Questions (posées par mail) :
Al-Bukhârî a rapporté le récit de la recension du texte coranique sous Abû Bakr. Il s'y trouve quelques points que je ne comprends pas…
Dans la recension du texte coranique effectuée par Zayd sur ordre du premier calife, Abu Bakr, il est dit qu'il était exigé qu'il y ait obligatoirement, pour chaque verset, au moins deux témoignages ; mais de quoi s'agissait-il : est-ce qu'il était exigé qu'il y ait deux témoignages écrits pour chaque verset (feuillets, omoplates, palmes de dattiers...) ou bien deux témoignages suffisaient, quelle que soit leur nature (support écrit ou mémoire) ?
Zayd raconte avoir fait, à propos de deux versets de la sourate at-Tawba, une sorte d'exception quant à la nécessité de l'existence de ces deux témoignages, puisqu'il ne trouva ces deux versets qu'auprès de Khuzayma : est-ce que ces deux versets ont été rapportés uniquement par Khuzayma de mémoire, en sorte que les autres Compagnons, eux, ne les connaissaient pas ? Et puis pourquoi a-t-on fait une exception pour ces deux versets bien qu'ils n'aient été rapportés que par Khuzayma, alors qu'on a refusé le verset du rajm parce qu'il n'a été rapporté que par Omar ?
Zayd réalisa aussi qu'il manquait un verset de la sourate al-Ahzâb dans la copie qu'il avait fait préparer, et, après avoir fait des recherches, ce fut de nouveau auprès de Khuzayma qu'il le trouva. Quand cela se passa-t-il : sous Abû Bakr ou sous Uthmân ? Et puis certaines personnes disent qu'il est étrange qu'à chaque fois qu'il manque un verset durant la collation, on le retrouve chez le même personnage, Khuzayma al-ansari. Que leur répondriez-vous ?
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Réponse :
Avant de fournir des éléments de réponse à vos questions, nous allons tout d'abord lire ensemble ce que al-Bukhârî a rapporté sur le sujet…
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Récits de al-Bukhârî sur le sujet :
Az-Zuhrî relate que 'Ubayd ibn us-Sabbâq relate que Zayd ibn Thâbit raconte : "Abû Bakr me fit mander après la bataille de al-Yamâma. Répondant à son appel, je trouvai auprès de lui Omar ibn al-Khattâb. Abû Bakr me dit : "Omar est venu me voir et m'a dit : "La bataille de al-Yamâma a emporté beaucoup de musulmans connaissant par cœur le Coran ("qurrâ' ul-qur'ân"). Et je crains que suite à la mort, dans d'autres batailles, d'autres personnes de ce genre, une partie du texte coranique disparaisse avec eux. Je pense qu'il serait bien que tu ordonnes que l'on compile le texte coranique." J'ai dit alors à Omar : "Comment peux-tu entreprendre chose que le Prophète n'a pas entreprise ? – C'est, par Dieu, chose bien" m'a répondu Omar. Et il n'a cessé de m'en parler jusqu'à ce que Dieu m'en a convaincu et que je me suis mis à avoir le même avis que Omar."
Zayd poursuit : "Abû Bakr me dit ensuite, pendant que Omar, assis auprès de lui, restait silencieux : "Tu es un homme jeune, intelligent, hors de tout soupçon, et tu étais scribe de la révélation pour le Prophète. Effectue donc une recherche des versets coraniques et compile-les." Par Dieu, s'ils m'avaient demandé de déplacer une montagne, cela ne m'aurait pas paru aussi difficile que ce qu'ils me demandaient alors de faire : compiler le texte coranique !
Je fis : "Comment pouvez-vous entreprendre chose que le Prophète n'a pas entreprise ? – C'est, par Dieu, un bien !" répondit Abû Bakr. Et il ne cessa de me le proposer, jusqu'à ce que Dieu me convainque de la même chose que ce dont il avait convaincu Abû Bakr et Omar.
