Les musulmans n'ont pas à s'intégrer en France, ils font désormais partie de la communauté nationale française, certains d'entre eux appartenant à la quatrième génération et n'ayant aucun lien avec leur pays d'origine. Quand certains politiques français évoquent aujourd'hui encore la question, pour les musulmans, de s'intégrer en France, ils veulent en fait parler non de leurs personnes mais de l'islam. Par là ils négligent qu'il est de nombreux français de souche qui se sont convertis à l'islam. Tous les citoyens français devraient-ils donc être uniformisés ? Les citoyens français de confession musulmane ne pourraient-ils donc être véritablement français qu'avec un islam désintégré ?
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A) Différents modèles de gestion de la diversité culturelle au sein d'un même pays :
Il faut tout d'abord rappeler que quatre modèles existent quant à la façon de gérer la diversité culturelle au sein d'un même pays :
– 1) le modèle de la société plurinationale, où coexistent plusieurs nationalités pour une même citoyenneté ;
– 2) le modèle communautariste, qui repose sur le schéma de l'insertion ;
– 3) le modèle universaliste républicain, fondé sur le schéma de l'intégration ;
– 4) le modèle assimilationniste, fondé comme son nom l'indique sur l'assimilation.
Nous nous contenterons ici de dire quelques mots à propos des modèles 2 et 3.
– Dans le modèle communautariste, la grande communauté nationale est composée en fait de plusieurs groupes qui coexistent pacifiquement, c'est-à-dire qui sont présentes l'un à côté de l'autre : les groupes sont confirmés, reconnus et promus dans la vie publique et politique : en un mot ils sont institutionnalisés. Il est seulement demandé à chacun d'eux de respecter la loi, et, dans le cadre de ce respect, chacun est libre de promouvoir son héritage culturel et de défendre ses droits sociaux à l'échelon national. L'intégration est communautaire, et, d'ailleurs, en terme de lieux d'habitation, les immigrants sont souvent rassemblés par communautés. Résultat : les particularismes communautaires sont préservés : les immigrés – nommés ouvertement et officiellement ethnic minorities – reproduisent sur le sol national de nombreux traits culturels – organisation des relations familiales et sociales, coutumes – de leur pays d'origine, la seule différence étant le respect du droit du pays d'accueil. Ce modèle est celui des Etats-Unis (où on ne parle plus de melting pot mais de salad bowl), et est vécu dans une moindre mesure en Grande-Bretagne, en Afrique du Sud…
En schématisant à l'extrême on peut dire que dans ce modèle les particularismes sont acceptés dans la vie privée et dans la vie sociale – c'est-à-dire dans l'espace publique – mais aussi, par le biais du droit au lobbying, dans la vie politique.
– Pour le modèle universaliste républicain – celui qui est présenté comme l'idéal en France métropolitaine –, il n'y a qu'une communauté, celle des citoyens. La communauté citoyenne ne comporte pas une "majorité" et des "minorités" ethniques ou religieuses : tous sont des Français. Il y a certes des régions différentes, mais il est hors de question que les langues régionales soient reconnues "langues officielles". Par ailleurs, on dit seulement parfois qu'il y a des Français de souche et des Français fils d'immigrés. Et on dit aussi qu'il y a des Français de religion catholique, d'autres de religion protestante, d'autres de religion juive, d'autres de religion musulmane, d'autres de religion bouddhiste, etc., tandis que d'autres encore sont athées. Il est requis de chaque vague d'immigrants de respecter la loi du pays d'accueil, mais il est également fortement recommandé que tous adoptent dans une mesure conséquente la culture dominante. L'intégration se veut individuelle : chaque immigré est libre de garder certains traits culturels de son pays d'origine, mais ceux-ci doivent être confinés à l'espace privé et ne pas se traduire dans l'espace public.
On pourrait résumer en disant que ce modèle fait ce qui est en son possible pour confiner les particularismes à l'espace privé et les gommer de l'espace des institutions publiques (écoles, bâtiments publics, etc.) et a fortiori de la vie politique.
– La société américaine a adopté le modèle communautariste, alors que la société française (du moins celle de Métropole) a choisi le modèle universaliste. Il semble que certains problèmes d'intégration subsistent en France et que certaines pistes intermédiaires devraient être recherchées.
