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– 1) "فَأَقِمْ وَجْهَكَ لِلدِّينِ حَنِيفًا فِطْرَةَ اللَّهِ الَّتِي فَطَرَ النَّاسَ عَلَيْهَا لَا تَبْدِيلَ لِخَلْقِ اللَّهِ ذَلِكَ الدِّينُ الْقَيِّمُ وَلَكِنَّ أَكْثَرَ النَّاسِ لَا يَعْلَمُونَ مُنِيبِينَ إِلَيْهِ وَاتَّقُوهُ وَأَقِيمُوا الصَّلَاةَ وَلَا تَكُونُوا مِنَ الْمُشْرِكِينَ" : "Dresse ton visage pour le Dîn, étant Hanîf. (Suis ainsi) la Fit'ra (donnée par) Dieu, sur laquelle Il a créé les hommes. Pas de changement à la création de Dieu. Voilà le Dîn droit. Mais la plupart des hommes ne savent pas. (Faites cela) en étant (des gens) revenant à (Dieu) ; soyez pieux vis-à-vis de Lui ; établissez la prière ; et ne soyez pas des polycultistes" (Coran, 30/30-31).
La seconde phrase de ce verset est une interdiction ("Nul ne doit changer, même en partie, cette Fit'ra que Dieu a conféré à l'homme en général"), en même temps qu'une information ("Nul ne peut changer totalement la Fit'ra que Dieu a conférée à chaque homme").
– 2) "عن أبي هريرة رضي الله عنه، قال: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "ما من مولود إلا يولد على الفطرة. فأبواه يهودانه وينصرانه أو يمجسانه؛ كما تنتج البهيمة بهيمة جمعاء، هل تحسون فيها من جدعاء؟" ثم يقول أبو هريرة رضي الله عنه: {فطرة الله التي فطر الناس عليها لا تبديل لخلق الله ذلك الدين القيم" : "Tout bébé naît sur la Fit'ra". Ce hadîth souligne ensuite que c'est l'éducation que l'enfant reçoit de ses parents qui peut l'amener à faire prendre à cette nature primordiale une autre orientation : soit tout en demeurant dans le monothéisme mais en recevant des parents une orientation particulière quant à d'autres points ; soit en recevant d'eux une déviance quant au monothéisme lui-même (al-Bukhârî, 1293, Muslim, 2658). Ensuite Abû Hurayra a récité le verset 30/30 cité ci-dessus, qui approuve ce qui venait d'être dit : "فطرة الله التي فطر الناس عليها لا تبديل لخلق الله ذلك الدين القيم" : "(Suis ainsi) la Fit'ra de Dieu, sur laquelle Il a créé les hommes. Pas de changement à la création de Dieu. Voilà le Dîn droit" (Coran, 30/30).
Une autre version du même hadîth se lit ainsi : "عن أبي هريرة، قال: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "ما من مولود إلا يولد على الفطرة، فأبواه يهودانه وينصرانه ويشركانه". فقال رجل: "يا رسول الله أرأيت لو مات قبل ذلك؟" قال: "الله أعلم بما كانوا عاملين" (Muslim, 2658/23).
– 3) Il existe un autre hadîth qui dit ceci (le hadîth est beaucoup plus long que ce que nous citons ici) : "عن عياض بن حمار المجاشعي، أن رسول الله صلى الله عليه وسلم، قال ذات يوم في خطبته: "ألا إن ربي أمرني أن أعلمكم ما جهلتم، مما علمني يومي هذا، كل مال نحلته عبدا حلال، وإني خلقت عبادي حنفاء كلهم، وإنهم أتتهم الشياطين فاجتالتهم عن دينهم، وحرمت عليهم ما أحللت لهم، وأمرتهم أن يشركوا بي ما لم أنزل به سلطانا" : "(Dieu dit) "J'ai créé Mes serviteurs Hunafâ', tous. Et les diables sont venus à eux, les ont détournés de leur Dîn, ont déclaré illicites pour eux ce que J'ai déclaré licite pour eux, et leur ont ordonné de M'associer ce au sujet de quoi Je n'ai fait descendre aucune preuve" (Muslim, 2865). Ici il est question de se détourner du monothéisme lui-même.
