Question :
Que pensez-vous du wahhabisme ?
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Réponse :
En fait tout dépend de ce que vous entendez par "wahhabisme". Car ce terme est devenu aujourd'hui assez flou pour ne pas désigner le même concept chez tout un chacun. Afin d'éviter les problèmes de communication et les malentendus, à la question "Que pensez-vous du wahhabisme ?", on se gardera donc bien de répondre de façon simplificatrice : "Je désapprouve le wahhabisme" ou : "J'approuve le wahhabisme" ; on répondra plutôt : "Dites-moi d'abord qu'est-ce que vous entendez par "wahhabisme" et je vous dirai ensuite ma position à l'égard de ce que vous aurez défini". En effet, le terme "wahhabisme" revêt des réalités différentes dans les esprits des uns et des autres. J'en vois au moins quatre :
– à l'origine, le terme "wahhabisme" renvoie à l'enseignement du savant Muhammad ibn Abd il-Wahhâb ; c'est le sens que j'évoquerai en B ;
– pour certaines personnes, ce terme désigne une somme de rumeurs et de on-dits, prêtés à tort au savant sus-cité ; c'est ce que j'évoquerai en C ;
– pour d'autres encore, ce terme indique la façon par laquelle certains personnages qui se réclament de Ibn Abd il-Wahhâb ont concrétisé son enseignement ; c'est ce que j'évoquerai en D ;
– enfin, pour d'autres, le terme "wahhabisme" évoque la politique intérieure et extérieure de l'Arabie Saoudite, aujourd'hui et hier ; c'est le sens courant chez certains médias, et c'est ce que nous allons voir immédiatement, en A.
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A) Un des sens prêtés au terme "wahhabisme" :
Le wahhabisme est devenu aujourd'hui, surtout dans le langage médiatique, le synonyme de l'idéologie qui sous-tend toute la politique actuelle de l'Arabie Saoudite. L'administration saoudienne est-elle dictatoriale, nul n'ayant le droit d'émettre la moindre divergence par rapport à la politique royale – divergence même émise en privé et devant les autorités, et non d'une façon qui "monte" le peuple – sans risquer la prison ? Ceci est présenté comme étant le wahhabisme.
L'Arabie Saoudite applique-t-elle aujourd'hui des règles pénales sur le peuple tout en permettant, dans sa politique économique internationale ou au niveau de son administration, certaines choses que l'islam interdit formellement ? Voilà qui est de nouveau présenté comme le wahhabisme.
Il faut ici rajouter que certaines personnes, s'appuyant sur les propos de certains ulémas de pays arabes – ulémas supposés adeptes de l'enseignement de Muhammad ibn Abd il-Wahhâb – où ceux-ci appellent à la fidélité à des principes de l'islam qui interdisent ce que l'Occident permet (par exemple l'alcool, etc.), présentent "le wahhabisme" comme étant "la doctrine qui s'oppose à l'Occident". On croit donc qu'"être pour l'islam" c'est forcément "être contre l'Occident". Or, ceci est également faux : tout ce qui ne se fait pas comme l'Occident ne se fait pas forcément contre lui...
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B) et C) Entre le message originel et les calomnies, deux sens différents donnés au terme "wahhabisme" par des musulmans :
Certains pans de populations musulmanes, dans certains pays, sont, aujourd'hui encore, convaincus que Muhammad ibn Abd il-Wahhâb était quelqu'un qui n'avait aucun respect pour la mémoire du Prophète Muhammad (sur lui la paix), qui interdisait de prier Dieu d'envoyer les bénédictions sur le Prophète (salât ala-n-nabî), qui interdisait de se rendre sur la tombe du Prophète pour lui adresser des salutations, qui avait même projeté d'enlever la tombe du Prophète de là où elle se trouve à Médine, qui disait que tous les musulmans ne pensant pas comme lui sont incroyants ou au mieux égarés, etc. A l'origine de toutes ces rumeurs il y a des préjugés, qui doivent leur cause à deux facteurs :
- les excès de certains disciples de Muhammad ibn Abd il-Wahhâb,
- et la propagande qui a été diffusée contre son message.
Muhammad ibn Abd il-Wahhâb a vu le jour à 'Uyayna, dans le Nadjd, en Arabie, au 12ème siècle musulman / XVIIIème siècle chrétien. Il a vécu de 1115 à 1206 (a. h.) / 1703 à 1792 (a. g.).
Voyant les déviances, les formes détournées de polycultisme (shirk akbar) (invocations adressées à des morts) et les innovations (bid'a) qui avaient cours ici et là dans son Nejd natal, alors administré par des émirs arabes locaux, le tout étant sous la suzeraineté du calife ottoman, Muhammad ibn Abd il-Wahhâb désire réformer les choses...
Ce que nous venons de dire ne signifie nullement que personne ou presque personne n'était alors demeuré dans le pur monothéisme ou, de façon plus générale, dans l'orthodoxie sunnite. Cela signifie seulement que des groupes entiers, parmi la masse de ceux qui s'affiliaient à l'islam, étaient tombés dans les formes de polycultisme ou d'innovation suscitées, par ignorance des règles des sources de l'islam, et que cela affligeait le Cheikh.
Son arrière petit-fils Abdul-Latif ibn Abdir-Rahmân ibn Hassan relatera certaines de ces croyances polycultistes en ces termes : "فأما بلاد نجد، فقد بالغ الشيطان في كيدهم وجدّ. وكانوا ينتابون قبر زيد بن الخطاب ويدعونه رغبا ورهبا بفصيح الخطاب، ويزعمون أنه يقضي لهم الحوائج، ويرونه من أكبر الوسائل والولائج. وكذلك عند قبر يزعمون أنه قبر ضرار بن الأزور، وذلك كذب ظاهر وبهتان مزور. وكذلك عندهم: نخل فحال، ينتابه النساء والرجال ويفعلون عنده أقبح الفعال؛ والمرأة إذا تأخر عنها الزواج ولم ترغب فيها الأزواج، تذهب إليه فتضمه بيدها وتدعوه برجاء وابتهال، وتقول: "يا فحل الفحول، أريد زوجا قبل الحول". وشجرة عندهم تسمى: الطرفية، أغراهم الشيطان بها، وأوحى إليهم التعلق عليها، وأنها ترجى منها البركة، ويعلقون عليها الخرق، لعل الولد يسلم من السوء. وفي أسفل بلدة الدرعية مغارة في الجبل يزعمون أنها انفلقت من الجبل لامرأة تسمى: بنت الأمير، أراد بعض الناس أن يظلمها ويضير، فانفلق لها الغار، ولم يكن له عليها اقتدار؛ كانوا يرسلون إلى هذا المكان من اللحم والخبز ما يقتات به جند الشيطان. وفي بلدتهم رجل يدعي الولاية، يسمى: تاج، يتبركون به، ويرجون منه العون والإفراج، وكانوا يأتون إليه، ويرغبون فيما عنده من المدد - بزعمهم - ولديه، فتخافه الحكام والظلمة، ويزعمون أن له تصرفا وفتكا بمن عصاه وملحمة، مع أنهم يحكون عنه الحكايات القبيحة الشنيعة التي تدل على انحلاله عن أحكام الملة والشريعة. وهكذا سائر بلاد نجد، على ما وصفنا من الإعراض عن دين الله والجحد لأحكام الشريعة والرد. ومن العجب أن هذه الاعتقادات الباطلة والمذاهب الضالة والعوائد الجائرة والطرائق الخاسرة قد فشت وظهرت وعمت وطمت، حتى بلاد الحرمين الشريفين! فمن ذلك: ما يفعل عند قبر محجوب، وقبة أبي طالب، فيأتون قبره بالشماعات والعلامات للاستغاثة عند نزول المصائب وحلول النواكب، وكانوا له في غاية التعظيم ولا ما يجب عند البيت الكريم!" (Ad-Durar us-saniyya, 1/379-380).
