Qu'est-ce que la Ruqya ? Quelle Ruqya est-elle autorisée ?

Question :

L'islam reconnaît-il l'effet de l'incantation prononcée sur des malades, des ensorcelés ou des blessés ?

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Réponse :

Il faut d'abord se mettre d'accord sur ce qu'on entend par "incantation".

Le Prophète (sur lui la paix) a reconnu l'effet de la ruqya.

"Ruqya" signifie la même chose que "Ta'wîdh" (Fat'h ul-bârî 10/240). Or "Ta'wîdh" signifie : "mettre sous la protection de...".

Ibn ul-Athîr écrit que la "Ruqya", c'est la "'Ûdha" (An-Nihâya).

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I) La ruqya est en fait un soin (mu'âlaja) d'un type un peu particulier :

En effet :
- il y a le soin qui est d'ordre matériel ;
- alors que la ruqya est un soin d'ordre "spirituel" : elle consiste à réciter des paroles sacrées et/ou des invocations sur la personne malade/ à protéger ou sur le membre malade/ à protéger.

C'est parce qu'elle est un soin (mu'âlaja) qu'il est autorisé de toucher un salaire en échange de la ruqya, alors que toucher un salaire en échange d'une simple récitation du Coran ou d'une simple invocation en faveur d'une personne n'est pas autorisé (lire notre article).
C'est aussi parce qu'elle est un soin qu'il est autorisé d'avoir recours à des ruqya qui n'ont pas été enseignées par le Prophète, à condition bien sûr qu'elles ne contiennent rien de shirk.

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II) Comment explique-t-on que la simple récitation d'une parole sur le malade puisse agir sur sa maladie physique ?

L'effet de la ruqya est dû au fait que la prononciation de certaines formules produit un effet sur l'être humain, par le biais de son âme (Hujjat ullâh il-bâligha, 2/525).

La conception de l'islam est que le corps et l'âme sont deux réalités distinctes mais non pas coupées l'une de l'autre : l'homme est plutôt considéré comme un tout (c'est ce qu'en Occident on nomme de plus en plus : "une conception holiste de l'être humain" – du mot grec "holos").
Bien évidemment, la totalité des affectations touchant le soma (le corps) ne peuvent absolument pas être soignées par le biais d'un simple effet sur le psyché (âme). Il est certaines affectations, cependant, qui peuvent l'être.

Ibn ul-Qayyim écrit ainsi : "Dieu a créé dans les corps et dans les âmes des natures et des énergies différentes (…) ; un homme intelligent ne saurait nier l'effet des âmes sur les corps" (Zâd ul-ma'âd 4/166 ; voir aussi pp. 126-127).

C'est ce qui explique que si le Prophète a recommandé le traitement par le recours aux médicaments matériels (les hadîths sont bien connus), il a aussi eu parfois recours à un traitement mêlant le remède matériel et la ruqya : c'est de la sorte qu'il se soigna une fois de la morsure d'un scorpion (rapporté par at-Tirmidhî, n° 2905 ; voir le commentaire de Ibn ul-Qayyim : Zâd ul-ma'âd tome 4 p. 180).

Il faut ici rappeler que l'utilisation de toute ruqya (qui est en soi autorisée) requiert qu'on ne se mette pas à croire que la ruqya agit d'elle-même ou agit de façon certaine. Il faut croire que c'est un moyen (sabab), mais que c'est Dieu qui décide (Mussabbib ul-asbâb).

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III) La ruqya ne serait-elle autorisée que pour se préserver / se soigner du mauvais oeil ou d'une piqûre d'insecte ?

Le fait est que voici ce qu'on lit dans deux hadîths :
--- "عن عمران بن حصين، أن رسول الله صلى الله عليه وسلم قال: لا رقية إلا من عين أو حمة" :
"Pas de ruqya sauf par rapport au mauvais oeil ou à une piqûre" (at-Tirmidhî, 2057, Abû Dâoûd, 3884).
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"عن أنس، قال: رخص رسول الله صلى الله عليه وسلم في الرقية من العين، والحمة، والنملة" : "Le Prophète a autorisé la ruqya par rapport au mauvais oeil, à une piqûre ou à des démangeaisons ("namla")" (Muslim, 2196).