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B) Problèmes d'intégration chez certains français fils d'immigrés :
"Les fils d'immigrés maghrébins sont-ils réellement intégrés à la société française ?" Des sociologues et des hommes politiques se sont posé la question après ce qui s'est passé lors du match France-Algérie, le 6 octobre 2001, quand certains jeunes français d'origine algérienne ont sifflé la Marseillaise et ont, un peu plus tard, envahi le terrain avant la fin du match. Ces jeunes ne seraient-ils pas, pour reprendre la formule de l'historien Benjamin Stora, des "ni-ni" (Le Monde de l'éducation, n° 298, décembre 2001, p. 29), pas algériens mais pas non plus pleinement français ? Il semble que si.
Mais les responsabilités ne sont-elles pas partagées quant à cet état des choses ?
Car, comme le rappelle Brahim Asloum, si on leur dit, "en Algérie, qu'ils sont français", "en France on leur dit qu'ils sont algériens" (Ibid., p. 30). "Ils ont sifflé la France, minoritaire mais ô combien difficile, qu'ils rencontrent lorsqu'ils cherchent un emploi, un logement…" expliqua pour sa part l'ambassadeur d'Algérie en France dans une tribune du Monde du 13 octobre 2001 (Ibid., p. 29). Se sentant rejetés, ils expriment donc ce rejet. "Les études réalisées sur les parcours scolaires montrent que les enfants originaires du Maghreb ou d'Afrique noire, à origine sociale équivalente, sortent plutôt moins souvent du système éducatif sans qualification que les autres enfants, immigrés ou non. Mais l'ambition et la réussite scolaire ne se convertissent pas mécaniquement en insertion professionnelle" (Alternatives économiques, n° 209, décembre 2002, p. 71). L'article en évoque les causes, parmi lesquelles celle-ci : "de plus en plus d'études montrent l'existence de discriminations particulières à l'embauche envers les enfants d'origine maghrébine" (Ibid.). Même son de cloche dans Le Monde de l'éducation : "… La société et, en premier lieu, le monde du travail viennent souvent démentir les promesses de l'école. "Ceux qui pourraient être des exemples parce qu'ils affichent un beau parcours scolaire n'ont pas une réussite à la même hauteur que les jeunes français de souche" observe Jacques Frémeaux depuis sa chaire de Paris-IV" (Le Monde de l'éducation, n° 298, p. 27).
C'est cet état des choses qui, pour certains sociologues et certains politiques, expliquerait que les jeunes beurs reviennent à la pratique de l'islam : le retour des jeunes à l'islam serait une nouvelle forme de revendication identitaire : début des années 80, "les jeunes ne portaient aucune revendication d'ordre religieux. (…) Point de voile à l'horizon, point d'appartenance revendiquée à un groupe islamique, seule une forte demande sociale et culturelle qui "n'a pas trouvé non plus de réponse, souligne Hanifa Cherifi. Cette génération était encore marquée par l'idéalisation d'un discours d'intégration à la française", avec la réussite scolaire comme promesse d'ascension sociale. Mais "la réponse des pouvoirs publics n'a pas été à la hauteur des espoirs". A la fin des années 80, changement de ton : "Le voile est notre honneur", "l'islam est notre religion"" (…) "La revendication islamique devient le signe d'une rupture avec sa famille, avec la société française" (Ibid.). Et l'article de citer les propos d'un enseignant et chercheur : "La réislamisation à laquelle nous assistons se fait uniquement pour des raisons identitaires" (Ibid.).
Cependant, si on ne peut pas nier que certains cas de retour à l'islam par réaction existent chez certains jeunes, on ne peut non plus faire des généralisations de ce type. La vérité est que le monde entier ressent depuis une dizaine d'années un besoin de sens, de repères et de spiritualité : Malraux n'avait-il pas annoncé que "le 21ème siècle serait religieux ou ne serait pas" ? Nombreux sont donc ces femmes et ces hommes – et pas seulement des musulmanes et des musulmans – qui cherchent une religion ou qui cherchent à approfondir la religion de leur enfance, jusqu'alors restée en sommeil. Dès lors comment reprocher aux jeunes beurs de redécouvrir leur religion, une foi qui les a toujours habités et une pratique qu'ils n'avaient jamais totalement délaissée ? Le fait est que l'islam fait partie de l'identité des beurs.