(On peut lire aussi ce que le professeur Ahmad Amîn a écrit sur le sujet in Zu'amâ' ul-islâh fi-l-'asr il-hadîth, pp. 9-17.)
(Aujourd'hui encore, on trouve des gens qui s'affilient à l'islam mais qui pratiquent ces formes de spiritualité de shirk akbar, croyant faire le bien : qu'on regarde seulement ce qui se fait sur les tombes de pieux dans certains pays arabes, ou encore chez certains musulmans de l'Inde ou d'autres pays.)
L'accent est alors mis par Muhammad ibn 'Abd il-Wahhâb sur le monothéisme (at-tawhîd) enseigné par le Prophète Muhammad (sur lui la paix) et l'abandon du shirk akbar et du shirk asghar, ainsi que sur la fidélité aux enseignements des sources de l'islam (al-i'tisâm bi-l-kitâb wa-s-sunna).
Ibn Abd il-Wahhâb commence à prêcher dans son Nadjd natal, et, peu à peu, gagne des disciples. Mais, dans le même temps, son enseignement et se prédication agacent et irritent.
Après différentes péripéties, il lui arrive que Muhammad ibn Sa'ûd ibn Muhammad ibn Muq'rin (qui descend des Banû Hanîfa et dirige dans le Najd la principauté de Dir'iyya) adopte son message, se lie avec lui, et s'engage à le diffuser et à revenir aux sources de l'islam dans sa gestion publique. Ceci se passe en 1744.
La principauté ayant ainsi vu le jour ne se contente plus de prêcher, elle intervient aussi pour démolir les mausolées qui ont été bâtis sur les tombes de pieux, où on rend à ceux-ci un culte ou bien où on fait des innovations, et pour englober les autres principautés.
Rappelons que le calife est à l'époque ottoman mais que la région du Najd est seulement sous sa suzeraineté (comme cela a été le cas pour le Maroc) : le calife n'y exerce ni d'autorité directe par le biais d'un Pacha (comme c'était le cas sur les terres de Syrie, etc.), ni d'autorité partagée (comme c'était le cas sur le Hedjaz, où le Charîf et un représentant du califat se partageaient l'exercice du pouvoir exécutif). Et, tant que cheikh Muhammad ibn Abd il-Wahhâb sera vivant, l'émirat des Âlu Sa'ûd ne s'en prendra jamais à l'autorité située au-dessus de lui : les forces turques.
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Le message de Muhammad ibn Abd il-Wahhâb progresse, et la principauté des Sa'ûd s'agrandit avec l'objectif de bâtir en Arabie une société fondée sur les règles de l'islam.
Même après la mort de Ibn Abd il-Wahhâb (survenue en l'an 1206 / 1792), des terres d'Arabie continuent de passer sous l'autorité de la principauté de Dir'iyya, jusqu'à bientôt La Mecque et Médine.
Mais au XIXème siècle chrétien, en l'an chrétien 1811, la Sublime Porte envoie Mehmet Ali Pacha écraser la principauté. Celle-ci est défaite en l'an chrétien 1818. Le dernier roi saoudien, Abdullâh ibn Sa'ûd ibn 'Abd il-'Azîz ibn Muhammad (ces 4 personnages ayant régné l'un à la suite de l'autre) est exécuté. La principauté est ramenée à ses premières dimensions dans le Nadjd, puis cesse d'exister.
(Plus tard un deuxième Etat saoudien verra le jour, qui sera fondé par Turkî ibn Abdillâh ibn Sa'ûd et qui durera de 1824 à 1891.
Plus tard encore, en 1902, Abd ul-'Azîz ibn 'Abd ir-Rahmân ibn Faysal ibn Turkî ibn Abdillâh s'emparera de Riyad et conquerra en trois dizaines d'années ce qui deviendra en 1932 l'Arabie Saoudite ; en fait le troisième Etat saoudien.)
Revenons pour le moment à l'époque de Muhammad ibn Abd il-Wahhâb, au XVIIIème siècle.
Les excès auxquels certains disciples de ibn Abd il-Wahhâb se sont laissés aller ont entraîné que des personnes ont regardé d'un mauvais oeil non pas seulement les actes excessifs de ces disciples mais le message même de Ibn Abd il-Wahhâb. Or il y avait effectivement certains excès chez certains de ceux qui suivaient son enseignement. Plus tard, après son décès, lorsque, sous l'autorité de l'Etat wahhabite, certains des wahhabites envoyés à Ta'if y brûlèrent les livres religieux écrits par d'autres ulémas, Abdullâh ibn Muhammad ibn Abd il-Wahhâb les en blâma sévèrement et présenta ses excuses aux personnes lésées, en déclarant que cet acte était dû à l'ignorance de ces disciples (Al-Hadiyya as-saniyya, par Abdullâh ibn Muhammad ibn Abd il-Wahhâb, cité par Cheikh Manzûr an-Nu'mânî dans son livre Cheikh Muhammad ibn Abd il-Wahhâb ké khilâf propaganda aur Hindustân ké ulama-é haq par uss ké atharât, "La propagande contre Cheikh Muhammad ibn 'Abd il-Wahhâb, et ses effets en Inde sur les ulémas attachés à la vérité", p. 108). De toutes les rumeurs qui circulent à propos de l'enseignement de Ibn Abd il-Wahhâb, certaines sont donc en fait des généralisations de ce qu'une minorité des hommes qui le suivaient disaient ou faisaient parfois, par ignorance.
Mais la plus grande part de ces rumeurs sont dues à un second facteur : la volonté délibérée de le calomnier. On l'accusa ainsi ne pas avoir de respect pour la mémoire du Prophète, d'avoir voulu enlever sa tombe du lieu qu'elle a occupé jusqu'à présent, etc.
- Parmi les auteurs de ces calomnies, il y eut au premier plan les gens attachés au culte des tombes, la pratiquant de père en fils et la percevant comme une forme de spiritualité islamique : pour des raisons évidentes, ils cherchèrent à combattre la propagation du message de Muhammad ibn Abd il-Wahhâb et lui attribuèrent au sujet du Prophète des propos dont ils savaient qu'aucun musulman ne pourrait les tolérer ; le but était de discréditer son message (Cheikh Muhammad ibn Abd il-Wahhâb ké khilâf propaganda, p. 10).
- Il y eut aussi les principautés locales, qui virent dans son mouvement un danger pour leur pouvoir ainsi que pour leurs revenus, et ne se privèrent pas de calomnier son message (Ibid., pp. 30-31). Après la victoire de Mehmet Ali Pacha sur les disciples de Ibn Abd il-Wahhâb, ces calomnies se généralisèrent tellement en Arabie que lorsque des musulmans, venus d'autres pays en pèlerinage à La Mecque, y entendirent ce qu'on disait de Ibn Abd il-Wahhâb et de ses disciples, ils ne doutèrent pas un instant que c'était là ce que Ibn Abd il-Wahhâb disait réellement ; rentrés au pays après le pèlerinage, ils y ramenèrent ce qu'ils avaient entendu et contribuèrent de la sorte à diffuser ces rumeurs (Ibid., p. 17, p. 82).
- Pour leur part, certains ulémas ne firent pas suffisamment de recherches et répétèrent ce qu'ils entendirent partout ; d'autres, comme l'érudit mecquois Cheikh Ahmad Zaynî Dahlân, propagèrent ces rumeurs dans leurs écrits (Ibid., pp. 12-17, p. 40, p. 83, p. 104).
- Enfin, an-Nu'mânî cite le colonisateur britannique, qui, plus tard, aux XIX-XXème siècles, en Inde par exemple, utilisa le terme "wahhabite" pour qualifier des musulmans indiens luttant contre sa présence, par exemple Sayyid Ahmad et Shâh Isma'ïl : il savait combien ce terme était déjà perçu négativement dans des populations musulmanes, et le but était de discréditer ces musulmans indiens au sein même de leur entourage (Ibid., p. 79, pp. 90-91) ; le terme se mit à véhiculer une connotation de "dangereux".
