A partir de quoi Adam fut-il créé ?
- "Il a créé (Adam) à partir de terre ("turâb"), puis Il lui a dit "sois" et il a été" (Coran 3/59) ;
- "Nous vous avons créés à partir d'une boue collante ("Tîn lâzib")" (Coran 37/11) ;
- "Il a créé l'homme à partir d'une "SalSâl kal-fakhkhâr" (Coran 55/14).
Le terme "Tîn" signifie : "boue" ("AT-Tîn : at-turâbu wal-mâ' ul-mukhtaliT" : Muf'radât ur-Râghib). Il semble, écrivent des commentateurs (cf. Anwâr ud-dirâyât, p. 102), qu'à la terre de l'eau ait été ajoutée : ceci explique aussi bien l'affirmation coranique : "à partir de terre" ("turâb") que les termes : "à partir de boue" ("Tîn").
Certains commentateurs ont déduit de l'ensemble des versets coraniques parlant de la création du premier humain que, dans un premier temps, la terre plus l'eau ont donné la boue, et qu'ensuite d'autres étapes ont suivi : cette boue a séché et a durci grâce à l'action de l'air et de la chaleur ; ce qu'on appelait les 4 éléments – terre, eau, air et feu – sont donc entrés dans la composition de l'être humain (voir Tafsîr us-Sâwî, cité dans Hâshiyatu Tafsîr il-Jalâlayn, p. 444). En fait ces commentateurs sont partis du verset que vous avez cité : "Il a créé l'homme à partir d'une "SalSâl ka-l-fakhkhâr" (Coran 55/14) : ils ont compris "SalSâl" comme signifiant : "boue durcie" (ce qui en est effectivement un des sens : Muf'radât ur-Râghib : "As-SalSâl" : "at-Tîn al-jâff", "yataraddad us-sawtu minhu"), la comparaison avec la poterie voulant alors dire : "une boue devenue dure comme l'est la poterie". Si la boue a durci, déduisent-ils, cela a été à cause de l'action de l'air et de la chaleur ; les quatre éléments constitutifs de l'univers (comme le pensait Empédocle) ont donc participé à la constitution du corps humain, en ont déduit ces ulémas.
Mais tout cela n'est qu'un effort d'interprétation, et tous les commentateurs ne sont pas de cet avis. Le fait est que "SalSâl" a aussi un autre sens : il désigne alors non pas la "boue durcie" ou "sonnante" mais la "boue ayant dégagé une odeur" (Muf'radât ur-Râghib : "wa qîl : "al-muntin min at-tîn" ; voir aussi Tafsîr Ibn Kathîr, commentaire de Coran 15/26). Si on appréhende ce terme avec ce second sens, la comparaison avec la poterie ne concerne pas la texture (la dureté) de cette boue, mais sa nature : le verset voudrait alors dire : "avec de la boue comparable à celle qu'on utilise en poterie" (d'après Le Coran, traduction et commentaire, Si Hamza Boubakeur, p. 1748).
Si on retient cette seconde interprétation du terme "SalSâl", les autres versets coraniques ne désignent alors que deux constituants : l'eau et la terre, le tout donnant la boue. Et attention : l'être humain a été créé non pas à partir de la boue telle quelle, mais à partir d'une quintessence, de quelque chose extrait de la boue : ce verset-ci le dit clairement : "Nous avons créé l'homme à partir d'une quintessence de boue" ("sulâlatin min Tîn") (Coran 23/12). Le terme "sulâlat" désigne : "quelque chose extrait d'une autre", "la meilleure partie extraite d'une chose" (cf. Muf'radât ar-Râghib) (Abu-s-Sa'ûd a commenté ainsi ce terme : "min Safwatin sullat min Tîn" : cf. Tafsîr Abi-s-Sa'ûd). C'est à la lumière de l'explicitation que ce verset-ci fournit qu'on comprendra le sens réel des autres versets disant brièvement : "à partir de terre" et : "à partir de boue" : il s'agit en fait d'éléments extraits de la boue et donc également du constituant de celle-ci, la terre.
