Question :
Anas vend à Yahia une voiture pour 10 000 €, payables à crédit sur un an. Puis Yahia, disant regretter l'affaire, propose à Anas de lui revendre la voiture pour 8 000 € payables comptant. Anas peut-il accepter ? Cela est-il permis en islam ?
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Réponse :
Cette double vente avec retour au vendeur et modification du prix est connue en droit musulman sous le nom de "bay' ul-'îna".
A regarder le résultat concret, on s'aperçoit que la voiture est retournée auprès de son propriétaire initial – Anas –, et que, au cours des deux échanges, Yahia a bénéficié d'un prêt de 8 000 € qu'il remboursera sur un an au montant de 10 000 € ! Il y a en fait risque (tuh'ma) que ces deux personnes se soient mises d'accord pour dissimuler un prêt classique à intérêt sous la forme d'une vente que l'un d'entre eux regrette. Or l'intérêt perçu sur un prêt (riba-l-qurûdh) est interdit en islam.
D'après Abû Hanîfa et Mâlik, cette forme de vente est donc interdite, conformément à ce qu'une parole de Aïcha dit à son sujet. L'authenticité de cette parole (rapportée par Ahmad, Abd ur-Razzâq, etc.) fait l'objet d'avis différents. Ibn Abbâs et Anas ibn Mâlik ont eux aussi émis comme avis que ce type de vente était interdit.
D'autres formes de ce type de double vente peuvent être réalisées qui conduisent au même résultat : la somme à verser est plus élevée du côté du crédit. Ces autres formes sont également interdites, car il y a présomption d'intérêt (riba-l-qurûdh). Lire notre article traitant de la hîla.
Pour que ce type de revente au premier propriétaire soit autorisé, il faut qu'il n'y ait pas présomption d'intérêt. Aussi :
- si une des deux sommes est payable à crédit et l'autre au comptant, il faut que le montant supérieur soit du côté de la somme payable au comptant et non pas du côté de la somme payable à crédit ;
- si les deux sommes sont payables à crédit, l'échéance de l'une étant plus lointaine que celle de l'autre, il faut que le montant supérieur ne soit pas du côté de la somme payable à la plus lointaine échéance (Bidâyat ul-mujtahid, 3/246) ;
- et si la première somme était payable au comptant et la seconde l'est aussi, alors, pour une variation du prix, il faut que la première somme ait déjà été remise à celui qui a été vendeur (Al-Hidâya, al-Marghînânî, tome 3).
Au cas où la condition voulue n'est pas remplie, le bien doit être revendu à celui qui a été vendeur au même prix que celui auquel il lui avait été acheté.
Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).