La propagande avait d'ailleurs commencé durant le vivant même de Muhammad ibn Abd il-Wahhâb. Ce dernier en avait conscience...
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Cheikh Muhammad ibn 'Abd il-Wahhâb a-t-il dit que tous les gens de son époque - ou même de la Péninsule arabique - étaient kâfir, n'ayant rien compris à la réalité de "Lâ ilâha ill'Allah", jusqu'à ce que lui vienne expliquer cette réalité ?
Non.
Il a bien dit que ni lui dans le passé, au début de sa quête du savoir religieux, ni ceux des mashâ'ïkh qui lui avaient à ses débuts prodigué l'enseignement, ni les gens opposés à lui dans la région de al-'Âridh - avant qu'il expose à ceux-ci ce qu'il avait par la suite appris et compris -, n'avaient connaissance du sens de "Lâ lilâh ill'Allâh"* : "وأنا أخبركم عن نفسي - والله الذي لا إله إلا هو! لقد طلبت العلم واعتقد من عرفني أن لي معرفة؛ وأنا ذلك الوقت لا أعرف معنى "لا إله إلا الله" ولا أعرف دين الإسلام قبل هذا الخير الذي منّ الله به؛ وكذلك مشايخي: ما منهم رجل عرف ذلك. فمن زعم من علماء العارض أنه عرف معنى "لا إله إلا الله"، أو عرف معنى الإسلام قبل هذا الوقت، أو زعم من مشايخه أن أحدا عرف ذلك، فقد كذب وافترى ولبس على الناس ومدح نفسه بما ليس فيه! وشاهد هذا أن عبد الله بن عيسى ما نعرف في علماء نجد لا علماء العارض ولا غيره أجل منه؛ وهذا كلامه يصل إليكم إن شاء الله" (Ad-Durar us-saniyya, 10/51). * Il veut dire : "n'avaient connaissance de façon détaillée de toutes les implications de cette parole, et de tout ce qui la contredit au point de constituer du shirk akbar".
A partir de quel moment a-t-il donc pris connaissance de tout cela ? Il l'a fait par la lecture des livres de Ibn Taymiyya et de Ibn ul-Qayyim ; de même que par le fait de s'être rendu à Médine, après son pèlerinage, et d'y avoir appris auprès de Abdullâh ibn Ibrâhîm Âlu Sayf et de Muhammad Hayât as-Sindî.
Mais, par le propos sus-cité, Muhammad ibn 'Abd il-Wahhâb veut justement dire que la connaissance de "Lâ lilâh ill'Allâh" que ses premiers enseignants ont, de même que celle que les gens de al-'Âridh ont au moment où il écrit ces lignes, cette connaissance présente des lacunes, et c'est pourquoi ils ne voyaient aucun mal à ce que des gens continuent à demander l'assistance des pieux défunts, ne sachant pas que cela constitue du Shirk Akbar. Cela a donc nécessité que lui, Muhammad ibn 'Abd il-Wahhâb, leur explique le sens complet de la formule du monothéisme ainsi que totues ses implications.
Cependant, il n'a nulle part dit que cela a entraîné qu'il fasse leur takfîr. Tout au contraire, le Cheikh reconnaît al-'udhr bi-l-jahl. Voici un passage d'une épître qu'il avait écrite au Chérif de La Mecque : "وأما الكذب والبهتان، فمثل قولهم إنا نُكفّر بالعموم، ونوجب الهجرة إلينا على من قدر على إظهار دينه، وإنا نُكفّر من لم يُكَفِّر ومن لم يقاتل، ومثل هذا وأضعاف أضعافه. فكل هذا من الكذب والبهتان، الذي يصدون به الناس عن دين الله ورسوله. وإذا كنا لا نُكفّر من عبد الصنم الذي على عبد القادر، والصنم الذي على قبر أحمد البدوي، وأمثالهما، لأجل جهلهم وعدم من ينبههم، فكيف نكفر من لم يشرك بالله إذا لم يهاجر إلينا، أو لم يكفّر ويقاتل؟ {سُبْحَانَكَ هَذَا بُهْتَانٌ عَظِيمٌ}" (Ad-Durar us-saniyya, 1/104).
Muhammad ibn 'Abd il-Wahhâb avait dit également qu'il ne procède à la Takfîr bi-l-'ayn qu'après avoir porté à la connaissance, si persistance il y a de la part de la personne : "وسئل الشيخ محمد بن عبد الوهاب - رحمه الله تعالى - عما يقاتل عليه؟ وعما يكفر الرجل به؟ فأجاب: أركان الإسلام الخمسة: أولها الشهادتان، ثم الأركان الأربعة. فالأربعة إذا أقر بها وتركها تهاونا، فنحن وإن قاتلناه على فعلها، فلا نكفِّره بتركها. والعلماء اختلفوا في كفر التارك لها كسلا من غير جحود؛ ولا نكفّر إلا ما أجمع عليه العلماء كلهم، وهو: الشهادتان. وأيضا: نكفّره** بعد التعريف، إذا عُرِّف وأنكر" (Ad-Durar us-saniyya, 1/102) (** إذا أنكر شيئًا من مُقتضَيات الشهادتين الأساسيّة، وهي ضروريات الدين).
"بسم الله الرحمن الرحيم. من محمد بن عبد الوهاب، إلى من يصل إليه من المسلمين. سلام عليكم ورحمة الله وبركاته. وبعد: ما ذكر لكم عني أني أكفر بالعموم، فهذا من بهتان الأعداء. وكذلك قولهم إني أقول من تبع دين الله ورسوله وهو ساكن في بلده أنه ما يكفيه حتى يجيء عندي، فهذا أيضا من البهتان. إنما المراد اتباع دين الله ورسوله، في أي أرض كانت. ولكن نكفر من أقر بدين الله ورسوله ثم عاداه وصد الناس عنه؛ وكذلك من عبد الأوثان - بعد ما عُرِّف أنها دين المشركين - وزينه للناس، فهذا الذي أكفره؛ وكل عالم على وجه الأرض يكفر هؤلاء، إلا رجل معاند أو جاهل. والله أعلم. والسلام" (Ad-Durar us-saniyya, 10/131).
Et quand il a procédé au takfîr bi-l-'ayn de certaines personnes : "بسم الله الرحمن الرحيم. من محمد بن عبد الوهاب، إلى عبد الله بن عيسى وابنه عبد الوهاب وعبد الله بن عبد الرحمن - حفظهم الله تعالى -. سلام عليكم ورحمة الله وبركاته! وبعد: ذَكَر لي أحمدُ أنه مشكل عليكم الفتيا بكفر هؤلاء الطواغيت مثل أولاد شمسان وأولاد إدريس، والذين يعبدونهم مثل طالب وأمثاله" (Ad-Durar us-saniyya, 10/56), cela a été parce que, justement, il a estimé que iqâmat ul-hujja avait déjà eu lieu sur ces personnes mais elles ont persisté.
Dans ce cas, pourquoi donc l'émirat de Dir'iyya a-t-il combattu d'autres émirats du Najd ?
L'émirat de Dir'iyya a combattu certains groupes parce qu'il a estimé que iqâmat ul-hujja avait été fait à leur sujet et qu'ils ont persisté dans leur shirk akbar de façon organisée. Après le décès de Muhammad ibn Abd il-Wahhâb, son fils Abdullâh dira, parlant de ce qui se passe à son époque : "ونحن نقول فيمن مات: "{تِلْكَ أُمَّةٌ قَدْ خَلَتْ}". ولا نكفّر إلا من بلغته دعوتنا للحق ووضحت له المحجة وقامت عليه الحجة، وأصر مستكبراً معانداً؛ كغالب من نقاتلهم اليوم: يصرون على ذلك الإشراك، ويمتنعون من فعل الواجبان، ويتظاهرون بأفعال الكبائر المحرمات. وغير الغالب، إنما نقاتله لمناصرته لمن هذه حاله، ورِضاه به، ولتكثير سواد من ذُكِر، والتغليب معه؛ فله حينئذ حكمه في حل قتاله. ونعتذر عمن مضى بأنهم مخطئون معذورون لعدم عصمتهم من الخطأ" (Rissâlat uch-Cheikh Abdillâh ilâ ahli Makkah).