Non, la ruqya est autorisée pour soigner ou se préserver de bien d'autres choses que ces deux ou trois maux.

Quant à ces hadîths :
Soit le Prophète y a seulement voulu dire si recours à la ruqya il y a, c'est dans ces trois cas de figure que cela est particulièrement justifié, bien que cela soit également autorisé pour d'autres cas de figure.
Soit il s'agit, dans ces hadîths, non pas de ruqya mais de istirqâ', et il s'agit seulement d'un caractère recommandé : ces hadîths signifient qu'il est légèrement déconseillé de faire une istirqâ', sauf dans ces 3 cas, où cela est entièrement permis (nous y reviendrons plus bas).

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IV) Quel contenu de ruqya est-il autorisé ?

Il n'est légal de réciter, en tant que ruqya, que :
– des passages du Coran (et non pas d'un livre religieux non islamique) ;
– ou des formules qui s'adressent explicitement à Dieu, Lui demandant telle chose ou telle protection.

La ruqya de ce second type est un soin (mu'âlaja) qui contient une invocation (du'â'). Cependant, elle est différente de l'invocation pure :
--- l'invocation (du'â) pure est adressée à Dieu directement (on peut, ce faisant, lever les deux mains, ou ne pas le faire) ;
--- la ruqya qui est une invocation, elle, est bien sûr adressée à Dieu directement, mais elle est aussi "récitée" sur la personne que l'on veut en faire bénéficier :
----- parfois on récite la formule adressée à Dieu puis on souffle sur le malade ;
----- d'autres fois on récite puis on souffle dans ses paumes puis on les passe sur la partie du corps à préserver ou à soigner, etc. (Zâd ul-ma'âd 4/177-180).

La ruqya qui est une invocation est, en tant qu'invocation, assujettie aux règles de l'islam concernant les invocations : aucune demande formulée à autre que Dieu n'est autorisée.

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1) Il y a des formules de ruqya enseignées explicitement par le Prophète :

Ainsi en est-il de "A'ûdhu bi kalimât illâh it-tâmmâti min kulli shaytânin wa hâmma, wa min kulli 'aynin lâmma", que le Prophète utilisait comme ruqya pour ses deux petits-fils (al-Bukhârî, 3191).
Il arrive aussi qu'un passage du Coran soit récité en guise de ruqya, comme les sourates al-Falaq et an-Nâs, dont la lettre même consiste en une demande de protection adressée à Dieu.
Parfois c'est même un passage du Coran dont le contenu est tout autre qui est récité en guise de ruqya : ainsi en est-il de la sourate al-Fâtiha, dont le Prophète a enseigné qu'elle est (comme son contenu l'indique clairement) une demande adressée à Dieu, un échange intime entre Dieu et l'homme (Muslim, 395), mais dont le Prophète a aussi approuvé la récitation sur un malade, par Abû Sa'îd, en tant que ruqya (al-Bukhârî, 2156, Muslim, 2201).
La même chose peut être dite au sujet de âyat ul-kursî : il s'agit d'un verset glorifiant Dieu, mais le Prophète a enseigné que sa récitation servait de protection contre les démons (le hadîth est bien connu).

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2) Et est-il permis d'avoir recours à des formules de ruqyâ qui n'ont pas été enseignées par le Prophète ?

La réponse correcte ici est : Cela dépend.

'Awf ibn Mâlik dit que avant la venue de l'islam ils avaient déjà certaines ruqya. Ayant questionné le Messager de Dieu à leur sujet, celui-ci leur dit : "Présentez-moi vos ruqya. Il n'y a pas de problème dans les ruqya tant qu'elle ne contiennent pas de (parole de) shirk" : "عن عوف بن مالك الأشجعي، قال: كنا نرقي في الجاهلية، فقلنا: "يا رسول الله كيف ترى في ذلك؟" فقال: "اعرضوا علي رقاكم، لا بأس بالرقى ما لم يكن فيه شرك" ( Muslim, 2200).