– 4) Racontant son rêve de la nuit, le Messager de Dieu (que Dieu le rapproche de Lui et le salue) a dit (entre autres) que, dans son rêve, il reçut à la fin entre autres les informations suivantes : "Quant à l'homme grand que tu as vu dans le jardin, il s'agit de Abraham - que Dieu le rapproche de Lui et le salue. Quant aux enfants se trouvant autour de lui, il s'agit de tout enfant qui est mort sur la Fit'ra". Quand le Prophète relata cela, l'une des personnes présentes dit : "Messager de Dieu, les enfants des polycultistes aussi ?" Le Prophète répondit : "Les enfants des polycultistes aussi" : "وأما الرجل الطويل الذي في الروضة فإنه إبراهيم صلى الله عليه وسلم. وأما الولدان الذين حوله فكل مولود مات على الفطرة." قال: فقال بعض المسلمين: "يا رسول الله، وأولاد المشركين؟" فقال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "وأولاد المشركين" (al-Bukhârî, 6640).
– 5) "عن أنس بن مالك، قال: كان رسول الله صلى الله عليه وسلم يغير إذا طلع الفجر، وكان يستمع الأذان، فإن سمع أذانا أمسك وإلا أغار فسمع رجلا يقول: "الله أكبر الله أكبر"، فقال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "على الفطرة"؛ ثم قال: "أشهد أن لا إله إلا الله أشهد أن لا إله إلا الله"، فقال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "خرجت من النار"؛ فنظروا فإذا هو راعي معزى" : Ayant entendu un homme dire : "Allâhu Akbar, Allâhu Akbar", le Prophète dit : "Sur la Fit'ra". L'ayant ensuite entendu dire : "Je témoigne qu'il n'est de dieu que Dieu, je témoigne qu'il n'est de dieu que Dieu", le Prophète dit : "Tu es sorti du Feu" (Muslim, 382).
– 6) Le Prophète (sur lui soit la paix) a relaté cet épisode du voyage nocturne (al-isrâ' wa-l-mi'râj) : "ثم أتيت بإناءين: في أحدهما لبن وفي الآخر خمر، فقال: اشرب أيهما شئت؛ فأخذت اللبن فشربته؛ فقيل: أخذت الفطرة. أما إنك لو أخذت الخمر غوت أمتك" : "Puis deux récipients m'ont été présentés, dans l'un se trouvait du lait, et dans l'autre du vin. Il me dit : "Prends n'importe lequel des deux tu veux." Je pris le lait et le but. On me dit alors : "Tu as pris la Fit'ra. Si tu avais pris le vin, ta Umma se serait fourvoyée"" (al-Bukhârî, 3214, Muslim, 168).
– 7) "عن أبي هريرة، رواية: "الفطرة خمس" أو "خمس من الفطرة: الختان، والاستحداد، ونتف الإبط، وتقليم الأظفار، وقص الشارب" : "Cinq actions font partie de la Fit'ra : la circoncision, le fait de se raser (la pilosité se trouvant autour des parties intimes), le fait d'ôter la pilosité se trouvant sous les aisselles, se tailler les ongles et se tailler les moustaches" (al-Bukhârî, 5550, Muslim, 257).
"عن عائشة، قالت: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "عشر من الفطرة: قص الشارب، وإعفاء اللحية، والسواك، واستنشاق الماء، وقص الأظفار، وغسل البراجم، ونتف الإبط، وحلق العانة، وانتقاص الماء." قال زكريا: قال مصعب: ونسيت العاشرة إلا أن تكون المضمضة. زاد قتيبة: قال وكيع: "انتقاص الماء": يعني الاستنجاء" (Muslim, 261).