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Ce premier humain Dieu l'a créé de Ses Deux Mains. En effet, Il l'a désigné à Iblîs en ces termes : "ce que J'ai créé de Mes Deux Mains" (Coran 38/75).
Par ailleurs, de célèbres hadîths du Prophète (sur lui soit la paix) disent que : "خَلَقَ اللهُ آدَمَ علَى صُوْرَتِه" : "Dieu a créé Adam selon Sa sûra".
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Par ailleurs, Dieu dit, S'adressant à tous les humains : "Nous vous avons créés à partir de terre, puis à partir d'une goutte…" (Coran 22/5).
Mais en fait seul le premier humain a été créé directement à partir de terre (en fait d'une quintessence de boue, comme nous venons de le voir).
Quant aux autres humains, ils naissent suite à la rencontre entre l'ovule et "la goutte" dont il est question dans ce verset, c'est à dire le sperme (et en fait il s'agit de quelque chose qui était présent à l'intérieur de cette "goutte" et qui en est sorti, comme l'indiquent les termes du verset 32/8 : "sulâlatin min mâ'in mahîn", avec, à nouveau, le terme "sulâlat", que nous avons déjà vu). De même, Dieu dit qu'Il a créé l'être humain, homme et femme, "à partir ("min") d'une goutte qui a été répandue" (Coran 53/45-46) ; il s'agit d'"une goutte de sperme" (Coran 75/37) ; Il a créé l'homme "à partir d'une goutte, des mélanges" (Coran 76/2) : selon l'un des commentaires, ces "mélanges" représentent l'élément mâle et l'élément femelle lorsqu'ils se retrouvent ensemble.
Quand, dans ce verset 22/5, il est dit à tous les humains qu'ils ont été créés à partir de terre avant d'avoir été créés à partir d'une goutte ("Nous vous avons créés à partir de terre, puis à partir d'une goutte…"), c'est seulement par métonymie (majâz), eu égard à leur origine indirecte : les êtres humains sont en fait indirectement créés à partir de terre, parce que le premier d'entre eux a été créé directement à partir de terre (cf. Tafsîr ul-Jalâlayn).
Le verset suivant montre bien la différence entre le premier humain et ses descendants quant à leur origine immédiate : "Celui qui (…) a commencé la création de l'homme à partir de boue, puis a fait que sa descendance (se fasse) par (quelque chose) extrait d'un vil liquide" (Coran 32/7-8).
Quant à la première femme, il y a divergence quant à savoir de quoi elle a été créée : Eve a-t-elle été créée du restant de boue ayant servi à créer Adam, ou de la côte de Adam ?.
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Pour en revenir à la croyance musulmane au sujet du premier humain :
D'abord Dieu a façonné le corps de cet être de Ses Deux Mains (Coran 38/75), comme nous l'avons vu ci-dessus.
Puis Il y a insufflé l'âme et a dit à cet être : "Sois !", et il a été.
- "Alors, lorsque Je l'aurai établi et aurai soufflé en lui de Mon Souffle, prosternez-vous devant lui" (Coran 15/29 ; 38/72).
- "Il [= Dieu] a créé [= façonné] (Adam) à partir de terre, puis lui a dit "Sois", et il a été" (Coran 3/59).
--- Pour al-Âlûssî, avoir dit "Sois !" à Adam, cela est en fait à comprendre comme représentant la même chose que "avoir insufflé l'âme en le corps de Adam" : "خَلَقَه مِنْ تُرَابٍ أي صور قالبه من ذلك؛ ثُمَّ قالَ لَهُ كُنْ فَيَكُونُ: إشارة إلى نفخ الروح فيه وكونه من عالم الأمر نظرا إلى روحه المقدسة التي لم ترتكض في رحم" (Rûh ul-ma'ânî).