Quant aux principautés du Najd de façon générale, l'émirat de Dir'iyya les a combattues à l'époque de Muhammad ibn 'Abd il-Wahhâb parce qu'elles délaissaient l'application de certaines ahkâm shar'iyya, étant ainsi des tâ'ïfa mumtani'a ; or, d'après l'interprétation retenue par Ibn Taymiyya (qui est différente de l'interprétation hanafite, par exemple), l'émirat qui se trouve dans le vrai a l'obligation - s'il en a les capacités et que cela ne va pas entraîner des problèmes plus grands - de combattre la tâ'ïfa mumtani'a même si celle-ci n'entreprend rien ; pourvu que cette tâ'ïfa ne soit pas l'autorité établie au-dessus d'elle (lire un premier et et un second articles sur le sujet).
Abdullâh Abu Butayn exposera cela ainsi : "والشيخ محمد بن عبد الوهاب قاتل من قاتله، ليس لكونهم بغاة، وإنما قاتلهم على ترك الشركِ وإزالةِ المنكرات، وعلى إقام الصلاة وإيتاء الزكاة. والذين قاتلهم الصديق والصحابة لأجل منع الزكاة، ولم يفرقوا بينهم وبين المرتدين في القتل وأخذ المال. قال شيخ الإسلام أبو العباس رحمه الله تعالى: "كل طائفة ممتنعة عن التزام شريعة من شرائع الإسلام الظاهرة المتواترة، فإنه يجب قتالهم، حتى يلتزموا شرائعه، وإن كانوا مع ذلك ناطقين بالشهادتين، وملتزمين ببعض شرائعه، كما قاتل الصديق مانعي الزكاة؛ وعلى ذلك اتفق الفقهاء بعدهم"، إلى أن قال: "فأيما طائفة ممتنعة عن بعض الصلوات المفروضات، والصيام، والحج، وعن التزام تحريم الدماء والأموال، والخمر والزنى والميسر، وعن التزام جهاد الكفار، وغير ذلك من واجبات الدين ومحرماته، التي لا عذر لأحد في جحودها وتركها، التي يكفر الجاحد لوجوبها، فإن الطائفة الممتنعة تقاتل عليها، لوجوبها، وإن كانت مقرة بها؛ وهذا مما لا أعلم فيه خلافا بين العلماء"، إلى أن قال: "وهؤلاء عند المحققين من العلماء ليسوا بمنزلة البغاة الخارجين على الإمام، والخارجون عن طاعته، كأهل الشام مع أمير المؤمنين علي بن أبي طالب رضي الله عنه، فإن أولئك خارجون عن طاعة إمام معين، أو خارجون عليه لإزالة ولايته؛ وأما المذكورون فهم خارجون عن الإسلام، بمنزلة مانعي الزكاة". انتهى" (Ad-Durar us-saniyya, 9/9).
Dans le passage sus-cité, la même chose était lisible, sous la plume de Cheikh Muhammad lui-même : "فالأربعة إذا أقر بها وتركها تهاونا، فنحن وإن قاتلناه على فعلها، فلا نكفِّره بتركها. والعلماء اختلفوا في كفر التارك لها كسلا من غير جحود؛ ولا نكفّر إلا ما أجمع عليه العلماء كلهم، وهو: الشهادتان" (Ad-Durar us-saniyya, 1/102).
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Abdullâh, fils de Muhammad ibn Abd il-Wahhâb écrivit lui aussi pour expliquer encore et toujours que non, ils ne disaient pas de tous les autres musulmans qu'ils étaient kâfir, etc. : "وأما ما يكذب علينا ستراً للحق، وتلبيساً على الخلق، بأنا نفسر القرآن برأينا، ونأخذ من الحديث ما وافق أفهامنا، من دون مراجعة شرح ولا معول على شيخ، وأنا نضع من رتبة نبينا صلى الله عليه سلم بقولنا: "النبي رمة في قبره، وعصاة أحدنا أنفع له منه"، وليس شفاعة، وأن زيارته غير مندوبة، وأنه كان لا يعرف معنى "لا إله إلا الله" حتى نزل عليه {فَاعْلَمْ أَنَّهُ لا إِلَهَ إِلَّا اللَّهُ} مع كون الآية مدنية، وأنا لا نعتمد على أقوال العلماء فتتلف مؤلفات أهل المذاهب لكونها فيها الحق والباطل، وأنا مجسمة، وأنا نكفر الناس على الإطلاق - أهل زماننا ومن بعد الستمائة - إلا من هو على ما نحن عليه، ومن فروع ذلك أن لا نقبل بيعة أحد إلا بعد التقرر عليه بأنه كان مشركاً، وأن أبوبه مات على الشرك بالله، وأنا ننهى عن الصلاة على النبي صلى الله عليه وسلم، ونحرم زيارة القبور المشروعة مطلقاً، وأن من دان بما نحن عليه سقطت عنه جميع التبعات حتى الديون، وإنا لا نرى حق أهل البيت رضوان الله عليهم، وإنا نجبرهم على تزويج غير الكفء لهم، وأنا نجبر بعض الشيوخ على فراق زوجته الشابة لتنكح شاباًّ إذا ترافعوا إلينا، فلا وجه لذلك. فجميع هذه الخرافات وأشباهها لمّا استَفهمَنا عنها مَن ذُكِر أوّلا وكان جوابنا في كل مسألة من ذلك: "سُبْحَانَكَ هَذَا بُهْتَانٌ عَظِيمٌ"! فمن روى عنا شيئاً من ذلك أو نسبه إلينا، فقد كذب علينا وافترى" (Ar-Rissâla ath-thâlitha, au sein du recueil Al-Hadiyya as-saniyya) (une partie en a été cité par an-Nu'mânî, op. cit., pp. 57-64).
"وسئل أيضا الشيخ عبد الله بن الشيخ - رحمهما الله تعالى - عن حال من صدر منه كفر من غير قصد منه بل هو جاهل:هل يعذر، سواء كان قولا أو فعلا أو توسلا؟ فأجاب: إذا فعل الإنسان الذي يؤمن بالله ورسوله ما يكون فعله كفرا أو اعتقاده كفرا، جهلا منه بما بعث الله به رسوله صلى الله عليه وسلم، فهذا لا يكون عندنا كافرا، ولا نحكم عليه بالكفر، حتى تقوم عليه الحجة الرسالية، التي يكفر من خالفها. فإذا قامت عليه الحجة، وبين له ما جاء به الرسول صلى الله عليه وسلم، وأصر على فعل ذلك بعد قيام الحجة عليه، فهذا هو الذي يكفر" (Ad-Durar us-saniyya, 10/239).