Je me mis alors à rechercher le texte coranique à partir (de ce qui avait été écrit sur) des pierres tendres ("likhâf"), des omoplates de chameaux ("aktâf"), des palmes de dattiers ("'ussub") et à partir des mémoires d'hommes ("sudûr ir-rijâl"). A la fin, je trouvai les derniers versets de At-Tawba auprès de Abû Khuzayma – je ne les trouvai auprès d'aucun autre que lui : "Vous est venu un messager issu de vous-mêmes, auquel pèsent les malheurs qui vous frappent" jusqu'à la fin de la sourate.
Les feuillets restèrent auprès de Abû Bakr jusqu'à sa mort, puis auprès de Omar jusqu'à la fin de sa vie, puis auprès de Hafsa sa fille" (rapporté par al-Bukhârî n° 4701, 4402).
Az-Zuhrî relate que Anas lui a raconté ceci :
"Hudhayfa vint rencontrer Uthmân ; jusque là il participait aux campagnes d'Arménie et d'Azerbaïdjan aux côtés des musulmans de Syrie et d'Irak ; ce qui effraya Hudhayfa furent les querelles de ces derniers à propos de la récitation du texte coranique. Hudhayfa dit donc à Uthmân : "Chef des croyants, rattrape cette communauté avant qu'elle ne se divise à propos de l'Ecriture comme l'ont fait les Gens du Livre."
Uthmân fit dire à Hafsa : "Envoie-nous les feuillets, nous retranscrirons le contenu dans des copies, puis nous te les rendrons". Hafsa les fit remettre à Uthmân.
Celui-ci chargea Zayd ibn Thâbit, Abdullâh ibn uz-Zubayr, Sa'ïd ibn al-'As et 'Abd ur-Rahmân ibn ul-Hârith ibn Hishâm (de préparer ces copies). Ceux-ci transcrirent le contenu des feuillets dans les copies. Uthmân dit aux trois qurayshites [des quatre membres de cette commission] : "Si vous et Zayd ibn Thâbit divergez à propos de quelque chose du texte coranique, écrivez-le selon le dialecte qurayshite, car le texte coranique a été révélé dans leur dialecte". C'est donc ce qu'ils firent.
Lorsqu'ils eurent retranscrit le contenu des feuillets dans les copies, Uthmân fit rendre ceux-ci à Hafsa. Il fit envoyer dans chaque région une de ces copies et ordonna que tout autre feuillet ou copie contenant le texte coranique soit brûlée" (rapporté par al-Bukhârî, n° 4702).
Az-Zuhrî relate que Khârija ibn Zayd relate avoir entendu son père Zayd ibn Thâbit raconter ceci :
"Lorsque nous retranscrivions la copie, je ne trouvai pas un verset de la sourate al-Ahzâb que j'avais souvent entendu le Prophète réciter. Nous le cherchâmes donc, et le trouvâmes auprès de Khuzayma ibn Thâbit al-Ansârî : "Parmi les croyants il est des hommes qui ont été fidèles au pacte qu'ils ont fait avec Dieu". Nous le plaçâmes alors au sein de sa sourate, dans la copie" (rapporté par al-Bukhârî, n° 2652, 3823, 4506, 4702).
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Pour ce qui est maintenant de vos questions :
1) "Quand Zayd dit qu'il ne trouva les deux versets de la fin de la sourate At-Tawba qu'auprès de Abû Khuzayma, parle-t-il du fait que seul Abû Khuzayma connaissait ces deux versets par coeur, et que Zayd les a alors inclus dans le texte sur la foi de ce seul personnage ?
Et puis, qu'est-ce que Abû Khuzayma a-t-il seul apporté à Zayd : la connaissance de mémoire du verset, ou bien la preuve écrite de ce verset ? Fallait-il nécessairement des témoignages écrits, ou bien l'objectif était-il d'obtenir un verset, que le témoignage sois oral ou écrit important peu ?"