Par ailleurs, c'est l'interprétation de Ibn Qutayba que j'ai retenue pour la traduction de "Min Rûhî" : Ibn Qutayba est d'avis qu'ici, "Rûhî" est une Sifat ullâh et signifie : "Naf'khî". Il écrit :
"وقالوا في قوله تعالى: {ونفخت فيه من روحي} أن الروح هو الأمر أي أمرت أن يكون. واحتجوا بقول سليمان وأبي الدرداء: إنا نقوم فنكبر بروح الله أي بكلامه.
والروح كما ذكروا قد يكون كلام الله في بعض المواضع نحو قوله: {يلقي الروح من أمره على من يشاء من عباده} وكقوله عز وجل: {وكذلك أوحينا إليك روحاً من أمرنا}. والروح أيضاً: روح الأجسام الذي يقبضه الله عند الممات. والروح أيضاً: ملكٌ عظيم من ملائكة الله قال الله تعالى: {يوم يقوم الروح والملائكة صفاً} . والروح: الرحمة قال الله تعالى: {وأيدهم بروح منه} أي برحمة كذلك قال المفسرون؛ وقال الله تعالى: {فروح وريحان} فمن قرأ بالضم أراد فرحمة ورزق وقال فبقاء ورزق.
والروح: النفخ سمي روحاً لأنه ريح يخرج عن الروح.
فأي شيء جعلت الروح من هذه التأويلات؟
فإذا نفخت: لا يحتمل إلا معنى واحداً قال ذو الرمة وذكر ناراً قدمها:
وقلت له ارفعها إليت وأحيها ... بروحك واقتته لها قيتةً قدرا
يقول أحيي النار بنفخك.
فنحن نؤمن بالنفخ وبالروح ولا نقول كيف. ذلك لأن الواجب علينا أن ننتهي في صفات الله حيث انتهى [هو] في صفته أو حيث انتهى رسوله صلى الله عليه وسلم، ولا نزيل اللفظ عما تعرفه العرب وتضعه عليه، ونمسك عما سوى ذلك" (Al-Ikhtilâf fi-l-lafz wa-r-Radd 'ala-l-Jahmiyya, pp. 43-44).
Ibn ul-Qayyim a soutenu l'autre avis, même s'il n'a pas complètement fermé la porte à la possibilité de cette interprétation : "والخلق فعل من أفعال الرب. وأما النفخ فهل هو من أفعاله القائمة به، أو هو مفعول من مفعولاته القائمة بغيره المنفصلة عنه؟ وهذا مما يحتاج إلى دليل. وهذا بخلاف النفخ في فرج مريم: فإنه مفعول من مفعولاته، وأضافه إليه لأنه بإذنه وأمره. فنفخه في آدم هل هو فعل له، أو مفعول؟" (Ar-Rûh, p. 149).
L'âme de Adam est une créature de Dieu : il y a consensus des ulémas sur ce sujet (Ar-Rûh, p. 137).
L'âme de Adam n'est pas "le souffle de Dieu" (lequel est incréé), mais - si on retient l'interprétation de Ibn Qutayba - résulte de ce souffle de Dieu par rapport au corps de Adam.
Le prophète Muhammad a dit, parlant de la création de Adam : "Lorsque Dieu créa Adam et y insuffla l'âme ("ar-rûh"), (Adam) éternua. (...)" (rapporté par at-Tirmidhî, 3368 ; voir d'autres hadîths du même genre in Al-Bidâya wa-n-Nihâya, 1/104-106).
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Concernant le hadîth qui dit que Adam mesurait 60 coudées :
Il y a possibilité que ce soit sa taille dans le Paradis, et pas sur la Terre, auquel cas ce célèbre hadîth signifierait que la descendance de Adam n'a pas cessé d'être de taille inférieure depuis sa sortie du Paradis (et non pas : sa descendance n'a pas cessé de diminuer en taille au fur et à me sure des générations, comme Ibn Hajar l'a compris, ce qui l'a ensuite amené à soulever la différence avec l'observation d'anciens peuples : FB 6).