"المبحث الثالث: عمن مات على التوحيد وإقامة قواعد الإسلام الخمس وأصول الإيمان الستة، ولكنه كان يدعو وينادي، ويتوسل في الدعاء إذا دعا ربه ويتوجه بنبيه في دعائه معتمدا على الحديثين الذين ذكرناهما، أو جهلا منه وغباوة، كيف حكمهم؟ فالجواب أن يقال: قد قدمنا الكلام على سؤال الميت والاستغاثة به، وبيّنّا الفرق بينه وبين التوسل به في الدعاء، وأن سؤال الميت والاستغاثة به في قضاء الحاجات وتفريج الكربات: من الشرك الأكبر الذي حرمه الله ورسوله، واتفقت الكتب الإلهية والدعوات النبوية على تحريمه وتكفير فاعله والبراءة منه ومعاداته. ولكن في أزمنة الفترات وغلبة الجهل، لا يكفّر الشخص المعيّن بذلك حتى تقوم عليه الحجة بالرسالة ويبيّن له ويعرّف أن هذا هو الشرك الأكبر الذي حرمه الله ورسوله. فإذا بلغته الحجة، وتليت عليه الآيات القرآنية والأحاديث النبوية، ثم أصر على شركه، فهو كافر. بخلاف من فعل ذلك جهالة منه، ولم ينبه على ذلك؛ فالجاهل فعله كفر، ولكن لا يحكم بكفره إلا بعد بلوغ الحجة إليه؛ فإذا قامت عليه الحجة ثم أصر على شركه فقد كفر، ولو كان يشهد أن لا إله إلا الله وأن محمدا رسول الله، ويصلي ويزكي ويؤمن بالأصول الستة" (Ibid., 10/273-274).
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Abdullâh dit aussi : "Notre voie dans les Ussûl ud-dîn est la voie des sunnites ("ahl as-sunna wa-l-jamâ'ah"), et notre façon (d'interpréter) est la façon des anciens ("salaf"), qui est le chemin le plus sûr, le plus érudit et le plus sage (…). Et nous sommes aussi, dans les Furû', sur la voie de Ahmad ibn Hanbal, et ne critiquons personne qui suit l'un des 4 imams d'écoles (…) Nous ne méritons pas le degré du ijtihâd mutlaq, et personne parmi nous ne le prétend. Sauf que, sur certains points, si, concernant une question donnée, il y a un texte du Coran ou de la Sunna, qui est clair, non abrogé ni particularisé ni contredit par une référence plus forte, et dont (le contenu) a été adopté comme avis par un des quatre imams, alors nous suivons ce que dit ce texte et délaissons ce que dit l'école" : "وكان فيمن حضر مع علماء مكة وشاهد غالب ما صار حسين بن محمد بن الحسين الإبريقى الحضرمي ثم اللحياني، ولم يزل يتردد علينا ويجتمع بسعود وخاصته من أهل المعرفة. وسأل عن مسألة الشفاعة التي جرد السيف بسببها من دون حياء ولا خجل لعدم سابقة جرم له. فأخبرناه بأنّ مذهبنا في أصول الدين مذهب أهل السنة والجماعة، وطريقتنا طريقة السلف التي هي الطريق الأسلم والأعلم والأحكم (خلافا لمن قال: "طريقة الخلف أعلم")؛ وهى أنا نقرأ آيات الصفات وأحاديثها على ظاهرها، ونكل علمها إلى الله مع اعتقاد حقائقها؛ فإن مالكا - وهو من أجلّ علماء السلف - لما سئل عن الاستواء في قوله تعالى: {الرَّحْمَنُ عَلَى الْعَرْشِ اسْتَوَى}: قال: "الاستواء معلوم، والكيف مجهول، والإيمان به واجب، والسؤال عنه بدعة". Et : "ونحن أيضاً في الفروع على مذهب الإمام أحمد ابن حنبل، ولا ننكر على من قلد أحد الأئمة الأربعة، دون غيرهم لعدم ضبط مذاهب الغير كالرافضة والزيدية والإمامية ونحوهم: لا نقرهم ظاهراً على شيء من مذاهبهم الفاسدة، بل نجبرهم على تقليد أحد الأئمة الأربعة. ولا نستحق مرتبة الاجتهاد المطلق، ولا أحد منا يدعيها؛ إلا أنا في بعض المسائل إذ صح لنا نص جلي من كتاب أو سنة غير منسوخ ولا مخصص ولا معارض بأقوى منه وقال به أحد الأئمة الأربعة، أخذنا به وتركنا المذهب؛ كإرث الجد والإخوة، فإنا نقدم الجد بالإرث وإن خالفه مذهب الحنابلة". Plus loin : "ولا نفتش على أحد في مذهبه ولا نعترض عليه؛ إلا إذا اطلعنا على نص جلي مخالف لمذهب أحد الأئمة وكانت المسألة مما يحصل بها شعائر ظاهرة، كإمام الصلاة، فنأمر الحنفي والمالكي مثلا بالمحافظة على نحو الطمأنينة في الاعتدال والجلوس بين والسجدتين لوضوح ذلك؛ بخلاف جهر الإمام الشافعي بالبسملة فلا نأمره بالإسرار؛ وشتان ما بين المسألتين! فإذا قوى الدليل، أرشدناهم بالنص وإن خالف المذهب؛ وذلك يكون نادراً جدًّا. ولا مانع من الاجتهاد في بعض المسائل دون بعض، ولا مناقضة لعدم الاجتهاد المطلق؛ وقد سبق جمع من أئمة المذاهب الأربعة لاختيارات لهم في بعض المسائل مخالفة للمذهب الملتزمين تقليد صاحبه" (Ar-Rissâla ath-thâlitha, du recueil Al-Hadiyya as-saniyya) (partiellement cité par an-Nu'mânî, op. cit., pp. 58). Cette façon de faire, rappelle an-Nu'mânî, a été celle de Ibn Taymiyya et de Ibn ul-Qayyim ; et an-Nu'mânî écrit que les ulémas hanafites de l'Inde ont toujours gardé en haute estime ces deux personnages (Cheikh Muhammad ibn Abd il-Wahhâb ké khilâf propaganda, p. 50-51). De plus, poursuit-il, cette façon de faire a également été celle du "référent des hanafites de l'Inde, Shâh Waliyyullâh", "comme le savent bien tous ceux qui ont lu ses ouvrages Hujjat-ullâh-il-bâligha, Al-Mussawwâ, Al-Mussaffâ, 'Iqd-ul-jîd, et Al-Insâf" (Ibid., p. 51-52). Shâh Waliyyullâh et Muhammad ibn 'Abd il-Wahhâb ont d'ailleurs un professeur en commun (qui habitait le Hedjaz et a déjà été évoqué plus haut) : Muhammad Hayât as-Sindî (Ibid., p. 51, note de bas de page).
Abdullâh, fils de Muhammad ibn Abd il-Wahhâb, écrit encore : "Et nous ne réfutons pas la voie des soufis, la purification de l'intérieur par rapport aux maux des péchés reliés au coeur et aux membres du corps, tant que l'auteur de cette (voie) demeure sur la loi Shar'î et la voie droite à observer. (...)" : "ولا ننكر الطريقة الصوفية وتنزيه الباطن من رذائل المعاصي المتعلقة بالقلب والجوارح، مهما استقام صاحبها على القانون الشرعي والمنهج القويم المرعي. إلا أنا لا نتكلف له تأويلات في كلامه ولا في أفعاله، ولا نعوّل" (Dernière page de Ar-Rissâla ath-thâlitha du recueil Al-Hadiyya as-saniyya, p. 54) (également cité dans Cheikh Muhammad ibn Abd il-Wahhâb ké khilâf propaganda, p. 54).
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A l'époque, le monde n'était pas un village comme aujourd'hui : les moyens de communication et de diffusion étaient moins développés, et les voyages prenaient plusieurs semaines : vérifier tout ce qu'on attribuait à des personnages ayant vécu dans d'autres pays n'était donc pas chose aisée.
Dans la relativement lointaine Inde, des ulémas, questionnés par le public au sujet du message de Muhammad ibn Abd il-Wahhâb, ne purent donc que se démarquer du sens que tout le monde prétait – à tort – à ce message. Même le 'âlim Siddîq Hassan Ahmad Khan (érudit indien bien connu, qui suivait directement les Hadîths, sans se référer à une école juridique) se démarqua lui aussi de ce qu'il avait entendu être le message de Muhammad ibn Abd il-Wahhâb (Cheikh Muhammad ibn Abd il-Wahhâb ké khilâf propaganda, p. 77, p. 83).