Quand Abû Bakr prit la décision d'ordonner de rédiger intégralement en une copie le texte coranique, il donna certaines directives : il dit ainsi à Zayd et à Omar : "Asseyez-vous à la porte de la mosquée ; écrivez (dans les feuillets) tout ce qu'une personne vous apportera en tant que partie du Livre de Dieu, à propos de quoi vous aurez deux témoins" (rapporté par Ibn Abî Dâoûd, cité dans Fat'h ul-bârî 9/19 et Al-Itqân 1/184).
Ibn Abî Dâoûd rapporte aussi ceci : "Omar se leva et annonça : "Celui qui a appris du Prophète quelque chose du texte coranique, qu'il l'apporte !" On écrivait alors cela sur des supports tels que parchemins, tablettes et palmes de dattiers. Il n'acceptait rien jusqu'à ce que deux personnes témoignent" (cité dans Fat'h ul-bârî 9/19).
La première question qui se pose ici est : quand il est relaté que Zayd ne trouva les deux versets de la fin de at-Tawba qu'auprès de Abû Khuzayma, qu'est-ce qu'il ne trouva qu'auprès de ce dernier : le témoignage de mémoire de l'existence de ces versets ? ou bien leur trace écrite remontant à l'époque du Prophète ?
La réponse est que c'est la preuve écrite de ces deux versets qu'il ne trouva qu'auprès de Abû Khuzayma. Car pour ce qui est de leur mémorisation, Abû Khuzayma n'était pas le seul à la posséder : les textes relatent que Ubayy ibn Kaab, Omar et Uthmân aussi connaissaient ces deux versets par cœur et qu'eux aussi les récitèrent devant Zayd lors de ce travail de rédaction qu'il effectuait (rapporté par Ibn Abî Dâoûd, voir Fat'h ul-bârî 9/20-21). De plus, Zayd lui-même connaissait par cœur l'intégralité du texte coranique (rapporté par al-Bukhârî, n° 4717). Quand Zayd dit donc qu'il ne trouva ces deux versets qu'auprès de Abû Khuzayma, il veut dire que ce n'est qu'auprès de Abû Khuzayma qu'il trouva ces deux versets écrits sur un support à propos duquel il y avait un témoignage d'authentification ("Lam ajid'hâ ma'a ahadin ghayrihî : ay maktûbatan" : Fat'h ul-bârî, 9-20).
Ce que Abû Bakr avait demandé, c'était donc que Zayd exige qu'il y ait, pour chaque partie du texte coranique, au moins un écrit sur lequel au moins deux personnes témoignent que le passage qu'il transcrivait relevait bien du texte coranique et que cet écrit avait été rédigé à l'époque du Prophète.
De même, quand Zayd dit qu'il rechercha un verset de la sourate al-Ahzâb qui manquait et qu'il ne le trouva qu'auprès de Khuzayma, il veut dire qu'il n'en trouva la preuve écrite qu'auprès de ce dernier ; la preuve en est que lui-même, Zayd, connaissait de mémoire ce verset : il le déclare explicitement dans le récit que nous avons vu, lorsqu'il dit qu'il avait souvent entendu le Prophète réciter ce verset ; et c'est justement ce qui le poussa à continuer les recherches auprès des autres Compagnons ; ces recherches ne concernent donc que l'existence d'une preuve écrite du verset ("alladhî ashâra ilayhi anna faqdahû faqdu wujûdihâ maktûbatan, lâ faqdu wujudihâ mahfûzatan, bal kânat mahfûzatan 'indahû wa 'inda ghayrih" : Fat'h ul-bârî 8/658).
Contrairement aux autres versets, dont on lui apporta au moins une trace écrite à propos de laquelle au moins deux personnes témoignaient que cela avait été écrit à l'époque du Prophète, Zayd n'obtint donc, à propos des deux derniers versets de at-Tawba et à propos du verset de al-Ahzâb, de trace écrite authentifiée par témoignage qu'auprès de Abû Khuzayma et de Khuzayma ibn Thâbit respectivement.