– 8) "عن البراء بن عازب، قال: قال النبي صلى الله عليه وسلم: "إذا أتيت مضجعك، فتوضأ وضوءك للصلاة، ثم اضطجع على شقك الأيمن، ثم قل: "اللهم أسلمت وجهي إليك، وفوضت أمري إليك، وألجأت ظهري إليك، رغبة ورهبة إليك، لا ملجأ ولا منجا منك إلا إليك، اللهم آمنت بكتابك الذي أنزلت، وبنبيك الذي أرسلت". فإن مت من ليلتك، فأنت على الفطرة، واجعلهن آخر ما تتكلم به". قال: فرددتها على النبي صلى الله عليه وسلم، فلما بلغت: اللهم آمنت بكتابك الذي أنزلت، قلت: ورسولك، قال: "لا. "ونبيك الذي أرسلت" : A celui qui, au moment d'aller se coucher, fait les petites ablutions, puis se couche sur son côté droit et récite l'invocation ici reproduite, le Prophète (sur lui soit la paix) promet, s'il meurt dans cette nuit, qu'il mourra sur la Fit'ra (al-Bukhârî, 244, Muslim, 2170).
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I) Le sens du terme Fit'ra :
Le mot "Fit'ra" est un Ism Naw' dérivé de F-T-R, racine verbale qui signifie : "créer". Littéralement, la "Fit'ra" est donc : "la façon dont l'homme a été créé / a été naturellement rendu".
Dans le sens que l'islam lui donne, dans le texte n° 2, le terme "fit'ra" désigne : "la prédisposition à connaître Dieu, à avoir foi en Lui, et à faire ce qui est bien".
Et, dans le hadîth n° 7, le terme "fit'ra" désigne : "ce que l'homme fait - ou trouve bien de faire - de façon naturelle".
Cependant, il s'agit de ce que l'homme fait de façon naturelle dans sa dimension complète : corps et âme ; et non pas corps seulement (cette dimension corporelle induit l'aspect de l'animalité chez l'homme - "البهيمية" -, qui, si elle est également naturelle chez lui, n'est pas ce que le terme "fit'ra" désigne).
Ainsi, c'est bien par souci de propreté qu'il a recours au fait de s'enlever la pilosité sous les aisselles et celle sur le pubis, de même qu'à la circoncision : cette pilosité présente plusieurs avantages sur le plan physiologique (sinon Dieu ne l'aurait pas créée) ; mais c'est par souci d'hygiène que l'humain préfère, naturellement, les enlever régulièrement. De même, le prépuce a son importance sur le plan physiologique (sinon Dieu ne l'aurait pas créé) ; mais c'est par souci d'hygiène et de purification rituelle (tahâra par rapport aux gouttes d'urine) que l'homme a recours naturellement à la circoncision : cela est le résultat d'une évaluation (muwâzana) entre l'avantage physiologique et l'inconvénient sus-cité. "هذا مع ما في الختان من الطهارة والنظافة (...). ولا يخفى على ذي الحس السليم (...) ما في إزالتها* من (...) التنظيف" (Tuhfat ul-mawdûd bi ahkâm il-mawlûd, Ibn ul-Qayyim, p. 130) * أي الغرلة. Que l'objectif premier de la circoncision soit l'hygiène, d'autres ulémas l'ont eux aussi écrit : MF 21/114 ; Fat'h ul-bârî, 10/420 ; Al-Fiqh ul-islâmî wa adillatuh, p. 2752.
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--- En fait tout ce que l'homme a en lui de par son 'Aql bi-l-Qalb, et qui est donc "'Aqla-Qalbî", tout cela relève de la Fit'ra : croire en l'existence et l'unicité de Dieu ; faire le bien ; détester le mal ; être propre ; avoir une apparence présentable ; etc.
--- Peut-être que certaines des choses Sam'î, que le 'Aql bi-l-Qalb reconnaît "bien", font elles aussi partie de la Fit'ra.
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II) En parlant ainsi de la Fit'ra, l'islam enseigne-t-il donc que la connaissance de Dieu, la spiritualité exercée vis-à-vis de Lui, la générosité, la pudeur, la sérénité, et autres valeurs humaines sur lesquelles il met l'accent, sont des qualités que tout homme possède de façon innée à sa naissance mais qu'il perd ensuite à cause d'un environnement familial et/ou social spécifique ?