D'autres ulémas indiens, hanafites quant à eux, firent de même : Cheikh Khalîl Ahmad as-Sahâranpûrî, questionné par écrit au sujet des wahhabites, répondit en citant Ibn Abidîn ash-Shâmî, qui dans son ouvrage de référence Radd ul-muhtâr avait écrit que les disciples de [Muhammad ibn] Abdil-Wahhâb à son époque sont des kharijites (Ibid., p. 38). Voici son écrit : "مطلب في أتباع عبد الوهاب الخوارج في زماننا: (قوله: ويكفرون أصحاب نبينا - صلى الله عليه وسلم) علمت أن هذا غير شرط في مسمى الخوارج، بل هو بيان لمن خرجوا على سيدنا علي رضي الله تعالى عنه، وإلا فيكفي فيهم اعتقادهم كفر من خرجوا عليه، كما وقع في زماننا في أتباع عبد الوهاب الذين خرجوا من نجد وتغلبوا على الحرمين؛ وكانوا ينتحلون مذهب الحنابلة، لكنهم اعتقدوا أنهم هم المسلمون وأن من خالف اعتقادهم مشركون، واستباحوا بذلك قتل أهل السنة وقتل علمائهم؛ حتى كسر الله تعالى شوكتهم وخرب بلادهم وظفر بهم عساكر المسلمين عام ثلاث وثلاثين ومائتين وألف (قوله: كما حققه في الفتح) حيث قال: وحكم الخوارج عند جمهور الفقهاء والمحدثين حكم البغاة. وذهب بعض المحدثين إلى كفرهم. قال ابن المنذر: ولا أعلم أحدا وافق أهل الحديث على تكفيرهم، وهذا يقتضي نقل إجماع الفقهاء" (Radd ul-muhtâr 6/413). Sachant qu'il a vécu de 1198 à 1252 (a. h.) / 1783 - 1836 (a. g.), il a dû connaître la fin du 1er Etat saoudien en 1818 (fin qu'il évoque ici explicitement d'après sa date islamique : 1233), ainsi que l'établissement du 2nd Etat saoudien (en 1824 a. g.).
Le problème c'est qu'aujourd'hui encore des pans entiers de la population musulmane de l'Inde partagent toujours ces premières impressions, héritées du XIXème et du XXème siècles. Or, ce qu'il faut savoir, c'est que plus tard, ce 'âlim as-Sahâranpûrî s'installa en Arabie et eut l'occasion d'y rencontrer des ulémas adeptes du message de Muhammad ibn Abd il-Wahhâb et de discuter avec eux ; il modifia alors son avis en conséquence, et publia dans un magazine de l'Inde un article relatant ce qu'il avait constaté, et disant qu'il s'était auparavant trompé (Ibid., pp. 42-46).
Refusant les préjugés et les idées reçues, Cheikh Manzûr an-Nu'mânî – un autre érudit hanafite de l'Inde – choisit d'étudier directement et avec soin les ouvrages de Muhammad ibn Abd il-Wahhâb ainsi que les biographies qui lui ont été consacrées (Cheikh Muhammad ibn Abd il-Wahhâb ké khilâf propaganda, p. 136, pp. 49-50).
Il écrit, comme compte-rendu de son étude de l'enseignement de Muhammad ibn Abd il-Wahhâb : "Tout musulman ayant par la grâce de Dieu compris le monothéisme pur vers lequel Dieu appelle dans le Coran et vers lequel le Prophète (sur lui la paix) a appelé, tout musulman qui est ainsi et aime ce monothéisme pur et se détache de toute forme d'associationnisme (shirk) et d'innovations religieuses (bid'a) – ce qui doit être le cas de tout croyant –, tout musulman qui est ainsi ne pourra pas ne pas être d'accord avec le message de Muhammad ibn Abd il-Wahhâb en son essence. Il est toutefois possible que, sur certains points ("juz'iyyât"), il ressente chez lui une dureté ("shiddah"), et que, à propos de certaines ramifications ("taf'rî'ât"), il ait un avis différent du sien, de telles divergences étant possibles entre les ulémas sunnites" (Ibid., p. 50).
An-Nu'mânî cite ainsi certains points sur lesquels il dit partager d'autres avis que ceux de Muhammad ibn Abd il-Wahhâb et de ses disciples, et à propos desquels, écrit-il, cela fait d'ailleurs plus de 700 ans que ce débat existe chez les sunnites (Ibid., pp. 69-75).
Par cette dernière phrase an-Nu'mânî veut apparemment faire allusion à certains points secondaire du désaccord existant entre le Manhaj "taymiyyen" et le Manhaj "subkiste" (ce dernier étant axé autour des dires et fatwas de as-Subkî, qui lui-même se fonde sur ceux de al-Ghazâlî, et qui fut repris entre autres par Ibn Hajar al-Haytamî).
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Cheikh Manzûr an-Nu'mânî dit avoir non seulement étudié des livres mais également fait la connaissance, au sein de la Rabita (en compagnie de Abu-l-Hassan Alî an-Nadwî), des deux savants saoudiens Ibn Baz et Abdullâh Ibn Humayyid. Il dit d'eux : "Bien qu'aveugles, ces deux personnages possèdent une vaste connaissance, et Dieu leur a donné également une importante part de piété" (Cheikh Muhammad ibn Abd il-Wahhâb ké khilâf propaganda, pp. 102-104). Il écrit également d'eux : "A propos de l'attachement au pur monothéisme et à l'appel vers lui, à propos du détachement par rapport à l'associationnisme (shirk) et à toutes ses expressions, et à propos de l'accent mis sur la nécessité de s'attacher au Coran et à la Sunna et de se référer aux pieux prédécesseurs (salaf), je les ai trouvés conformes à ce que j'ai lu dans les ouvrages de Ibn Abd il-Wahhâb. Je les ai trouvés de dignes représentants du message de ce dernier, ce qui a confirmé mon sentiment : le message réel de Muhammad ibn Abd il-Wahhâb a bien été ce qui figure dans ses ouvrages ; tandis que ce que Ahmad Zaynî Dahlân a écrit à son sujet est bel et bien sans fondement, et fondé sur des rumeurs" (Ibid., pp. 103-104).
L'érudit hanafite indien dont nous avons parlé plus haut, Cheikh Khalîl Ahmad Sahâranpûrî, avait lui aussi, après s'être installé à Médine, eu l'occasion de rencontrer, de discuter et d'échanger des idées avec Cheikh Abdullâh ibn Bulayhid, un autre savant adepte des enseignements de Ibn 'Abd il-Wahhâb. Il le décrivit comme un "grand savant en sciences religieuses", "adhérant entièrement aux croyances de l'orthodoxie sunnite". Tout comme an-Nu'mânî avait relaté que sur certains points d'autres avis que ceux de Ibn Abd il-Wahhâb étaient possibles, as-Sahâranpûrî relata de Ibn Bulayhid qu'il "se référait aux Hadîths en les appréhendant selon leur stricte littéralité ("zâhir ul-hadîth"), ce qui est l'enseignement de l'école hanbalite" (Cheikh Muhammad ibn Abd il-Wahhâb ké khilâf propaganda, pp. 42-43).
Muhammad Asad (1900-1992) avait eu lui aussi l'occasion de discuter avec Ibn Bulayhid, et le décrivit comme un grand érudit, précisant qu'il avait toutefois "une certaine étroitesse doctrinaire" (Le chemin de La Mecque, p. 258).