"عن أبي هريرة، عن النبي صلى الله عليه وسلم قال: "خلق الله آدم على صورته، طوله ستون ذراعا، فلما خلقه قال: اذهب فسلم على أولئك، النفر من الملائكة، جلوس، فاستمع ما يحيونك، فإنها تحيتك وتحية ذريتك، فقال: السلام عليكم، فقالوا: السلام عليك ورحمة الله، فزادوه: ورحمة الله، فكل من يدخل الجنة على صورة آدم، فلم يزل الخلق ينقص بعد حتى الآن"" : "Dieu a créé Adam selon sa sûra. Sa taille était de 60 coudées. (...)" (al-Bukhârî 5873, Muslim 2841). "قوله:"ستون ذراعا في السماء" أي في الطول. ويحتمل أن يكون مراد الحديث أنه كان قدر طولهم هذا في الجنة، فإذا نزلوا عادوا إلى القصر؛ فإن الأحكام تتفاوت بتفاوت البلدان، والأوطان. كما أن يوما عند ربك كألف سنة مما تعدون، فهو يوم في العالم العلوي، وألف سنة في العالم السفلي. هكذا يمكن أن تكون قاماتهم تلك في الجنة، فإذا دخلوها عادوا إلى أصل قامتهم" (Faydh ul-bârî 4/17). " وربما يخطر بالبال جوابًا عن هذا الإشكال أن قوله صَلَّى الله عليه وسلم: "لم يزل ينقص بعده حتَّى الآن" ليس معناه أن قامات النَّاس لم تزل تنتقص في كل قرن، بل المراد أن جسم الإنسان لم يزل ناقصًا بعده، ويؤخذ مما قدمناه عن الكشميري أن ستِّين ذراعًا إنَّما كانت مقدار قامة آدم عليه السَّلام في الجنَّة فلما نزل عنها عاد إلى القصر، ولم يزل أبناؤه يولدون بقرب من هذه القامة إلى يومنا الآن، وإنَّما يرجعون إلى أصل قامتهم حيثما يعودون إلى الجنَّة فقوله عليه السَّلام: "لم يزل ينقص" أنَّه لم يزل يولد ناقصًا والله سبحانه وتعالى أعلم" (Al-Kawkab ul-wahhâj, sur Muslim).
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Tout être humain possède une âme (rûh) ; et il ne s'agit pas seulement de la vie biologique, car la rûh est une chose qui se sépare du corps à la mort et qui subsiste. Le Prophète a ainsi parlé de la Rûh qui est reprise par l'ange de la mort et subsiste après la mort du corps : il a également dit que cette rûh est ramenée à l'endroit où le corps défunt vient d'être enterré.
Les humains sont tous composés (murakkab) d'un corps façonné à partir d'une quintessence de boue ("sulâlatin min tîn") et d'une âme spirituelle. C'est d'ailleurs parce qu'Il l'a doté de ces particularités que Dieu a fait de l'homme, en soi, Son lieutenant sur terre (khalîfatullâh fi-l-ardh) : d'un côté les éléments principaux extraits de la boue terrestre ; de l'autre côté une âme spirituelle qui est attirée par Dieu et qui ne trouve de la satisfaction et du plaisir que dans le rapprochement (taqarrub) avec Dieu.
Le djinn a, lui, été créé avant l'homme, mais il l'a été à partir d'un feu ardent (Coran 15/27), à partir d'un feu sans fumée (Coran 55/15). Si le djinn est lui aussi sujet à la mise à l'épreuve sur terre, responsable de ses croyances et de ses actes, et devant être jugé le jour du jugement, le djinn n'est ainsi pas composé mais est créé à partir d'un seul constituant. C'est pourquoi s'il est lui aussi responsable de ses croyances et actions (mukallaf), ce n'est pas lui qui a été désigné lieutenant de Dieu sur terre.
