Question :
J'ai lu votre article sur la survie de l'âme après la mort. On disait effectivement auparavant qu'à la mort, l'âme quitte le corps. Mais ne pensez-vous pas que c'est parce qu'on n'avait pas d'autre façon d'expliquer la mort ? On sait aujourd'hui que la mort est la perte des fonctions vitales du corps. Ne pensez-vous pas que les investigations scientifiques dans le domaine médical, menées au siècle dernier, permettent de se passer de l'ancienne croyance religieuse en la présence d'une âme chez l'être humain et au départ de cette âme lors de la mort ?
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Réponse :
Un 'âlim indien, Cheikh Mujâhid ul-islâm al-qâssimî, écrit qu'il existe plusieurs niveaux de vie :
1) la vie cellulaire : les cellules qui composent notre corps vivent ;
2) la vie tissulaire : un ensemble de cellules constitue un tissu, qui possède lui aussi un type de vie ;
3) la vie organique : un ensemble de tissus forme un organe – cœur, foie, cerveau, etc. –, qui, lui aussi, vit ;
4) la vie pendant un profond sommeil ou pendant le coma ; l'individu est toujours vivant bien que certaines de ces activités soient au ralenti ;
5) la vie de l'individu lorsque celui-ci est pleinement conscient ; ici la vie est ce qu'on connaît.
Les trois premiers niveaux de vie, écrit ce savant, n'impliquent pas, à eux seuls, "la vie de l'individu". En effet, ces niveaux restent acquis durant un certain temps même après la mort de l'individu. C'est bien pourquoi les médecins peuvent, techniquement parlant, procéder au prélèvement de certains organes (destinés à être greffés) de l'individu venant de mourir (Dimâghî maut o hayât kâ mas'ala, article en langue urdu).
Ceci d'une part.
D'autre part, contrairement aux allégations de matérialistes contemporains, le fait que la présence et l'absence de vie soit mesurable médicalement parlant par l'existence ou l'absence d'activité cérébrale n'est pas une preuve nécessaire de l'absence d'une âme immatérielle, siège de la conscience et considérée comme telle depuis des temps très anciens dans une multitude de cultures, et également par l'islam. Si la science ne peut pas confirmer l'existence d'une telle entité chez l'homme, elle ne peut non plus infirmer son existence, puisqu'il s'agit de quelque chose qui ne relève pas de la dimension matérielle. Par rapport au point de vue scientifique, rien n'empêche donc que l'arrêt de l'activité cérébrale soit concomitant au départ de l'âme immatérielle.
Après avoir relaté une centaine de cas de NDE (near death experience) – où des femmes et des hommes se sont retrouvés, après un accident, comme flottant en l'air et observant leur propre corps quelques instants, avant de réintégrer celui-ci –, le Dr Raymond Moody pose la question : "Tous ces gens étaient-ils réellement morts ?" Il explique ensuite que répondre à cette question demande que l'on établisse une définition stricte de la "mort". Or, on sait aujourd'hui que la définition que l'on en donnait hier relève plus de ses signes extérieurs et visibles : absence de battements du cœur, dilatation des pupilles, baisse de la température du corps, etc. On sait aujourd'hui que la mort n'est pas l'arrêt des battements du cœur ; en effet, il arrive que ces battements soient entretenus artificiellement, par des machines, alors que le patient est bel et bien mort (cliniquement).
Ce qui est certain, c'est que même si aucun signe de "vie" n'était en apparence décelable, les personnes ayant vécu une NDE n'avaient pas atteint la "mort" dans la réalité. En effet, elles n'avaient pas atteint le point de non-retour (perte irréversible des fonctions vitales). Moody écrit : "Même lorsque le cœur avait cessé de battre pendant un laps de temps prolongé, il fallait bien que les tissus du corps et notamment le cerveau aient été en quelque manière irrigués (fournis en oxygène et alimentés)". Il n'y a donc pas eu "violation des lois biologiques et physiologiques". "Néanmoins, il semble actuellement impossible de déterminer exactement où se situe le point de non-retour. Il peut varier selon les individus ; ce n'est sans doute pas un point fixe, mais plutôt une limite variable au long d'une ligne continue. Il est certain que les gens auxquels j'ai eu affaire n'auraient pas pu être ramenés à la vie il y a quelques dizaines d'années."
"Examinons maintenant, dit-il, l'hypothèse selon laquelle la mort consisterait en une séparation de l'esprit et du corps, l'esprit passant au cours de cet instant à un autre mode d'existence. Il s'ensuivrait qu'un mécanisme – quel qu'il soit – existe par lequel l'âme ou la conscience est libérée au moment de la mort. Or, nous ne possédons aucune donnée fondamentale permettant d'établir avec certitude que ce mécanisme fonctionne en complet accord avec ce que nous considérons (de notre point de vue, et assez arbitrairement) comme le point de non-retour. Nous ne pouvons pas davantage présumer que son fonctionnement soit parfait dans tous les cas, plus que n'importe quel système organique. Il se peut que le mécanisme en question se déclenche occasionnellement avant que n'intervienne la crise physiologique décisive [= le point de non-retour], procurant de la sorte à quelques individus de brefs aperçus vers d'autres réalités. Cette éventualité permettrait de mieux comprendre les témoignages de ceux qui se sont trouvés hors de leur corps, ont assisté au film de leur existence, etc., à l'instant où ils se croyaient certains de perdre la vie, alors même qu'ils n'avaient pas encore [atteint le point de non-retour]" (La vie après la vie, Dr Raymond Moody, 1975, traduction française Robert Laffont, Paris 1977, pp. 164-169).
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Deux perspectives différentes mais pas antinomiques :
Nous inspirant de ce qu'a écrit Cheikh Mujâhid ul-islâm dans l'article dont nous avons reproduit une partie plus haut, nous pouvons dire en conclusion qu'il est possible de concilier les affirmations scientifique et islamique à propos de l'âme et de la mort.
Bien sûr, les scientifiques disent que la mort se mesure au fait d'atteindre la crise physiologique qui constitue le point de non-retour.
Bien sûr, les musulmans disent que la mort consiste en la séparation de l'âme et du corps.
Mais il s'agit de deux descriptions d'une même réalité.
Si ces descriptions sont différentes, c'est parce que la médecine n'a pas comme objet de ses investigations l'âme – qui est immatérielle –, et parce que la religion n'a pas comme objet de ses investigations l'aspect physiologique du cerveau. Ce sont donc en fait les perspectives qui sont différentes.
Mais étant donné qu'il s'agit d'une seule et même réalité, on peut concilier ces deux affirmations en disant que c'est lorsque le point de non-retour (perte irréversible des fonctions vitales) est atteint (pour des causes physiques – comme dans le cas d'un choc violent – ou non – comme dans le cas d'une mort naturelle) que se produit la mort de l'individu en tant que tel – la fin de l'activité cérébrale, dont parle la médecine –, et qu'alors son âme immatérielle – dont parle l'islam – quitte son corps.
Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).