Par ailleurs, les gens de la famille de 'Amr ibn Hazm vinrent rencontrer le Prophète et lui dirent : "Nous pratiquions une ruqya contre la piqûre de scorpion, mais tu as interdit la ruqya". Ils lui présentèrent alors leur ruqya. Le Prophète, ayant pris connaissance de son contenu, dit alors : "Je n'y vois pas de problème. Celui qui peut apporter un profit (naf') à son frère, qu'il le fasse" : "عن جابر، قال: نهى رسول الله صلى الله عليه وسلم عن الرقى. فجاء آل عمرو بن حزم إلى رسول الله صلى الله عليه وسلم فقالوا: "يا رسول الله إنه كانت عندنا رقية نرقي بها من العقرب، وإنك نهيت عن الرقى"، قال: فعرضوها عليه، فقال: "ما أرى بأسا. من استطاع منكم أن ينفع أخاه فلينفعه" (Muslim, 2199).

Voyez : des personnes détenaient des formules de ruqya qui n'avaient pas été formulées par le Prophète, et le Prophète en vérifia le contenu pour s'assurer qu'elles ne contenaient aucune invocation adressée à d'autres entités que Dieu ; il semble donc qu'il s'agissait bien de formules dont ces personnes avaient hérité et dont l'efficacité était prouvée.

----- 2.1) Dès lors, toute ruqya n'ayant pas été enseignée par le Prophète mais comportant des invocations adressées exclusivement et explicitement à Dieu est autorisée. C'est ce genre de ruqya dont les gens de la famille de 'Amr ibn Hazm et 'Awf ibn Mâlik parlaient.

---- 2.2) Par contre, toute ruqya n'ayant pas été enseignée par le Prophète et contenant des invocations adressées à d'autres entités que Dieu est du shirk akbar et, par là, strictement interdite, puisque l'invocation ne peut être faite qu'à Dieu. "وفي الصحيح عنه صلى الله عليه وسلم أنه قال: "لا بأس بالرقى ما لم تكن شركا" فنهى عن الرقى التي فيها شرك كالتي فيها استعاذة بالجن كما قال تعالى: {وأنه كان رجال من الإنس يعوذون برجال من الجن فزادوهم رهقا}. ولهذا نهى العلماء عن التعازيم والإقسام التي يستعملها بعض الناس في حق المصروع وغيره التي تتضمن الشرك؛ بل نهوا عن كل ما لا يعرف معناه من ذلك خشية أن يكون فيه شرك بخلاف ما كان من الرقى المشروعة فإنه جائز" (MF 1/336) ; "وكذلك الرقى والعزائم الأعجمية: هي تتضمن أسماء رجال من الجن يدعون؛ ويستغاث بهم ويقسم عليهم بمن يعظمونه فتطيعهم الشياطين بسبب ذلك في بعض الأمور. وهذا من جنس السحر والشرك" (MF 1/362) ;

---- 2.3) De même, toute ruqya n'ayant pas été enseignée par le Prophète et comportant des formules incompréhensibles ou invérifiables doit être abandonnée car il se peut qu'il s'y trouve des invocations faites à un Autre que Dieu. Or c'est la règle de la précaution (ihtiyât) qui prévaut ici ; ce n'est pas que tant qu'on n'est pas certain que celui à qui on adresse cette invocation n'est un autre que Dieu, on peut faire celle-ci ; c'est que tant qu'on n'est pas certain que celui à qui on adresse cette invocation est bien Dieu, on ne peut pas faire celle-ci. On lit ainsi dans Radd ul-muhtâr, à propos des ruqya écrites (nous y reviendrons plus bas), mais le propos vaut aussi pour les ruqya prononcées oralement : "إنما تكره العوذة إذا كانت بغير لسان العرب ولا يدرى ما هو؛ ولعله يدخله سحر أو كفر أو غير ذلك. وأما ما كان من القرآن أو شيء من الدعوات، فلا بأس به" (Radd ul-muhtâr, Kitâb ul-hazr wa-l-ibâha, 9/523).

