Question :
D'après l'islam, est-il possible que, par exemple dans un pays musulmans, un hôpital vende un organe prélevé sur une personne défunte (prélevé bien sûr après que cette personne ait, de son vivant, exprimé son consentement) ?
-
Réponse :
Le Coran mentionne explicitement la permission pour une nourrice de faire monnayer le service qu'elle rend en allaitant le nourrisson : "وَالْوَالِدَاتُ يُرْضِعْنَ أَوْلاَدَهُنَّ حَوْلَيْنِ كَامِلَيْنِ لِمَنْ أَرَادَ أَن يُتِمَّ الرَّضَاعَةَ وَعلَى الْمَوْلُودِ لَهُ رِزْقُهُنَّ وَكِسْوَتُهُنَّ بِالْمَعْرُوفِ" (Coran 2/ 233). La licité de la rétribution financière pour ce service fait donc l'unanimité chez les ulémas.
– Par analogie à partir de cette licité, ash-Shâfi'î et Ahmad ont dit que la vente et l'achat de lait humain étaient eux aussi autorisés. Par contre, le sang humain ne peut être vendu (comme d'ailleurs le sang de n'importe quel être vivant), à cause du Hadîth du Prophète l'interdisant explicitement (rapporté par al-Bukhârî, n° 1980).
– Abû Hanîfa est par contre très strict au sujet des organes et des sécrétions humains, dont il dit qu'ils ne peuvent être considérés comme des marchandises. Faire de ses organes ou des extraits de son corps des marchandises serait, disent les ulémas hanafites, contraire au caractère sacré de l'être humain, caractère sacré qui ressort de l'essence de ce verset coranique où Dieu dit : "Nous avons honoré les fils de Adam…" (Coran 17/70). Quant à la licité de la rémunération pour allaitement, Abû Hanîfa dit que la rémunération du service offert par la nourrice, d'une part, et la vente du lait humain, d'autre part, sont deux choses différentes, et l'analogie entre les deux n'est donc pas possible. En effet, même si la nourrice allaite le bébé et même si l'allaitement constitue l'objectif principal du contrat, l'usage universel ('urf 'âmm) fait que le contrat conclu avec la nourrice comporte en fait la présence humaine de la nourrice pendant l'allaitement ; la preuve en est que si la nourrice se contentait d'envoyer son lait pour le bébé dans un biberon et ne le lui donnait pas elle-même, tout le monde serait unanime à dire qu'elle n'aurait alors pas respecté les termes du contrat tel qu'il est compris dans l'usage ('urf). C'est donc pour l'ensemble de ce qu'elle fait qu'elle est rémunérée, même si l'allaitement en constitue l'objectif principal. Cela est donc différent de la vente du lait humain. Celle-ci ne peut donc pas faire exception (par une analogie avec l'allaitement) à la règle générale d'interdiction, qui concerne toute sécrétion et organe humains (comme nous l'avons vu plus haut) (Jadîd fiqhî massâ'ïl, p. 358).
Selon l'école hanafite, la vente d'organes humains est donc interdite en toutes circonstances (comme l'est, selon toutes les écoles, la vente du sang).
Quant à l'achat d'organes ou de sang humains, il est lui aussi interdit, hormis pour celui qui se trouve en cas de nécessité absolue (dharûra) : imaginez par exemple qu'en un lieu donné, à un moment donné, quelqu'un qui a besoin, pour pouvoir rester en vie, recevoir une greffe d'organe, ne puisse obtenir un tel organe gratuitement, selon ce qu'est l'idéal, que nous venons de voir : il lui serait alors exceptionnellement permis de l'acheter (Islâm aur jadîd medical massâ'ïl, pp. 83-86).
Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).