Al-Qurtubî écrit que la fit'ra sur laquelle l'être humain naît, ce n'est pas connaître Dieu au sens d'avoir conscience de ce que sont la foi et l'incroyance, ni au sens d'avoir conscience de ce qu'est la croyance du cœur, son expression par la langue et sa manifestation par les actes.
Cette fit'ra, c'est la prédisposition qu'a l'être humain, dès sa naissance, à aspirer à Dieu et à Le reconnaître, au fil de son développement (Tafsîr ul-Qurtubî, commentaire du verset 30/30).
Voir également des lignes voisines par Ibn Taymiyya (MF 4/247-250) (voir aussi Shifâ' ul-'alîl, p. 716, pp. 742-743).
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En fait, la Fit'ra est comme une graine déjà présente en le for intérieur de l'homme quand il naît, et qui ne demande qu'à germer, croître, et se développer de façon complète.
Si cette graine reçoit un environnement favorable, ou même neutre, elle germera et se développera.
Sinon, elle ne germera pas, mais demeurera néanmoins toujours présente, tapie dans un coin de l'intérieur.
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Voici comment se présentent les choses :
A sa naissance, l'être humain ne connaît pas grand-chose si ce n'est certains actes qu'il fait presque instinctivement, comme la succion (pour se nourrir), etc. Mais il possède une prédisposition au sens spirituel, au sens social et à une certaine morale.
Cela ne veut pas dire qu'il ressente en lui cette spiritualité, ni qu'il soit déjà socialisé, ni qu'il ait cette morale, mais que, tel qu'il est, l'homme est prédisposé à ces éléments, qui sont présents à l'état latent dans son "être".
La spiritualité ne se manifeste pas encore chez lui. Cependant, s'il grandit sans éducation spécifique, il exprimera ce besoin de spiritualité, et il orientera naturellement ce besoin vers Dieu, en adhérant à Son Unicité dans le caractère divin. Par contre, si, au fil de son développement et de l'éducation qu'il reçoit, son environnement lui apprend à ne pas vivre cette spiritualité (l'aspiration à la transcendance), alors il n'exprimera pas celle-ci ; il ressentira alors, au bout d'un certain temps, que quelque chose lui manque. De même, s'il reçoit comme éducation de vivre cette spiritualité vis-à-vis d'autres que Dieu (ou d'autres que Dieu aussi), il vivra celle-ci de façon erronée et contraire à sa nature. De même encore si l'éducation qu'on lui prodigue lui enseigne que Dieu est Unique, mais qu'il s'agit d'un Monothéisme dans lequel subsiste une dose de polythéisme, il vivra cette spiritualité ainsi. Il arrive aussi que ses parents lui enseigne le Monothéisme mais que les valeurs morales ne soient pas les valeurs universelles voulues par Dieu.
On peut faire le parallèle avec une autre caractéristique de l'homme : le fait qu'il se tienne debout. A la naissance, il n'en exprime pas le besoin ni n'en possède la capacité. Cependant, le besoin de cette stature est présent chez lui à l'état latent, et quand il va se mettre, au fil de son développement, par ses efforts personnels et l'accompagnement des autres, à se tenir debout et à marcher ainsi, il réalisera ce pour quoi il avait été conçu, au point que la stature debout entraînera chez lui des modifications secondaires au niveau de l'apparence et même du squelette. Imaginez que l'enfant qui grandit ait été empêché de vivre la stature debout, il apparaîtrait alors au fil de son développement qu'il s'est amputé d'une part de lui-même.
De la même façon, l'être humain est fait pour vivre sa sexualité. Pourtant celle-ci ne s'exprime pas encore à sa naissance (même s'il existe certains psychanalystes qui pensent que certains actes sont d'une nature particulière). Mais au fil de son développement, il en éprouvera le besoin, et s'il était empêché de la vivre sainement, il serait amputé d'une partie de son être.