Aux yeux de certains sociologues et de certains citoyens, le problème ne ferait alors qu'empirer : "Déjà qu'ils avaient du mal à s'intégrer à la société française, qu'adviendra-t-il maintenant qu'ils se mettent à exprimer une identité musulmane ?" Foulards à l'école, demandes d'autorisation d'absentéisme lors des fêtes musulmanes, demandes concernant des mosquées ou des cimetières musulmans… les Français fils d'immigrés ne seraient-ils pas désormais musulmans avant d'être français ? Leur identité et leur culture ne seraient-elles désormais pas les mêmes que celles des musulmans de l'Arabie Saoudite ou de l'Iran ? Car "les musulmans pratiquants, considérant les enseignements de l'islam comme s'appliquant à toute la vie quotidienne, n'ont-ils pas, où qu'ils habitent sur la terre, la même culture, rigide et uniformisée, dictée par la pensée unique des règles (interdits et obligations) extraites de leurs sources ?" En fait s'il y a, dans les enseignements de l'islam, une dimension qui est universelle, un champ d'adaptation existe également. Lire à ce sujet notre article Universalité de l'islam et pluralité des cultures musulmanes.
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C) Rencontre entre une tradition nationale française et une culture musulmane :
Nous avons vu aussi qu'en ce qui concerne les "beurs", s'ils reviennent à l'islam, ce n'est dans leur majorité pas par réaction mais bien parce que l'islam fait partie de leur identité et qu'ils éprouvent eux aussi, comme tant d'autres, un besoin de spiritualité et de sens. Nous avons vu enfin, dans l'article Universalité de l'islam et pluralité des cultures musulmanes, que si une partie des enseignements de l'islam est certes universelle (umûr ta'abbudiyya qat'iyya) en revanche on peut tenir compte du contexte en ce qui concerne l'autre partie (umûr 'âdiyya etc.). La rencontre entre ces deux traditions est possible avec de la bonne volonté et de la compréhension…
Quelques suggestions :
Aux pouvoirs publics et aux travailleurs sociaux de France, pourrait-on dire humblement ceci : le phénomène du racisme est – comme nous l'avons vu plus haut – un des facteurs développant chez de nombreux jeunes issus de l'immigration un sentiment de rejet. N'y a-t-il pas urgence à agir pour une résorption de cet état des choses ? Sinon comment voudrait-on que ce jeune ne se perçoive pas un "ni-ni", lui qui a tant entendu parler des principes de droit, d'égalité et de fraternité, qui s'est investi à fond dans de longues études mais qui se voit ensuite être l'objet de discriminations eu égard à son origine ?
Pourrait-on également suggérer ceci : à empêcher l'expression de ce qui fait partie de l'identité de jeunes français musulmans (car ils le perçoivent comme des éléments ta'abbudî qat'î), on risque d'amputer ceux-ci d'une partie de leur être, ce qui gênerait plus qu'elle ne favoriserait une intégration complète et réussie. Le problème est que toute proposition d'intégrer quelques-uns de ces éléments est dénoncé comme une volonté d'importer en France le modèle communautariste. Or il n'en est rien. La société française a trouvé son équilibre dans le modèle universaliste, et à chaque pays sa tradition en matière d'intégration. Le fait est qu'à côté du modèle l'universalisme républicain pur et dur, des nuances existent qui ont été proposées par des chercheurs comme Alain Touraine, Michel Wieviorka, Dominique Schnapper. Voici ce qu'une étudiante en sociologie écrit : "La plupart des auteurs s'accordent à affirmer qu'il est nécessaire de rendre les différences culturelles visibles, plus qu'elles ne le sont en France, tout en se gardant de les institutionnaliser comme cela est souhaité aux Etats-Unis" ; et cette étudiante de relater la proposition de chercheurs souhaitant qu'en France les différences culturelles puissent s'exprimer non plus seulement dans la vie privée mais aussi dans la vie sociale, sans aller jusqu'à les institutionnaliser dans la sphère politique comme le fait le modèle communautariste (cliquez ici pour lire la recherche). Ceci rejoint ce que Michel Wieviorka prône : un républicanisme qui admette le multiculturalisme sans pour autant aller jusqu'au développement de communautés séparées (cf. Alternatives économiques, n° 209, p. 73). Et c'est exactement ce que Tariq Ramadan propose : il propose un modèle d'intégration plus souple. "En référence aux extrêmes, soit l'on insère selon le modèle anglo-saxon, soit l'on intègre selon le modèle français. Il faudrait faire le choix entre la communauté et l'individu une fois pour toutes. Le problème est ainsi posé de façon bien simplificatrice, et ce d'abord parce que l'on réduit le champ des possibles à ces deux modèles antithétiques comme si rien d'autre n'avait été proposé en Occident à ce jour" (Idem, p. 93).