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– Dans le cas de chaque humain, c'est l'ange chargé de cette tâche qui insuffle l'âme de cet humain en son corps, lorsqu'il est un fœtus (c'est ce que le prophète Muhammad a dit : rapporté par Muslim 2643 ; voir aussi Sahîh ul-Bukhârî, 7016, et FB 12/591). Ibn ul-Qayyim écrit : "وإنما يرسل الله سبحانه إليه الملك فينفخ فيه نفخة تحدث له الروح بواسطة تلك النفخة فتكون النفخة هي سبب حصول الروح وحدوثها له؛ كما كان الوطء والإنزال سبب تكوين جسمه، والغذاء سبب نموه. فمادة الروح من نفخة الملك؛ ومادة الجسم من صب الماء في الرحم. فهذه مادة سماوية؛ وهذه مادة أرضية. فمن الناس من تغلب عليه المادة السماوية فتصير روحه علوية شريفة تناسب الملائكة؛ ومنهم من تغلب عليه المادة الأرضية فتصير روحه سفلية ترابية مهينة تناسب الأرواح السفلية. فالملك أب لروحه؛ والتراب أب لبدنه وجسمه" (Ar-Rûh, pp. 141-142).
Par ailleurs, certes, toutes les âmes humaines sont créées et l'ont été à un moment donné, cependant, il y a divergence d'avis entre les ulémas quant à savoir :
--- si toutes les âmes ont déjà été créées depuis longtemps, et sont seulement insufflées dans leur corps respectif quand celui-ci est un fœtus,
--- ou bien si chaque âme est créée au moment d'être insufflée dans le fœtus (cf. Ar-Rûh, Dix-huitième question, pp. 149-168).
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– Par contre, dans le cas de Adam, c'est Dieu Lui-même qui a insufflé l'âme en le corps de ce premier homme. C'est pourquoi, le jour du jugement, quand les hommes iront voir le Père de l'humanité pour lui demander d'intercéder auprès de Dieu afin qu'Il commence le Jugement, ils lui diront : "Tu es Adam ; Dieu t'a créé de Sa Main ; Il a soufflé en toi de Son Souffle ; Il a fait se prosterner devant toi Ses anges ; et Il t'a enseigné les noms de toute chose" (al-Bukhârî 3162, 4435, Muslim 194).
Moïse l'a aussi dit à Adam lors de leur célèbre discussion, dans le monde après la mort, au sujet des difficultés qu'a entraînées l'erreur ayant consisté à manger le fruit interdit (Muslim 2652). Ce sont là 4 particularités de Adam.
Est-ce que ce souffle de Dieu dans le corps de Adam y aurait insufflé le Rûh Insânî et, en même temps, le Rûh Hayawanî, exceptionnellement ? Je ne sais pas (لا أدري).
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– Quant à Jésus, c'est l'ange Gabriel qui a insufflé son âme en Marie, ce qui a donné son fœtus dans le sein de celle-ci.
D'après l'une des deux possibilités, ce serait le fait d'insuffler son Rûh Insânî qui a donné son foetus, et c'est ce qui expliquerait pourquoi c'est Jésus mais pas Adam qui a été qualifié de "rûhun min Allâh". Car dans le cas de Adam, son Rûh Insânî a été insufflé dans un corps pré-existant à cela, alors que dans le cas de Jésus, le fait d'insuffler son Rûh Insânî a donné son corps aussi.
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Quand Dieu dit : "Dieu prend les Nafs au moment de leur mort, ainsi que celle qui n'est pas morte, lors de son sommeil. Il retient alors celle à propos de qui Il a décrété la mort et renvoie l'autre jusqu'à un terme fixé" (Coran 39/42), il s'agit des Rûh.
En effet, ce verset dit que à la mort de l'homme les Nafs "sont repris", et dans la Sunna, l'âme qui est ainsi reprise est tantôt désignée par le terme : "Nafs" (exactement comme dans ce verset), tantôt par le terme : "Rûh". De même, ce verset dit que quand l'homme s'endort les Nafs "sont repris", et la Sunna dit la même chose, employant cette fois le terme Rûh : "إن الله قبض أرواحكم حين شاء، وردها عليكم حين شاء. يا بلال، قم فأذن بالناس بالصلاة" (al-Bukhârî, 570).