Pareillement, de par la façon par laquelle il "est", l'homme qui vient de naître est déjà prédisposé à rechercher Dieu et à vivre en société. Certes, ces caractéristiques ne sont alors pas encore développées en lui au point de s'exprimer immédiatement. Mais au fil de son développement physique (il grandit, des modifications se forment en lui, des élans apparaissent qui n'étaient auparavant pas présents) et de son développement psychique (sa raison et sa conscience se développent), au fil de son chemin parmi ses semblables et parmi les autres créatures de la terre (animaux, végétaux et minéraux), l'homme va prendre peu à peu conscience de ses nécessaires devoirs et des nécessaires limites dans la façon de vivre ses besoins et ses droits.
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Toute la question est alors de savoir quels repères lui inculqueront ses parents et la société dans laquelle il se développe...
Seront-ce des repères qui tiennent compte de ses devoirs vis-à-vis de ses semblables et vis-à-vis de sa propre spiritualité, ou seront-ce des repères qui n'en tiennent pas compte ?
La question est encore de savoir quels devoirs la société lui dira qu'il a vis-à-vis de ses semblables : lui dira-t-elle qu'appartenant à une race ou une caste supérieure, il est de par sa naissance même supérieur à d'autres, ou bien lui dira-t-elle que tous sont égaux ? Si elle lui dit que tous sont égaux, lui dira-t-elle qu'il est dans une jungle et que chacun doit se soucier de lui et de lui seulement, ou bien lui dira-t-elle qu'il faut que chacun pense aux autres en même temps qu'à lui-même ?
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On le voit, le fait que l'homme naisse sur la fit'ra, cela ne veut pas dire qu'il possède dès sa naissance la spiritualité, la générosité, la pudeur...
Cela veut dire qu'il possède alors, de façon latente, une prédisposition à aimer Dieu et à vivre parmi ses semblables, ainsi qu'à d'autres penchants, et que tout dépend alors de l'éducation…
Même si l'éducation était totalement neutre (ce qui n'est imaginable que théoriquement), la prédisposition se développerait harmonieusement en même temps que se développent les autres aspects, physiques et psychiques, de l'homme : l'homme développerait alors en lui la connaissance de Dieu, un minimum de spiritualité vis-à-vis de Lui, un minimum de pudeur, un minimum de générosité vis-à-vis d'autrui, etc.
Cela est a fortiori vrai lorsque l'éducation que l'homme reçoit correspond réellement à ce que nécessite le développement de cette prédisposition.
A contrario, cependant, l'éducation peut parfois être telle qu'elle assèche un ou plusieurs aspects de cette fit'ra. La propension des hommes à fournir une telle éducation tient aux difficultés de la vie sur Terre et en société, qui crée des tensions et des conflits.
L'éducation va-t-elle par exemple enseigner à l'homme la pudeur (qualité rendue nécessaire tant par rapport au respect des autres que par rapport à sa propre spiritualité) ? Ou bien va-t-elle lui dire qu'il n'a absolument pas à dissimuler sa nudité de n'importe quel regard (ce qui constituerait un manquement par rapport à la spiritualité vis-à-vis de Dieu, et donc à la fit'ra) ? Le bébé vient au monde tout nu, et, tout petit, il déambule tout nu sans aucune gêne. Laissé ainsi, continuerait-il à n'éprouver aucune gêne à marcher nu devant n'importe quelle personne ? Non. Avec le développement de la foi consciente chez lui, au fil de sa croissance et de sa maturité, un minimum de pudeur apparaît naturellement chez l'humain, comme l'a dit le célèbre hadîth : "الحياء والإيمان قرناء جميعا، فإذا رفع أحدهما رفع الآخر". Il est vrai cependant que les repères de cette pudeur peuvent être différents d'une culture à une autre. C'est bien pourquoi d'un autre célèbre hadîth (rapporté par al-Bukhârî), Ibn Hajar dit qu'il montre que chez les fils d'Israël il n'était pas interdit de se baigner tout nus entre hommes.