Quand Zayd dit qu'il rédigea le texte coranique "à partir de (ce qui avait été écrit sur) des pierres tendres, des omoplates de chameaux, des palmes de dattiers et à partir des mémoires d'hommes", cela signifie qu'il le rédigea à partir de ce qui avait été écrit sur ces supports, et qui correspondait avec ce qui était mémorisé dans les mémoires des hommes (Fat'h ul-bârî 9/20).
Quant au verset du rajm, il est erroné de dire qu'il ne fut pas rédigé dans la copie parce que ce fut Omar seul qui l'apporta à Zayd. La raison en est que, comme Omar et Ubayy l'ont explicitement rapporté, le Prophète avait, à un moment donné, dit que cela n'était pas à écrire dans le texte coranique (rapporté par Ahmad, 21596 et 21207 respectivement) (voir aussi 276, 331, 391 à propos de Omar disant que c'était bien une 'âya ; et 1210 à propos de 'Alî). Il semble que le verset a été abrogé de récitation. Omar le savait mais avait demandé au Prophète de pouvoir l'écrire quand même, comme il voulait plus tard l'écrire dans la marge de la copie (Ahmad, 156).
C'était un gros travail pour Zayd que de collecter les écrits, d'exiger qu'il y ait au moins, pour chacun d'eux, deux personnes témoignant que cela avait bien été écrit à l'époque du Prophète, enfin de les insérer dans le texte coranique en suivant l'ordre du texte que le Prophète avait indiqué et que lui, Zayd, connaissait en tant que personne mémorisant ce texte (hâfiz ul-qur'ân). Et c'est bien pourquoi, racontant le moment où il entendit Abû Bakr et Omar lui demander d'effectuer ce travail de rédaction de l'intégralité du texte coranique, Zayd relate ainsi ce qu'il éprouva alors : "Par Dieu, s'ils m'avaient demandé de déplacer une montagne, cela ne m'aurait pas paru aussi difficile que ce qu'ils me demandaient alors de faire : compiler le texte coranique" (rapporté par al-Bukhârî, n° 4701, nous avons déjà cité ce propos de Zayd).
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Un autre point qu'il faut ici souligner est qu'il ne s'est jamais agi de se fonder seulement sur un support écrit, à propos duquel il y a le témoignage de deux personnes, pour établir ce qui fait partie du texte coranique. Chaque partie du texte coranique est telle que chaque génération de musulmans la rapporte de l'ensemble de la génération précédente, et ce en un nombre de personnes tel qu'il est impossible de penser qu'elles se soient mises d'accord pour inventer ce qu'elles rapportent (at-tawâtur ul-qarnî). Zayd lui-même connaissait par cœur l'intégralité du texte coranique (rapporté par al-Bukhârî, n° 4717) : il aurait pu rédiger le texte coranique seul ou en se faisant aider d'un ou de deux Compagnons le connaissant par coeur eux aussi. En réalité, le fait d'exiger qu'il y ait au moins deux témoins quant à chaque partie du texte avant de le transcrire n'était qu'une mesure d'authentification supplémentaire ("mubâlaghatan fi-l-ihtiyât" : Fat'h ul-bârî 9/19).
En fait, comme nous l'avons vu dans les récits de al-Bukhârî, c'est la mort de nombreuses personnes connaissant par cœur le texte coranique dans la bataille de al-Yamâma qui poussa Omar à demander à Abû Bakr, premier calife, de prendre les mesures nécessaires pour la rédaction d'une sorte de copie qui rassemblerait l'ensemble du texte coranique : Omar craignait qu'une partie du texte disparaisse avec eux non pas parce qu'il n'existait pas de traces écrites du texte coranique : celles-ci existaient, de façon éparse, auprès de différents Compagnons, et ce fut sur leur base que Zayd rédigea le texte coranique. Cependant, il fallait aussi, pour que ces supports aient une valeur, qu'il y ait des personnes témoignant que cela avait bien été écrit du vivant du Prophète. Or, avec la mort de nombreux Compagnons spécialistes du texte coranique, ces témoignages ne seraient bientôt plus possibles. De plus, c'était la mémoire de ces personnes connaissant par cœur le texte coranique qui, seule, était à même de permettre de connaître à quel endroit de quelle sourate il fallait insérer quel verset.