Et le Rûh qui est ainsi repris de l'homme (à des degrés divers : moindre pour celui qui s'endort que pour celui qui meurt) est son Rûh Hayawânî, laquelle reprise entraîne aussi la reprise (au même degré) du Rûh Insânî.
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Quelques objections :
Le Coran dit que Dieu a créé l'homme !
Or l'idée qu'un premier humain ait été créé directement par Dieu n'est pas prouvée par des faits scientifiques. Alors, quand on prétend qu'on n'est pas anti-scientifique, on doit abandonner ce que disent des textes religieux élaborés il y a de cela plusieurs siècles ; sinon c'est l'obscurantisme. La création de Adam est un mythe, et anti-scientifiques sont ceux qui y croient encore aujourd'hui.
Ajoutez à cela la parole de Mahomet qui dit : "Dieu a créé la terre le samedi, y a créé les montagnes le dimanche, les arbres le lundi, le détestable le mardi, la lumière le mercredi, y a éparpillé les animaux le jeudi" et vous comprendrez pourquoi nous autres athées avons un train d'avance sur vous.
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Réponse :
Vous avez écrit :
"L'idée qu'un premier humain ait été créé directement par Dieu n'est pas prouvée par des faits scientifiques. Alors, quand on prétend qu'on n'est pas anti-scientifique, on doit abandonner ce que disent des textes religieux élaborés il y a de cela plusieurs siècles ; sinon c'est l'obscurantisme" :
Or :
Votre première assertion est exacte : l'idée qu'un premier humain ait été créé directement par Dieu, de surcroît à partir d'éléments extraits de terre ou plus exactement de boue, n'est pas prouvé par des faits scientifiques.
Mais votre seconde assertion n'est pas exacte : il ne s'agit pas non plus de quelque chose qui contredirait les découvertes scientifiques. En effet, il ne faudrait pas oublier que le fait que la lignée humaine soit issue, par l'évolution, d'une ancienne lignée animale – de laquelle la lignée des singes serait elle aussi issue – n'est pas non plus prouvé scientifiquement ; il s'agit également d'une idée : une théorie, destinée à relier entre eux différentes découvertes scientifiques et proposant une explication globale de ces découvertes.
"(…) La science, écrit Maurice Bucaille, démontre qu'à partir d'un moment donné, une espèce humaine est née qui s'est progressivement modifiée pour donner l'homme actuel. Tout le problème, du point de vue scientifique, est de savoir à partir de quoi : une lignée autonome, ou une lignée que l'on raccorde à une autre lignée animale ?" (L'homme, d'où vient-il ?, Seghers, p. 212).
Deux réponses se présentent à nous :
– le rattachement de l'espèce humaine à la lignée d'un ancêtre commun aux humains et aux singes, l'évolution étant considérée alors comme le facteur ayant donné naissance aux uns et aux autres, par l'effet du hasard des mutations-sélections ;
– la création, par Dieu, d'une lignée humaine autonome et non raccordée à une lignée animale.
La science, n'a, d'un côté, "en aucune façon apporté la démonstration [c'est-à-dire la preuve par des faits scientifiques dûment établis] de la provenance de l'homme à partir des formes évoluées actuelles des singes" (L'homme, d'où vient-il ?, p. 199) ou à partir d'un ancêtre commun à l'homme et aux singes. C'est bien pourquoi un scientifique tel que Denton est toujours attaché à la théorie du fixisme.
La science, d'un autre côté, "ne fournit [non plus] aucun argument appuyant [la] thèse [de l'autonomie de la lignée humaine]." Mais "elle ne fournit pas, non plus, d'argument allant à son encontre (…). Rien ne serait changé de la notion d'évolution dans le règne animal (…) si Dieu avait, à un moment donné, (…) décidé qu'apparaisse sur cette terre un couple d'êtres nouveaux. Une fois ces deux êtres nouveaux ainsi créés, ils auraient été à l'origine d'une lignée humaine subissant, au cours [de] millions d'années, des transformations physiques" (Ibid., p. 199).