Va-t-elle lui inculquer la générosité (un trait de l'âme rendu nécessaire par la présence des autres et par le fait de réserver son amour extrême à Dieu) ? Ou bien va-t-elle lui inculquer l'égoïsme, l'individualisme et le culte de l'argent ?
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Tout ce que j'ai écrit là s'inspire des lignes de Shâh Waliyyullâh...
En commentaire du Hadîth sur la fit'ra, il fait un parallèle entre celle-ci et les caractéristiques physiques, notamment la stature debout :
"قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "كل مولود يولد على الفطرة، ثم أبواه يهودانه، وينصرانه، ويمجسانه كما تنتج البهيمة جمعاء هل تحسون فيها من جدعاء".
أقول: اعلم أن الله تعالى أجرى سنته بأن يخلق كل نوع من الحيوانات والنباتات وغيرهما على شكل خاص به. فخص الإنسان مثلا بكونه بادي البشرة مستوي القامة عريض الأظفار ناطقا ضاحكا، وبتلك الخواص يعرف أنه إنسان، اللهم إلا أن تخرق العادة فرد نادر كما ترى أن بعض المولودات يكون له خرطوم أو حافر.
فكذلك أجرى سنته أن يخلق في كل نوع قسطا من العلم والإدراك محدودا بحد مخصوصا به لا يوجد في غيره مطردا في أفراده. فخص النحل بإدراك الأشجار المناسبة لها، ثم اتخاذ الأكنان وجمع العسل فيها، فلن ترى فردا من أفراد النحل إلا وهو يدرك ذلك. وخص الحمام بأنه كيف يهدر وكيف يعشش وكيف يزق فراخه. وكذلك خص الله تعالى الإنسان بإدراك زائد وعقل مستوفي، ودس فيه معرفة بارئه والعبادة له وأنواع ما يرتفقون به في معاشهم وهو الفطرة، فلو أنهم لم يمنعهم مانع لكبروا عليها، لكنه قد تعترض العوارض كاضلال الأبوين، فينقلب العلم جهلا، كمثل الرهبان يتمسكون بأنواع الحيل فيقطعون شهوة النساء والجوع مع أنهما مدسوسان في فطرة الإنسان" (Hujjat ullâh il-bâligha, 1/477-478).
Comme composants de la fit'ra, il cite ici : "le fait de connaître Dieu et de L'adorer, le fait de connaître ce que les hommes sont amenés à utiliser pour vivre sur terre" : "معرفة بارئه والعبادة له وأنواع ما يرتفقون به في معاشهم وهو الفطرة" (Idem).
Shâh Waliyyullâh écrit que dans l'âme humaine "il y a un penchant naturel vers Dieu, comme le fer est a un penchant vers l'aimant" : "فاعلم أن في روح الإنسان لطيفة نورانية تميل بطبعها إلى الله عز وجل ميل الحديد إلى المغناطيس" (Idem, 1/204) et qu'elle est "une fenêtre vers le monde spirituel" : "وهي كوة من عالم القدس ينزل منها على النسمة كل ما استعدت له" (Idem, 1/67).
Il écrit aussi que l'homme est "social par nature, ne pouvant vivre qu'avec l'entraide de ses semblables" : "والإنسان من بينها مدني الطبع لا يتعيش إلا بالتعاون من بني نوعه" (Idem, 1/237).