---- Il y a le cas qui est ainsi relaté : une juive faisait la ruqya à Aïcha (que Dieu l'agrée), alors que celle-ci était malade. Abû Bakr (que Dieu l'agrée) entra, et, ayant vu cela, lui dit : "Fais-lui la ruqya d'après le Livre de Dieu" : "مالك، عن يحيى بن سعيد، عن عمرة بنت عبد الرحمن، أن أبا بكر الصديق دخل على عائشة وهي تشتكي، ويهودية ترقيها. فقال أبو بكر: "ارقيها بكتاب الله" (Muwatta', 1814). "D'après le Livre de Dieu" peut signifier : "d'après ce qui correspond à ce que Dieu a prescrit", c'est-à-dire : "en employant uniquement des Noms de Dieu" ("قول أبي بكر الصديق - رضي الله عنه - لليهودية ارقيها بكتاب الله عز وجل ظاهره أنه أراد التوراة؛ لأن اليهودية في الغالب لا تقرأ القرآن. ويحتمل - والله أعلم - أن يريد بذكر الله عز: اسمه؛ أو رقية موافقة لما في كتاب الله تعالى. ويعلم صحة ذلك بأن تظهر رقيتها فإن كانت موافقة لكتاب الله عز وجل أمرها بها، وإن لم يكن على هذا الوجه، ففي المستخرجة عن مالك: "لا أحب رقى أهل الكتاب" وكرهه؛ وذلك والله أعلم إذا لم تكن رقيتهم موافقة لما في كتاب الله تعالى وإنما كانت من جنس السحر وما فيه كفر مناف للشرع" : Al-Muntaqâ, al-Bâjî). Cela n'a rien d'étonnant, vu ce que nous avons vu plus haut : des non-musulmans faisaient la ruqya avant la venue de l'islam, et le Prophète (sur lui soit la paix) a dit que ces ruqya ne présentaient pas de problème du moment qu'il ne s'y trouvait pas de shirk.

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V) (Au moins pour certains cas), si demander au râqî de nous faire la ruqya est autorisé, il est plus méritoire de ne pas le lui demander :

Il y a ici deux choses :
– il y a la ruqya : le fait de faire la ruqya sur quelqu'un d'autre, ou sur soi-même, pour soulager d'une souffrance ;
– et il y a la istirqâ' : le fait de demander à quelqu'un de nous faire la ruqya (la ruqya qui est en soi autorisée).

Ne pas demander à quelqu'un de nous faire la ruqya est plus méritoire que le demander. En effet, le Prophète, parlant de ceux qui entreront au Paradis sans devoir rendre de comptes, dit qu'il s'agira de "هم الذين لا يسترقون، ولا يتطيرون، ولا يكتوون، وعلى ربهم يتوكلون" : "ceux qui ne demandaient pas de ruqya, ne se faisaient pas mettre de cautère, ne prenaient pas de mauvais augure, et s'en remettaient à Dieu" (al-Bukhârî, 5378 etc., Muslim 218). La dernière proposition montre que leur haut grade est dû à leur perfection dans le fait de s'en remettre à Dieu (kamâl ut-tawakkul al-mustahabb). Ne pas demander de ruqya relève donc de cette perfection recommandée (et pas obligatoire). La même chose est valable pour cet autre hadîth : "عن المغيرة بن شعبة قال: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: من اكتوى أو استرقى فقد برئ من التوكل" (at-Tirmidhî, 2055) : il s'agit de la négation de at-tawakkul al-mustahabb.

D'après Ibn Taymiyya, la version où on lit : "هم الذين لا يرقون، ولا يسترقون، ولا يتطيرون، وعلى ربهم يتوكلون" (Muslim, 220), "ceux qui ne faisaient pas la ruqya et ne demandaient pas la ruqya", cette version est une erreur d'un transmetteur. Car faire la ruqya à quelqu'un d'autres est acte méritoire, comme le Prophète l'a dit à propos d'une ruqya utilisée face aux piqûres de scorpion : "Je n'y vois pas de problème. Celui qui peut apporter un profit (naf') à son frère, qu'il le fasse" (Muslim, 2199, déjà cité plus haut) (fin de citation).

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Ici une question se pose : Quelle est ce type de ruqya que ne pas en demander relève de la perfection recommandée du tawakkul ?

Certains disent qu'il s'agit de la ruqya qui est en soi interdite (types 2.2 et 2.3).

