Est-il interdit à la musulmane de se rendre près d'une tombe ?

Question :

J'ai entendu dire qu'en islam la femme ne doit pas se rendre près d'une tombe. Est-ce vrai ?

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Réponse :

Il y a, chez les ulémas, différents avis sur le sujet, comme at-Tirmidhî le souligne dans son livre Al-Jâmi' us-Sunan (kitâb ul-janâ'ïz).

Cette différence d'avis provient du fait que différents Hadîths existent sur le sujet :

--- Hadîth 1) "Je vous avais défendu de visiter les tombes. Maintenant visitez-les ; elle(s) rappelle(nt) la mort" (rapporté par Muslim, n° 977). En effet, au début, le Prophète avait défendu aux musulmans de visiter les tombes pour éviter des actes d'idolâtrie, quand ils venaient de se convertir à l'islam ; il le leur a donc autorisé ensuite par le moyen de ce Hadîth.

--- Hadîths 2) Le Prophète a vu une femme pleurer sur la tombe de son enfant et, bien qu'il ait attiré son attention sur un autre point, il ne lui a pas interdit le fait qu'elle était près de cette tombe (rapporté par al-Bukhârî, n° 1223, Muslim, n° 962). Aïcha rapporté de même avoir questionné le Prophète : "Que dois-je dire à l'intention (des habitants des tombes), ô Messager de Dieu ? – Dis : "Que la paix soit sur vous, habitants de ces lieux, croyants et musulmans. Que Dieu fasse miséricorde à ceux d'entre nous qui sont partis avant et à ceux qui partiront après. Nous vous rejoindrons, si Dieu le veut" (rapporté par an-Nassâ'ï, n° 2037).

--- Hadîth 3) Le Prophète a dit qu'étaient "éloignées de la miséricorde divine les femmes qui visitent abondamment les tombes" (rapporté par at-Tirmidhî, n° 1056).

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Selon leur façon de concilier ces trois groupes de Hadîths, différentes opinions sont apparues parmi les ulémas...

--- Certains ulémas sont de l'avis suivant (et c'est cet avis qui est retenu par la plupart des hanafites) :
Comme le rappelle le Hadîth 1, la visite des tombes était interdite aux femmes comme aux hommes, et ensuite le Prophète l'a permise. Mais le Hadîth 3 interdit aux femmes de visiter les tombes ; le Hadîth 1 reste donc restreint aux hommes, et la permission qu'il accorde ne concerne pas les femmes.

--- Selon d'autres ulémas :
Le Hadîth 3 avait été dit au moment où la visite des tombes était interdite aux femmes comme aux hommes. Quand le Hadîth 1 est ensuite venu abroger cette interdiction, il l'a fait aussi bien en ce qui concerne les hommes que les femmes. C'est bien pourquoi, disent ces érudits, comme on le voit dans les Hadîths 2, le Prophète n'a pas interdit à la femme qui pleurait le fait qu'elle soit près de cette tombe, et n'a pas répondu à la question de Aïcha lui demandant ce qu'elle devait dire quand elle irait visiter les tombes en lui disant que toute visite était interdite.

--- D'autres ulémas encore (parmi lesquels al-Qurtubî, ash-Shawkânî, as-San'ânî) sont de l'avis suivant :
Le fait de visiter les tombes avait été interdit aux femmes comme aux hommes, puis le Hadîth 1 est venu abroger l'interdiction, et ce à propos des hommes, mais aussi - comme le montrent les Hadîths 2 - des femmes. Cependant, le Hadîth 3 date d'une période postérieure au Hadîth 1 (celu-là même venu permettre la visite des tombes pour les hommes comme pour les femmes) ; et ce Hadîth 3 est particulier par rapport aux Hadîths 2 : il institue une nuance dans l'autorisation donnée aux femmes pour les visites aux tombes : elles ne doivent pas effectuer des visites abondantes aux tombes ; restent donc permises les visites faites de temps à autre.

Source : Ahkâm ul-janâ'ïz wa bida'uhâ, al-Albânî, pp. 229-237.

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Il faut ici rappeler par rapport au second et au troisième avis que la présence d'hommes et de femmes demande le respect d'un certain nombre de limites, parmi lesquels les tenues vestimentaires correctes, et l'absence de bousculades et de frôlements (al-muzâhama) (pour plus de détails, voir mon article Des règles pour la présence d'hommes et de femmes). Le respect de ces règles est d'autant plus nécessaire ici que l'objectif des visites aux tombes est de se rappeler l'échéance de la mort. Ceux qui pratiquent le second ou le troisième avis ne sauraient se passer des impératifs de leur foi, surtout à un moment prévu pour rappeler la brièveté de la vie terrestre et la nécessité de faire les actes de bien pour préparer sa vie de l'autre monde.

Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

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