Peut-on revendre quelque chose avant d'en prendre possession (بيع ما لم يقبضه) ?

Question :

Peut-on revendre immédiatement à une tierce personne une marchandise qu'on a achetée par téléphone ?

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Réponse :

La vente est le fait de rendre quelqu'un propriétaire d'un bien en échange d'un autre bien.

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3 étapes existent lors de la vente-achat :

Etape 1) Le fait d'avoir conclu la vente /achat (al-'aqd), ce qui entraîné le transfert de propriété.

Etape 2) Le fait que le vendeur a rendu possible à l'acheteur de prendre possession de l'objet qu'il lui a vendu (takhliyat ul-bâ'ï' bayn al-mushtarî wa-l-mabî'). Par exemple le vendeur informe l'acheteur qu'il peut venir, dès maintenant et quand il le veut, récupérer l'objet qu'il lui a vendu, lequel se trouve dans son garage de sa maison ; il lui dit qu'il n'aura qu'à appeler quand il sera arrivé devant la maison, et on viendra alors lui ouvrir immédiatement.

Etape 3) Le fait que l'acheteur a réellement pris possession de l'objet qu'il a acheté (qabdh ul-mushtarî 'ala-l-mushtarâ).

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Maintenant, pour pouvoir revendre un bien donné, il est nécessaire qu'on en soit propriétaire et qu'on en ait pris possession.

Première condition : Etre propriétaire du bien :

Pour pouvoir vendre un bien, il faut qu'on en soit propriétaire (mâlik). Lire à ce sujet notre article Peut-on vendre ce qu'on ne possède pas encore (bay'u mâ lâ yamlik) ?.

Pour devenir propriétaire d'un bien, on peut en avoir hérité, l'avoir obtenu par un don, ou on peut l'avoir acheté. Parmi les conditions de la validité de l'achat se trouve le consentement des deux parties à conclure cette vente. Ce consentement peut être verbal ("je vends – j'achète"). Mais il peut tout aussi bien être tacite (le fait de prendre la marchandise présente sur les étalages d'un magasin et d'en payer le prix au vendeur constitue une preuve de consentement, même si aucun mot n'a été prononcé). D'après certains ulémas (ash-Shâfi'î et Ahmad), les deux parties ont également le droit de se rétracter tant qu'elles ne se sont pas encore séparées (ces savants fondent cet avis sur un hadîth).
Une fois que la vente a été conclue, l'acheteur est devenu propriétaire du bien que proposait le vendeur (par exemple son livre). Est alors à la charge (fi-dh-dhimma) de ce propriétaire de s'acquitter du prix, c'est-à-dire du bien qu'ils avaient convenu de donner en contrepartie (par exemple 4 €).

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Seconde condition : Prendre ce bien en sa possession (qabdh) :

Pour pouvoir revendre le bien qu'on a acheté, il est également nécessaire qu'en plus d'en être le propriétaire, on l'ait aussi pris en sa possession. En effet, on ne peut pas revendre un bien qu'on a déjà acheté mais qu'on n'a pas encore pris en sa possession.

Pourquoi cela ?

Parce que l'islam exige que, pour pouvoir retirer d'une vente un bénéfice, le commerçant en supporte aussi les risques de perte ("عن عبد الله بن عمرو أن رسول الله صلى الله عليه وسلم قال: لا يحل سلف وبيع، ولا شرطان في بيع، ولا ربح ما لم يضمن، ولا بيع ما ليس عندك", rapporté par at-Tirmidhî, 1234).

Or ici le commerçant ne supporte aucun risque de perte.

En effet, la règle est que si un bien avait déjà été vendu mais que le vendeur n'avait pas encore fait le nécessaire (pas encore fait takhliya) pour que l'acheteur le prenne en sa possession, et que ce bien a alors été détruit (par un sinistre – feu, etc. –, ou par un acte malheureux du vendeur), alors la destruction du bien se fait aux dépens du vendeur, la vente est annulée et l'acheteur n'a rien à payer au vendeur.