Or cette explication n'est pas possible, vu que cette ruqya là, il n'est pas recommandé, il est obligatoire de ne pas en demander et de ne pas en recevoir. Et cela voudrait dire que ceux qui s'abstenaient de cette ruqya interdite seront 70 000 seulement parmi toute la Umma.

Certains ulémas ont dit qu'il s'agit de toute ruqya (types 1 et 2 plus haut cités) : ne pas demander à quelqu'un de la réciter et de souffler sur soi, cela est plus méritoire que demander cela à quelqu'un.

D'autres ulémas ont dit qu'il s'agit uniquement de la ruqya de type 2.1 : la ruqya qui s'adresse explicitement et exclusivement à Dieu, mais qui n'a pas été enseignée par le Prophète.

Le problème c'est que "عن أم سلمة، رضي الله عنها: أن النبي صلى الله عليه وسلم رأى في بيتها جارية في وجهها سفعة، فقال: استرقوا لها، فإن بها النظرة" : le Prophète lui-même a, voyant une esclave qui était pâle, dit : "Demandez la ruqya pour elle, car elle souffre de mauvais oeil" (al-Bukhârî, 5407, Muslim, 2197). Aïcha relate chose semblable : "عن عائشة، رضي الله عنها قالت: أمرني رسول الله صلى الله عليه وسلم أو أمر أن يسترقى من العين" (al-Bukhârî, 5406, Muslim, 2195).
Il est évident que le Prophète n'a pas, ici, dit d'aller chercher auprès d'un autre que lui une ruqya de type 1 (enseignée dans la Sunna) ! Il s'agit forcément d'une ruqya de type 2.1.
Or le Prophète n'aurait pas recommandé, ici, de faire ce qu'il a recommandé, là-bas, de ne pas faire : demander une ruqya de type 2.1 !

L'explication la meilleure est donc celle-ci :
--- pour la ruqya de type 1, il vaut mieux la réciter soi-même que d'aller demander à quelqu'un de la réciter sur soi ;
--- et pour la ruqya de type 2.1, il vaut mieux de ne pas en demander. Cependant, si, dans le récit que nous venons de voir, le Prophète a dit d'aller demander une ruqya pour l'esclave souffrant de mauvais oeil, c'est parce que le mauvais oeil et la piqûre font exception : demander la ruqya pour ces deux maux n'est pas contraire au kamâl ut-tawakkul al-mustahabb.
C'est l'une des explications des deux hadîths déjà cités : "عن عمران بن حصين، أن رسول الله صلى الله عليه وسلم قال: لا رقية إلا من عين أو حمة" : "Pas de ruqya sauf par rapport au mauvais oeil ou à une piqûre" (at-Tirmidhî, Abû Dâoûd). "عن أنس، قال: رخص رسول الله صلى الله عليه وسلم في الرقية من العين، والحمة، والنملة" : "Le Prophète a autorisé la ruqya par rapport au mauvais oeil, à une piqûre ou à des démangeaisons ("namla")" (Muslim).
Ici, "لا رقية إلا من عين أو حمة" veut dire en fait : "لا استرقاء إلا من عين أو حمة" (Al-Qawl ul-mufîd, p. 177) :
----- Pour les autres que ces deux ou trois maux, il est recommandé de ne pas demander de ruqya de type 2.1, et demander une ruqya de ce type 2.1 est contraire à kamâl ut-tawakkul al-mustahabb.
----- Par contre, pour ces deux ou trois maux, demander la ruqya n'est pas contraire à kamâl ut-tawakkul al-mustahabb.

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VI) Jusque là nous avons parlé de ruqya récitée. Mais qu'en est-il d'une ruqya dont le contenu est en soi autorisé (type 1 ou 2.1), mais dont la forme est maintenant écrite et portée autour du cou ?

Est-il possible que la ruqya soit écrite sur le corps du malade lui-même ?

Ibn Taymiyya le faisait avec un verset coranique précis, pour soigner des hémorragies nasales, mais, précisait-il, à condition que l'encre utilisée soit rituellement pure (tâhir) (cf. Zâd ul-ma'âd, 4/358).