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D) Quatrième réalité désignée par le terme "wahhabisme" : la façon par laquelle on a parfois, ici et là, concrétisé l'enseignement de Muhammad ibn Abd il-Wahhâb :
Muhammad Asad (1900-1992) écrit du mouvement de Muhammad ibn Abd il-Wahhâb qu'il "fut une tentative" de revenir "au message authentique du Prophète". "Il y eut certainement, poursuit-il, dans cette attitude de clarté sans compromission, une grande tentative qui aurait pu libérer l'Islam de toutes les superstitions qui l'avaient obscurci." Et Asad de relever ensuite que bien des "mouvements de renaissance de l'Islam" contemporain – notamment "le mouvement Senoussi en Afrique du Nord, l'œuvre de Jamal ad-Din al-Afghani et celle de l'Egyptien Muhammad Abduh" – "procèdent directement de l'élan spirituel donné au XVIIIème siècle par Muhammad ibn Abd al-Wahhab".
"Mais" la façon concrète par laquelle son enseignement fut reçu par certains disciples dans le Nadjd, poursuit Asad, "a souffert de deux défauts qui l'ont empêché de devenir une grande force spirituelle". L'un est le formalisme, c'est-à-dire le fait que "presque tous les efforts soient limités à une observation littérale des prescriptions, négligeant la nécessité d'en pénétrer le contenu spirituel". L'autre est "cette tendance à l'intolérance ne reconnaissant à personne le droit d'être d'un avis différent" (Le chemin de la Mecque, p. 150).
Il y avait donc, d'une part, l'enseignement originel de Ibn Abd il-Wahhâb (que nous avons abordé brièvement dans le point B), qui n'a rien à voir avec les rumeurs que l'on a propagées contre lui (citées dans le point C). Mais il y a eu aussi, d'autre part, la façon concrète par laquelle certains de ceux qui se réclament du wahhabisme ont vécu et ont appliqué celui-ci, ou le vivent et l'appliquent (c'est l'objet de ce point D).
Les excès de certains disciples contemporains de Ibn Abd il-Wahhâb avaient, à son époque même, causé chez d'autres musulmans une méfiance vis-à-vis de son enseignement. Les excès de certains de ses disciples tardifs seront responsables de la méfiance d'autres musulmans encore. Pour ces derniers, comme l'a noté Asad, le wahhabisme est devenu le synonyme de deux choses : "formalisme et intolérance".
– Formalisme dans la mise en pratique des actes prescrits par les sources de l'islam.
– Intolérance (ta'assub, esprit partisan) vis-à-vis de tout avis différent, celui-ci étant parfois rejeté et même considéré "déviant" par simple constat de sa différence avec l'avis des ulémas adeptes du message de Ibn Abd il-Wahhâb, sans considération aucune pour les deux argumentations à la source du Coran, de la Sunna et des interprétations de l'ensemble des Pieux Prédécesseurs. Un paradoxe et un comble, de la part de personnes qui reprochent sans arrêt aux autres de suivre aveuglément les avis de leurs ulémas de référence sans considérer la fiabilité de ces avis avec le Coran et la Sunna authentique !
Dans les années 10 du XXème siècle chrétien, raconte Muhammad Asad, le roi Abd ul-Aziz Ibn Sa'ûd (fondateur de l'Arabie Saoudite contemporaine), désireux de sédentariser les bédouins d'Arabie centrale, envoya chez eux des instructeurs religieux, qui mirent l'accent sur la sédentarisation et diffusèrent les enseignements de Muhammad ibn Abd il-Wahhâb. Ainsi naquirent en Arabie centrale ceux qui se nommèrent eux-mêmes les Ikhwân. Muhammad Asad écrit : "S'ils avaient été mieux instruits et dirigés, leur profond dévouement religieux les aurait rendus capables de parvenir à une plus grande largeur de vues, et ils auraient pu devenir le ferment d'une véritable renaissance sociale et spirituelle de l'Arabie. Malheureusement, Ibn Saoud ne sut pas discerner les extraordinaires possibilités du mouvement, se contentant d'inculquer aux Ikhwân des rudiments de connaissances religieux et séculières jugées suffisants pour entretenir leur ferveur et leur zèle. En d'autres termes, Ibn Saoud ne vit dans le mouvement des Ikhwan qu'un instrument de pouvoir." Muhammad Asad constate donc : "Bon nombre de leurs idées étaient primitives, et leur ardeur confinait souvent au fanatisme" (Le chemin de la Mecque, p. 163). Muhammad Asad cite de même les propos que lui tint le Dr. Tawfiq Bey, un érudit qu'il rencontra à Amman en 1923 et qui, alors que des Wahhabites venaient de mener un raid dans le sud de la Transjordanie [= Jordanie actuelle] lui dit que "les idées religieuses des Wahhabites ne pouvaient pas être rejetées en bloc, elles étaient en réalité plus proches de l'esprit du Coran que celles qui prévalaient parmi les masses de la plupart des autres pays musulmans, et, de la sorte, elles pourraient avec le temps exercer une influence bénéfique sur le développement culturel de l'Islam. Cependant, l'extrême fanatisme de ces gens rendait difficile aux autres musulmans une juste appréciation du mouvement wahhabite" (Ibid., pp. 105-106).
Parlant du roi Abd ul-Aziz Ibn Sa'ûd lui-même, Muhammad Asad, qui eut l'occasion de se lier d'amitié avec lui, de passer plusieurs jours en sa compagnie, de discuter avec lui et même de partir, sur sa demande, enquêter sur des troubles dans son royaume (lire Le chemin de la Mecque), écrit : "Il est profondément religieux et s'acquitte à la lettre de toutes les prescriptions formelles de la loi islamique, mais il semble rarement songer au contenu spirituel et au sens de ces prescriptions" (Le chemin de la Mecque, p. 165). "Il a instauré dans de vastes domaines des conditions de sécurité publique que l'on n'avait pas vues dans les pays arabes depuis les temps des premiers califes, il y a plus d'un millénaire. Mais, à la différence des premiers califes, il y parvint par le moyen de lois rigoureuses et de mesures punitives, plus qu'en inculquant à son peuple le sens de la responsabilité civique" (Ibid., p. 165). "Il envoya quelques groupes de jeunes étudier à l'étranger la médecine et les télécommunications, mais il ne fit rien pour répandre le désir d'instruction dans l'ensemble de la population et pour la tirer de l'ignorance où elle était enfoncée depuis des siècles" (Ibid., p. 165). "Il parle toujours, avec tous les signes extérieurs de la conviction, de la grandeur du mode de vie musulman, mais il n'a rien fait pour l'instauration d'une société juste, et ouverte au progrès, où ce mode de vie aurait pu trouver son expression culturelle" (Ibid., p. 165). "Son ascension sans précédent, à l'époque où la plus grande partie du Moyen-Orient avait succombé à la [colonisation], remplit le monde arabe de l'espoir d'avoir enfin trouvé le chef qui le libérerait de sa servitude. En plus des Arabes, d'autres populations musulmanes attendaient de lui une revivification de l'idée de l'Islam dans sa plénitude, par l'établissement d'un Etat où l'esprit du Coran règnerait en maître. Mais ces espérances furent déçues. A mesure que son pouvoir s'accroissait et se consolidait, il devenait évident qu'Ibn Saoud n'était rien de plus qu'un roi et que ses objectifs n'étaient pas plus élevés que ceux de tant d'autres autocrates orientaux avant lui (…). [Il] n'a pas fait preuve de la largeur de vision et, dans la conduite des affaires, de l'inspiration que l'on aurait pu attendre de lui" (Ibid., pp. 164-165). Asad évoque que le fait que parfois Abd ul-Aziz "cède au goût du luxe le plus extravagant et le plus insensé, et tolère que son entourage agisse de même" (Ibid., p. 165) (voir aussi p. 168). Asad s'est posé la question : "Ibn Saoud est-il un grand homme que le goût et l'agrément du pouvoir royal ont distrait du chemin de la grandeur, ou est-il simplement un homme d'une grande bravoure et de beaucoup d'habileté qui n'a jamais aspiré à plus qu'au pouvoir personnel ?" (Ibid., p. 166).