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Tout ceci nous montre qu'il ne s'est pas vraiment agi d'un recensement du texte coranique mais, plus exactement, de l'archivage du texte coranique : Abû Bakr avait ordonné que le texte coranique, présent jusqu'alors sur des supports écrits datant de l'époque du Prophète mais épars, soit rédigé en un seul livre : il s'était donc agi de rassembler le contenu de ces traces éparses. Et si le Prophète, lui, avait indiqué, au sein de l'ensemble du texte coranique déjà révélé, la place où devait être insérée chaque nouvelle révélation, s'il avait exhorté ses Compagnons à apprendre par cœur des passages du texte coranique (certains le connaissaient intégralement) et s'il avait veillé à ce que chaque fragment révélé soit également couché sur un support matériel, il n'avait pas fait préparer une copie rassemblant l'intégralité du texte coranique. La raison en est simple : parce que, tant qu'il était vivant, de nouveaux versets pouvaient être révélés, et ceux-ci pouvaient devoir être insérés au milieu (et non à la fin) du texte coranique déjà présent.
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2) "Les deux récits se sont-ils déroulés lors de la préparation des feuillets sous Abû Bakr ou bien sous Uthmân ?"
Le récit avec Abû Khuzayma apportant l'écrit à propos des deux versets de at-Tawba s'est déroulé lors de la préparation des feuillets sous Abû Bakr. Cela est clair.
Par contre, concernant le fait que Zayd ne trouvait pas un verset de al-Ahzâb puis qu'il le chercha et qu'il finit par le trouver auprès de Khuzayma ibn Thâbit, il y a la version que nous avons vue (qui est rapportée par al-Bukhârî, n° 2652, 3823, 4506, 4702) et qui pourrait, au premier abord, laisser à penser que cet événement s'est déroulé non pas lors de la compilation sous Abû Bakr mais lors de la préparation des copies à universaliser sous Uthmân (c'est d'ailleurs l'avis de nombreux savants, dont Ibn Hajar).
Cependant il y a aussi une autre version, où le récit est relaté toujours de az-Zuhrî qui le tient de Khârija qui le tient de son père Zayd, mais où celui qui le tient de az-Zuhrî est un autre personnage (Ibrâhîm ibn Ismâ'ïl ibn Mujammi') ; dans cette autre version, il est explicitement spécifié que cet événement concernant le verset de al-Ahzâb s'est (lui aussi) déroulé lors de la préparation des feuillets sous Abû Bakr.
- Ibn Kathîr a donné préférence à cette version (cf. Fat'h ul-bârî 9/ 28).
- Alî al-Qârî a, de son côté, interprété le récit de la première version dans un sens qui conduit à la même conclusion que ce que dit explicitement la seconde version : la recherche du verset de al-Ahzâb s'est déroulée elle aussi sous le califat de Abû Bakr (cf. Mirqât ul-mafâtîh 5/30).
Cet avis de Ibn Kathîr et de 'Alî al-Qârî revient à dire que c'est pendant le califat de Abû Bakr, que Zayd, pendant qu'il recevait les témoignages à propos des supports écrite, dut à deux reprises faire une exception à la règle voulant qu'il y ait le témoignage de deux personnes garantissant la trace écrite du passage coranique. D'abord, pour les deux derniers versets de at-Tawba, il n'y eut, comme preuve écrite, que celle dont seul Abû Khuzayma témoigna. Ensuite, après avoir rédigé l'intégralité du texte coranique sur les feuillets ainsi préparés et pendant qu'il relisait ceux-ci, Zayd s'aperçut qu'il y manquait un verset dont il savait pourtant qu'il faisait partie du texte coranique pour avoir souvent ("kathîran" : Sahîh ul-Bukhârî, 4506) entendu le Prophète le réciter ; il reprit alors ses recherches, et ce fut auprès de Khuzayma ibn Thâbit qu'il trouva la preuve écrite, remontant à l'époque du Prophète, de ce verset ; mais de nouveau il n'y avait qu'un témoignage.