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Est-il possible que la ruqya soit écrite sur du papier (avec bien sûr une encre tâhir), et que ce papier soit lavé et que l'eau en résultant soit bue ?

Ce point fait l'objet d'avis divergents entre les Salaf (voir ainsi At-Tabarruk, anwâ'uhû wa ahkâmuhû, pp. 232-235, où cette divergence est relatée de façon détaillée).
Ibn Taymiyya est pour sa part d'avis qu'il est autorisé que la ruqya soit écrite et que le papier soit lavé et son eau bue (MF 19/64-65).

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Et peut-on attacher un tel papier au bras du malade, ou bien cela tombe-t-il sous le coup du la tamîma interdite ?

Abdullâh ibn Mas'ûd et Ibrâhim an-Nakha'î ainsi que d'autres Salafs étaient opposés à cela, et le qualifiaient d'interdit.

Mais d'autres Salafs le qualifiaient, eux, d'autorisé. Ces autres Salafs ont circonscrit le hadîth interdisant de porter une tamîma à la tamîma qui contient des invocations faites explicitement à autre que Dieu, ou bien des choses incompréhensibles (soit, dans notre classification, les types 2.2 et 2.3).

Voici le passage de Kitâb ut-tawhîd qui dit cela : "التمائم": شيء يعلق على الأولاد يتقون به العين. لكن إذا كان المعلق من القرآن فرخص فيه بعض السلف؛ وبعضهم لم يرخص فيه ويجعله من المنهي عنه، منهم ابن مسعود رضي الله عنه" (Kitâb ut-tawhîd, Muhammad ibn Abd il-Wahhâb).

Et voici un passage du commentaire de cela par son petit-fils, Sulaymân ibn Abdillâh ibn Muhammad ibn 'Abd il-Wahhâb :
"اعلم أن العلماء من الصحابة والتابعين فمن بعدهم اختلفوا في جواز تعليق التمائم التي من القرآن وأسماء الله وصفاته.
فقالت طائفة: يجوز ذلك، وهو قول عبد الله بن عمرو بن العاص وغيره، وهو ظاهر ما روي عن عائشة، وبه قال أبو جعفر الباقر وأحمد في رواية، وحملوا الحديث على التمائم الشركية. أما التي فيها القرآن وأسماء الله وصفاته، فكالرقية بذلك. قلت: وهو ظاهر اختيار ابن القيم.
وقالت طائفة: لا يجوز ذلك، وبه قال ابن مسعود، وابن عباس وهو ظاهر قول حذيفة، وعقبة بن عامر، وابن عكيم رضي الله عنهم، وبه قال جماعة من التابعين، منهم أصحاب ابن مسعود، وأحمد في رواية، اختارها كثير من أصحابه، وجزم بها المتأخرون. واحتجوا بهذا الحديث وما في معناه، فإن ظاهره العموم - لم يفرق بين التي في القرآن وغيرها -، بخلاف الرقى فقد فرق فيها"
(Taysîr ul-'Azîz l-Hamîd, p. 137).

(Voir aussi At-Tabarruk, anwâ'uhû wa ahkâmuhû, pp. 236-239, où cette divergence est relatée de façon détaillée.)

Ibn Taymiyya est d'avis qu'il est autorisé que le papier soit attaché au bras de la femme qui va accoucher (MF 19/64-65).

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Par contre, écrire un tel papier et le suspendre au mur, ou au rétroviseur de la voiture, de même que placer une copie du Coran dans un lieu pour obtenir une protection, cela est différent de ce qui précède :

Cela n'est pas autorisé (ghayr mashrû') (At-Tabarruk, anwâ'uhû wa ahkâmuhû, pp. 239-241).