Il écrit : "Affirmer que le sentiment communautaire est indissociable de la foi musulmane n'a jamais voulu dire que l'on exigeait une législation spécifique pour "la communauté". La confusion savamment entretenue entre deux affirmations de portées très différentes est lourde de conséquences. Quand des individus ou des associations de "la communauté musulmane" interpellent les pouvoirs publics en vue de trouver des solutions aux divers problèmes qui sont les leurs, ils ne traduisent pas une volonté d'être traités différemment ; bien plutôt – puisqu'ils vont vivre ici – ils demandent à ce qu'on prenne en considération leur présence et leur identité dans le cadre d'une législation qui a été élaborée en leur absence. La perspective est différente. Ils sont Français, Suisses ou Belges désormais mais ils sont musulmans : en tant que Français, Suisses ou Belges, ils respecteront la législation et souhaiteraient, dans le même temps, que cette législation ne soit pas à ce point rigide qu'elle ne reconnaisse pas leur identité. Au demeurant, les pierres sur lesquelles on s'achoppe aujourd'hui sont en nombre réduit : on a peine à penser par exemple que les filles qui désirent porter le foulard dans les écoles françaises mettent tellement en danger les grands principes de la laïcité. C'est en France devenu une affaire d'Etat dans laquelle ceux qui craignent la "libanisation" de l'Hexagone prônent la fermeté la plus absolue pour ne pas céder aux tenants du "communautarisme islamique" qui, au moindre signe de faiblesse, chercheraient à gagner davantage de terrain. C'est le règne de la suspicion" (Les musulmans dans la laïcité, 1994, pp. 97-98 ; voir également pp. 119-120). "Chez la très grande majorité des musulmans vivant en Occident, il existe une volonté claire de respecter le cadre offert par les Constitutions nationales. (...) Ce qu'ils demandent au nom de leur droit à être musulman pratiquant, c'est que désormais on tienne compte de leur nouvelle présence en Occident. Cela pourra se traduire par un certain nombre d'aménagements qui ne sont pas de nature à remettre en cause la laïcité, y compris dans son actualisation la plus rigide. Les choses ont changé et les sociétés occidentales ont vu leur population modifiée au cours de l'histoire récente : les modèles de société d'hier doivent naturellement évoluer pour permettre une meilleure intégration de tous les individus et citoyens qui forment désormais les différents tissus nationaux. Cela ne pourra se faire que si l'on décide de respecter les convictions et les identités de chacun" (Idem, pp. 119-120).
A mes coreligionnaires, quelques suggestions :
Et à toi, musulman de France, je voudrais adresser les lignes suivantes : les musulmans de l'Inde vivent dans une dimension qui est, toutes proportions gardées, comparable à la nôtre. Or an-Nadwî l'a écrit : les musulmans de l'Inde se perçoivent à la fois musulmans pratiquants et citoyens indiens responsables et actifs (Al-Muslimûn fi-l-hind, pp. 228-232). Pourtant, ces musulmans indiens font face à des problèmes beaucoup plus accentués que les musulmans européens : injustices criantes, neutralité pas toujours respectée de la part de l'Etat, émeutes, etc. (An-Nadwî a décrit certains de ces problèmes dans son livre Al-Muslimûn fi-l-hind, pp. 187-214). Dans un autre livre, par le biais d'un récit imaginaire, An-Nadwî se fait raconter par le Qutub Minar – un très ancien minaret de la ville de Delhi – l'histoire millénaire des musulmans en Inde. A la fin il arrive un moment où an-Nadwî fait dire au Qutub Minar : "C'est depuis ce jour-là que le soleil s'est couché pour les musulmans dans ce pays, et qu'ils ont faibli dans le dîn et la dunyâ (…). Mais ô ami, sache que, malgré tout, je reste serein et que je ne désespère pas de la miséricorde de Dieu. Car "ne désespèrent de la miséricorde de Dieu que ceux qui ne croient pas en Lui" (Coran 12/87). Je ne désespère pas d'un renouveau chez les musulmans ; car je les ai vus, durant cette longue histoire, être semblables au soleil : chaque fois qu'il se couche dans un horizon, il réapparaît dans un autre. (…) Durant ces siècles, je n'ai pu être témoin que de la véracité du principe énoncé par l'imam Malik ibn Anas : "Ne pourra réformer la postérité de cette umma que ce qui a réformé sa première partie"" (d'après Al-Qirâ'at ur-râshida, tome 3, pp. 27-28).
