Question :
Bonjour.
Pourquoi dans le Coran y a-t-il, au début de certaines sourates, des lettres comme "A, L, M" ou "A, L, R". Quelle en est la signification ?
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Réponse :
Bonjour.
Dans le texte coranique, il y a un certain nombre de sourates qui débutent en effet par des lettres détachées : "Alif, Lâm, Mîm" (sourate n° 2), "Nûn" (sourate n° 68), etc.
En tout ce sont 14 des lettres de l'alphabet arabe qui ont été utilisées à cet escient.
Les lettres figurant ainsi au début de certaines sourates sont parfois individuelles (sourates 38, 50, 68), parfois au nombre de deux (sourates 2, 3, 20, 27, 36, 40, 41, 43, 45), parfois de trois (sourates 10, 11, 12, 14, 15, 26, 28, 29, 30, 31, 32), parfois de quatre (sourate 7, 13) et parfois de cinq (sourates 19, 42).
Quel est le sens de ces "lettres détachées" (c'est le sens du nom qu'on leur donne : "al-hurûf ul-muqatta'ât") ?
En fait il s'agit de versets équivoques.
-- Le sens, on ne peut l'affirmer de façon tranchée. Cependant...
----- A) Certains ulémas disent qu'en fait on n'en sait rien du tout, et seul Dieu connaît le sens de ces lettres.
Entre autres ash-Sha'bî est de cet avis (Tafsîr Ibn Kathîr). Les lettres de ce genre constituent un secret de l'auteur (Dieu), comparable aux codes que certains auteurs humains insèrent dans leur ouvrage (cf. Al-Itqân, p. 658).
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----- B) D'autres ulémas ont proposé un sens :
-------- il pourrait s'agir de lettres extraites de noms et faisant donc allusion à ces noms (cf. Al-Itqân, p. 660, p. 666) ; Ibn 'Abbâs ainsi que son élève Sa'ïd ibn Jubayr disent ainsi que "ألم", "Alif, Lâm, Mîm", signifie : "أنا الله أعلم" : "Je suis Dieu, le plus Savant" (Tafsîr ut-Tabarî, n° 239, n° 240) ;
-------- d'autres ulémas disent que "Tâ Hâ" et "Yâ Sîn" sont deux noms du Prophète : "اسمان من أسماء النبي" (Al-Itqân, p. 666), ces lettres, figurant au début des sourates 20 et 36 respectivement étant alors comparables à l'interpellation explicite "O Prophète", "يَا أَيُّهَا النَّبِيُّ", figurant au tout début des sourates 65 et 66 ;
-------- d'autres encore proposent que ce seraient des noms du Coran.
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----- Je penche vers l'avis B : dans l'ensemble des lettres figurant ainsi au début d'une sourate donnée du Coran, parfois les deux lettres peuvent, ensemble, constituer un nom ; d'autres fois chacune de ces lettres représente un mot (comme cela ressort de ce que Ibn Abbâs a dit au sujet de "Alif, Lâm, Mîm") ; Ar-Rabî' ibn Anas dit ainsi : "عن الربيع بن أنس، في قول الله تعالى ذكره:"ألم"، قال: هذه الأحرف من التسعة والعشرين حرفا، دارت فيها الألسن كلها. ليس منها حرف إلا وهو مفتاح اسم من أسمائه، وليس منها حرف إلا وهو في آلائه وبلائه، وليس منها حرف إلا وهو في مدة قوم وآجالهم" (Tafsîr ut-Tabarî, n° 244).