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VII) Avoir recours à la ruqya écrite est autorisé dans les cas venant d'être mentionnés, mais attention à ne placer une confiance excessive à ce genre d'écrit :

At-Thânwî écrit aussi qu'attacher [au bras] un papier où la ruqya est écrite est autorisé [c'est aussi l'avis de Ibn Taymiyya, nous l'avons vu plus haut], mais il est mieux de l'éviter, car la plupart des gens délaissent ensuite l'invocation directe avec Dieu, préférant s'en remettre à ce papier (Ibid., p. 71). C'est cela, dit at-Thânwî, que le Prophète a visé quand il a dit : "Celui qui suspend quelque chose est confié à elle" : "عن محمد بن عبد الرحمن بن أبي ليلى، عن عيسى، أخيه قال: دخلت على عبد الله بن عكيم أبي معبد الجهني، أعوده وبه حمرة، فقلنا: "ألا تعلق شيئا؟" قال: "الموت أقرب من ذلك، قال النبي صلى الله عليه وسلم: "من تعلق شيئا وكل إليه" [at-Tirmidhî, 2072] (Ibid., p. 80).

C'est cet excès de confiance qui est visé par ce propos de Ibn ul-'Uthaymîn relatif aux tamîma : "وقوله: "فقد أشرك": هذا الشرك يكون أكبر إن اعتقد أنها ترفع أو تدفع بذاتها دون أمر الله؛ وإلا فهو أصغر (Al-Qawl ul-mufîd, p. 161 ; à lire après pp. 174-175).

Ath-Thânwî écrit qu'il vaut mieux réciter la ruqya qu'attacher une ruqya au bras (Ibid., p. 71). Mais, même alors, écrit encore at-Thânwî, il ne faut pas tomber dans un travers qu'ont un certain nombre de gens, qui croient que la récitation des ruqyas fera son effet de façon certaine et ne prennent plus le temps et la peine de demander à Dieu en s'humiliant devant Lui. Il ne faut donc pas, dit at-Thânwî, se contenter de réciter des ruqyas en négligeant le fait de s'adresser à Dieu pour Lui demander ce dont on a besoin ; c'est au contraire cette forme de demande qui est meilleure (Ibid., p. 69). Revoir en tout début d'article la différence entre "du'â" et "ruqya" : cette dernière doit s'adresser elle aussi uniquement à Dieu, mais une subtile différence existe entre les deux.

Après avoir relaté la divergence d'avis existant au sujet des tamîma contenant des versets du Coran, ou des invocations adressées à Dieu, Ibn ul-'Uthaymîn dit lui aussi qu'il ne convient pas d'avoir recours aux tamîma contenant des versets du Coran, notamment parce que, ensuite, on ne prend plus le soin de réciter les versets coraniques en question (Al-Qawl ul-mufîd, p. 175).

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VIII) Et les cas de possession par un djinn ?

Alors que le Prophète voyageait quelque part dans la péninsule arabique, une mère vint à sa rencontre et se plaignit du fait que son enfant était possédé depuis sept ans ; elle lui dit que les crises le prenaient deux fois chaque jour. Le Prophète prit lui-même les choses en mains, demanda que l'on approche de lui le garçon et agit pour le débarrasser du djinn. Plus tard, lors de son retour, la mère vint à nouveau le rencontrer pour lui dire que son fils n'avait plus eu de crises depuis son traitement (Silsilat ul-ahâdîth as-sahîha, 1/875-877, 6/1002-1109).
Un autre récit du même genre, toujours avec le Prophète, a été rapporté par ad-Dârimî (n° 19, dha'îf d'après al-Albânî).
Ibn Taymiyya a expliqué les causes pouvant pousser un djinn à posséder un humain (Majmû' ul-fatâwâ, 13/85, 19/39-40).

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Est-ce qu'on peut avoir recours aux services d'un autre djinn pour chasser le djinn ayant de la sorte pris possession de l'esprit de l'humain ?

Si cet autre djinn agit ainsi en échange d'un acte de culte en sa faveur, alors il est certain que la réponse est : non, cela n'est bien entendu pas autorisé.

De même, si cet autre djinn agit ainsi en échange d'un acte interdit (fornication, etc.), alors la réponse est également : non, cela n'est pas autorisé.

Mais si l'autre djinn n'agit ainsi que par désir de servir autrui, ou de combattre le mal que certains de ses congénères font, alors en général les ulémas hanafites indiens disent que cela est autorisé (lire notre article consacré à ce point). Pour sa part, Ibn Taymiyya a simplement écrit qu'employer un djinn pour un service autorisé est autorisé (lire un autre article).

Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

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