Il écrit également que les normes sur lesquelles les hommes se mettent d'accord de façon quasi-universelle ne sont pas le fruit d'un hasard mais bien la conséquence d'un aspect de la nature humaine qui est universel : ces normes sont dues à la rencontre de plusieurs facteurs présents en l'homme, parmi lesquels la nécessité de vivre ensemble :
"ولا ينبغي أن يظن أنهم اتفقوا على ذلك من غير شيء، بمنزلة الاتفاق على أن يتغذى بطعام واحد أهل المشارق والمغارب كلهم؛ وهل سفسطه أشد من ذلك؟ بل الفطرة السليمة حاكمة بأن الناس لم يتفقوا عليها مع اختلاف أمزجتهم وتباعد بلدانهم وتشتت مذاهبهم وأديانهم إلا لمناسبة فطرية متشعبة من الصورة النوعية، ومن حاجات كثيرة الوقوع يتوارد عليها أفراد النوع، ومن أخلاق توجبها الصحة النوعية في أمزجة الأفراد. ولو أن إنسانا نشأ ببادية نائية عن البلدان، ولم يتعلم من أحد رسما كان له لا جرم حاجات من الجوع والعطش والغلمة، واشتاق لا محالة إلى امرأة، ولا بد عند صحة مزاجهما أن يتولد بينهما أولاد، ويضم أهل أبيات، وينشأ فيهم معاملات، فينتظم الارتفاق الأول عن آخره. ثم إذا كثروا لا بد أن يكون فيهم أهل أخلاق فاضلة تقع فيهم وقائع توجب سائر الارتفاقات" (Ibid., 1/149).
"فإن قيل: من أين وجب على الإنسان أن يصلي، ومن أين وجب عليه أن ينقاد للرسول، ومن أين حرم عليه الزنا والسرقة؟ فالجواب: وجب عليه هذا، وحرم عليه ذلك، من حيث وجب على البهائم أن ترعى الحشيش، وحرم عليها أكل اللحم؛ ووجب على السباع أن تأكل اللحم، ولا ترعى الحشيش؛ ومن حيث وجب على النحل أن يتبع اليعسوب؛ إلا أن الحيوان استوجب تلقي علومها إلهاما جبليا، واستوجب الإنسان تلقي علومه كسبا ونظرا، أو وحيا، أو تقليدا" (Ibid., 1/81-82).
"واعلم أن أفراد الإنسان - عند سلامة مزاجها وتمكين المادة وأحكام النوع من نفسها - تكون على هيئة معلومة من استواء القامة وظهور البشرة ونحو ذلك. وهذا حكم النوع ومقتضاه وأثره في الأفراد، وفي الخير العالي طلب واقتضاء لبقاء الأنواع وظهور اشباحها في الأرض. ولذلك كان النبي صلى الله عليه وسلم أمر بقتل الكلاب، ثم نهى عن ذلك، وقال: "إنها أمة من الأمم" يعني أن النوع له مقتض عند الله، ونفى أشباحه من الأرض غير مرضى. وهذا الاقتضاء ينجر إلى اقتضاء ظهور أحكام النوع في الأفراد. فمناقضة هذا الاقتضاء والسعي في رده قبيح منافر للمصلحة الكلية. وعلى هذه القاعدة يخرج التصرف في البدن بما لا يقتضيه حكم النوع كالخصاء والتفلج والتنمص ونحو ذلك. أما الكحل والتسريح فان ذلك كالاعانة على ظهور الأحكام المقصودة والموافقة بها. ولما شرع الله تعالى لبني آدم شريعة ينتظم بها شملهم، ويصلح بها حالهم، كان في الملكوت داعية لظهورها كان أمرها كأمرها الأنواع في طلب ظهور الأشباح في الأرض، ولذلك كان السعي في إهمالها مسخوطا عند الملأ الأعلى منافرا لما هو مقتضاهم ومطمح همهم، وكذلك الارتفاقات التي أحمع عليها طوائف الناس من عربهم وعجمهم وأقاصيهم وأدانيهم فإنها كالأمر الطبيعي" (Ibid., 1/310-311).
"وبالجملة فلهذه الأسباب دخلت في نفوس بني آدم حرمة هذه الأشياء، وقام أقواهم عقلا وأسدهم رأيا وأعلمهم بالمصلحة الكلية يمنع عن ذلك طبقة بعد طبقة، حتى صار رسما فاشيا، ودخلت في البديهيات الأولية كسائر المشهورات الذائعة" (Ibid., 1/241).