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Quant au célèbre hadîth du Prophète (sur lui soit la paix) : "عن عبد الله بن مسعود قال: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "من قرأ حرفا من كتاب الله فله به حسنة، والحسنة بعشر أمثالها. لا أقول الم حرف، ولكن ألف حرف ولام حرف وميم حرف" : "Celui qui récite un mot du Livre de Dieu acquiert une bonne action. Et chaque bonne action en vaut 10. Je ne dis pas que Alif-Lâm-Mîm est un mot, mais que Alif est un mot, Lâm est un mot, et Mîm est un mot" (at-Tirmidhî, 2910), le fait que "Alif-Lâm-Mîm" constituent 3 mots, cela se marie autant avec l'avis qui dit que chacune de ces lettres représentent un mot (c'est l'avis vers lequel je penche en ce qui concerne "Alif-Lâm-Mîm" précisément), qu'avec l'avis selon lequel ces 3 lettres constituent un seul mot : le nom de la sourate (Tafsîr ut-Tabarî, n° 233). Le fait est que, de toutes façons, "Alif-Lâm-Mîm" est prononcé en séparant le nom de chacune de ces lettres : il s'agit en fait des noms de ces lettres, et non pas de leur forme écrite. "ولفظ "الحرف" يراد به: الاسم والفعل وحروف المعاني واسم حروف الهجاء. ولهذا سأل الخليل أصحابه: "كيف تنطقون بالزاي من "زيد"؟" فقالوا: "زاي"، فقال: "نطقتم بالاسم؛ وإنما الحرف: "زه"". فبيّن الخليل أن هذه التي تسمى "حروف الهجاء" هي أسماء. وكثيرا ما يوجد في كلام المتقدمين: "هذا حرف من الغريب"، يعبرون بذلك عن الاسم التام. فقوله صلى الله عليه وسلم ""فله بكل حرف"، مثّله بقوله: "ولكن "ألف" حرف، و"لام" حرف، و"ميم" حرف". وعلى نهج ذلك: و"ذلك" حرف، و"الكتاب" حرف، ونحو ذلك" (MF 12/107).
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-- En tout cas, pour reprendre l'analyse de Ibn ul-'Arabî (cité par Ibn Hajar), les Arabes de l'époque de Muhammad (sur lui la paix) n'ont fait aucune objection à la présence de ces lettres au début de ces sourates [en effet, si les polycultistes d'entre eux se sont raillés d'autres choses présentes dans le texte coranique (par exemple le monothéisme ; l'idée que ce soit un humain qui soit messager de Dieu ; le fait que le Coran disait de leurs idoles qu'elles n'étaient rien mais de Jésus, auquel des humains rendaient aussi un culte, qu'il était un illustre personnage) ; ils n'ont rien dit au sujet de ces lettres marquant le début de ces sourates (d'après Al-Itqân, p. 664).
Le fait est que certains Arabes de l'époque faisaient débuter certaines de leur odes par des prépositions (Al-Itqân, p. 662). Si le texte coranique a eu recours, au début de certaines sourates, au même procédé, c'est parce qu'il a été révélé dans le style littéraire auquel les Arabes de l'époque – qui étaient les premiers destinataires du message – étaient habitués.
Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).
Les lettres détachées qui se trouvent au début de certaines sourates (الحروف المقطعات)
Question :
Bonjour.
Pourquoi dans le Coran y a-t-il, au début de certaines sourates, des lettres comme "A, L, M" ou "A, L, R". Quelle en est la signification ?
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Réponse :
Bonjour.
Dans le texte coranique, il y a un certain nombre de sourates qui débutent en effet par des lettres détachées : "Alif, Lâm, Mîm" (sourate n° 2), "Nûn" (sourate n° 68), etc.
En tout ce sont 14 des lettres de l'alphabet arabe qui ont été utilisées à cet escient.
Les lettres figurant ainsi au début de certaines sourates sont parfois individuelles (sourates 38, 50, 68), parfois au nombre de deux (sourates 2, 3, 20, 27, 36, 40, 41, 43, 45), parfois de trois (sourates 10, 11, 12, 14, 15, 26, 28, 29, 30, 31, 32), parfois de quatre (sourate 7, 13) et parfois de cinq (sourates 19, 42).
Quel est le sens de ces "lettres détachées" (c'est le sens du nom qu'on leur donne : "al-hurûf ul-muqatta'ât") ?
En fait il s'agit de versets équivoques.
-- Le sens, on ne peut l'affirmer de façon tranchée. Cependant...
----- A) Certains ulémas disent qu'en fait on n'en sait rien du tout, et seul Dieu connaît le sens de ces lettres.
Entre autres ash-Sha'bî est de cet avis (Tafsîr Ibn Kathîr). Les lettres de ce genre constituent un secret de l'auteur (Dieu), comparable aux codes que certains auteurs humains insèrent dans leur ouvrage (cf. Al-Itqân, p. 658).