Telles sont quelques-unes des différences existant entre la vision qu'avait le réformateur (muslih) et ce que certains de ceux qui se réclament de son message ont concrètement réalisés.
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Quelques mots de spécialistes à propos du Wahhabisme :
– Henri Laoust a écrit à propos du Wahhabisme : "Le Wahhabisme, dit-on parfois, est un mouvement exclusivement religieux qui s'est assigné pour but de ramener l'Islam à sa pureté première. On le définit parfois aussi comme un puritanisme quelque peu fanatique, n'admettant aucune forme de compromission, comme un renouveau du Kharidjisme, ou enfin comme une manière de protestantisme qui se caractériserait avant tout par une hostilité farouche au culte des saints. C'est définir un mouvement par quelques-uns de ses caractères secondaires et dérivés, tels que les ont vus surtout ses adversaires, ou tels qu'ils ont été présentés par ses représentants les plus intransigeants."
Laoust donne ensuite la définition du wahhabisme : il s'agit d'"un mouvement arabe de rénovation politique et religieuse, qui s'est donné pour but, au moment où l'Empire ottoman commençait à manifester ses premiers signes de désagrégation, d'organiser un Etat conformément aux principes de droit public tels que les définit la Siyâsa shar'iyya" (Introduction au Traité de droit public, p. 36).
– Muhammad Asad avait quant à lui écrit que le sens de l'enseignement de Ibn Abd il-Wahhâb était l'"aspiration à un renouveau de la société musulmane" (Le chemin de la Mecque, p. 150).
– Mais ce que nous pouvons considérer comme le mot de la fin est sans doute celui de Cheikh Rashîd Ahmad Gangôhî, un 'âlim indien et hanafite du XIXème siècle. Son propos est bref mais extrêmement précis :
"Les gens appellent "wahhabites" les disciples de Muhammad ibn Abd il-Wahhâb.
Muhammad ibn Abd il-Wahhâb avait des croyances excellentes et était hanbalite. Il y avait en lui une certaine dureté ("shiddah").
Cependant, lui et ses disciples sont bien.
Par contre, parmi ses disciples [= ceux qui se réclament de son message], ceux qui ont dépassé la mesure, en eux il y a eu du fassâd" (Fatâwâ rashîdiyya, p. 280 ; également cité par an-Nu'mânî, op. cit., p. 28, p. 49).
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Un mot supplémentaire (rajouté en l'an 2017) :
– Aïssam Aït-Yahya écrit, dans son livre consacré au Wahhabisme : "Concernant le cheikh Muhammad ibn 'Abdil-Wahhab, il est difficile de ne pas témoigner qu'il fut avant tout un théologien militant et prédicateur profondément convaincu et convainquant de la justesse de sa mission. L'honnêteté et l'intégrité de son travail pour restaurer des points élémentaires de doctrine ne peuvent pas être contestées. On peut même énoncer que sa rigidité apparente vis-à-vis des théologiens conformistes et traditionnels fut dictée par les circonstances et la profonde animosité que les notables du Nejd éprouvaient pour lui et surtout pour son message. Son intransigeance était en réalité proportionnelle à l'hostilité ambiante qu'il percevait à son égard. Les fondements de la prédication du cheikh Muhammad ibn 'Abdil-Wahhâb bouleversaient les structures sociales et politiques du Nejd, dans lequel émirs et shuyûkh tiraient profit d'un système qui les avantageaient" (Textes et contexte du Wahhabisme, 2015, Nawa, p. 190).
Ayant cité tout au long de son livre de nombreux passages de Ad-Durar us-saniyya, recueil des épîtres de cheikh Muhammad ibn 'Abd il-Wahhâb ainsi que de ses successeurs (les imams postérieurs de la da'wa wahhabite), épîtres écrites en interaction avec les évolutions du contexte, Aït-Yahya poursuit : "Par contre, concernant les enfants et petits-enfants du cheikh Ibn 'Abdil-Wahhâb, héritiers directs de sa da'wa, les choses sont tout autres. Le choc avec les Ottomans est frontal, le combat est acharné, il a lieu sur le terrain militaire et sur le plan idéologique. Les faits parlent d'eux-mêmes et les fatwas des imams de la da'wa sont très explicites, sans détails et sans nuances : l'Etat ottoman et ses alliés sont des mécréants apostats, qui méritent hostilité et haine, et tout contact avec eux doit être rompu. De plus, et c'est sûrement le plus problématique : ils considéraient que tous ceux qui doutaient de ce verdict, ou refusaient de prononcer cet anathème, ou vivaient parmi [les Ottomans ou leur alliés] sans leur témoigner l'inimitié qu'ils méritaient, et sans aucune excuse valable, encouraient exactement le même jugement qu'eux [= "mécréants"]. (...)
[Ces] imams de la deuxième et surtout de la troisième génération ont dépassé l'anathème sur la fausse idole (tâghût), qui représente une "implication nécessaire de l'attestation de foi" selon les écrits du cheikh Ibn 'Abd il-Wahhâb, de même qu'ils ont dépassé l'anathème commun du mécréant polythéiste d'origine, ou du coupable d'une apostasie évidente et connue de tous. Ils ont bel et bien étendu le takfîr à des cas discutables, dont toutes les nuances et les subtilités ont été réduites au maximum pour devenir un fondement obligatoire de la religion, sans lequel l'islam et la foi ne peuvent pas être valides selon eux. Même si nous inscrivons cela dans le contexte du traumatisme de l'après-Dir'iya, ou celui des multiples ingérences turco-égyptiennes mettant en péril le succès du wahhabisme dans le Nejd, il est assez difficile de ne pas juger comme "extrémistes" certaines positions et déclarations de [ce]s imams de la da'wa nejdite. En effet, comment ne pas qualifier ainsi l'avis considérant mécréant-apostat le simple musulman sunnite lambda du milieu du XIXè siècles, ayant reçu une éducation religieuse sommaire, et qui, détenant la certitude de vivre sous le règne d'un califat musulman, lui reste loyal et rejette l'avis nejdite wahhabite sur cet Etat, ou qui considérait les Wahhabites comme étant des "khawârij", conformément à ce qu'en disaient la plupart des oulémas de Damas, de Bagdad ou du Caire ?" (Ibid., pp. 193-194).
L'auteur écrit que, par rapport à tout cela, on trouve dans la Umma aujourd'hui 4 perceptions différentes de l'ensemble des enseignements de la Da'wa Wahhâbiyya :
– 1) "L'ensemble de la Da'wa Nejdiyya est extrémiste, et il faut donc la rejeter dans sa totalité" ;
– 2) "Dans certaines positions et textes de cette Da'wa (chez les imams postérieurs), il existe réellement un extrémisme ; il faut rejeter cet extrémisme. Cependant, le reste de la Da'wa contient du bien" ;
– 3) "L'accusation d'extrémisme est due à une mauvaise compréhension de certains des textes de la Da'wa Nejdiyya. Car en fait il n'y a aucun extrémisme dans aucune position ni texte de cette Da'wa (pas même chez les imams postérieurs)" ;
– 4) "Tout ce qui est écrit dans ces textes (même chez les imams postérieurs) est juste, et est assumé. Appelez cela comme vous le voulez, nous l'assumons et affirmons que cela constitue ce qui est juste".
--- L'auteur, Aït-Yahya, déplore que, depuis le roi Abdel Aziz (fondateur du 3ème Etat saoudien), les ulémas officiels saoudiens aient adopté la voie ici numérotée "3", étant donc dans une sorte de déni.
--- Il déplore de même que certains autres ulémas saoudiens aient opté pour la voie numérotée "4", ce qui engendre ponctuellement les tensions que tout le monde sait à l'intérieur de la société saoudienne.
--- L'auteur, Aït-Yahya, adhère quant à lui à la voie ici désignée par le numéro "2" ; ce qui rejoint globalement le propos plus haut mentionné de Cheikh Rashîd Ahmad Gangôhî.
Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).