Le Coran ne précise ni l'âge de l'univers, ni celui de la terre, ni celui de la lignée humaine : ni 6 000 ans, ni 12 000 ans, ni autres. Faire remonter la présence humaine sur terre à beaucoup plus que six milliers d'années ne pose donc aucun problème par rapport au Coran. Il est cependant difficile aujourd'hui de se prononcer de manière formelle à propos d'un nombre précis, attendu que les estimations actuelles connaîtront encore très probablement des changements.
Ce qu'on nous dit c'est qu'après tout, aucune des deux idées n'étant prouvée par des faits indiscutables sur le plan scientifique, et aucune des deux ne contredisant non plus la science, pourquoi ne pas adopter celle que la majorité des scientifiques d'aujourd'hui a adoptée ?
C'est oublier que, de deux choses possibles du point de vue de la raison pure, nous musulmans choisissons toujours celle qui est conforme à ce que nous souffle en amont notre cœur, lui-même s'abreuvant aux textes de la révélation. Les deux idées se valant sur un plan purement scientifique, nous musulmans, étant croyants, ne voyons pas pourquoi nous aurions le devoir d'adopter une idée non prouvée scientifiquement simplement parce qu'elle a été émise en tant que théorie scientifique et qu'elle n'est pas d'origine religieuse.
Et ce n'est pas être obscurantiste ou anti-scientifique que de dire cela, puisque rien n'a été prouvé qui dirait le contraire. Si un jour vous avez sur le sujet des preuves scientifiques irréfutables et non plus seulement une théorie et un faisceau d'arguments, nous en reparlerons…
Et n'oubliez pas que les théories scientifiques sont changeantes : alors qu'on disait des australopithèques et notamment de Lucy qu'ils sont les ancêtres de la lignée humaine, de plus récentes découvertes sont venues relativiser cette théorie : dans Science et Vie n° 980 (mai 1999), on peut, sous le titre évocateur Adieu Lucy, lire ces phrases : "Une nouvelle théorie semble indiquer que le genre australopithèque auquel elle [Lucy] appartient n'est pas la source de la lignée humaine." "Selon de toutes nouvelles recherches conduites en Afrique du Sud, les australopithèques siègeraient sur une branche différente de la nôtre. Et l'humain ne serait pas descendu de l'arbre pour devenir bipède ; il n'y serait en fait jamais monté."
Reste le fait que l'homme présente des similitudes morphologiques et génétiques avec les animaux en général et les singes en particulier.
Cela est vrai. Mais ce n'est pas non plus une preuve scientifique de la nécessaire parenté de l'homme et du singe. D'un point de vue de la raison pure, l'existence de ces similitudes peut s'expliquer par l'idée que l'homme et le singe ont une ascendance commune. Mais cela peut aussi s'expliquer avec l'idée de la création de la lignée humaine de façon autonome : pour nous, la composante corporelle de l'homme n'est pas le résultat d'un péché originel – notion inexistante dans les références musulmanes – mais fait au contraire partie intégrante de la nature humaine telle que Dieu l'a créée. Dès lors, Dieu, ayant voulu créer la lignée humaine pour qu'elle vive sur terre l'épreuve de la vie terrestre, l'a dotée d'une part des spécificités que sont ses sens spirituel et moral, sa conscience, son âme, sa raison et son intelligence, mais aussi, d'autre part, des perfectionnements corporels présents chez d'autres êtres terrestres, et dont, dans le règne animal, la lignée des primates présente les spécimens les plus accomplis. Car "il fallait à l'homme, écrit Bucaille, un système respiratoire analogue à celui des autres animaux consommant l'oxygène de l'air, un système digestif assurant la nutrition (…). Et on pourrait ainsi passer en revue d'autres parties de l'organisation humaine pour aboutir à la même conclusion : il fallait qu'existent ces similitudes morphologiques et fonctionnelles pour que l'homme [puisse] vivre sur terre" (op. cit., p. 200).