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----- B) D'autres ulémas ont proposé un sens :
-------- il pourrait s'agir de lettres extraites de noms et faisant donc allusion à ces noms (cf. Al-Itqân, p. 660, p. 666) ; Ibn 'Abbâs ainsi que son élève Sa'ïd ibn Jubayr disent ainsi que "ألم", "Alif, Lâm, Mîm", signifie : "أنا الله أعلم" : "Je suis Dieu, le plus Savant" (Tafsîr ut-Tabarî, n° 239, n° 240) ;
-------- d'autres ulémas disent que "Tâ Hâ" et "Yâ Sîn" sont deux noms du Prophète : "اسمان من أسماء النبي" (Al-Itqân, p. 666), ces lettres, figurant au début des sourates 20 et 36 respectivement étant alors comparables à l'interpellation explicite "O Prophète", "يَا أَيُّهَا النَّبِيُّ", figurant au tout début des sourates 65 et 66 ;
-------- d'autres encore proposent que ce seraient des noms du Coran.
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Quant au célèbre hadîth du Prophète (sur lui soit la paix) : "عن عبد الله بن مسعود قال: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "من قرأ حرفا من كتاب الله فله به حسنة، والحسنة بعشر أمثالها. لا أقول الم حرف، ولكن ألف حرف ولام حرف وميم حرف" : "Celui qui récite un mot du Livre de Dieu acquiert une bonne action. Et chaque bonne action en vaut 10. Je ne dis pas que Alif-Lâm-Mîm est un mot, mais que Alif est un mot, Lâm est un mot, et Mîm est un mot" (at-Tirmidhî, 2910), le fait que "Alif-Lâm-Mîm" constituent 3 mots, cela se marie autant avec l'avis qui dit que chacune de ces lettres représentent un mot (c'est l'avis vers lequel je penche en ce qui concerne "Alif-Lâm-Mîm" précisément), qu'avec l'avis selon lequel ces 3 lettres constituent un seul mot : le nom de la sourate (Tafsîr ut-Tabarî, n° 233). Le fait est que, de toutes façons, "Alif-Lâm-Mîm" est prononcé en séparant le nom de chacune de ces lettres : il s'agit en fait des noms de ces lettres, et non pas de leur forme écrite. "ولفظ "الحرف" يراد به: الاسم والفعل وحروف المعاني واسم حروف الهجاء. ولهذا سأل الخليل أصحابه: "كيف تنطقون بالزاي من "زيد"؟" فقالوا: "زاي"، فقال: "نطقتم بالاسم؛ وإنما الحرف: "زه"". فبيّن الخليل أن هذه التي تسمى "حروف الهجاء" هي أسماء. وكثيرا ما يوجد في كلام المتقدمين: "هذا حرف من الغريب"، يعبرون بذلك عن الاسم التام. فقوله صلى الله عليه وسلم ""فله بكل حرف"، مثّله بقوله: "ولكن "ألف" حرف، و"لام" حرف، و"ميم" حرف". وعلى نهج ذلك: و"ذلك" حرف، و"الكتاب" حرف، ونحو ذلك" (MF 12/107).
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-- En tout cas, pour reprendre l'analyse de Ibn ul-'Arabî (cité par Ibn Hajar), les Arabes de l'époque de Muhammad (sur lui la paix) n'ont fait aucune objection à la présence de ces lettres au début de ces sourates [en effet, si les polycultistes d'entre eux se sont raillés d'autres choses présentes dans le texte coranique (par exemple le monothéisme ; l'idée que ce soit un humain qui soit messager de Dieu ; le fait que le Coran disait de leurs idoles qu'elles n'étaient rien mais de Jésus, auquel des humains rendaient aussi un culte, qu'il était un illustre personnage) ; ils n'ont rien dit au sujet de ces lettres marquant le début de ces sourates (d'après Al-Itqân, p. 664).
Le fait est que certains Arabes de l'époque faisaient débuter certaines de leur odes par des prépositions (Al-Itqân, p. 662). Si le texte coranique a eu recours, au début de certaines sourates, au même procédé, c'est parce qu'il a été révélé dans le style littéraire auquel les Arabes de l'époque – qui étaient les premiers destinataires du message – étaient habitués.
Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).