Or celui qui achète un bien et le revend avant de l'avoir pris en sa possession (pas encore fait qabdh), celui-là donne une somme d'argent au vendeur, et, sans rien prendre de risque, reçoit une somme d'argent plus grande. Ceci apparente la transaction à de l'intérêt (comme l'a dit Ibn Abbâs : "عن ابن عباس رضي الله عنهما أن رسول الله صلى الله عليه وسلم نهى أن يبيع الرجل طعاما حتى يستوفيه. قلت لابن عباس: كيف ذاك؟ قال: ذاك دراهم بدراهم، والطعام مرجأ" : al-Bukhârî, 2025).
Par le grand nombre de transactions successives – qu'elle permet, cette forme de commerce (un coup de fil pour acheter, un autre immédiatement après pour vendre) conduit à une surmultiplication artificielle des prix. L'islam y met donc un frein en rendant nécessaire pour celui qui est devenu propriétaire du bien, de le prendre en sa possession (qabdh) avant de pouvoir le revendre à quelqu'un d'autre.

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Et qu'en est-il si le vendeur avait déjà fait takhliya (l'étape 2 était déjà réalisée) mais c'est l'acheteur qui n'avait pas encore fait (l'étape 3 n'était pas encore réalisée) qabdh ? L'acheteur peut-il alors revendre le bien qu'il a acheté ?

Si c'est après l'étape 2 mais avant l'étape 3 que le bien est détruit, alors sa destruction sera aux dépens de l'acheteur d'après l'école hanafite ("فالتسليم والقبض عندنا هو التخلية. والتخلي وهو أن يخلي البائع بين المبيع وبين المشتري برفع الحائل بينهما على وجه يتمكن المشتري من التصرف فيه؛ فيجعل البائع مسلما للمبيع، والمشتري قابضا له؛ وكذا تسليم الثمن من المشتري إلى البائع" : Badâ'i' us-sanâ'i').

Mais cela implique-t-il que, au moins d'après l'école hanafite, l'acheteur puisse se suffire de cette étape 2 pour revendre le bien, sans devoir attendre l'étape 3 ?
Je ne sais pas (لا أدري).

En fait, à adopter comme pivot (manât) de l'interdiction de revendre la marchandise que l'on vient d'acheter : "le fait que l'acheteur n'ait pas encore pris cette marchandise sous sa responsabilité (dhamân)", alors : vu que le vendeur a fait takhliya, la marchandise est sous la responsabilité de l'acheteur ; le raisonnement (qiyâs) voudrait que cet acheteur puisse revendre la marchandise.
Cependant, ce que le hadîth dit est qu'il faut attendre l'étape 3 : avoir dûment pris possession de la marchandise achetée.

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Comment procéder pour prendre possession d'un bien ?

Tout dépend du type de bien dont il s'agit.

S'il s'agit d'un bien qui peut être emporté :
---- a) il peut s'agir du fait que l'acheteur prenne ce bien dans sa main ;
---- b) il peut également s'agir du fait qu'il le prenne par l'intermédiaire de quelqu'un à qui on a donné procuration (par exemple son agent commercial, ou son employé) ;
---- c) il peut s'agir également du fait que le vendeur ait placé ce bien dans le sac ou dans le dépôt de l'acheteur, avec la permission de celui-ci ;
---- d) il peut également s'agir du fait que le vendeur informe l'acheteur qu'il a débarrassé le bien vendu de tout ce qui pouvait entraver sa livraison (ceci est notamment le moyen de prendre possession d'un bien qui est lourd).

S'il s'agit d'un bien immeuble :
---- a) il peut s'agir du fait que le vendeur débarrasse ce bien de tout ce qui pouvait entraver sa livraison à l'acheteur (par exemple que le vendeur le débarrasse de la présence d'objets lui appartenant) ;
---- b) il peut s'agir, plus simplement, du fait que le vendeur remette la clé à l'acheteur.

S'il s'agit d'un bien immatériel (par exemple des actions dans une société) :
---- a) il peut s'agir du fait que le vendeur remette à l'acheteur le certificat de propriété.

Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

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