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3) "Certaines personnes disent qu'il est étrange qu'à chaque fois qu'il manque un verset durant la rédaction de la copie (les deux versets de at-Tawba, puis le verset de al-Ahzâb), on le retrouve chez le même personnage, Khuzayma al-Ansari. Que leur répondriez-vous ?"
Cette question repose sur l'idée que, lors des deux occasions, il s'est agi du même personnage, Khuzayma al-Ansârî.
Or il n'en est rien : deux versets sont concernés par ce fait, à deux moments différents, et il est question de deux personnages différents :
--- pour les deux versets de la sourate at-Tawba, ce fut seulement Abû Khuzayma qui apporta un écrit ;
--- pour le verset de la sourate al-Ahzâb, ce fut seulement Khuzayma ibn Thâbit qui apporta un écrit.
Abû Khuzayma a comme prénom al-Hârith et est le fils d'un homme se prénommant lui aussi Khuzayma (Fat'h ul-bârî 9/20) : ce Compagnon al-Hârith a donc donné à son fils le même prénom que celui que son père portait (c'était un phénomène assez présent chez les Arabes, comme dans le cas de Mu'âwiya ibn Yazîd ibn Mu'âwiya) : il se prénommait donc al-Hârith et était le fils d'un Khuzayma en même temps que le père d'un autre Khuzayma, d'où sa filiation (nassab) "ibn Khuzayma" ("fils de Khuzayma") et sa dénomination (kunya) : "Abû Khuzayma" ("le père de Khuzayma").
L'autre personnage se nomme quant à lui Khuzayma ibn Thâbit, et est dit "dhu-sh-shahâdatayn".
L'un se nomme donc Abû Khuzayma al-Hârith ibn Khuzayma, l'autre Khuzayma ibn Thâbit. C'est la ressemblance existant entre les deux noms – "Abû Khuzayma" et "Khuzayma" – qui a conduit certaines personnes à confondre les deux.
A propos du récit relatif au verset de al-Ahzâb (l'événement postérieur), il n'y a pas eu de confusion : tout le monde rapporte qu'il s'est agi de Khuzayma ibn Thâbit al-Ansârî (voir ce qu'a rapporté al-Bukhârî, n° 4702, n° 2652, n° 3823, n° 4506).
Par contre, c'est à propos du récit relatif aux deux derniers versets de at-Tawba (l'événement antérieur) que parmi les nombreux maillons des nombreuses chaînes de transmission du récit, il y en a qui ont cru qu'il y était aussi question de Khuzayma (ibn Thâbit) : voir ainsi Sunan ut-Tirmidhî n° 3103. Dans d'autres chaînes, les maillons ont bien fait la différence et relaté qu'il s'agissait de Abû Khuzayma : voir Sahîh ul-Bukhârî n° 4701, Fat'h ul-bârî 8/437. Et sous le n° 4402, al-Bukhârî a montré qu'il y a eu certains maillons postérieurs qui ont confondu les deux personnages : il a rapporté comment, dans certaines parties postérieures de la chaîne ayant une origine commune, il y a eu certains maillons qui ont rapporté qu'il s'agissait de "Khuzayma", il y en a eu d'autres qui ont dit qu'il s'agissait de "Abû Khuzayma", il y en a eu un autre, enfin, qui a affiché clairement son hésitation : "soit Khuzayma, soit Abû Khuzayma" (cf. Sahîh ul-Bukhârî, n° 4402). Alors qu'en fait, c'est bien Abû Khuzayma qui a apporté l'écrit concernant les deux versets de at-Tawba ; les maillons de la chaîne qui ont relaté autre chose ont confondu deux noms très proches (cf. Fath' ul-bârî 9/20, 8/437).
Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).