Shâh Waliyyullâh écrit aussi que l'homme devient pleinement responsable à partir de l'état de raison, qui survient au bout de son développement psychique et physique : "أقول: بلوغ الصبي على وجهين: بلوغ في صلاحية السقم والصحة النفسانيتين؛ ويتحقق بالعقل فقط؛ وأمارة ظهور العقل سبع، فابن السبع ينتقل فيها لا محالة من حالة إلى حالة انتقالا ظاهرا؛ وأمارة تمامه العشر فابن العشر عند سلامة المزاج يكون عاقلا يعرف نفعه من ضرره ويحذق في التجارة وما يشبهها. وبلوغ في صلاحية الجهاد والحدود والمؤاخذة عليه وأن يصير به من الرجال الذين يعانون المكايد ويعتبر حالهم في السياسات المدنية والملية ويجبرون قسرا على الصراط المستقيم؛ ويعتمد على تمام العقل وتمام الجثة؛ وذلك بخمس عشر سنة في الأكثر، ومن علامات هذا البلوغ الاحتلام وإنبات العانة" (Idem, 1/528).
La conclusion est donc : "وإذا كانت السنن كذلك، عدت من الفطرة التي فطر الله الناس عليها" : "Puisque ces normes et usages sont ainsi [rendus nécessaires par ce que nous avons vu], ils ont été comptés comme faisant partie de la fit'ra sur laquelle Dieu a créé les hommes" (Idem, 1/152).
Autrement dit : toutes ces normes ne sont pas présentes en l'homme depuis sa naissance au point de s'exprimer alors. Cependant, parce qu'elles sont rendues nécessaires par d'une part la prédisposition de l'homme dès sa naissance à l'aspiration vers Dieu, et d'autre part son développement physique, psychique et social, ces normes font elles aussi partie de cette fit'ra.
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III) L'homme est-il naturellement bon, ou bien naturellement porté au mal ?
- De par sa nature primordiale (Fit'ra), chaque homme est, par essence, naturellement porté à reconnaître Dieu et Son Unicité, attiré par Dieu, et par le fait de faire le bien. C'est ce qu'expriment le hadîth numéro 2 : "كل إنسان تلده أمه على الفطرة" : "Chaque humain, sa mère le met au monde avec (l'état de) Fit'ra" (al-Bukhârî, 1292 etc., Muslim, 2658), ainsi que le hadîth numéro 3 : "وإني خلقت عبادي حنفاء كلهم، وإنهم أتتهم الشياطين فاجتالتهم عن دينهم، وحرمت عليهم ما أحللت لهم، وأمرتهم أن يشركوا بي ما لم أنزل به سلطانا" (Muslim, 2865).
- Cependant, à cause de l'influence d'hommes présents avant lui sur Terre et ayant déjà dévié, à cause également des difficultés de la vie sur Terre, à cause enfin de l'élément (présent en l'homme) sensible aux suggestions du Démon ("عن أنس بن مالك أن رسول الله صلى الله عليه وسلم أتاه جبريل صلى الله عليه وسلم وهو يلعب مع الغلمان، فأخذه فصرعه، فشق عن قلبه، فاستخرج القلب، فاستخرج منه علقة، فقال: هذا حظ الشيطان منك، ثم غسله في طست من ذهب بماء زمزم، ثم لأمه، ثم أعاده في مكانه" : Muslim, 162), l'homme est, par incidence (li 'âridh), naturellement sujet au doute et à faire le mal. C'est ce qui explique cet autre hadîth, qudsî : "يا عبادي كلكم ضال إلا من هديته؛ فاستهدوني أهدكم" : "Dieu a dit : "Chacun de vous est égaré, sauf celui que Je guide. Demandez-moi donc la guidance, je vous guiderai"" (Muslim, 2577). Et cet autre hadîth : "عن عبد الله بن الديلمي، قال: سمعت عبد الله بن عمرو، يقول: سمعت رسول الله صلى الله عليه وسلم يقول: "إن الله عز وجل خلق خلقه في ظلمة، فألقى عليهم من نوره؛ فمن أصابه من ذلك النور اهتدى، ومن أخطأه ضل. فلذلك أقول: جف القلم على علم الله" (at-Tirmidhî, 2642).
Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).