Question :
La vente d'un terrain est-elle valable avec la condition suivante : "Réservez-moi ce terrain et donnez-moi dix jours pour me décider. – D'accord, mais versez-moi des arrhes : donnez-moi cinq mille euros pour le moment. Si vous décidez finalement de prendre le terrain, ces cinq mille euros seront comptés comme une partie du prix à payer pour le terrain. Et si vous vous désistez, les cinq mille euros resteront miens".
-
Réponse :
Ce genre de condition concerne ce qui s'appelle le versement d'arrhes. Cela est-il autorisé ou interdit ?
Il existe un Hadîth disant que "le Prophète a interdit les arrhes" (rapporté par Abû Dâoûd, an-Nassâï, etc.).
Un autre Hadîth rapporte que "le Prophète, questionné au sujet du versement d'arrhes, l'a déclaré permis" (rapporté par Abd ur-Razzâq dans Al-Mussanaf). Les spécialistes du Hadîth sont cependant d'avis que de ces deux Hadîths, aucun n'est authentique.
Reste donc l'analyse du procédé à la lumière des principes juridiques (illa). Et les avis des juristes musulmans ont été divergents par rapport à cela…
Selon Mâlik, Abû Hanîfa et ash-Shâfi'î, la condition du délai de réflexion avec versement d'arrhes est interdit, car, au cas où l'acheteur se décide prendre le bien, le vendeur compte la somme versée comme une partie du prix à payer, mais au cas où l'acheteur se désiste, le vendeur garde cette somme sans aucune contrepartie. Shâh Waliyyullâh écrit qu'il y a une transaction de type "de hasard" (fîhi ma'na-l-maysir) (Hujjat ullâh il-bâligha, tome 2 p. 288) : en effet, l'un verse de façon certaine un bien, mais le versement de l'autre partie n'est pas certain. Cliquez ici pour lire notre article au sujet de la "vente de hasard".
Par contre, selon l'école hanafite par exemple, la condition du délai de réflexion sans arrhes est autorisée ("khiyâr ush-shart"). Selon Abû Yûssuf et Muhammad ibn al-Hassan, le délai peut être supérieur à trois jours. De même, le vendeur peut stipuler la condition suivante : "Je te donne dix jours pour te décider. Si dans dix jours tu ne m'as pas réglé le prix, la vente sera résiliée". Cela est également permis d'après l'école hanafite ("khiyâr un-naqd").
Selon Ahmad ibn Hanbal, la condition du délai de réflexion avec versement d'arrhes est permise. Ibn ul-Qayyim est aussi allé en ce sens (A'lâm ul-muwaqqi'în), se fondant sur le fait qu'il semble que al-Bukhârî lui-même ait énoncé ceci dans son livre Al-Jâmi' us-sahîh. Al-Qardhâwî a aussi donné préférence à cet avis, de même que Mustafâ az-Zarqâ', qui a précisé qu'il était erroné de dire que le vendeur prend la somme d'argent sans rien en contrepartie : la somme d'argent est une contrepartie des occasions de vente que le vendeur a manquées à cause de celui qui avait réservé puis s'est désisté (Sharî'at ul-islâm sâliha lit-tatbîq fî kulli zamân wa makân, pp. 83-84). Wahbah az-Zuhaylî a donné préférence à cet avis à cause de l'usage ('urf), de même qu'il a rapporté que l'Académie du droit musulman (Al-Majma' ul-fiqh'hî al-islâmî) avait pris une résolution allant dans ce sens en 1994 (Al-Fiqh ul-islâmî wa adillatuh, p. 3435).
Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).