Tu es un musulman de nationalité française – ou un français de religion musulmane – et tu as un fonds culturel maghrébin (comme d'autres – moi-même – ont par exemple un fonds culturel indien). Approfondis tes connaissances dans le domaine de l'islam. Cherche à comprendre et à sérier, dans nos enseignements, d'une part entre ce qui est 'âdî et ce qui est ta'abbudî, d'autre part entre ce qui est ta'abbudî qat'î et ce qui est ta'abbudî mukhtalaf fîh. Si tu es de l'école malékite, alors, en plus de connaître les avis de ton école, cherche à en comprendre aussi les arguments (dalîl), et renseigne-toi auprès de ceux qui sont compétents quant à ce qui, dans ces avis, est lié au contexte et ce qui ne l'est pas, ce qui est dû à l'absence de diffusion de certains Hadîths et ce qui est basé sur une compréhension différente des Hadîths. Et si tu n'es pas d'une école précise mais te réfères aux avis de l'ensemble des Salaf Sâlih, alors ne deviens pas littéraliste (zâhirî) et ne développe pas d'esprit partisan (ta'assub) ; cherche plutôt à découvrir les différents avis existant sur un même point entre les savants et à comprendre les causes de ces divergences : il y a parfois deux façons de concilier plusieurs Hadîths différents, parfois deux recherches divergentes. Ne t'empresse pas de dire d'autres musulmans qu'ils font partie des 72 tendances sectaires prédites par le Prophète. Il en est qui, malheureusement, en font réellement partie, mais ne jette pas l'anathème sur des frères simplement parce qu'ils ne pensent pas exactement comme toi. Réfléchis, analyse, approfondis. Jeunes Musulmans, Tablîgh, musulmans engagés dans le travail social, tous apportent leur contribution…
Ne néglige pas non plus tes études scolaires et universitaires. Au contraire, acquiers une connaissance approfondie dans les sciences humaines ou techniques. Comprends le contexte dans lequel tu vis : le contexte ('urf) de la France et de la Belgique n'est pas celui du Maghreb. Apporte ton accompagnement à tes frères qui manquent de repères et qui se laissent aller à la violence. Leurs actes, bien qu'éloignés des enseignements de l'islam, desservent aux yeux du grand public la cause de notre religion. Pour autant, ne te replie pas sur ceux qui sont musulmans comme toi, mais au contraire, tout en approfondissant ta foi et ta pratique au milieu et avec l'accompagnement de tes coreligionnaires, explique l'islam à ceux que tu fréquentes et qui ne sont pas musulmans. Apporte aussi ton aide à ces non musulmans. "Le meilleur des hommes est celui qui est le plus utile aux hommes" avait dit le Prophète (Sahîh ul-jâmi' is-saghîr). "Aux hommes", à tous les hommes.
Et souviens-toi que c'est ce que le Prophète (sur lui la paix) et ses Compagnons faisaient à la Mecque – une Dâr ud-da'wa – : prier la nuit, se rassembler pour apprendre et comprendre, expliquer sans relâche à ceux qui n'étaient pas croyants, agir et être patients. Agir, prier et être patient quant au résultat : alors que le Prophète était un jour assis, enveloppé dans un manteau dans l'ombre de la Kaaba, des Compagnons vinrent le trouver et se plaignirent à lui du comportement des polythéistes à leur égard. "Ne demandes-tu donc pas l'aide de Dieu pour nous ?" lui dirent-ils. Le Prophète commença par leur rappeler que d'autres croyants avaient, avant eux, subi des épreuves plus grandes encore que les leurs et qu'ils avaient su rester patients et constants. Puis il leur annonça que l'aide de Dieu viendrait. Et il ajouta : "Mais vous êtes trop pressés" (rapporté par al-Bukhârî, n° 3639). La patience n'est pas dans la passivité ; elle est dans l'action ; dans l'action menée avec compréhension et intelligence.
Invoque Dieu dans tes prières et sois constant. Approfondis ta foi et sois exigeant. Apprends et comprends, et sois patient. Agis et sois patient. Explique et sois patient. Donne et aide, et sois présent. "Sois patient face à ce qu'ils disent. Et glorifie ton Seigneur par Sa louange avant le lever du soleil et avant le coucher et glorifie-Le une partie de la nuit et à la suite des prosternations" (Coran 50/39-40). "Nous savons que ton cœur se resserre à cause de ce qu'ils disent. Glorifie donc ton Seigneur par Sa louange et sois de ceux qui se prosternent. Et adore ton Seigneur jusqu'à ce que te vienne l'événement certain [= la mort]" (Coran 16/97-99). "Sois patient, et ta patience ne viendra que de Dieu. Ne t'afflige pas pour eux, et ne sois pas affligé par ce qu'ils trament. Dieu est avec ceux qui sont pieux et qui sont bienfaisants" (Coran 16/127-128).
Innallâha ma'a-lladhîna-t-taqaw walladhîna hum muhsinûn (Dieu est avec ceux qui sont pieux et qui sont bienfaisants).
Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).