Laissons à présent de côté l'aspect de la compatibilité de ces deux idées avec ce qui est démontré scientifiquement – nous l'avons vu, aucune des deux idées ne contredit en soi les preuves scientifiques. Concentrons-nous maintenant sur la conception de la vie de l'homme sur terre que chacune de ces deux conceptions engendre :
– quelle conception de sa vie et de son rôle sur terre aura l'homme qui ne se perçoit comme rien d'autre que le descendant d'un ancien animal et le cousin des grands singes ?
– et quelle conception de sa vie aura l'homme qui se perçoit comme transcendant les animaux : devant vivre sur la terre, il a des caractéristiques physiques communes avec l'animal – ce que Shâh Waliyyullâh évoque sous le nom de "al-bahîmiyyah" –, mais sa lignée a été créé de façon autonome par Dieu, qui lui a donné des caractéristiques que ne possède aucun animal – "al-malakiyya" selon Shâh Waliyyullâh – : un sens spirituel et éthique inné, le sens du choix, le questionnement sur le sens de son existence, et la nécessité de rendre des comptes pour tout ce qu'il aura fait sur terre ?
La détermination du rôle qu'en tant qu'humain on a à remplir sur cette terre, de ses valeurs et du cadre de ses actions est fonction de plusieurs éléments ; l'un d'eux est l'idée qu'on se fait de l'origine même de l'homme. Quelles seront les conséquences respectives de la première et de la seconde de ces conceptions de l'origine de l'homme sur la perception que celui-ci aura de lui-même et de son rôle sur terre ?
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Pour ce qui est du hadîth : "Dieu a créé la terre le samedi, y a créé les montagnes le dimanche, les arbres le lundi, le détestable le mardi, la lumière le mercredi, y a éparpillé les animaux le jeudi" :
Il est vrai que ce propos a été rapporté par Muslim qui l'a attribuer (raf') au Prophète Muhammad (sur lui la paix) (Sahîh Muslim, n° 2789).
Mais la question de savoir s'il s'agit bien là d'une parole du Prophète a depuis longtemps été débattue par des spécialistes du Hadîth tels que al-Bukhârî, 'Alî ibn ul-Madînî, Yahyâ ibn Ma'ïn et d'autres.
Le fait est que cette parole contredit de nombreux versets coraniques, car ces derniers disent que la création des cieux et de la terre a duré 6 jours (ou périodes), tandis que la parole dont il est ici question montre un total de 7 jours (voir Tafsîr Ibn Kathîr, commentaire de Coran 2/29).
Al-Bayhaqî pense donc qu'il s'agirait plutôt d'une parole de Ka'b al-Ahbâr (savant des textes juifs, qui s'était ensuite converti à l'islam sous le califat de Omar ibn ul-Khattâb) ; un maillon postérieur de la chaîne de transmission aurait, lorsque relatant la parole, fait remonter celle-ci par erreur jusqu'au Prophète.
Ibn Taymiyya a lui aussi émis des doutes quant à l'attribution de cette parole au Prophète (Qâ'ïda jalîla fi-t-tawassul wa-l-wassîla, p. 117).
On peut voir aussi les notes de Rabâh et de ad-Daqqâq sur Riyâd-us-Sâlihîn (Hadîth n° 1852).
Tout ceci montre la rigueur des ulémas dans leur étude (naqd) des Hadîths, leur souci étant d'en dégager l'authentique.
Il ne faut donc pas tirer des conclusions hâtives après avoir simplement lu une parole, sans se demander si elle est authentique ou pas.
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Un autre verset du Coran :
"C'est à partir d'elle [la terre] que Nous vous avons créés.
C'est en elle que Nous vous ferons retourner.
Et c'est d'elle que Nous vous ferons sortir une autre fois" [pour être jugés pour ce que vous aurez fait] (Coran 20/55).
Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).