم الرسول في وقت الفترة كراهة أن تقولوا: "ما جاءنا في هذا الوقت من بشير ولا نذير". (...) والمعنى أن حصول الفترة يوجب احتياج الخلق إلى بعثة الرسل" (Tafsîr ur-Râzî).
Cependant, ici, dans ce verset, que signifie donc : "afin que vous ne puissiez pas dire [le Jour où chacun devra rendre des Comptes] : "Ne nous était pas venu un annonciateur de bonne nouvelle, ni un avertisseur"" ? Cela signifie-t-il :
--- que, sans la venue de Muhammad (sur lui soit la paix) et du Coran, lorsque questionnés par Dieu quant à leur adhésion à la Trinité, les chrétiens trinitariens auraient pu invoquer l'argument d'ignorance le Jour du Jugement, bien que cet argument est irrecevable de part de n'importe quel chrétien trinitarien, car nul n'est censé ignorer le pur monothéisme ; Dieu a seulement voulu leur faire le rappel de sorte qu'ils ne puissent même plus évoquer cet argument ?
--- ou bien que, sans la venue de Muhammad et du Coran, certains trinitariens auraient dûment été excusés (ma'dhûr) le Jour du Jugement, pour cause d'ignorance et d'incapacité de compréhension de par eux-mêmes, cependant, cela est contraire au Plan de Dieu pour l'humanité : Il a donc voulu que la vérité soit exposée aux hommes, afin que le maximum d'humains en aient connaissance, et que ceux qui choisissent une voie - quelle qu'elle soit - le fassent en connaissance de cause (cette seconde option semble correspondre à la seconde option évoquée au sujet du verset parlant de la Trinité...) ?
(Après la venue de l'ultime messager, celui après lequel il ne peut plus y avoir d'autre prophète, la tâche de réformer (les manquements et les altérations) incombe aux Ulémas, et se fait à l'intérieur des Textes de la Révélation.)
Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).